Elle désirait partir. C’était ce qu’il avait compris, c’était ce qui l’effrayait aussi. La pluie continuait de battre contre le toit, il pouvait l’entendre d’ici. Il avait envie de la retenir, de lui attraper la main, de lui dire qu’elle était en sécurité ici, que ses vêtements n’étaient certainement pas secs... d’ailleurs l’étaient-ils ?
Il allait lui donner les vêtements qu’elle portait sur le dos si elle souhaitait vraiment partir quoi qu’il en soit, il ne la laisserait pas trainer dans les rues à cette heure et sous cette pluie. Mais comment lui dire ?
Elle avait parlé de son orchidée avec tant de tendresse, il aurait aimé qu’elle en ait autant pour elle-même. Il avait remarqué les traces sur ses avant-bras, ça lui avait tordu le bide un instant. Machinalement il se mordait la lèvre, là où se trouvait le piercing, tentant de cacher qu’il était anxieux, car la situation le mettait mal à l’aise. Parce qu’il n’avait pas envie qu’elle prenne mal ce qu’il allait dire. Mais il fallait bien qu’il se lance.
Se redressant en plantant son regard dans le sien il parlât d’un ton ferme et résonné, une voix différente de celle dont il avait l’habitude, une voix qui sortait de sa poitrine plus que de sa gorge, car il était sérieux, très sérieux.
« Ce serait mieux que tu restes jusqu’à ce que la pluie s’arrête. Si tu es fatiguée tu peux prendre la chambre. Je peux dormir sur le canapé. » Il s’arrêta un instant et observa la peluche ses yeux balayant l’affreuse cicatrice qu’il avait faite au panda.
« On a tous besoin de se reposer parfois. Le panda, l’orchidée et toi aussi… Tu iras là où tu dois aller demain si c’est ce que tu veux vraiment. »
Sur ces derniers mots, il tourna le dos à Yune et se dirigea vers la salle de bain sans mots. Il comptait vérifier que les affaires de la jeune fille étaient bien sèches, dans la pièce, l’humidité saturait tout, il restait encore quelques heures aux affaires pour qu’elles soient totalement sèche. Posées sur une étagère, deux bandanas attirèrent l’attention de KC qui s’en empara d’une main avant de revenir d’un pas décidé, concentré, sans rien dire et serrant les dents dans le salon.
Avec de grands gestes il enroula le bandana jaune autour du coup du panda afin de cacher l’affreuse couture, et il tandis le blanc à Yune.
« Tiens, celui là il est pour toi. Quand tu as envie de cacher quelque chose, ça fonctionne mieux que les masques ou les manches, et je ne te poserai pas de questions... tes affaires sont encore humides d'ailleurs. »
Sans regarder la jeune fille, le garagiste se dirigea vers la cuisine et commençât à se servir à son tour un lait chaud. Il n’aimait pas être comme ça, aussi directif, cela le gênait. Mais elle n’avait pas l’air de se rendre compte à quel point il était inquiet, alors il préférait prendre un peu ses distances.

 Y a un changement d'atmosphère d'un coup, Yune le remarque assez vite. Elle comprend pas pourquoi Kyung Chul est mal à  l'aise. Une nouvelle fois, elle remarque qu'il joue avec son percing. Une nouvelle fois, elle a envie de lui dire d'arrêter. Mais rien ne sort de ses lèvres, avec quel droit elle devrait lui dire d'arrêter; ils se connaissent juste du dark; y en a eu des discussions. Pouvoir parler de ce qui les ronges; de cette maladie qui les a prit au dépourvu. Yune; elle pense pas être malade. Son poid est trop bas pour son âge, mais c'est rien. Les malaises c'est rien aussi.

Mais ce n'est pas rien pour la coréenne de le voir stressé ou pire énervé. Elle croit qu'elle a dit ou fait quelques choses de mal. Elle comprend pas encore le chamboulement dans la vie du garagiste et dans la sienne. Le ton est plus froid, plus serieux. Yune le fixe sans oser bouger. Elle hoche simplement la tête comme elle sait si bien le faire. Yune; elle sait pas dire non; on lui a pas apprit. Elle ne peut empêcher son regard de suivre les paroles, regardant sa peluche dans ses bras, l'orchidée sur la table avant de hocher la tête.

Tétanisée ? Non, juste surprise. Elle comprend pas pourquoi. Elle sait pas ce que sait d'avoir une personne qui prend soin d'elle, qui s'inquiète réellement pour elle. Mal à l'aise, Yune, elle gigote dans le divan, resserrant encore plus fort Monsieur Pan contre elle.

La peluche lui est enlevé de sa poigne durant un instant. Yune le regarde faire, ne disant mot. Un bandana jaune se retrouve autour du cou du panda. Et Kyung Chul lui tend un blanc.

Caché ? Il parle de quoi ? Et c'est là qu'elle comprend. Il a vu ? Non, impossible. Elle l'a cachée avec la manche du sweat. Elle lui lance un regard indechiffrable avant de tirer sur la manche pour qu'il ne voit pas le mot monstre écrit sur sa peau.

Il lui tourne le dos, Yune relève la manche pour voir si elle peut réellement cacher l'inscription avec le bandana. Elle arrive pas à faire le nœud. Et elle ne va pas le déranger pour si peu. Il aurait pas du voir, c'était son secret à elle, le rappelle de ce qu'elle est. Au bout de quelques secondes, Yune, elle décide de tout poser sur la table. Et elle regarde le dos de Kyung Chul avant de se décider.

Timidement, elle s'approche de lui. Elle hésite, elle tremble même. C'est là première fois que la jeune femme va faire ce geste. Doucement, elle passe ses bras autour de la taille de l'homme, et pose sa tête contre son dos. Elle a toujours voulu le faire, mais à qui ? "Merci" un seul mot qui veut dire beaucoup. Merci d'être là, merci de ne pas poser de question, merci de me laisser rester cette nuit.

Elle pleure, Yune, la tête enfuie dans le bleu de travail de son KC, pas de tristesse, pas de joie. Juste que c'est la première fois depuis si longtemps que quelqu'un fait attention à elle.

Elle reste ainsi quelques secondes, ses bras tremble en le serrant. La peur qu'il la repoussé, alors qu'elle a dû prendre sur elle pour ce simple geste. Puis, elle relâche l'étreinte. Retourne sur ses pas, s'installe de nouveau dans le sofa. Elle se mordille la lèvre, a l'endroit ouvert, mais elle n'y fait pas attention. De nouveau Mr. Pan dans ses bras, elle le sert contre elle. Enfuie sa tête dans le pelage de la peluche. " Je vais dormir dans le divan. Après tout, c'est chez lui, elle est qui pour lui prendre son lit ?

Les tripes de Kyung Chul se sert, il n’arrive presque plus à respirer, il a l’impression que tout ses muscles se sont contractés en même temps. Ce n’était pas une réaction normale pour lui, au contraire, il essayait d’être le plus calme et le plus doux possible, et on ne peut pas dire que ce soit la force de colibri de la demoiselle qui était la cause de ce sentiment étrange qui l’envahissait. Il n’osait plus rien dire, il n’osait plus bouger. Pourquoi donc lui disait-elle merci alors qu’il venait de s’énerver ? Sa voix était douce, comme un murmure, toujours cette mélodie, avec juste quelques syllabes. Il avait envie de se retourner et de la prendre dans ses bras, de lui dire que tout allait bien, qu’elle était chez elle comme chez lui. Il savait que Chin Ho recueillait les chats du quartier, certains lui laissaient même des griffures pas très jolies à voir, elle, elle réouvrait aussi une blessure. Son corps si mince s’éloignât de lui sans qu’il n’eût le temps de faire quoi que ce soit et il sentit ses muscles se détendre. Il décida de terminer comme si de rien était sa boisson, restant concentré, essayant de se remettre les idées en place. Il a bien senti qu’elle pleurait, sa gorge n’arrivaient plus à se détendre tellement elle le prenait aux tripes.
« Yune… » commençât-il en se retournant finalement vers elle, sa tasse dans la main, reprenant une contenance. Mais déjà elle recommençait à dire des bêtises. KC soupira et se dirigea vers le canapé en secouant la tête. Non il n’allait certainement pas la laisser dormir sur le canapé, surtout pas après la nuit qu’elle venait de passer. Elle était déjà toute cassée, il avait envie de l’enrouler dans du papier bulle et de la laisser guérir loin du monde, d’en prendre soin car c’est de ça dont elle semblait manquer le plus, de quelqu’un qui s’occupe correctement d’elle. Il avait connu ça, il connaissait ce sentiment de ne pas se sentir parfaitement chez soi, de ne pas se sentir parfaitement soi dans son propre corps.
« Non tu ne dormiras pas sur le canapé. » dit-il en gardant le ton le plus détendu possible bien que cela lui semble en réalité bien plus complexe à penser qu’à faire.
Il s’assit sur le canapé, non loin d’elle et plongea son regard dans le sien. Ses yeux étaient des demi-lunes humides cerclées de noir.
« Tu prends la chambre, j’ai encore du travail de toute façon. » articulat-il avant de prendre une gorgée de la boisson réconfortante. Il observa encore un instant la peau couleur de miel de la jeune femme avant de reporter son attention sur le panda qui se trouvait dans ses bras.
« Tu as un bon gardien avec toi, tu ne devrais pas faire de cauchemars cette nuit. » dit le garagiste avec un sourire avant de se laisser aller contre le dossier du canapé, levant la tête vers le plafond.
Il l’avait toujours su, quelque part au fond de lui, que cette journée arriverait, celle où il serait démuni face à elle, parce que depuis leurs rencontres sur le DARK VICE, depuis les premiers messages, elle lui avait volé plus de sourires et de mots que toutes les autres réunies.

Monsieur Pan dans ses bras, Yune, elle cherche du réconfort. Dans sa tête, elle va partir. C'est logique après tout. Nul n'a vraiment réellement fait attention à elle, et personne ne fera attention à elle. Y a que la peluche qui arrive à lui donner un semblant d'existence en douceur. Quand Kyung Chul, la demoiselle lève son regard vers lui, le coupant dans sa phrase. Il est déjà gentil de la laisser dormir ici. Et le canapé à l'air confortable. Puis c'est son lit à lui. Il s'installe pas loin d'elle, elle qui a sa tête à moitié caché par la peluche, ne laissant apercevoir que son regard humide.

" Mais " Il reprend, sans quitter son regard. Et bien entendu elle secoue la tête de droite à gauche avant de déclarer forfait. Au mot cauchemar, Yune serre un peu plus le panda contre elle. Aussi loin qu'elle s'en souvienne, ils ont toujours peuplés ses nuits. Même en ayant un bon gardien comme il dit. Mais elle ne dit pas, serrant juste un peu plus la peluche contre elle. Puis un silence, pas pesant. Juste le silence.

Timidement, Yune, relâche sa prise. Elle se penche un peu pour le voir les yeux fermés appuyé contre le dossier du divan. A genoux, elle se penche vers lui; leur visage n'étant pas loin l'un de l'autre. De son regard toujours humide, elle le regarde, souriant faiblement. Avant de lui dire "Toi aussi, tu devrais dormir. " Elle reste là, à quelques centimètres de lui, haussant un sourcil avant de se cacher derrière sa peluche en sentant ses joues rougir. Un coup de froid, certainement. Elle ne bouge pas, juste cacher son visage. " Le divan est pas confortable. " On lui a jamais dit que ce n'était pas correcte qu'un homme et une femme dorme dans le même lit. Et puis même on lui aurait expliqué, Yune, par moment, elle en fait à sa tête. " Je prends pas beaucoup de place, tu verras pas que je suis là." Et doucement, elle ressort sa tête de derrière la peluche. Plongeant son regard dans celui de Kyung Chul...

Kyung Chul la regarde, il sourit doucement. Il comprend d’un coup qu’elle n’a aucune idée de ce qu’elle doit faire, peut faire, de ce qu’elle représente. Elle est trop jolie, trop mince, trop une enfant encore. Il a mal au ventre de la voir ainsi et il s’imagine ce qui pourrait arriver si elle était tombée sur quelqu’un d’autres que lui dans le DARK VICE. Cette boite qu’il avait participé à fabriquer accueillait tous les chats et les chiens errants. Pas que lui-même n’en soit pas un, il était à bien des égards tout aussi perdus, mais il savait qu’il y avait pire, bien pire derrière leurs écrans.
Elle est là au-dessus de lui, il ne s’est pas assoupi, il a juste pris le temps de reposer ses yeux. Il l’attrape par les épaules et la fait s’asseoir doucement à côté de lui. Elle était proche, trop proche et il pouvait sentir son odeur sur elle. Doucement, il lui remet une mèche de cheveux derrière l’oreille et la regarde, longuement. Yune à des yeux magnifiques, et un visage harmonieux, il pourrait perdre sa journée à l’observer comme on regarde les statues dans un musée, mais elle n’est pas une statue, elle est une jeune fille qui a besoin de repos.
« J’ai encore du travail. » lui dit il doucement. Il aimerait l’accompagner, qu’elle s’endorme dans ses bras, être certain qu’elle ne fasse pas de cauchemars, être certain qu’elle n’ait pas froid, être certain qu’elle n’ait besoin de rien. Mais il ne veut pas s’imposer, il ne doit pas s’imposer. Il sait déjà où se trouve le double des clefs de l’appartement. Il faudra qu’il prévienne son équipe aussi de ne pas débarquer dans le salon pour le petit déjeuner sans prévenir demain, car il ne veut pas qu’elle prenne peur.
Le garagiste se lève, enfilant un pull en maille bleue marine qui se trouvait sur le dos d’une chaise. Il regarde l’orchidée en coin et va vers son téléphone puis revient vers la plante et la prend en photo.
Sur son écran, elle affiche de petites informations, son application fonctionne, elle lui donne des données sur les feuilles, les fleurs, un petit gadget qu’il façonne depuis plusieurs mois pour aider les propriétaires de plantes. Il prend le pot et place la fleur là où elle se sentira le mieux dans la pièce d’apprès son application. Le hacker est fier, le garagiste sourit, Kyung Chul tend son téléphone vers Yune pour lui montrer le petit écran lumineux.
« Regarde, elle se sentira bien ici, d’après les informations elle aura besoin d’un drainage dans deux jours. Il faudra que tu restes au moins jusqu’à ce qu’elle soit complétement remise.»
Son sourire barre son visage, un visage trop large, aux yeux étroits, à la peau caramel, un visage qui passe inaperçu dans une foule et qui pourtant trahis de tous ce qu’il a déjà vécu, les lourds cernes entourant ses yeux toujours fatigués. Il a envie qu’elle reste, mais il ne la retiendra pas, alors peut-être que la fleur le fera.

 Son visage, près, peut être trop près, Yune ne s'attendait pas à croiser le regard de Kyung Chul. Ils sont si proche, de sa faute. Son regard se pose sur les lèvres, avant de remonter vers les yeux de KC. Il replace une mèche de ses cheveux derrière l'oreille, et les joues de la demoiselle prennent une jolie teinte rosée. Elle se perd dans les yeux sombres qui l'observe. Leur souffle se mélange, et le sentiment étrange est toujours présent.  

Il ment, elle en est certaine. Elle voit les cernes sous son regard. Elle reconnaît les traits tirés d'une personne qui a besoin de repos. Chaque fois qu'elle se regarde dans un miroir. Les yeux sont le reflet de l'âme. Yune, elle reconnaît la douleur dans ceux de Kyung Chul, elle voudrait le lui enlever, juste pour le remercier de l'aider, de l'héberger pour ce soir, cette nuit.

Il se lève, et Yune à froid. Elle resserre Mr. Pan contre elle, essayant de se réchauffer sans l'inquiéter. Elle l'épie, le détaille, ne le lâche pas du regard. Un chaton apeuré qui découvre le monde, voilà ce qu'elle est. Elle l'observe, Yune, toujours sur ses gardes.

L'écran du téléphone devant ses yeux, Yune, elle lit les informations. Son orchidée, c'est vraiment son orchidée avec toutes les informations. Elle lève son regard surpris vers lui. Avant de ... mordiller sa lèvre blessée. Deux jours ? elle veut pas le déranger. Et puis, elle a pas de vetements sauf ceux qu'elle portait sur elle en arrivant. " Je veux pas déranger. murmure-t-elle en retenant un bâillement. Et y a le sourire de Kyung Chul, ce genre de sourire qui réchauffe le cœur de la demoiselle. Le genre de sourire qu'elle souhaiterait revoir souvent. Yune, elle ose pas dire oui, dire non. Elle est juste perdue. Doucement elle hoche la tête de bas en haut. Juste car elle est en sécurité.

Le bâillement reprend. Elle lâche d'une main Mr. Pan pour se frotter les yeux, laissant une trace de son mascara sous les yeux. Elle ferme les yeux, posant sa tête sur la peluche.