Il ne s’est jamais plains d’être du service de nuit. Bien au contraire, c’est même lui qui s’est proposé pour cette tranche horaire. Et ce pour deux raisons : la première, relativement évidente, concerne son métier principal. Être garagiste et qui plus est gérant de son propre garage lui prend la journée entière. Il ne peut se libérer qu’une fois ses rendez-vous achevés. Ensuite, tout simplement car il est depuis un toujours un oiseau de nuit. À préférer l’ambiance de la ville une fois la nuit tombée. Les gens montrent alors leurs vrais visages, laissant tomber leur masque. Finit la réglementation du boulot, finit l’hypocrisie de son statut social. On vit comme on le souhaite. Ainsi les clients que Seohyun voit défiler dans la supérette l’amusent et lui changent les idées. Les jeunes complètement ivres venant chercher des médicaments pour ne pas vomir, les salarymen venant chercher leur unique repas de la journée, et tant d’autres. Pourtant cette nuit-là, le brun a envie de rentrer chez lui. Le week-end va commencer, et il a des projets plein la tête. Alors plus vite il sera rentrer, plus vite il pourra rejoindre Morphée et donc se réveiller au petit matin. Jiwon est encore au vestiaire quand il termine de vérifier que tout est prêt pour leurs remplaçants. Il s’apprête à sortir, mais son visage vient se coller à la vitre de la porte électrique. Il grogne, comme à son habitude. Levant les bras, Seohyun tente d’activer la reconnaissance. Mais rien. Les portes restent closes. Sourcils froncés, il a à peine le temps de se retourner que la supérette se retrouve dans le noir complet. « … c’est une blague ? ». Soupirant, il regarde par les fenêtres et constate que la rue entière est prise par cette coupure d’électricité. Son téléphone ? Aucun signal. Début parfait d’un film catastrophe. « Jiwon, on a un problème ! » qu’il l’appelle depuis l’entrée. Pourquoi diable ce soir ?!

Encore une nouvelle nuit passée au konbini, bien que Jiwon commençait à être un peu plus à l’aise au travail, elle ne l’appréciait pas vraiment. Après avoir passé des années où ses seules occupations étaient de faire quelques devoirs et trainer sur Internet, la coréenne avait du mal à s’habituer à ce nouveau mode de vie. Devoir accumuler les siestes entre son travail au fast food et celui au konbini était loin d’être idéal, mais elle ne s’en plaignait jamais. Non, ce serait remettre en cause sa décision de tout quitter, maintenant, elle devait assumer ses choix.

Alors Jiwon était arrivée au travail avec le sourire, heureuse de pouvoir vivre comme elle le souhaitait, et elle comptait repartir avec ce même visage toujours aussi éblouissant. Mais un évènement était venu la contrarier. Alors qu’elle allait attraper son sac afin de quitter le konbini, les lumières s’étaient soudainement éteintes. La coréenne attrapa son téléphone dans son sac et activa l’option lampe torche afin de pouvoir trouver son chemin dans le bâtiment. Force est de constater que la batterie de ce dernier était presque vide elle se dirigea en dehors du vestiaire, cherchant son collègue dont le son de sa voix l’avait avertie de sa présence. Une fois face à lui elle soupira. “Qu’est ce que tu as encore fait ?” Paroles assez hypocrites de sa part, sachant qu’habituellement, c’était Jiwon qui faisait toujours des gaffes, mais elle ne pouvait pas s’empêcher d’être désagréable avec lui. C’était peut-être son air grognon qui l’agaçait tant, l’accusant de vouloir gâcher sa bonne humeur habituelle. Son habitude à juger trop rapidement les autres avait encore une fois fait effet, poussant la coréenne à détester Seohyun. Elle le regarda d’un air nonchalant. “Tu veux pas faire quelque chose au lieu de rester planté là ?” Jiwon, jeune femme qui fait toujours dans la délicatesse.

Vendeur dans cette supérette est un job relativement calme, Seohyun ne peut le nier. C’est l’une des raisons qui le pousse à venir travailler malgré ces horaires tardifs. Loin des coups de téléphone de son garage, des faux dramas de clientes venues simplement pour le voir, de la chaleur du soleil frappant dans sa cour. Ici dans ce konbini, il peut aller et venir dans les rayons lorsqu’un stock se doit d’être renfloué, il n’échange que de courtes et simples phrases aux clients, son portable reste silencieux jusqu’à la dernière minute. Alors des situations particulières, il n’en a jamais vécu depuis son recrutement. Et pour être tout à fait honnête, le brun aurait préféré que cela reste ainsi. Même si au fond, les coupures de courant le font doucement sourire. La société se veut dépendante des réseaux sociaux et autres technologies, alors ce genre d’évènement révèle l’envers du décor. La panique, l’ignorance, l’incompréhension, l’idiotie. Activant le flash de son téléphone pour avoir une source de lumière, Seohyun lève les yeux au ciel sous les dires de sa cadette. Une enfant culottée. Comme si lui, un simple être humaine, pouvait couper tout le courant d’un quartier. « Comme ? Il n’y a rien à faire. Il n’y a pas de réseau, et les vitres sont trop épaisses pour que je les casse. ». Enfin, non. Techniquement, il pourrait. Mais il n’a nullement l’envie de le faire. « Des réparateurs vont vite s’en charger. C’est leur job. ». Pas le sien. Détournant Jiwon, il se rend vers les frigos, à la quête d’une boisson. À défaut de pouvoir fumer. Seohyun se prend un café froid, noir, bien corsé. Il se saisit aussi d’une bouteille qu’il place dans les mains de la jeune fille une fois de nouveau à sa hauteur. Il a rapidement analysé ses goûts, les connaissant à présent par cœur. Sans un mot, il prend place derrière le comptoir sur sa chaise, et son regard se perd au travers de la fenêtre dans l’immense ciel étoilé. Tandis qu’à sa bouche vient se glisser ce liquide amer qu’il affectionne particulièrement.

Les coupures de courant se faisaient très rares par ici, ce pays était tellement dépendant de la technologie que pour certains vivres sans électricités pourrait s’avérer être un supplice. Jiwon était préparée pour ce genre de situation, depuis son conflit avec ses parents elle essayait de limiter son usage de la technologie. La coréenne ne souhaitait surtout pas tomber dans les filets de Vice, application pourtant si attirante. Mais elle ne voulait pas se leurrer, la technologie faisait partie de son quotidien, qu’elle le veuille ou non, sa présence étant indispensable. La preuve était sous ses yeux, elle ne pouvait pas quitter le konbini. Jiwon haussa les sourcils quand il mentionna les fenêtres, il était dingue ou quoi ? Si l’un d’eux cassé une fenêtre, coupure de courant ou non, ils étaient voués à la rembourser. Déjà que les fins de mois s’avéraient compliquées pour la jeune femme, une fenêtre brisée la ruinerait. Alors qu’elle s'apprêtait à répondre avec une remarque encore plus désobligeante que la dernière, il reprit la parole, la coupant dans son élan. Ces mots se suivirent d’un long soupir. “Ca serait bien qu’ils ne tardent pas trop… J’aimerais bien rejoindre mon lit moi !” La coréenne n’avait pas tellement envie de passer sa nuit ici, pour une fois qu’elle n’avait pas à s’occuper du konbini en plein milieu de la nuit jusqu’au petit matin, ça tombait vraiment mal. Elle le regarda s’éloigner avec curiosité, curiosité qui se changea en étonnement quand il lui donna une bouteille de lait fraise. C’était sa boisson préférée, la fraise apportant ce goût sucrée qu’elle aimait tant. Jiwon contemplait la bouteille, ne s’attendant surtout pas à ça de la part de son collègue, le voyant plus comme quelqu’un de froid et distant. Elle l’avait peut-être mal jugé au final, mais cette pensée s'effaça vite de son esprit, trop fière pour avouer qu’elle s’était probablement trompée. Ne souhaitant pas rester planter au milieu de la boutique à boire son lait, elle s’approcha de Seohyun et fit glisser sa chaise qu’elle avait rangé sous le comptoir pour s’asseoir à ses côtés. Elle avala une petite gorgée de la boisson avant de murmurer un “merci” à peine audible. Jiwon était trop entêtée pour le remercier clairement, surtout après lui avoir aussi mal parlé. Alors ne voulant pas qu’un long silence s’installe, surtout après ce faible remerciement, elle se tourna vers son collègue, petit sourire ornant son visage. “On ne va pas rester à attendre bêtement sans rien faire ! Alors j’ai peut-être une idée… Comme on travaille ensemble mais qu’on ne se connait pas plus que ça, on n’a qu’à apprendre à se connaître en se posant des questions et tout !” Le vent avait tourné, son humeur s’était changée.   Une telle proposition était peut-être une façon de s’excuser ou bien elle souhaitait tout simplement satisfaire sa curiosité qu’il avait réussi à éveiller.  

Sentiment amer d’être pris au piège. Certes, il existe des prisons bien pires que cette supérette où presque toutes les commodités leur sont offertes. Toilettes, nourriture, boissons. Ils n’ont pas vraiment de quoi se plaindre. Mais l’appel du lit reste là, bien présent. Et visiblement, il est réciproque. Jiwon évoque elle aussi ce désir de rentrer rapidement chez elle pour se coucher. Ce qu’il peut comprendre. La demoiselle est jeune, encore en pleine croissance, alors le besoin de sommeil est évident. Seohyun comprend, mais ne lui répond pas. Il préfère s’installer pour admirer le ciel particulièrement parsemé d’étoiles ce soir-là. Activité silencieuse, qui ne semble pas au goût de sa cadette. Elle qui grognait il y a encore minutes, la voilà toute rayonnante à proposer une espèce de jeu pour… apprendre à se connaître. Le brun se tourne vers elle tout en continuant de boire son café. Il juge connaître Jiwon suffisamment. Il a vu ses informations personnelles sur sa fiche d’embauche. Il reconnaîtrait son parfum fruité entre mille. Il sait qu’elle se pince légèrement les lèvres quand elle est perplexe. Il sait que ses cheveux se mettent à friser quand le temps est humide. Il sait qu’elle retrousse le nez quand elle se concentre sur quelque chose. Il sait qu’elle tapote du pied droit quand elle est heureuse, mais du pied gauche quand elle est énervée. Seohyun l’a longtemps observé. Sûrement trop. Alors il n’est pas curieux. Ce n’est pas dans sa nature. Aucune question ne lui vient à l’esprit. « Qu’est-ce que tu veux savoir sur moi ? ». Le garagiste ne se juge pas assez intéressant pour ce genre d’activité. Mais Jiwon semble y tenir, alors il fera l’effort pour elle. Plongeant son regard dans le sien, son visage est sérieux. « Je n’ai rien à cacher. Demandes moi ce que tu veux. ». Aucun tabou n’existe en lui, il répondra à toutes les questions de la demoiselle franchement, sans détour. Autant qu’elle soit prévenue.

Privée de découvrir le monde pendant son enfance, la coréenne était curieuse de tout. Chaques nouvelles choses, chaques inconnus, un rien l'intriguait. Il y avait tant de choses qu’elle n’avait pas encore découvertes qu’il fallait absolument qu’elle rattrape son retard sur la vie. Alors, cette nuit là, elle avait trouvé sa cible. Cha Seohyun, vingt-huit ans, grognon. C’est à peu près tout ce qu’elle se souvenait de sa présentation quand elle venait d’arriver à la supérette. Enfin, il n’avait pas précisé ce trait de caractère, Jiwon l’avait juste constaté. Alors pour la coréenne, cette coupure de courant était l’opportunité idéale pour en savoir plus sur son collègue, et puis il s’agissait surtout d’un moyen de passer le temps pour elle. Mais Jiwon constata rapidement qu’il semblait bien moins emballé qu’elle à l’idée de se poser des questions. D’accord, c’était une idée un peu basique, et puis ça faisait plus soirée pyjama entre filles que discussion avec un homme de vingt-huit ans, mais la coréenne ne voyait pas de problèmes. Malgré ses dix-neuf ans, Jiwon a toujours eu ce caractère enfantin, résultat d’une enfance soumise à tant d’interdictions. Les soirées entre amis, elle n’avait jamais connus ça, rien que ce travail au konbini était une grande nouveauté pour elle. Alors même s’il semblait moins enthousiaste qu’elle, il avait accepté, et cela suffisait pour agrandir un peu plus le sourire de la jeune femme. Mais elle fut tout de même prise de cours quand il lui demanda de commencer, comme elle lui soumettait l’idée, Jiwon était convaincue qu’il débuterait. Alors la coréenne n’avait pas eu le temps de réfléchir à des questions, et puis sa dernière phrase l’intimidait un peu. Elle pouvait tout lui demander, mais par où commencer…? Elle but une nouvelle gorgée du lait fruité, moyen de gagner un peu de temps avant de devoir se lancer. Elle contempla la bouteille entre ses mains, avant de demander. « Mhh… Je sais ! Comment étais-tu au courant que j’aimais autant le lait fraise ? C’est quand même un drôle de hasard que tu es pu deviner ma boisson préférée, non ? » Dès le premier jour, Jiwon avait pris l’habitude de lui parler familièrement, bien que ce soit son aîné, elle était juste… comme ça. Puis une nouvelle question lui vint à l’esprit, cette fois-ci un peu moins subtile. « Comme tu as vingt-huit ans, tu dois avec une copine non ? Ou un copain, peu importe... » Elle se pencha un peu plus vers son collègue, grand sourire aux lèvres. « C’est quiiiiii ? » Courte question, résultant d’une curiosité mal placée mélangée à son caractère si enfantin.

Tout semble les opposer. Elle si pétillante, lui si calme. Elle arborant cet éternel sourire, lui au visage si fermé. Elle toujours prête à faire la conversation avec les clients, lui se tenant au strict minimum. Elle douceur de la jeunesse. Lui amertume de la trentaine arrivant. Pour être honnête, Seohyun est surprit qu’encore aucun gros clash, aucune grosse dispute n’ait éclatée entre eux. Il est grognon et têtu, tandis qu’elle tient à lui tenir tête. Il sent que Jiwon n’est pas la plus à l’aise en sa compagnie. Qu’elle ne l’affectionne pas forcément. Mais il s’en moque bien, à vrai dire. Il a l’habitude, depuis toutes ces années. Soit on le déteste, soit on le désire. L’entre deux est très rare. C’est aussi pourquoi il la laisse commencer son petit jeu de questions-réponses, histoire d’analyser ce qu’intéresse cette demoiselle. Le garagiste se doute bien qu’avec son jeune âge, l’interrogatoire sera quelque peu frivole et non pas profond. Mai qu’importe. Si cela peut lui faire plaisir. Ses yeux noirs prenant possession du regard de sa cadette, Seohyun est légèrement désarmé par son premier questionnement. Alors ça, il ne s’y attendait pas. Mais ce n’est pas dans sa nature de mentir ou de contourner les choses. « Je te connais. À ma façon. Tu manges ou bois beaucoup de choses à la fraise. ». Les emballages roses ne manquent pas dans la poubelle qui leur est destinée. Puis, comme il l’avait deviné, Jiwon le questionne sur sa vie amoureuse. Posant son café sur le comptoir face à lui, il n’hésite pas une seconde. « Il n’y a personne. ». Réponse courte, mais efficace. Le brun se penche alors à son tour davantage vers la belle, brisant de précieux centimètres qui les séparaient. Leurs visages sont proches, peut-être trop pour de simples collègues. « Pourquoi ? Tu es intéressée ? ». Un fin sourire se dessine sur le visage de Seohyun. Un sourire charmeur, presque prédateur, comme il sait tant y faire. Ses doigts viennent alors effleurer une joue de Jiwon, juste assez pour lui arracher des frissons. Il finit par se reculer, retrouvant sa position initiale au fond de sa chaise. « Tu fais des études ? ». Passer du coq à l’âne pour déstabiliser son interlocuteur. L’un de ses passe-temps préféré.

Attention attirée par le jeu que la coréenne avait proposé, cette dernière en oublierait presque l’absence de lumière. Heureusement que leurs téléphones, remplaçant les traditionnelles bougies, leur permettaient de voir un minimum, intensifiant la faible lumière émise par les étoiles, lune étant absente cette nuit-là. Jiwon guettait la batterie de l’appareil, ce dernier la menaçant constamment de s’éteindre. “Attention, batterie faible”, message qu’elle avait fini par ignorer, trop intéressée par sa discussion avec son collègue.

Surprise, ses sourcils se levèrent à l’écoute du verbe connaître, ne se doutant pas qu’on lisait en elle comme dans un livre ouvert. Il suffisait d’être particulièrement observateur pour connaître chacune de ses qualités, de ses défauts et de ses habitudes. La seule chose imprévisible était son caractère, souriant parfois sans raison ou prenant soudainement une décision inattendue, ce dernier pouvait s’avérer plus complexe que prévu. Mais il avait raison, la fraise était bien son pêché mignon, assez pour la mettre dans le rouge, ne résistant pas face à cette saveur si douce et sucrée. Pourtant, savoir qu’il la connaissait autant la faisait se sentir comme une idiote. Contrairement à lui, Jiwon n’avait pas plus porté attention à son ainé, s’étant arrêtée à la première impression, cette dernière étant négative.

La jeune commençait à regretter, le garçon n’était peut-être pas comme elle le pensait. Mais la réponse qu’elle attendait le plus était celle de sa deuxième question. Généralement, on évitait de répondre à ce genre d’interrogations, souvent trop embarrassé, trouvant un moyen d’éviter le sujet le plus vite possible. Mais là elle ne pouvait qu’avoir de fortes attentes, il lui avait dit, elle pouvait demander ce qu’elle voulait et il y répondrait. Mais son grand sourire perdit en intensité quand il formula sa brève réponse, évidemment qu’elle était déçue, elle s’attendait à des informations bien plus croustillantes. Mais cette action inattendue de sa part la fit rougir presque instantanément. Ses joues étaient brûlantes, résultat d’un embarras qu’elle ne pouvait contrôler. Prise au dépourvu, elle resta immobile quelques secondes avant de se reculer à son tour, le visage toujours aussi rouge. Si elle était intéressée ? Même elle ne savait plus vraiment, il y a quelques secondes elle aurait répondu non presque dans la seconde, mais comment rester insensible. Trahie par son visage bien trop expressif, elle fit tout de même une tentative de mensonge peu convaincante. “Moi ? Clairement pas…” Pitoyable, même elle n’y croyait pas...

Mais alors que la coréenne s’attendait à le voir élaborer sur le sujet ou trouver une question avec un quelconque lien, celui-ci fit tout le contraire. Son cerveau cessa alors de fonctionner pendant quelques instants, résultat d’une Jiwon à la fois gênée et perdue par cette conversation. Pour le faire démarrer à nouveau, elle tappa légèrement ses deux joues, chassant cette couleur rosée. Elle se racla la gorge, avant de faire comme si rien ne s’était passé. “Mhhh… Pas vraiment, non..." Reprenant son sourire habituel, effaçant totalement la gêne de son visage, elle continua.  “J’aurai bien aimé mais malheureusement je passe une partie de la journée à travailler au McDonald's.” La coréenne ne précisa pas la raison, ce sujet étant encore trop récent, le rendant compliqué à aborder pour elle. Alors sans attendre, elle enchaîna. “Et toi ? Tu en as fait ou pas ? D’ailleurs, tu dois avoir un autre travail avec celui au konbini, non ?” Sa phrase terminée, son téléphone avait décidé de l’abandonner, les plongeant un peu plus dans l’obscurité.

Il se demande si cette conversation qui devient quelque peu intime va faire changer l’avis de Jiwon à son sujet. Il a très vite comprit, à sa façon de le regarder et de lui parler, qu’elle s’est arrêté à sa première impression. Comme la plupart des gens. Elle le perçoit comme un homme glacial, insensible, et plutôt associable. Ce qui, n’allons pas mentir, n’est pas totalement faux. Alors Seohyun ne peut les blâmer. Il accepte, ne souhaitant de toute manière pas changer son caractère simplement pour plaire aux autres. Mais quelque chose lui fait penser que sa cadette change. Petit à petit. Elle se rend compte qu’il est un humain. Si seulement elle savait. Le brun parle peu, ses phrases sont courtes. Mais il a visé juste en questionnant la belle sur un quelconque intérêt à son égard. Elle devient rapidement écarlate, chose qu’il adore. Il fait mine de ne plus porter son attention sur elle, mais il la voit du coin de l’œil être… perturbée. Et ça la rend terriblement mignonne. Il garde son sourire discret, lançant un autre sujet qui n’a absolument rien à voir. Pour être tout à fait honnête, il est surprit des propos de Jiwon. Il s’attendait à ce qu’elle lui explique que ce job de nuit à la supérette lui servait de revenus pour financer ses études. Dans un grand domaine, comme le droit ou la mode. Peut-être a-t-il lui aussi sa part de clichés inconscients. Seohyun ne la questionne pas quant à la raison qui la pousse à travailler de façon aussi acharnée à la place d’être sur les bancs de l’université. Chacun son histoire. « Je n’ai même pas finit le lycée. Les études, ça a jamais été pour moi. ». Il n’éprouve aucune honte à l’avouer. S’il possède des lacunes dans certains domaines davantage scolaires, il est à l’inverse très instruits sur des domaines terre-à-terre. L’école de la vie comme on dit. « Oui, j’suis gérant de mon propre garage. Il est à suyeong. Je répare voitures et motos. ». Pour cela que les mains de Seohyun sont abîmées, malgré son jeune âge. L’a-t-elle seulement remarqué ? L’obscurité les enveloppant encore plus, faute du téléphone de Jiwon ayant rendu l’âme, ses yeux noirs observent sous un nouvel angle la jeune femme. De nouveau, il se penche vers elle, entraînant cette fois-ci ses bras avec lui. Et sans lui demander son avis, il lui retire l’élastique pour ainsi libérer les cheveux de sa cadette. Le garagiste les lui replace avec une douceur certaine, et se recule à nouveau. « J’en étais certain. Tu es plus jolie ainsi. ». Un compliment, sincère. Tandis que son regard retourne capturer celui de sa collègue.

Après sa réponse peu convaincante, Jiwon paniquait un peu. Elle trouvait ça trop étrange, son opinion sur cet homme avait radicalement changé en quelques instants, ce qui ne lui était jamais arrivé. Non, elle était souvent trop bornée pour revenir sur son jugement. Tentant d’agir le plus sereinement possible, une multitude de questions pris place dans sa petite tête. Elle se demandait surtout si ce genre de paroles et d’actions étaient normales entre deux collègues. S’étant enfuie de cette maison où elle était privée de nombreuses interactions sociales depuis seulement quelques mois, tout lui semblait à la fois normal et étrange. Alors elle se persuada que ce rapprochement n’était rien, une banalité seulement. Continuant la conversation l’air de rien, elle était contente de ne pas l’entendre lui poser de questions sur la raison de ses multiples emplois. Il avait peut-être compris qu’elle ne voulait pas en parler ou il en avait tout simplement rien à faire.

Jiwon hocha la tête de haut en bas, que l’on fasse des études ou non, peu importait pour elle. Elle était plus favorable à laisser les gens choisir au bout d’un certain âge, le système scolaire n’étant pas fait pour tout le monde. Elle avait eu de la chance, les études ne lui posaient pas particulièrement problème, au contraire, certains sujets la passionnaient, particulièrement la physique. Mais elle aurait aimé passer ses années de lycéennes en compagnie d’autres élèves plutôt que de la vivre uniquement avec ses professeurs particuliers. Alors si elle en aurait eu l'opportunité, elle se serait sûrement rendue sur les bancs de l’université de Busan afin d’approfondir ses connaissances dans les sciences. Mais sa priorité était de pouvoir vivre actuellement, alors elle estimait ses petits boulots bien plus importants.

Jiwon ne fut pas étonnée par le travail du garçon, elle trouvait même que ça lui correspondait plutôt bien, et puis elle trouvait ça très cool surtout. “Ooh trop bien ! Promis, si un jour j’ai une voiture, je viendrais te voir dès qu’elle aura un souci !” Enfin, il faudrait d’abord avoir son permis pour cela. Son enthousiasme retrouvait, elle enchaîna. “Si tu veux je pourrai venir t’aider un jour ! Je suis sûre que je serais très douée !” Non. Jiwon. Fais pas ça. Sa maladresse était l’un de ses plus gros handicaps, alors les travaux manuels étaient loin d’être son domaine d’excellence. Un grand sourire aux lèvres, heureuse de ne plus être embarrassée, elle commençait à réfléchir à une nouvelle question. Enfin, ce contentement ne fut que de courte durée. Le voyant se rapprocher d’elle, elle ne pu contrôler ses joues, reprenant cette couleur écarlate d’il y a quelques minutes. Les sourcils levaient d’étonnement, elle ne bougeait pas, le laissant toucher ses cheveux. On pouvait lire sur son visage qu’elle était autant surprise que perdue par ses gestes. Pourtant, elle ne trouvait pas ça désagréable, loin de là. Jeune fille n’ayant jamais reçu beaucoup d’affection, en recevoir autant d’un coup était autant rassurant que déroutant. A l’écoute de ce compliment, elle ne put s’empêcher de sourire, flattée par celui-ci. Sa tête se baissa, ne pouvant affronter son regard plus longtemps. Elle posa ses deux mains sur ses cheveux, comme pour ressentir à nouveau la chaleur des mains du garçon avant de marmonner. “Pff… Tu racontes n’importe quoi…” Et puis, ne pouvant rester dans la confusion plus longtemps, elle lui demanda, les yeux toujours rivés sur ses chaussures. “Pourquoi es-tu comme ça avec moi ?” Elle releva la tête. “Je ne comprends pas… Pourtant je n’ai pas été très sympathique avec toi…” Sa douce voix se baissait au fur et à mesure de sa phrase avant de s'étouffer, laissant le silence s’interposer entre les deux collègues.  

Il a toujours attiré les femmes. Ce n’est un excès d’ego, ou bien une quelconque forme de supériorité. C’est un cas, et il en a parfaitement conscience. Pendant plusieurs années, dans sa jeunesse, il a fuit cette réalité. Ne la comprenant pas. Lui se voyait comme un homme banal, en marge de la société. Mais le temps vous fait prendre conscience de vos atouts. Seohyun est plus grand que la moyenne des hommes de ce pays, sa voix est particulièrement grave, ses nombreuses heures passées au sport l’ont sculpté parfaitement. Il coche malgré lui de nombreux critères qui le font être un homme fantasmé. Des conquêtes, il en a. Plus ou moins selon les périodes. Il ne s’attache. Il consomme puis jette. Pourtant ce soir-là, il n’a pas envie de séduire Jiwon comme il l’aurait fait avec n’importe quelle autre fille. Non pas que son âge le dérange, les plus jeunes se sont déjà retrouvées dans ses draps. C’est juste inexplicable. Le brun ne veut pas la traiter comme les autres. Et sa soudaine réaction quant à l’annonce de son métier le confirme dans ses choix. Elle n’est pas repoussée ou même écœurée comme la plupart des femmes le sont. Trouvant son métier salissant et si peu intellectuel. La cadette est pétillante, comme à son habitude. Ce qui déstabilise quelque peu Seohyun, il faut l’avouer. « … Tu viens quand tu veux. ». Il est toujours touché lorsque quelqu’un s’intéresse à son métier. On l’a tellement souvent montré du doigt que cela gonfle sa revanche sur la vie. La conversation aurait pu rester ainsi. Si simple, presque banale. Mais le garagiste revient briser les centimètres les séparant pour lui libérer les cheveux. Jiwon est jolie ainsi. Bien plus jolie. Malgré la faible luminosité qui règne alors, il la voit rougir de nouveau. Et elle fuit son regard. Amusé, il lève les sourcils aux dires de la belle. « Comme ça ? ». De quoi donc parle-t-elle ? « Qu’est-ce que tu entends par ‘comme ça’ ? ». Seohyun lui a simplement libérer les cheveux. « C’est vrai. Tu as un sale caractère quand tu t’y mets. ». Vérité tranchante de vérité. « Et tu n’es pas très maligne non plus. ». Comment peut-elle croire depuis tous ces mois que c’est un client qui lui glisse des snacks dans ses affaires ? Attrapant un post-it, il y écrit un « idiote » avant de le lui coller sur le front et quitter le comptoir, allant faire un tour dans les rayons avec l’objectif de caler son petit creux du moment.

Jiwon n’aimait pas passer par quatre chemins. Quand elle avait quelque chose à dire, elle le disait sans hésitation. Peu importe la forme, elle ne réfléchissait pas et se lançait, exemple caractéristique de son impulsivité. Alors oui, parfois elle regrettait ses mots, se demandant pourquoi elle avait dit ça, qu’est ce qu’il lui était passé par la tête. Et là, c’était l’un de ces moments. Elle le regardait un silence, s’attendant à une vraie explication, comme si sa question était évidente. Mais elle ne l’était peut-être pas tant que ça. Habituellement, la coréenne aurait tout de suite élaboré, mais là, elle n’y arrivait pas. Comment expliquer cela ? Alors elle décida de se taire, le laissant continuer, toujours en écoutant attentivement. Son honnêteté plaisait à la coréenne, elle a toujours détesté qu’on la flatte sans raison, quitte à lui cacher ses défauts. C’est ce qu’on fit pendant une longue partie de sa vie, alors maintenant elle ne cherchait que la vérité. Mais elle fut tout de même étonnée quand il précisa qu’elle n’était pas très maligne non plus, n’ayant même pas abordé ce sujet. Enfin il n’avait pas vraiment tort, son intelligence se définissait surtout par toutes ses connaissances scolaires, elle n’était pas vraiment débrouillarde et était perdue dans la vie de tous les jours. Toujours sans rien dire, trop curieuse par ses gestes, elle le regarda écrire sur le post-it, confuse. Étonnement qui se fut plus grand quand il le colla sur son front. Elle l’arracha pour le regarder de plus près pendant que son collègue s’éloigna. Débile ? Elle plissa les yeux, réfléchissant au sens de ce mot. Puis le lien s’était fait dans sa petite tête, en effet, c’était bien une idiote. Sans perdre une seconde, elle tira le petit tiroir du comptoir, cherchant un bout de papier semblable à celui qu’elle tenait. L’écriture était tellement similaire, comment avait-elle pu envisager pendant si longtemps que tout ça venait d’un client. Elle soupira, désespérée par sa propre bêtise. Puis elle était très embarrassée, elle l’avait ignoré pendant plusieurs mois alors qu’il prenait toujours soin d’elle. Morte de honte, elle se leva, s’approchant de lui, son visage encore légèrement teinté par ce rose. “Euuuh…” Dit-elle pour essayer de capter son attention. “Je… Comment dire…” Les mots n’arrivaient pas à sortir correctement de sa bouche. Pourquoi ? Elle qui n’hésite jamais se retrouvait bloquée face à son aîné. Elle baissa les yeux vers le snack qu’il tenait entre ses mains, évitant d’affronter son regard. “C’est que… Je crois être désolée ?” Paniquée, elle enchaîna, n'essayant même plus de faire du sens. “Enfin non… Je ne crois pas… J’en suis certaine même, mais c’est que… Enfin, voilà quoi...” La coréenne releva les yeux vers le garçon, elle se sentait pitoyable à perdre ses moyens comme ça. “Mais qu’est ce qu’il m’arrive...” Pensée qui était censée rester pour elle, mais que son corps avait décidé d'extérioriser.  

Avant l’arrivée de Jiwon, il a eut quelques collègues tous différents les uns des autres. Le jeune nerd complètement dans sa bulle et qui sortait un manga dès que la supérette était vide. L’adorable papy qui faisait ce petit boulot pour compléter sa maigre retraite et pouvoir faire des cadeaux ses petits-enfants. L’étudiante davantage plongée dans ses cours qu’à l’attention des clients. Seohyun ne s’est pas attaché à eux. Il n’en a pas vu l’utilité. Mais avec sa cadette, c’est différent. Au fur et à mesure du temps, il a éprouvé l’envie de l’aider. De la protéger. Sans doute que sa grandesse maladresse a réveillé son grand frère. En effet, de nombreuses fois il a dû passer derrière elle pour éviter qu’elle ne se fasse réprimander. Alors, cette histoire de snacks dans son sac est arrivée rapidement. Elle est mince Jiwon. Trop, au goût du garagiste. Et faute de leur horaire de travail, ils ont besoin de tenir. Alors c’est sa manière à lui de la garder en forme. Ne souhaitant pas d’une autre collègue. Quittant le comptoir pour se rendre dans la partie bien plus sombre du 7eleven faute de cette coupure de courant, Seohyun abandonne sans un mot sa cadette, ses yeux partant à la recherche de l’en-cas qui lui donnera envie. Il passe entre des rayons avant de se saisir d’un sachet, et c’est là que surgit la belle. Tournant la tête vers elle, il l’écoute en cachant son amusement. Elle d’habitude si sûre d’elle et fière, la voir ainsi toute perdue et gênée est bien nouveau. Mais très agréable. « C’est moi qui suis désolé. Je ne suis pas le prince charmant que tu imaginais. ». Un léger soupire quitte ses lèvres alors qu’il pose sa main libre sur le haut de la tête de Jiwon. « Je ne t’en veux pas. Je suis loin d’être… chaleureux. ». Sa main glisse alors de la tête au menton de la demoiselle, pour lui redresser le visage et la forcer à le regarder. « Tu devrais rester au comptoir, avec la lumière. C’est dangereux… les ténèbres. ». Seohyun sait de quoi il parle. Un fin sourire se dessine sur son visage. À la fois charmeur et carnassier. Si ce n’était pas elle, il l’aurait déjà dévorer. Sans une once de regret.

Jiwon lui était redevable, même si elle ne le savait pas jusqu’ici, c’était grâce à lui qu’elle tenait le coup au travail. Ses post-it encourageant et la nourriture qu’elle retrouvait dans son sac la motivait chaque jour à franchir les portes du konbini. La jeune ne l’avouait jamais, mais quitter toute cette richesse du jour au lendemain était une épreuve de taille. Encore aujourd’hui elle avait du mal à s’y faire, elle ne s’était jamais sentie capable de réaliser quoi que ce soit par elle même et tout ce changement était bouleversant. Il n'y a pas seulement ce manque d'argent qui la contrariait, c'était surtout se retrouver seule face à ce monde inconnu qui l'effrayait. Alors elle réalisa enfin la chance qu’elle avait d’avoir cet homme dans sa vie. Qui sait, sans lui elle serait peut-être déjà rentrée chez ses parents, misérable. Alors on rythme cardiaque augmenta légèrement quand il lui attrapa le menton, mais ses mots la contrarièrent un peu. Après tout ça, elle n’allait pas le laisser seul ici. Et puis,ce n'était pas à lui d'être désolé, loin de là. Elle devait être la seule responsable, coupable d'avoir été aveugle tout se temps.  Elle se recula, libérant son menton. “Ahhh mais pourquoi tu t’excuses !” Avec ses deux mains, elle attrapa soudainement celle de libre du garçon, un grand sourire aux lèvres. “Je n’ai pas peur des ténèbres, et encore moins quand tu es là…!” Mots qu’elle ne s’attendait pas à dire, mais pourtant il s’agissait bien de la vérité. Elle se sentait en confiance près de lui, chose qui était rare pour Jiwon. Même ses parents n’avaient jamais pu gagner celle de leur fille étant trop absents dans sa vie. Son comportement avait encore une fois changé, elle ne voulait plus être gênée à côté de lui, au contraire, elle voulait se montrer sous son meilleur jour. “Bon allez, viens, on ferait mieux d’aller retrouver la lumière ensemble, je vais pas te laisser seul ici !” Son sourire s'allongeait, attendant la réponse du garçon.

Elle lui paraît si fragile. Ce petit bout de femme qui veut se la jouer grande dame. Son corps est mince. Non pas de là à atteindre une maigreur certaine qui repousse le garagiste, mais qui témoigne néanmoins des dictas de cette société. Son visage comporte des traits encore juvéniles qui rappelle à Seohyun son jeune âge. Son caractère trahit cette candeur adolescente qu’on a lorsqu’on croit tout connaître du monde. Il ne peut lui en vouloir. C’est même plutôt rafraîchissant, dans son quotidien d’adulte. Mais au fond de lui, bien au fond là où son égo est bien trop profond pour l’avouer, il s’en veut d’avoir laisser Jiwon rêver. Rêver d’un admirateur secret, comme dans les dramas. Le beau prince charmant n’est qu’un simple garagiste. Étrangement, aucune déception dans le regard de la demoiselle. Ce qui désarme Seohyun. Pourquoi ne crie-t-elle pas au scandale ? Sa main dégagée pour finalement être vite reprise, il se retient de la nommer à nouveau d’idiot. C’est de lui, dont elle devrait avoir peur. Lui l’homme qui profite des femmes, qui le attire dans ses filets pour mieux les rejeter par la suite. Lui qui ne s’attache jamais et disparaît de leurs vies aussi rapidement qu’il y est entré. Bien trop naïve pour ce joli minois. Jiwon redevient alors cette fille solaire au grand sourire alors qu’elle l’invite à retourner au comptoir. En temps normal, avec n’importe quelle fille, Seohyun l’aurait coincé contre un mur, pour lui murmurer à l’oreille des propositions indécentes adéquates à cette obscurité. Il aurait laissé son côté prédateur prendre le dessus, cette noirceur qui le caractérise. Mais non. Il hoche docilement la tête et retourne avec la belle pour retrouver son fauteuil. Snack en main, il sert la mâchoire. Pourquoi ne veut-il pas pervertir cette gamine qui pourtant, sur le papier, ressemble à bien de ses conquêtes ? Pourquoi ne peut-il pas ? Secouant la tête, le brun se saisit de son portable pour vérifier un quelconque changement, une quelconque avancée dans cette panne. Mais rien. « Fait chier. ».

Ce petit rayon de soleil éclairant l’obscurité, Jiwon était aussi innocente qu’elle était naïve, deux adjectifs s’accordant si bien. Elle rejette ces deux défauts sur ses parents, responsables de l’avoir bien trop protégé. Elle ne connaissait pas grand chose à la vie et faisait confiance à n’importe qui bien trop vite. Enfin, elle avait tout de même un petit instinct de survie et évitait de suivre les inconnus n’importe où. Mais ça s'arrêtait à là. Parfois elle se demandait comment était-ce encore possible que rien ne lui soit encore arrivé. Elle doit sûrement avoir beaucoup de chance, mais elle savait que cette dernière finirait par s’épuiser. Elle considérait d’ailleurs sa rencontre avec le brun comme une certaine chance. Deux personnes enfermées dans un konbini à cause d’une coupure de courant, ça aurait pu mal tourner pour la candide Jiwon. Et puis, cette absence d’électricité n’était pas que négative pour la coréenne. Sans ça, elle n’aurait peut-être jamais connue l’identité de la personne derrière les petits papiers et les snacks. Et elle n’était pas déçue, loin de là. Elle ne pouvait le nier, le physique du garçon était attirant, et, maintenant qu’elle le connaissait un peu mieux, elle le trouvait même plutôt agréable. On est bien loin de sa première impression. Enfin, tout ça elle ne lui dira probablement jamais, trop fière pour revenir sur ses mots. Incapable de s’excuser sans bégayer. Le voyant hocher la tête, la coréenne l’emmena jusqu'au comptoir, toujours en tenant sa main. Elle la lâcha, avant de prendre place sur son fauteuil, contemplant les rayons vides. Le juron du brun lui confirma que la panne n’était pas encore réparée. Ca commençait à devenir bien trop long pour la jeune, habituée à toujours être active. Elle soupira. “Je m’ennuie…” Elle avait bien un livre sur la physique quantique dans son sac pour l’occuper, mais c’était bien trop prise de tête pour le continuer maintenant. Alors elle se contenta de laisser tomber sa tête sur l’épaule du garçon, cette dernière étant pile à la bonne hauteur, résultat de leur grande différence de taille. “Trouve quelque chose à faire avant que je m’endorme…” Elle ferma les yeux quelques secondes, réfléchissant à une quelconque idée pour passer le temps, mais rien. Il ferait mieux d’en trouver une vite, elle est particulièrement pénible quand elle n’a rien à faire.