Journée ensoleillée en cette matinée au manoir. Tout le monde est sorti, dehors, il n’y a que Jongsu dans sa chambre – enfin, sa jungle aménagée, qui fixe le haut plafond de la pièce. Seul, fatigué, son visage est pourtant détendu. Ses zygomatiques lui font mal à force de garder ce sourire crispé, heureusement qu’il a ces moments pour lui-même. Un petit coup de blues matinal, bien que le temps soit agréable, le jeune homme baille lentement en se grattant la tête. Direction la salle de bain pour se réveiller un peu plus, il se prend une douche rapide pour retrouver ses esprits. Malgré tout, son moral n’est toujours pas au plus haut. Ah, pourquoi ne pas parler à Esteban, son unique confident ? Certes, il y a plus réactif dans la vie, mais au moins il n’y a aucun jugement. Puis la façon dont l’iguane s’endort sur lui, ça rassure Jongsu. Un soupir, puis le brun retourne dans sa chambre et colle son front contre la vitre du terrarium, à la recherche du reptile. Coup d’oeil à gauche, coup d’oeil à droite, l’animal n’est pas visible. Qu’est-ce que… Bah, il suffit juste de rentrer dans la grande cage aménagée pour le prendre dans les bras. Aussitôt dit, aussitôt fait. Le séoulite entre doucement, puis aperçoit derrière une grande feuille son ami vert. En s’approchant, le léger rictus qu’arborait l’homme disparaît. « Este… ban ? » chuchotement, l’iguane ne montre aucun signe. Tout de suite, c’est la panique. Tout de suite, il s’empare de l’animal – délicatement tout de même, pour ne pas le brusquer – puis le sort de son habitat. La respiration est courte, Jongsu sent sa tension monter en flèche. Que faire ? Personne n’est là… Tout le monde est sorti… Descendant les marches précipitamment, c’est en passant devant le salon qu’il remarque une ombre. Une ombre ? Plutôt une personne. Et pas n’importe qui, d’ailleurs. Jongsu s’arrête net, mais les mots se bloquent dans sa gorge. Impossible à cause de la panique d’aligner deux mots – jurons intérieur, le brun fait ce qu’il peut. « S-S… S-Su… » bégaie-t-il, les poings serrés. « Su-Su-Su… » Les larmes lui montent aux yeux, mais il se retient. « Sumin ! » Enfin, le propriétaire du reptile parvient à crier pour interpeller la jeune femme assise vers la fenêtre. « Esteban… B-B-Bouge… » il prend une grande inspiration, montrant son meilleur ami dans ses bras, puis reprend. « Esteban ne bouge plus… »

Dehors le soleil brille haut, les oiseaux chantent et les arbres dansent. Tout est calme dans la maison, presque tout le monde est sorti, à l'exception de Sumin et Jongsu. La brune le sait, elle a compté, elle compte toujours inconsciemment. Tournant les pages de son livre, elle est installée près d'une des grandes fenêtres du salon, profitant de cette matinée tranquille pour se plonger dans des histoires. Ce genre de moment lui rappelle agréablement ses jours à la campagne, lorsqu'elle allait se poser à l'orée du bois afin de dévorer un polar à l'abri des regards. Elle ne mentira pas, le calme de son village lui manque, mais elle est contente d'avoir pu trouver un endroit comme celui-ci dans Busan, malgré la responsabilité écrasante qui pèse sur ses épaules d'aînée. Onze autres garnements possédant tous leur propre personnalité dont elle se doit de prendre soin parce que c'est ça qu'on attend de la plus vieille du manoir. Non pas qu'on lui ait demandé quoi que ce soit.

Redressant ses lunettes rondes sur son nez, la belle attrapa la tasse de thé qui reposait près d'elle et aspire une gorgée avant d'être attirée par l'arrivée frénétique de Jongsu qui semble affolé, son iguane Esteban dans les bras. Mister Hyde qui dormait sur les genoux de sa maîtresse, rejoint le sol immédiatement avant de s'éloigner le plus loin possible de l'intrus. Les bafouillements du garçon alerte la plus vieille qui se lève alors pour le rejoindre, le visage concernée. « Hey... » Murmure-t-elle au jeune homme avant de glisser sa main derrière sa nuque afin de l'aider à se calmer, geste intime qu'elle ne s'autorise qu'avec lui. Le garçon parvient finalement à aligner deux mots et la jeune femme comprend alors la raison de cette agitation subite. Déposant la tasse qu'elle tenait toujours sur la table, la vétérinaire se concentre sur le reptile, constatant son état inquiétant. Elle fronce les sourcils et vient tater le ventre de l'animal avant de glisser son doigt contre ses naseaux. « Il ne respire presque pas. Viens avec moi dans l'atelier. » indique-t-elle avant de se retourner pour rejoindre la porte et se glisser dehors.

Elle les guide jusqu'à la pièce désignée, rejoignant la partie qui lui est consacrée. Elle y garde une partie de son matériel et quelques machines d'auscultation qui ne lui servent pas à la clinique. « Dépose-le sur la table, je vais essayer de voir ce qui bloque sa respiration. » Malgré l'urgence de la situation, Sumin fait preuve d'un sang froid et d'un calme irréprochable, l'opposé total de celui qui panique à l'idée que son iguane puisse être blessé. Elle farfouille dans ses instruments et ressort de quoi ausculter l'animal avant de le rejoindre lui et son maître qui semble toujours aussi mal en point. « Hé, Jongsu, ne t'en fais pas ça va aller, laisse-moi faire. » Elle le repousse légèrement, sa main pressée contre son bras, son regard de biche ancré dans les prunelles du jeune homme. Elle lui adresse un sourire rassurant et se détourne de lui afin de se concentrer sur le reptile. 

L’angoisse monte encore et toujours, même en voyant Sumin aussi posée que d’habitude. Elle parvient tout de même à faire frissonner Jongsu lorsque sa main vient caresser doucement sa nuque – mais l’homme préfère refouler toute émotion et se focaliser sur son reptile en mauvaise forme. Tous les deux se dirigent vers l’atelier, là où se trouve quelques instruments de vétérinaire appartenant à la brune. Le propriétaire de l’animal se laisse apaiser par la jeune femme, son corps autrefois tendu tombe lentement, jusqu’à s’écrouler contre le mur. Le contact des doigts délicats de Sumin sur son bras le font à nouveau paniquer. Il essaie de parler, de répondre aux paroles de son aînée, en vain. « S… S… » Sumin… Sa lèvre inférieure se coince entre ses dents, Jongsu est frustré d’être incapable d’exprimer sa peur à travers les mots. Alors il pose sa main sur la sienne et acquiesce discrètement avant de se laisser tomber le long du mur. Il refuse de pleurer – interdiction de se montrer dans un tel état, papa et maman ne seraient pas contents. Il marmonne deux ou trois mots en tentant de se faire comprendre. « Q-Q-Qu’est… ce… q-q-qu’il… a… ? » Ne t’en fais pas ça va aller. La tête dans les bras, le surplus d’émotions et la phrase rassurante de la vétérinaire font malheureusement un mauvais mélange. Tout se bloque dans sa tête, il y a comme un court-circuit qui fait tout péter. Exactement comme les fois où ses parents lui disaient de rester calme quand quelque chose de grave lui arrivait. Sa respiration ralentit, l’homme se détend, il est presque… Mou. Sa tête se relève mécaniquement, son regard est vide, son sourire crispé est de retour. « Oui. Tout va bien. » Son esprit a tout jeté, tout refoulé – il a fait une mise à jour sans supprimer les données, dirons-nous. Hop, Jongsu se redresse sur ses jambes et se tient droit, très droit comme un piquet. Il ne bouge plus, les yeux suivant les moindre faits et gestes de sa colocataire. Jongsu attend patiemment, sans plus aucune panique apparente sur son visage.

Sumin est focalisée sur l'iguane, si bien qu'elle ne remarque pas le changement d'état du plus jeune derrière elle. Elle examine, tâte avec précaution, termine par en déduire que quelque chose est coincé dans sa gorge. Sans attendre, elle ouvre la bouche de l'animal et attrape un petit miroir dentaire afin d'inspecter l'intérieur de l'animal. « C'est ce que je pensais. » Répond-elle à Jongsu qui semble avoir -étrangement- retrouvé ses esprits. Elle se retourne d'ailleurs à ce moment précis, étonnée par l'absence de bégaiement dans la voix du garçon. Ses yeux sombres scannent son visage un moment, mais elle ne fait pas de remarque sur l'étrange expression qui le recouvre. Jongsu a toujours été... spécial, pour ne pas dire étrange. Elle sait que le garçon n'a pas eu une vie facile. Ce qui s'est passé exactement? Elle n'en a pas la moindre idée, pas encore.

« Il a avalé quelque chose de trop gros qui a obstrué sa trachée. Je vais essayer de l'avoir en enfonçant mes doigts sinon je devrais ouvrir. » Elle ne sait pas si lui raconter tout ça est la meilleure chose à faire, mais elle préfère prévenir Jongsu plutôt que de se mettre à charcuter Esteban sous son nez. Plus de temps à perdre, le médecin plonge ses doigts dans la gorge du reptile, prenant garde de ne pas le blesser. Par chance, l'obstacle n'est pas très enfoncé, cependant, ses doigts sont trop gros pour qu'elle parvienne à l'attraper complètement. Sans attendre plus, elle repose la tête de l'animal et s'en va fouiller dans sa trousse de secours afin d'en tirer une longe pince. Elle retourne près de l'iguane et répète son intervention, se servant de la pince à la place de ses doigts. Elle parvient sans trop de mal à expulser le corps étranger, un morceau de mousse verte que l'animal a dû pendre pour un brocoli. Esteban est toujours sans réaction, Sumin fronce les sourcils et vint frotter doucement le dos du reptile. « Aller mon grand, tu peux le faire. » Une seconde, deux secondes, finalement, l'animal se remet à respirer normalement. La Coréenne se met à sourire et se détend, rassurée de voir qu'Esteban va bien. Elle n'ose pas imaginer le drame s'il était mort. « Et bah voilà, je savais que tout irait bien. » Lâche-t-elle en se retournant vers Jongsu.

Image trop insupportable à imaginer, Jongsu préfère se dire que tout va bien. Son iguane n’a rien bien méchant, il est juste endormi. N’est-ce pas ? Debout dans un coin de la pièce, l’homme fait peur à fixer Sumin en train de s’occuper du reptile. Celui-ci d’ailleurs s’était étouffé avec un morceau de mousse apparemment, ah ! Quelle erreur, il faudra réduire l’épaisseur de cette plante dans le terrarium une fois que tout sera rentré dans l’ordre. La jeune femme réveille soudainement son colocataire, qui reste immobile. « Merci. » dit-il en se courbant légèrement. « Je vais le remettre là où il vit. Il se sentira mieux. » Sans laisser le temps à la vétérinaire de répondre, l’homme porte doucement Esteban dans ses bras jusqu’à sa chambre. Terrarium. Terrarium. Terrarium. Terrarium. Ce mot résonne, s’impose dans l’esprit du propriétaire – comme s’il voulait bloquer toute autre mauvaise pensée. Délicatement, Jongsu pose sur une large branche son ami, puis recouvre d’un drap les endroits couverts de mousse épaisse. Oh mais, il faut remercier plus chaleureusement Sumin, sans elle, personne ne saurait ce qui aurait pu arriver. Alors le brun descend puis rejoint la jeune femme qui était retournée dans le salon. Silencieux, il fait vraiment peur à se pointer sans un bruit, à côté du fauteuil où elle est posée. « Merci beaucoup, Sumin. » qu’il dit d’une voix presque robotique. « Merci beaucoup, beaucoup, beaucoup, beau… » Mais plus il parle, plus sa voix disparaît dans sa gorge. Il y a un bug dans la matrice. Le colocataire garde la même expression, un sourire figé, mais lorsqu’il cligne des yeux, une larme coule involontairement. « Beaucoup… » Il aurait pu mourir. « Mer… » Elles coulent à flot, sans arrêt, les perles salées tombent les unes après les autres sur le parquet. Sa force diminue, et rapidement, Jongsu tombe à genoux devant son aînée. Les mains sur les cuisses, les yeux rivés au sol, le rictus est bel et bien présent, les larmes aussi. « Merci infiniment… Je suis désolé… »

Sumin se retrouve seule peu après l'intervention, profondément confuse par cet enchaînement d'événements peu conventionnels. Elle tient encore sa pince et son miroir dentaire dans les mains alors que le garçon disparaît derrière la porte, l'iguane avec lui. Mister Hyde apparaît alors dans l'encadrement, sa petite tête de vieux chat rabougri la jugeant sans gêne alors qu'il vient s'assoir devant elle. Le docteur baisse son visage vers le félin et les deux entament alors une conversation muette. « Et bien ma vieille, t'es pas sortie de l'auberge. » qu'il semble dire. « Qu'est-ce que t'y comprends toi à ce genre de chose ? » qu'elle répond d'un air agacé. Sumin se détourne du matou et s'occupe de ranger ses instruments dans sa trousse avant d'aller se laver les mains. Elle retourne ensuite à sa place initiale afin de s'appuyer un moment contre le rebord de la table de travail, histoire de souffler un coup. « Je devrais aller le voir tu penses toi ? » Elle jette un coup d'oeil au chat qui s'est permis de monter sur le meuble pour faire sa toilette. Il redresse son museau vers elle et la regarde sans broncher. Elle soupire, se redresse et se met à avancer vers la sortie. Une fois de retour dans le hall du manoir, elle rejoint le bas des escaliers et s'arrête un instant, hésitante. Jongsu est un garçon particulier, elle n'est pas sûre de savoir comment le gérer.

Elle renonce finalement et rebrousse chemin, ses pas la guidant de nouveau jusqu'au salon. Elle y retrouve la tasse qu'elle a abandonnée plus tôt, et son livre laissé ouvert contre le bord de la fenêtre. Elle n'a pas le temps de s'installer, voilà que Jongsu fait de nouveau irruption dans la pièce avec son sourire crispé et sa posture trop droite. Les remerciements sont froids mais ils ont le mérite d'être là. Elle veut répondre mais voilà que l'autre se remet à agir étrangement, fendant le masque qu'il semble vouloir à tout prix garder. Sumin sait déchiffrer les gens, même si Jongsu est un cas particulier, elle n'a aucun mal à lire en lui un malêtre certain qui lui ronge l'intérieur depuis trop longtemps. Elle ramène la paume de sa main devant sa bouche pa réflexe alors qu'elle-même sent les larmes lui monter à la vue de son colocataire qui s'effondre devant elle. « Jongsu ! » Elle rejoint le sol à son tour et s'empresse d'enrouler ses bras autour du corps recroquevillé du jeune homme, le serrant aussi fort qu'elle peut afin de le rassurer. « Tout va bien, tout va bien. » Guidée par un instinct qu'elle n'explique pas, elle glisse ses doigts fins dans ses cheveux châtains, lui caresse l'arrière de la tête, l'enveloppant du mieux qu'elle peut dans son étreinte à la manière d'une mère qui cherche à protéger son enfant. Elle murmure à son oreille, fait preuve de la même douceur extrême que lorsqu'elle s'occupe d'un animal affaibli.

Tout s’effondre autour de Jongsu, petit à petit il se sent tomber dans un vide infini. Comme à chaque fois qu’il fait une crise, plus aucune force ne l’aide à tenir debout et son masque tombe. Rares ont été les fois où cela s’est passé dans la colocation, surtout en présence des autres. Mais cette fois-ci, la peur de perdre son iguane l’a rendu vulnérable au plus haut point. Le jeune homme se sent partir lentement, il va encore s’évanouir et se réveiller comme si de rien n’était, parce que ça a toujours été ainsi. Crise, évanouissement, réveil, retour à la normale. Son corps s’alourdit puis s’écroule doucement sur la petite silhouette chétive de Sumin. Tiens, elle est toujours là ? Le brun sent des bras l’entourer délicatement, puis des paroles rassurantes qui le berce tendrement. Son rythme cardiaque ralentit aussitôt tandis qu’il se laisse caresser sa tête. Finalement, les traits de son visage se détendent pour afficher une tristesse sans nom. Ses bras viennent à entourer la taille de la vétérinaire – si petite d’ailleurs, que Jongsu n’ose même pas serrer de peur de la briser. Quelques petits hoquets résonnent dans la pièce silencieuse. Il n’y a que ces deux jeunes colocataires enlacés, dont l’un est sur le point de tomber d’épuisement. Le plus jeune se retient malgré tout en avançant légèrement son genou. Ah, qu’il rêverait de rester comme ça toute sa vie, sans que d’affreuses pensées viennent le hanter à chaque instant de sa vie. « n’en parle à personne. » une voix basse, un murmure suppliant son aînée de garder secret le vrai visage du soi-disant ‘mec toujours souriant’ « je t’en supplie… » le désespoir se lit dans ses gestes quand l’homme resserre l’étreinte autour de la jeune femme. Un soupir, et un rire nerveux s’échappe. « je suis désolé de t’avoir fait peur… » il fourre un peu plus son visage dans le creux du cou de sumin, humant discrètement cette odeur apaisante dont il aura du mal à se passer à l’avenir. Mais il ne le sait pas encore.

Proximité réduite, bientôt la belle se retrouve prisonnière des bras du jeune homme qui se presse un peu plus contre elle dans un élan de désespoir. Enfin prisonnière, c'est un mot bien péjoratif pour définir la situation actuelle. Sumin se sent même étrangement rassurée par cette étreinte impromptue qui les rapproche comme jamais avant. Jongsu est confortable, il y a quelque chose chez lui qui attire la plus vieille, sans même qu'elle ne s'en rende totalement compte . Sa carrure la surplombe largement pourtant c'est elle qui est là pour protéger l'autre d'un mal qu'elle ne comprend pas encore. Ses doigts glissent le long de la surface douce de sa peau, quittant ses cheveux pour rejoindre le haut de son dos. Elle le sent flancher mais il se retient de tomber, s'accroche à elle comme au dernier fil de sa vie. Un désir incommensurable de le garder près d'elle envahit la brune qui resserre ses bras autour de ses épaules larges. Le son de sa voix vibre contre elle, frisson qui parcourt son échine alors qu'elle s'arrête de respirer pour écouter les mots du plus jeune. Sumin resserre soudainement sa main sur le t-shirt du garçon comme pour lui signaler qu'elle ne compte pas le lâcher. « Jongsu... » soupire-t-elle, la voix légèrement tremblante alors qu'elle peut sentir le souffle du jeune homme contre sa nuque. « Ça restera entre nous. » tente-t-elle de le rassurer avant de relâcher prise, forçant l'autre à se détacher d'elle. Elle veut le regarder dans les yeux, lui prouver sa sincérité. Elle plonge son regard trop intense dans les yeux sombres du mâle et se met subitement à rougir. Ok c'était peut-être une mauvaise idée. « J-je te promet de ne rien dire. » La voilà qui se met à bégayer elle aussi. Elle se sépare de lui, se sentant soudainement un peu oppressé par cette proximité. Elle reste à terre tout de même, vient poser une main sur son bras, qui remonte ensuite jusqu'à son épaule, traçant la forme agréable de son triceps. Ses yeux suivent la trajectoire de ses doigts qui s'arrêtent au niveau de son col. Elle trouve le courage de le regarder dans les yeux une seconde fois, maîtrisant bien plus ses émotions qu'il y a une minute. « Promets-moi de venir me voir quand ça ne va pas. Ça me brise me cœur de te savoir en train de souffrir. Que ça soit toi ou n'importe qui d'autre dans cette maison, je ne dors jamais bien si je ne suis pas sûre que tout aille bien pour vous tous. » Empathie étouffante qui la ronge, elle ne leur doit rien, à ces gens, et pourtant, Sumin serait capable de décrocher la lune pour chacun d'entre eux.

Doucement, Jongsu se remet de ses émotions. Les orages dans son esprit ont disparu, laissant place à une aube de bonheur troublé par un vent violent qu’est l’anxiété. Sentiment de sécurité dans les bras de la belle lorsque celle-ci promet de garder secret cet évènement. Un soupir de soulagement s’échappe de ses lèvres, quand Sumin brise soudainement leur étreinte, pour plonger son regard dans le sien. Petit moment de silence, puis les joues prennent une teinte rosée. Combien de temps est-ce que Jongsu n’a pas été aussi proche d’une fille, aussi longtemps ? Il déglutit nerveusement avant de détourner les yeux, puis la brune se redresse au grand dam de l’autre. Elle laisse cependant ses doigts glisser sur le bras du plus jeune – qui serre les dents au passage en sentant son pouls reprendre une vitesse exagérée. La voix mélodieuse de la vétérinaire le rappelle à l’ordre, elle le prie de le voir quand ça n’ira pas la prochaine fois. Oh mais rien ne va à chaque moment de sa vie. La sincérité dont elle fait preuve, la douceur qu’elle émane quand elle s’adresse à lui, Jongsu sent une vague réconfortante lui envahir le corps. C’est donc ça, être choyé ? Sa fatigue mélangée à la plénitude qu’il ressent le poussent à entrelacer les doigts de la jeune femme avant de se relever avec elle. Un sourire discret, rictus pourtant réel et sincère, étire les lèvres du garçon. « j’y penserai. » Jongsu ne peut pas mentir, il ne sait pas mentir. Promettre quelque chose dont il n’est pas sûr, ce n’est pas pour lui – alors il tente une autre approche. Il pensera à Sumin, quand ses pensées deviendront trop brumeuses, à son visage rayonnant et ses paroles rassurantes. Il pensera à ses doigts fins contre sa peau, caressant sa nuque lors d’un câlin. Jongsu souhaite la remercier encore une fois, mais il n’y arrive pas. Ce n’est pas assez, un simple mot. Dans un élan d’adrénaline, le plus jeune se penche vers sa colocataire pour déposer un baiser sur son front, avant de murmurer à nouveau. « merci pour tout. » Sauf que l’euphorie dure peu – le temps de se reculer, Jongsu se rend compte de ce qu’il vient de faire. Très vite, ses traits se tirent en une grimace d’effroi, il devient rouge carmin. « p-p-p… » le bégaiement réapparaît, il panique. « p-pa-par… » il tourne les talons pour fuir de la pièce, chuchotant un léger ‘pardon’ avant de se cacher dans sa chambre.

Tension qui monte, les doigts s'entremêlent à ceux du garçon, geste qu'elle n'a pas prévu et qui la prend de court. Elle grade son calme pourtant n'affichant pas l'embarras qui secoue son pauvre coeur malmené depuis ce matin. Trop d'émotions la traversent depuis que Jongsu est apparu pour troubler sa lecture, elle n'est pas sûre de tout suivre. Incapable pourtant de détacher son regard du visage du jeune homme qui lui apparaît sous des angles auxquels elle n'a jamais songé. Depuis combien temps se connaissent-ils? Elle se souvient encore de lui lorsqu'ils étaient au lycée, lorsqu'elle était placée sur un piédestal par ses camarades et que lui n'était que le fantôme des couloirs. Sumin le voyait elle, elle voyait toujours tout le monde, et malgré la popularité de la belle, jamais elle ne s'était considérée plus importante que lui.

Les souvenirs l'envahissent, elle paraît moins attentive, sa conscience vagabondant dans les tréfonds de son esprit à la recherche du temps passé. C'est un nouveau geste imprévu qui la ramène au présent, lorsque les lèvres douces du plus jeune se posent sur son front, décharge électrique qui active son palpitant désormais hors de contrôle. Ne pas céder à la panique. Elle bat des paupières, met un temps à comprendre ce qui vient de se produire et ne peut retenir le rouge qui lui monte aux joues alors que l'autre essaye de s'excuser. Elle n'a pas le temps de le retenir, voilà qu'il prend la fuite la laissant seule une nouvelle fois, bredouille, au milieu de la pièce, le visage marqué par la confusion.

Esprit embrouillé, elle se retrouve près de la table et attrape la tasse qu'elle a laissée plus tôt, avalant une gorgée de son contenu avant de grimacer. Ew, froid. Elle abandonne l'idée de terminer son thé et de se rafraîchir les idées, et abandonne une nouvelle fois la tasse sur la surface boisée. Mister Hyde refait son apparition, il s'avance jusqu'à la table et grimpe sur le meuble avant de se frotter contre le bras de sa maîtresse. Un miaulement ( plutôt un grognement), il quémande de l'attention mais la brune est trop perturbée pour s'en occuper. « Aïe ! » S'exclame-t-elle alors que le félin s'est permis de la griffer. Elle lui envoie un regard noir et le chasse de la table avant de se mettre à marcher vers la sortie de la pièce elle aussi, histoire de désinfecter la plaie causée par cet imbécile de chat.