La musique résonne jusque dans la rue, elle fait vibrer les murs de la bâtisse, résonne au fond des coeurs, entraîne les corps endiablés qui bougent en rythme sur la piste. Les gens ont laissé tomber leurs masques pour s’abandonner aux effets de l’alcool et autres substances douteuses mais si appréciés de leurs consommateurs. Triss ne fait pas exception, elle s’est déjà enfilé trop de verres et ses intérêts se tournent désormais sur la poudre blanche qu’elle est occupée à étaler sur le plateau à l’aide de sa carte bleue. Ils sont quelques-uns à l’entourer, attendant patiemment qu’elle ait terminé de tout préparer. La poudre est séparée, sectionnée proprement, prête à être respirée. Celui qui surveille plus loin n’a pas l’air d’apprécier grandement la situation mais Triss ne s’en préoccupe pas. Désormais penchée sur le plateau, le rouleau calé contre son nez, elle inspire d’un coup avant de se redresser, les pupilles se dilatant instantanément. Elle laisse le rouleau à la personne suivante, ne s’occupant plus du plateau qui passe de main en main. Le dos se repose sur le dossier du canapé, elle se laisse porter par des pensées légères avant de se lever pour rejoindre la sortie de la pièce. Elle est alors retenue par son meilleur ami qui la regarde d’un air sévère, autoritaire. Il serre son bras pour lui faire comprendre, mais Triss le défit, elle se détache de lui et se dépêche de disparaître au milieu des danseurs.
Esprit flottant, sa vue se brouille tandis qu’elle bouge avec le reste. On lui propose un nouveau verre qu’elle accepte sans se méfier. Le boire n’est pas la chose la plus importante pour l’instant, son coeur bat trop vite, il faut qu’elle s’échappe un moment. Sur ce, la piste de danse est abandonnée, petit corps chancelant qui parvient à se faufiler hors de la foule, elle rejoint l’extérieur pour son plus grand bonheur, saluant la brise du soir comme une bénédiction. Une main se pose alors sur son épaule, attirant son attention. Elle se retourne et sourit à la vue d’une de ses fréquentations. Les visages se rapprochent insouciamment, elle embrasse les lèvres sucrées de la demoiselle sans prétention, ne portant que peut d’importance à ce geste devenu commun. Simples salutations, rien de plus. Elle disparaît déjà, ne lui accorde pas plus d’attention. Le sourire béat présent sur le visage de la canadienne s’étire alors qu’elle observe la silhouette se perdre à l’intérieur. Son regard se met alors à balayer la rue, à la recherche d’une distraction. C’est alors qu’une figure qu’elle semble connaître fait son apparition sur le trottoir d’en face. La raison brouillée par les effets de la drogue et de l’alcool, elle ne réfléchit pas et traverse en criant « Hey you !!! La voisine ! C’est toi ? La nouvelle voisine ! »
Les nuits se ressemblent, rythmées par son travail au konbini. Jiwon débordait toujours d’énergie, alors la contenir assise sur une chaise tandis que la petite boutique était fréquentée seulement par les oiseaux de nuit de Busan pouvait s’avérer compliqué. Elle détestait ce manque d’action, cette longue attente entre chaque nouveau client, elle voulait juste bouger, discuter un peu plus. Parfois, elle se levait pour traverser les rayons à la recherche d’une étagère à ranger, maigre accomplissement pour la coréenne. Les gestes se répétaient constamment, à l’arrivée de chaque client elle se courbait, saluant ce dernier, attendait qu’il choisisse ses articles, s’occupait de la caisse, et pour finir, elle le saluait à nouveau. Mais certains côtés positifs existaient, la jeune femme souhaitait découvrir ce monde et les gens qui le peuplaient, alors ce travail était l’opportunité idéale pour satisfaire sa curiosité. Elle observait, discutait, apprenait de certains d’entre eux, c’était le lieu parfait pour faire de nouvelles rencontres. Cette nuit là, cette routine ne fut pas brisée. Jiwon s’ennuyait mais ne se plaignait jamais, résultat d’une immense fierté. Elle avait quitté sa vie où tout lui était offert, se plaindre serait ridicule. Une fois son service terminé, elle attrapa son sac avant de quitter le konbini, laissant ses collègues terminer la nuit. Elle arpentait les rues, avec pour objectif son appartement, souhaitant retrouver son lit le plus vite possible. Le lendemain l’excitait toujours, c’était l’occasion de vivre de nouvelles choses, changer légèrement cette routine qu’elle aimerait éviter voir s’installer. Mais Jiwon n’aura pas à attendre la matinée suivante pour cela, une voix familière avait attiré son attention. Elle se retourna pour apercevoir sa voisine, Triss, qui s’approchait d’elle. Décidément, elle n’avait pas l’air comme d’habitude, quelque chose clochait… « Ah Triss, qu’est ce que tu fais dehors à cette heure-ci ? » Elle la regarda, perplexe « Tu es sûre que tout va bien…? Tu as l’air bizarre... » L’innocente Jiwon avait bien évidemment entendu parler de la drogue et de ses effets sur l’homme, mais elle n’avait jamais vu quelqu’un être sous son influence, alors la jeune n’était pas certaine si Triss en avait consommé ou non.
Euphorie qui lui vrille le cerveau, la métisse se sent pousser des ailes face à cette figure nouvelle qui est entrée récemment dans sa vie. Le bras trouve sa place autour des épaules de la mignonne tandis qu'elle l'entraîne déjà vers la maison bruyante et animée. Le verre qu'on lui a offert plus tôt se trouve toujours entre ses doigts et c'est sans vraiment le lui demander qu'elle le refile à celle qu'elle a capturée dans ses filets. « Ce que je fais dehors à cette heure-ci? M'enfin darling qu'est-ce que TU fais à rentrer si tôt chez toi? » ses mots n'ont plus vraiment de sens, elle a pourtant l'impression d'être le plus grand philosophe qui peuple ces terres en ce moment même. « La nuit est belle, la nuit est chaude, la nuit est faite pour s'amuser, c'est dommage de ne pas profiter. Life is short my dear, enjoy it while it last or you'll live a life full of regrets. » Vraiment... Aucun sens... « Viens par là j'ai des personnes à te présenter. »
« Hey, T. Qu'est-ce que tu nous ramènes là? » les voix des garçons sonnent intéressées, Triss leur lance un sourire partagé entre fierté et possessivité. « Dégage, she is mine tonight. » Qu'elle lance au plus audacieux, obtenant comme réponse un soupire d'indignation. Elle lui rit à la figure, s'agrippe un peu plus à la blonde avant de l'entraîner à l'intérieur. « Ne leur en veut pas, ici tout le monde se connaît alors bon, quand une nouvelle débarque, forcément ça attire les curieux. » La canadienne salue d'autres personnes qui croisent leur route alors qu'elle emmène l'autre plus loin dans un coin à l'abri, les toilettes pour être exacte, car la métisse est soudainement prise d'une horrible envie de pisser. « Scuse-moi si tu permets. » Elle lâche la jeune femme et se glisse à l'intérieur de la pièce étroite afin de se soulager, tâtant un peu partout dans l'espoir de trouver l'interrupteur. « Fuck. » lâche-t-elle alors qu'elle s'est cognée à une étagère. « Jiwon babe ? Je crois que l'interrupteur est à l'extérieur... »
Ne voulant pas froisser sa voisine, Jiwon se laissa emmener vers la maison. Elle n’avait aucunes idées d’où elle allait ni pourquoi, mais elle avait décidé de se fier à la jeune femme. Etait-ce irréfléchi vu l’état de cette dernière ? Oui, complètement. Se laissant porter par son insouciance, elle attrapa le verre que lui donnait son aînée, le gardant simplement entre ses mains. Le goût de l'alcool était trop prononcé pour la jeune, bien trop habituée aux boissons sucrées. Sans un mot, elle écoutait parler son interlocutrice, tentant de comprendre le sens de ses paroles. Sa tête se pencha sur le côté, confuse, que pouvait-elle bien raconter ? Alors, toujours muette, elle continuait de la suivre, adressant un sourire gêné aux personnes qu’elle imaginait être des amis de la brune. Au fond, elle n’en savait rien, mais ça la rassurait de le voir comme tel. Elle hocha la tête aux paroles de sa voisine, toujours aussi muette. Silence inhabituel de la part de la coréenne qui, habituellement, était celle qui faisait toujours la discussion. Mais autour de tout ce monde, elle n’était vraiment pas à l’aise, alors elle plaçait sa confiance en Triss, espérant que cette balade dans la maison allait vite se terminer.
Pause bien méritée, le bras de la jeune femme quitta ses épaules, la laissant seule. Un long soupir s’échappa de sa bouche, la coréenne ne s’attendait pas à une telle nuit. Dire que quelques minutes plus tôt elle rêvait d’un peu de changement dans sa vie, là, elle ne souhaitait que retrouver le calme de son appartement. Verre toujours entre ses mains, elle le posa sur une table proche d’elle, éloignant l’odeur de l’alcool. Repos de courte durée, un juron se fit entendre derrière la porte des toilettes. “Triss…? Est-ce que tout va bien ?” Jiwon s'exécuta et appuya docilement sur l’interrupteur, placé bien en évidence sur le mur. Peu rassurée, la jeune avait peur qu’un inconnu vienne l’aborder alors qu’elle était seule. Comme si quelqu’un pouvait entendre ses pensées, un garçon s’approcha des toilettes. Cherchant à entrer dans ces dernières, la blonde se décala devant la porte avant de l’aborder. “Désolée… Il y a déjà quelqu’un dedans…” Sa voix était tremblante, laissant paraître son inquiétude. “Fais chier” Il fit demi-tour, laissant Jiwon seule à nouveau. Les quelques minutes d’absence de la brune lui paraissent être une éternité. La porte des toilettes s’ouvrant enfin, la coréenne laissa échapper un soupir de soulagement. “Dis, on peut rentrer ? J’ai pas très envie de rester très longtemps ici…” Situation la mettant de plus en plus mal à l’aise, elle était prête à la supplier pour s’en aller.
La lumière inonde subitement la salle, permettant à la métisse de se repérer dans cet espace pourtant bien étroit. Le trône se dresse fièrement au bout de la pièce, sur un carrelage gris foncé. Triss a du mal à faire le focus mais elle parvient tout de même à poser ses fesses là où elle le doit afin de libérer sa vessie mal menée. Un soupire de soulagement traverse la barrière de ses lèvres tandis qu'elle attend de terminer son affaire. Ça a beau faire cinq min à peine qu'elle est entrée, elle a l'impression d'y être restée trois heures. Même d'ici la musique continue de faire trembler les murs. Une fois soulagée, la canadienne se redresse et referme son pantalon avant de prendre la direction du lavabo. « Toujours bien se laver les mains, au moins twenty secondes. » clame-t-elle sans s'adresser à personne. Elle entend Jiwon discuter avec quelqu'un derrière mais n'en tient pas compte, continuant de frotter ses mains avec vigueur sans se douter de rien. Elle s'arrête subitement au bout d'un moment pour inspecter ses paumes humides. « A merde le savon. » La voilà partie dans un fou rire tandis qu'elle se dépêche de recommencer.
Une éternité plus tard, elle daigne enfin déverrouiller la porte. Dehors, Jiwon qui la supplie de s'en aller ainsi qu'une ribambelle d'autres personnes qui attendent de pouvoir entrer. Les mots de la plus jeune ne semblent pas convenir à la brune qui fronce alors les sourcils, sans même bouger de l'encadrement. « Attendez deux secondes encore. » d'un geste, elle attrape la blonde et la tire dans les toilettes qu'elle referme d'un coup sans se soucier des protestations de la file. Sans crier gare Triss plaque sa voisine contre le mur, la bloquant de ses deux bras alors qu'elle baisse sa tête afin de capter son regard « Listen pretty girl. » commence-t-elle, ses yeux de biche devenant un peu plus insistants. « Si je t'ai amenée ici c'est pour t'amuser. You know ? T' a m u s e r. » bafouille-t-elle dans un coréen approximatif. « Tu m'avais promis d'être sage et de ne pas faire de caprice. » Jiwon n'avait absolument jamais dit ça mais allez savoir. « Donc je compte sur toi pour me faire honneur ce soir. Aller, je vais te présenter mes amis, ils meurent d'envie de te rencontrer. » Triss n'avait jamais parlé de la nouvelle voisine à qui que ce soit, mais elle comptait bien la présenter à tout le monde ce soir.
Sans lui laisser le temps de répliquer, la métisse agrippe son bras et l'entraîne hors des chiottes, libérant finalement la place à ceux qui attendaient depuis trois ans. « sorry, my bad, had business to take care of, all yours now. » balance-t-elle à ceux qui râlent tout en prenant la direction de la pièce qu'elle a quittée un peu plus tôt. Les deux jeunes femmes traversent la piste et, c'est de manière mystérieuse que la plus jeune se retrouve à nouveau avec un verre entre les doigts. Triss s'arrête à mi-chemin et zieute le contenant qu'elle vient de lui tendre. « Bah, bois ! » les quelques personnes qui se trémoussent autour viennent l'encourager. « Bois ! Bois ! » Triss s'amuse avec eux tout en se laissant porter par la musique, attendant patiemment que Jiwon daigne vider son verre.
Jiwon ne fréquentait jamais ce genre de fêtes. Avec ses parents, elle visitait surtout des dîners entre familles aisées, chacun souhaitant exposer ses richesses le plus possible. Tout était calme, on entendait seulement les rires, le plus souvent hypocrites, de certains. On était bien loin de cette maison où la musique assommait les oreilles de la coréenne, tentant désespérément de persuader la jeune femme de partir. En vain. Ne pouvant anticiper les gestes de sa voisine, elle n’eut le temps de comprendre quoi que ce soit avant d’être attirée dans les toilettes, se retrouvant plaquée contre le mur. Elle avait juste envie de partir le plus loin possible de cet endroit, de cette personne. Malheureusement Jiwon n’en n’avait ni le courage ni la force. C’est alors qu’elle s’interrogea. C’était peut-être elle le problème ? Ne pouvant se référer à aucune autre expérience, elle en conclut qu’elle ne savait tout simplement pas s’amuser. Cela va sans dire qu’elle était complètement perdue. Dire qu’elle se pensait être du genre sociable à s’amuser peu importe les circonstances. Elle s’imaginait s’être trompée sur toute la ligne.
Suivant la métisse sans broncher, elle s’était décidée à faire un effort. Montrer qu’elle n’était pas juste l’ancienne bourgeoise. Mais cette tâche s’avérait bien plus complexe que prévue. Encore une fois, ses mains étaient occupées à tenir un verre. Son opinion n’ayant toujours pas changé sur l’alcool, elle n’était pas décidée à le boire. Souhaitant le reposer à nouveau sur une table discrètement, ses plans se voyaient compromis par son aînée. Elle voulait refuser mais la pression était trop forte. Toutes ces personnes l’encourageant, elle n’allait pas rester plantée là comme une idiote. Elle but une gorgée. Voyant que son audience n’était pas satisfaite, elle ne put s’empêcher de le terminer, succombant à leur influence. Visage expressif, on pouvait facilement comprendre qu’elle n’aimait pas cette boisson. S’en était trop. Sans attendre, elle agrippa le poignet de sa voisine, la traînant dans un coin du jardin, celui qu’elle estimait être le plus calme. Elle attendait quelques secondes avant de lui adresser la parole. “Je suis désolée mais je dois vraiment rentrer là… Je suis peut-être pas aussi amusante que tu l’espérais mais là s'en est trop…” Elle regarda autour d’elle. “Je veux pas passer pour la rabat-joie de service mais tu vois pas dans l’état où tu es ?” Sous la colère, elle continua. “Tu me fais pitié !” Jiwon se retenait de pleurer, trop secouée par tout ce qu’elle venait de vivre et surtout par l’attitude de son aînée. C’est dans ce genre de moment où elle se mettait à regretter chacune de ses décisions. Si seulement elle était restée chez ses parents, rien de tout cela ne serait arrivé.
Les encouragements continuent, de plus en plus poussants, un peu trop peut-être mais leur état ne leur permet pas de se rendre compte de la pression qu'ils lui mettent sur les épaules. Triss observe la blonde vider son verre d'un oeil amusé, le sourire aux lèvres et joint sa voix aux cris des autres convives lorsque Jiwon baisse son verre désormais vide. Elle n'a pourtant pas le temps de réagir plus car voilà que l'autre la tire déjà hors de la piste de danse. La métisse agite sa main vers la foule pour leur dire au revoir, son visage ahuri faisant rire la plupart. Les deux jeunes femmes rejoignent alors l'extérieur, chose qui déçoit quelque peu la brune qui s'était imaginée rejoindre une chambre. Les regards des deux filles restent plantés l'un dans l'autre durant un moment avant que la plus jeune ne se décide finalement à parler pour lui exprimer son inconfort et mécontentement concernant les actions de la métisse. Ses mots la frappent de plein fouet mais elle garde son sourire en coin si insolent qu'elle aborde le plus souvent ainsi qu'une expression étonnamment calme. Triss était tombée dans les usages de la drogue il y a plusieurs années et, ce n'était pas quelque chose dont elle était fière, au contraire, malheureusement pour elle, c'était un cercle vicieux. « Mh. » Lâche-t-elle dans un premier temps, croisant ses bras sur sa poitrine. « Bah... Qu'est-ce que ça peut te faire? » Elle est légèrement agacée mais elle fait de son mieux pour ne pas le montrer, n'étant pas du genre à révéler ses états d'âme si facilement. « Peut-être que mon monde ne sied pas à tes exigences princess. C'est pas grave, t'es pas la première gosse de riches qui se permet de me prendre de haut, je t'en veux pas. »
C'est alors qu'un bras s'enroule autour de ses épaules, intrusion soudaine de son meilleur ami qui les regarde avec un visage amusé. « Ouuuuuh ! Bah alors ? C'est quoi cette ambiance. Toi, t'as réussi à énerver Triss, quel exploit ! » Il ricane et tend une main amicale à la blonde. « Moi c'est Yuri. Ceux qui parviennent à la mettre dans cet état-là - Il marque une pause et pointa le visage blasé de Triss - mérite mon plus grand respect. » Il se courbe respectueusement et resserre sa prise autour des épaules de la métisse qui lui lance désormais un regard noir. « Dégage Yuri. » Le garçon lève les yeux au ciel sans lâcher son amie. « Ouais c'est ça. Bon, j'ai entendu que la demoiselle voulait rentrer chez elle? Je pense pas que tu sois dans le meilleur état pour la ramener, je veux bien m'en charger si tu veux. » Blessée dans son ego, Triss le repousse en arrière et attrape le poignet de la plus jeune pour la tirer vers elle. « Bullshits. Je peux la ramener moi-même, j'ai pas besoin de toi. » Sans lui laisser le temps de répondre elle entraîne la blonde vers la sortie de la bâtisse, et s'engage dans la rue afin de la ramener. Elle se rend compte quelques secondes après qu'elle a pris le mauvais chemin. « Fuck. C'est de l'autre côté... »
La coréenne avait tendance à s’énerver rapidement, dire ce qu’elle pensait sans attendre. Alors ce jour là, elle avait essayé de faire des efforts. Voulant s’intégrer dans ce monde qu’elle ne connaissait que trop peu, elle avait accepté beaucoup de chose pendant cette nuit, n’osant pas contredire sa nouvelle voisine. Mais là, elle ne pouvait plus contenir sa colère. La jeune était peut-être allée trop loin, cette dernière parole n’étant pas forcément nécessaire, mais le comportement de la brune l’avait blessé. Écoutant attentivement ses mots avec espoir qu’elle accepte de la laisser partir docilement, la coréenne allait être déçue. Elle s’y attendait un peu, vu ce qu’elle lui avait dit. Mais l'entendre la traiter de gosse de riche énervait encore plus Jiwon. S'apprêtant à riposter avec plus de violence qu’avant, son élan fut entravé par l'interruption d’un des amis de la métisse. Il avait l’air bien plus sympathique qu’elle. Enfin difficile de faire pire, vu comment les choses s’étaient envenimées. Elle lui serra la main, essayant de calmer sa colère, avant de se courber à son tour. La blonde pensait avoir trouvé son sauveur et était prête à accepter de se faire raccompagner par l’inconnu. Oui, malgré ce qu’il venait de se passer, Jiwon n’avait toujours pas retenu qu’il ne fallait pas suivre les inconnus. Mais là, étranger ou non, elle était prête à tout pour s’éloigner le plus vite possible de la brune. Enfin, c’était sans compter la réaction de cette dernière.
Sans même avoir le temps de réagir, la voilà entraînée à nouveau par sa voisine mais cette fois-ci vers l’extérieur de la maison. Soulagée de s’être éloignée de tout ce bruit et de cette atmosphère qui la dérangeait tant, la coréenne avait hâte de retrouver son appartement. Enfin, si elle arrivait à l’atteindre un jour. Décidément, Jiwon allait de déception en déception avec son ainée. Elle était persuadée qu’elle l’avait emmené du mauvais côté exprès pour la ramener là-bas. Elle s’imaginait déjà lui sortir une phrase telle que “sorry, puisqu’on est de retour ici, autant y retourner !” et la jeune ne comptait pas la laisser faire. Bien qu’elle ne la connaissait que très peu, elle était maintenant sur ses gardes. Ne lui faisant plus du tout confiance, elle s'arrêta, énervée. “Bon là c’est plus possible. Tu le fais exprès avoue-le !” Elle haussa un peu plus le ton. “Tu veux juste retourner dans cette soirée et m’y traîner pour je ne sais quelle raison...!” Elle poussa la brune, l'éloignant d’elle. “Va te droguer, toute seule, je me casse, j’ai pas besoin de toi pour rentrer.” Jiwon s'apprêtait à partir, bien qu’elle ne connaissait pas exactement la route, son appartement n’était pas très loin, elle allait bien finir par retrouver son chemin.
L'arrêt soudain de la plus jeune attire l'attention de l'aînée qui stop son avancée pour se tourner vers elle, le visage surpris à l'entente des accusations de la blonde. Triss est certes, bourrée et défoncée, mais ses intentions ne sont pas si mesquines. Elle n'a pas le temps de riposter que l'autre enchaîne, lui reprochant encore une fois des motivations qu'elle n'a pas tout en faisant usage de violence. « What the f- c'est quoi ton problème ? » Pour être honnête, Triss ne voit pas ce qu'elle a fait de mal. Certes elle l'a un peu forcée, mais ses intentions étaient purement bienveillantes. Comment pouvait-elle deviner que l'autre allait réagir de manière si extrême à une simple invitation ? Enfin bon, la patience de la métisse elle aussi a ses limites. Elle ne préfère pas s'emmerder plus longtemps avec une gamine capricieuse. Tant pis pour elle. « Ouais bon aller salut, toi et moi on n'est pas compatibles j'crois. Pas envie de me faire chier avec quelqu'un comme toi. Bonne chance pour réussir à t'intégrer dans la ville. » lance-t-elle sur le coup de la colère avant de retourner vers la soirée qu'elle vient juste de quitter. Elle croise le chemin de Yuri qui la regarde avec inquiétude. « Tu vas vraiment la laisser rentrer seule là ? » Pour Triss, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Elle n'est pas venue ici pour se prendre des réflexions à tout bout de champ. Avant même de passer la porte, la métisse se retourne et rebrousse chemin. « Fuck y'all ! » La brune passe devant sa cadette sans lui accorder le moindre regard et la dépasse pour s'engager dans les rues sombres de la ville.
Son euphorie a eu le temps de se calmer avec tout ce qui vient de se passer, et c'est un sentiment, qui accompagne souvent les descentes, qui la prend désormais aux tripes, cet état de déprime qui la met au plus bas. La brune s'empresse de plonger ses mains dans ses poches afin d'en tirer son paquet de cigarettes. Dernier élément d'un combo dévastateur, elle sait qu'elle est pathétique mais elle ne peut pas s'en défaire. Ses mains trembles alors qu'elle sort le bâtonnet de sa boîte pour le glisser entrer ses lèvres crispées. Sa vue se brouille, quand s'est-elle autorisée à laisser ses sentiments reprendre le dessus ? La métisse jure à nouveau et range finalement sa clope dans son paquet. Pas besoin de ça. Elle marche toujours, sans se préoccuper de ses arrières, avance tout droit en direction de son appart. Elle espère que Charlie et on frère sont endormis, elle ne veut pas se confronter à son ex en plus de tout ça. Au pire, elle ira faire un tour dehors avec Jack. Les mots de Jiwon résonnent toujours dans son esprit, elle n'aime pas ça, cette impression de culpabilité qui lui tord l'estomac.
La blonde était allée trop loin. Elle n’aurait pas dû aller jusqu’à la pousser, mais sa colère était trop grande. S’éloignant de sa voisine, elle écoutait tout de même ses mots, curieuse de sa réaction. Elle n’avait pas tort, les deux ne semblaient pas être faites pour s’entendre. Sans même se retourner ou daigner répondre, la jeune continua d’avancer. Elle préférait avoir des difficultés à s’intégrer plutôt que de trainer avec ce genre de personnes. Secouée par toutes ces émotions, Jiwon laissa couler quelques larmes sur ses joues, les essuyant immédiatement. Ce n’était pas le moment de craquer. Elle venait d’arriver dans cette ville inconnue, ce n’était pas pour la quitter si vite. Ses pas s'accélèrent quand elle passa devant la maison, souhaitant s’éloigner le plus vite possible de ce lieu. Plus jamais elle n’y remettait les pieds. Pensant que la brune était retournée dans le bâtiment, elle fut surprise de la voir marcher en direction de leur immeuble. Confuse, elle s’arrêta quelques instants, tentant de deviner pourquoi elle était partie. Peut-être était-elle contrariée par leur altercation ? Ou elle en avait tout simple assez. Jiwon n’en avait aucune idée. Alors tout en imaginant les diverses raisons qui ont pu pousser son aînée à rentrer, elle avançait, arrivant elle aussi à leur appartement. Le rejoignant sans trop de difficultés, elle monta les escaliers, atteignant enfin l’étage où les deux vivaient. S’arrêtant un instant pour contempler la porte de l’appartement de la brune, elle espérait ne pas la croiser avant quelques jours, voire plusieurs semaines. Ou ne plus jamais la revoir tout simplement. Jiwon s’imaginait déjà devoir se confronter à elle le lendemain, elle ne saurait comment réagir. L’ignorer ou s’expliquer ? Elle y réfléchira plus tard. Ouvrant la porte la menant dans son domicile, il était temps pour elle de se reposer.
Accueil
