(( @Bae Munhee )) — La marée commençait doucement à descendre, sous le chaud soleil de mi-printemps. Il était presque 2 heures de l'après-midi. Un sourire aux lèvres, Seungkwan observait les vagues qui lentement se retiraient, laissant derrière elles un sol humide et plus ferme qu'il ne l'était habituellement. « La marée descend, tu veux aller marcher un peu ? » Son regard s'égara sur le visage de Munhee, qu'il admira un instant. Elle était toujours si belle. Si belle qu'il arrivait au pharmacien de se demander comment il avait eu la chance si inouïe de rencontrer une personne comme elle. Il n'osait les désigner comme un couple, ignorant en vérité ce que la jeune femme pouvait éprouver, alors il se rabattait sur le terme que beaucoup utilisaient, depuis quelques années "une relation compliquée". Les bras entourant ses genoux, qu'il avait en partie ramené lui, il attendit une réponse.

Un ballon atterrit à ses pieds, perdu par un gamin qui jouait à proximité. Sans attendre, Seungkwan le lança à son propriétaire avant de rire doucement et de reposer les yeux sur Munhee. « Sinon je peux aller nous acheter quelque chose à boire. Ça fait un moment maintenant. » Et même si vingt-et-un degrés n'étaient pas une température record, s'hydrater était un impératif auquel Seungkwan ne pouvait déroger.

(( @Bae Seung Kwan )) — Redressant ses lunettes de soleil sur son nez, elle pencha la tête en arrière et étendit ses jambes sur le sable, s'offrant un peu plus aux rayons de l'astre qui brûlait au-dessus d'eux. Elle jeta à un coup d’œil à son bras, que les manches courtes de son t-shirt ne protégeaient aucunement des dangers du bronzage, pas plus que ne le faisait sa jupe de jean pour ses jambes à la peau claire. Tant pis. Le soleil lui avait manqué.

"Hm ?" Munhee sourit, jetant un oeil au jeune homme se tenant à ses côtés. Charmant choix de compagnie, si on l'écoutait. "Oh ! Oui, c'est une bonne idée."

Mais elle ne se leva pas immédiatement. Elle se permit d'abord d'attarder son regard aux traits de son compagnon, sourire perlant toujours au bord des lèvres. Charmant, oui. Très, très beau - elle aurait été déçue qu'il ne cède à ses atouts. Peut-être aurait-ce été plus prudent ? Elle balaya cette pensée d'un battement de cils. À ses côtés, Munhee avait tendance à oublier qu'elle était une femme mariée - là était peut-être le principal attrait de la chose. Le quotidien l'étouffait.

"Ou on peut faire les deux ? Boire quelque chose et se balader. J'ai envie d'un thé glacé."

Toujours le thé glacé, à se demander si la boisson n'allait pas finir par remplacer le sang dans ses veines...c'était un vice qu'elle avouait sans mal, cela dit.

(( @Bae Munhee )) — Il y avait quelque chose de profondément rassurant dans l'idée de se retrouver là, aux côtés de Munhee, sur cette plage où tout le monde existait. Évidemment, ils n'échappaient jamais au regard inquisiteur d'un téléphone portable qui filmait tantôt la plage, tantôt les enfants qui couraient près de leurs parents qui voulaient les immortaliser, tantôt les jolies filles qui se faisaient bronzer ou les hommes qui les accompagnaient au cours d'une partie de volley, mais c'était différent de la ville en elle-même, où la technologie écrasait parfois l'humain, ce qui n'avait jamais plus au jeune homme, qui se repaissait du calme de tels moments, alors que son regard courait sur la plage comme les vagues qui roulaient sur le sable, dévoilant coquillages et méduses abandonnées par les flots en retrait.

La voix de Munhee arracha un sourire au jeune homme, qui se détourna une nouvelle fois des flots pour reposer les yeux sur elle. Une bonne idée, disait-elle.

Il se redressa, récupérant ses chaussures, qu'il avait enlevées pour plonger les pieds dans le sable, avant de tourner la tête à la question de sa charmante compagnie. « On peut faire ça aussi, oui! » Un doux sourire vint étirer les lèvres du pharmacien. « Je vais nous chercher ça, comme ça tu peux profiter encore un peu du soleil. » dit-il en souriant, avant de récupérer dans sa veste la carte dont il aurait besoin : il refusait encore d'entrer ses données bancaires dans cette fichue application, même si cela compliquait les choses. Un baiser très furtif au coin des lèvres de la jeune femme et voilà qu'il était sur le départ, prêt à aller récupérer des boissons. Il reviendrait bien vite.

(( @Bae Seung Kwan )) — Ses yeux scrutaient, parfois, le paysage quasi-estival qui s'offrait à eux. Au milieu de la foule, des familles en sortie, des amies en balade et de tous ceux qui se pressaient sur la plage pour profiter du soleil, se trouvait-il des silhouettes qui sauraient reconnaître la sienne ? Un arrière plan involontaire de photo, un regard trop appuyé qui dévoilerait l'identité de Bae Munhee, femme de l'avocat Seo Hyungwon, et membre de l'éminente famille à la tête d'une célèbre marque de bijoux. Voilà qui ferait jaser pendant des semaines. Étrangement, elle se prit à penser qu'elle y trouverait au moins quelque distraction, au milieu d'une existence morne - une pensée absurde qu'elle s'empressa de chasser, concentrant plutôt son attention sur la seule distraction qu'elle s'autorisait, en la personne de son charmant amant.

Munhee fit mine de s'intéresser à la paire de bottines - Vuitton, évidemment - qu'elle avait posées sur le sable, priant intérieurement pour ne pas voir le moindre grain en endommager le velours noir. L'envie de rappeler qu'elle était tout à fait capable de s'occuper de sa boisson toute seule la titillait...autant que l'idée d'une certaine galanterie qui ne lui déplaisait pas autant qu'elle le prétendait. L'important était qu'il sache qu'elle n'était certainement pas mijaurée - et c'était bien le cas, finit-elle par décider, partiellement parce qu'elle était décidément amoureuse du soleil qui continuait de lui lécher la peau.

"Un vrai gentleman ! La prochaine fois, je ferais la...gentlewoman, alors."

S'égarant dans un rire cristallin et exquis, elle rejeta un peu plus sa tête en arrière, comme pour avaler le plus de rayons de soleil possible. Munhee passait décidément trop de temps dans un bureau : cette cure de vitamine D était nécessaire. C'était peut-être un accès ouvert un peu plus à ses lèvres où l'on déposa un léger baiser. Et si elle souriait, l'air de rien, adressant un léger signe de la main à Seungkwan, le sourire fut remplacé par une grimace dès lors qu'il s'éloigna d'elle. Tout cela était définitivement bien trop risqué...mais elle avait le goût du risque, pourtant. Perdue quelque part entre son besoin de cette bouffée d'air, et le poids de ses obligations qui lui écrasait la poitrine, Munhee conciliait le tout en s'obligeant à toujours tout séparer. Ainsi, ce genre de démonstrations d'affection publiques auraient du la déranger...elles lui plaisaient quelque peu, en réalité. Soupirant, elle tenta de se rassurer en se convaincant que personne ne les regardait, de toute façon, et plongea le nez dans son téléphone pour se distraire de ses réflexions.

S'égarant ainsi quelques minutes dans les méandres des réseaux sociaux, elle n'en sortit qu'au retour de son amant auprès d'elle, la boisson tant convoitée en main. S'en saisissant avec un nouveau sourire doux, elle n'attendit pas avant d'en siroter une gorgée.

"Ah, merci. C'est vraiment une vision très agréable, dis-moi...toi, marchant vers moi avec un thé glacé dans les mains. Addition de bonnes choses."

Elle se targua d'un rire taquin. L'air léger, insouciant. Il ne pouvait pas en être autrement.

(( @Bae Munhee )) — Munhee représentait les pauses dans une vie bien trop inquiétante pour Seungkwan. Entre les heures de travail interminables et le besoin incessant de s'assurer qu'il ne serait pas remplacé par une de ces machines automatiques ridicules, il peinait parfois à sortir la tête de l'eau. Puis, il la retrouvait, souvent pour quelques heures, et il parvenait à oublier les tracas de son quotidien. Elle était si douce. Une brise fraîche un jour de canicule, alors que les jours de soleil s'enchaînaient un peu trop. Et aujourd'hui encore, alors qu'elle laissait sa peau profiter du soleil et de ses bienfaits, elle semblait tombée du ciel par mégarde. Mais sans doute était-il bien trop perdu dans son admiration pour réaliser ce qu'il en était vraiment. Sans doute l'idéalisait-il un peu trop. D'un autre côté, qui n'aurait pas eu envie de protéger une jeune femme comme elle, d'être à son service ? Seungkwan ne manquait aucune occasion de lui montrer son affection, et c'est un petit rire qui lui entre ses lèvres.

« Pas de problème, j'attendrai. »

Loin de lui l'idée de presser sur elle une masculinité trop imposante. Il voulait simplement lui faire plaisir. Il ne tarda pas à disparaître pour aller rejoindre les commerces environnant, où il acheta deux thés glacés, prenant bien garde à choisir celui de Munhee comme elle les préférait, avant de revenir vers elle, un sourire aux lèvres. Il rit en lui tendant le sien.

« C'est assez flatteur. »

Il jeta un regard vers le téléphone que la jeune femme avait entre les mains avant de s'en désintéresser très rapidement. Toute cette technologie n'était pas faite pour lui. Il devait bien avouer qu'il était heureux qu'elle n'y soit pas accrochée en permanence quand il était dans les environs. Du moins, il n'y avait jamais vraiment fait attention jusqu'alors.

« On va marcher ? »

Il prit une gorgée de son propre thé glacé, revissant d'un geste la casquette qu'il portait sur la tête, pour éviter une insolation malheureuse. Il pouvait sentir la chaleur sur ses bras dénudés, une chaleur presque mordante, qui ne lui inspirait rien de bon. Pourtant, les cordonniers étant les plus mal chaussés, il avait omis d'emporter avec lui sa crème solaire, et ses épaules allaient elles-même en prendre un coup.

(( @Bae Seung Kwan )) — Au milieu de l'effervescence grisâtre d'un quotidien aussi plat que rempli, Seungkwan représentait un merveilleux arrêt sur image, une bouffée d'air frais qui se faisait de plus en plus essentielle, au fur et à mesure que les jours passaient, amenant avec chaque nouvelle aurore un peu plus de morosité à une vie qui l'ennuyait déjà bien trop. Munhee se fit une fois de plus cette réflexion, lorsqu'elle jeta un oeil à la quantité rocambolesque de tâches qui s'étaient accumulées dans ses rappels, et au sms de Hyungwon lui rappelant que ce soir-là, elle devait rentrer tôt. Idiot, pensa-t-elle, il croit peut-être que c'est lui qui décide ? Elle ne traînerait pas, pourtant.

Il lui semblait donc essentiel de profiter de ces maigres heures de fuite tant qu'elles duraient. De respirer cet air à grands poumons pour s'en imprégner tout entière, et ressentir son effet encore un peu lorsqu'elle retournerait à l'asphyxie de son quotidien - profiter de Seungkwan, et lui offrir un rire pour faire naître la légèreté.

"Je ne flatte pas, pourtant, ce n'est vraiment pas mon genre ! Je te prierais de te croire privilégié, du coup."

Et sur cette trace de malice, elle se releva et se saisit de sa paire de bottines qu'elle devrait probablement transporter à la main - quelle âme saine d'esprit irait marcher avec au bord de l'eau ? Un conseiller avisé lui aurait probablement rappelé que la meilleure idée eût été d'en choisir d'autre pour cette sortie. Elle n'aurait pas écouté.

"Oui, on y va."

Sans plus attendre, elle pris son avant-bras de la main pour avancer jusqu'au rebord, désormais dépourvu de vague, de la mer qui leur dérobait, de plus en plus, sa beauté azure.

"Je ne vais pas pouvoir rester trop tard, par contre, il faut que je sois rentrée en fin d'après-midi. Des choses à faire, tout ça - enfin tu comprends, quoi."

Des choses à faire, une fille à aller chercher à la garderie - un détail qu'elle garderait sous silence -, un client du mari à accueillir pour le dîner sous un masque d'hôte correcte, à défaut d'être parfaite. Tout un programme. Elle n'estima donc pas avoir à s'excuser de sa future dérobade - de toute façon, il leur restait encore du temps.

(( @Bae Munhee )) — Seungkwan n'aurait pu se lasser de ces moments que la vie lui offrait. Munhee avait tout d'une femme hors d'atteinte, pour un garçon comme lui, et pourtant voilà qu'il se trouvait sur cette plage avec elle, à partager un moment de légèreté parmi tant d'autres. C'était à se demander pourquoi il était aussi chanceux, et si cette chance n'allait pas s'envoler tout d'un coup. N'importe qui se serait peut-être posé des questions, mais Seungkwan refusait de voir cette réalité, à l'abri des désillusions et anecdotes que rapportaient en trop grand nombre les réseaux sociaux, pour ceux qui s'y plongeait trop longtemps. Quand ses rares messages concernaient la pharmacie pour laquelle il travaillait ou les activités qui nécessitaient l'utilisation de ces réseaux qu'il considérait comme superflu, il était en effet difficile d'être au courant de quoi que ce soit. Il était, comme la marée, en retrait du monde.

« Je n'ai aucun doute là-dessus. » Il suffisait de la regarder pour avoir conscience de sa chance : Munhee était une femme dont les vêtements n'étaient pas les seules choses à donner l'impression de posséder une grande valeur. Aux yeux de Seungkwan, en tout cas. Une faiblesse qu'il s'avouait sans peine, même s'il avait plus de difficulté à en parler à voix haute, quand il était à ses côtés. Alors, un petit sourire lui vint aux lèvres, alors qu'ils avançaient tranquillement.

« Oui, je comprends. » Encore un sourire, toujours aussi doux. Loin de se douter de la vérité, il avalait sans se faire prier les mensonges qu'elle lui servait, les yeux posés sur la plage qui s'étirait devant eux. Seungkwan prit une grande bouffée de cet air qui embaumait l'iode. « Tu passeras à la maison, un de ces jours ? » C'était toujours chez lui qu'ils se rendaient, jamais chez elle. Une situation bien curieuse, mais il respectait l'intimité d'une femme comme Munhee. Peut-être avait-elle quelque colocataire ennuyeux qui refusait les invités. Rien n'était impossible, dans cette société particulière où la vie se déroulait trop souvent au travers d'écrans interposés. Les Hommes ne se supportaient plus.

(( @Bae Seung Kwan )) — Il n'a aucun doute. Son rire aurait pu se parer d'amertume. Aucun doute, non, sur le privilège de son statut...quant à l'exclusivité ? Elle n'avait même jamais existé. Souvent, Munhee remerciait le ciel de cette résistance qu'opposait son amant aux réseaux sociaux. Un coup d'oeil à son profil marquerait, sans aucun doute, la fin de cette liaison qui devenait de plus en plus nécessaire au maintien de sa santé mentale. Nécessaire, mais aussi fragile qu'une statue de cristal. Qu'aurait-elle fait, si un jour, Seungkwan avait découvert l'existence de sa vie conjugale ? Bêtement intriquée dans une histoire qui prenait bien plus d'importance qu'elle n'aurait voulu l'admettre, elle n'aurait jamais le coeur d'y mettre fin. Pas maintenant. Plus tard. Toujours remettre à un futur inexistant, pour ne pas admettre qu'elle refusait de voir la fin arriver. Un jour, pourtant, la vérité exploserait, et, comme les vagues, il s'en irait au lointain - trop loin pour qu'elle puisse l'atteindre sans être prise dans la vase. Cette pensée était aussi repoussante que les affres boueux qui les séparaient désormais de la mer.

"Tant mieux. Il m'embêterait de devoir t'en convaincre."

Jamais aux pieds des hommes, son esprit effronté se contentait d'exprimer son affection sans jamais pousser à en convaincre - il la prendrait comme elle était, ou ne la prendrait pas du tout. Munhee laissait les comédies à son cher mari, comme la prétention d'un mariage heureux qui, ils le savaient tous deux, avait cessé d'exister passé les premiers jours. Ils ne s'étaient jamais aimés - et elle se trouvait bien plus attachée à cet amant qu'à l'homme à qui elle avait, pourtant, lié sa vie jusqu'à ce que la mort les sépare. Seungkwan était après tout d'une compagnie bien plus agréable, qu'elle savourait, sourire aux lèvres, en avançant sur le sable.

"Parfait, parce que je ne peux pas faire autrement." Hyungwon en serait furieux. De quoi aurait-il l'air, si sa propre épouse refusait de mettre les pieds à ce dîner ? La pensée était risible - son sourire s'agrandit dans un rictus amusé. "Avec plaisir, lorsque j'aurai le temps...je travaille beaucoup cette semaine. Lundi prochain, en revanche..."

Les journées de libre se faisaient rare. De plus en plus, on la trouvait enfermée dans ce bureau à travailler sur des plans marketing dont elle se fichait éperdument. Munhee aurait été bien mieux, à l'abris des regards, entre les murs de Seungkwan...loin des siens.

"Mais peut-être que toi, tu travailles. Ah ! J'ai hâte que ce projet soit terminé."

Le lancement de cette nouvelle ligne allait finir par la rendre folle. Elle n'avait qu'une hâte : que cela soit fini, pour pouvoir retrouver la compagnie de Nari et d'une bouteille de soju. On racontait qu'arriver au bureau avec la gueule de bois était très mal vu, et la jeune femme s'en trouvait désolée.

(( @Bae Munhee )) — Ce que les sentiments et les yeux pouvaient être fourbe, à dissimuler au coeur et à l'esprit les vérités qui auraient pu les ébranler. Caché dans sa bulle hermétique, à l'abri du bourdonnement incessant du réseau, Seungkwan vivait une vie paisible, insouciante, du moins quand il était question des nouveautés et des informations excessives dont le monde s'abreuvait. Perdu sur son nuage, il se plaisait à imaginer un monde où les Hommes se retrouveraient sans savoir besoin d'un téléphone, et où on ne lui reprocherait pas de ne pas avoir partagé avec la foule son dernier repas de la journée, dans l'espoir d'obtenir quelques maigres coeurs de plus. Des coeurs qui, s'ils rougissaient vite, n'avaient aucun intérêt à ses yeux. Rougis par des coeurs déjà vides et blessés, à l'inverse du sien. Le sien, qui battait tranquillement, alors que sa respiration suivait inconsciemment le va-et-vient des vagues qui se retiraient encore, à mesure que la marée descendait. Qu'il était bon de se trouver là avec Munhee, de ne plus penser au travail, au stress, à sa famille qui encore et toujours s'acharnait à le contacter, alors qu'il préférait les éviter, trop différent d'eux.

C'est parce que son coeur à lui était plein qu'il se plaisait à parler à Munhee, et que le moindre de ses mots arrachait un sourire au visage paisible du jeune homme qui continuait à avancer le long de cette étendue de sable, la paille de son thé glacé aux lèvres, les pieds laissant quelques marques dans le sable encore humide que la mer avait laissé derrière elle. Il l'écoutait toujours, souriait souvent, commentait parfois. Une habitude qu'il avait prise depuis bien longtemps, car telle était la personnalité de celui qui, bien souvent, se contentait de conseiller avec calme les clients qui venaient le voir à la boutique.

« Lundi ? » Il réfléchit encore. Qu'avait-il à faire, lundi ? Il aurait pu sortir son agenda pour le vérifier, mais il ne l'avait pas sur lui. Son travail était resté à la maison, avec toutes ses autres obligations, et voilà qu'il avançait paisiblement le long de la gardienne des plus grands mystères. La mer. Ou était-ce Munhee ? Il n'imaginait pas à quel point l'une et l'autre étaient similaires, à cet instant précis. « Je suis libre lundi. » reprit-il sur le ton calme qui était le sien, quand il se souvint qu'il était en congé ce jour-là. L'avantage des horaires fixes qu'il avait à la pharmacie. « Tu pourrais passer la soirée avec moi ? » Ils se voyaient souvent en journée, rarement assez longtemps pour lui. Mais le serait-ce un jour ? Il aimait trop sa compagnie pour pouvoir l'affirmer. Munhee était un moment de douceur qu'il s'accordait souvent. Un moment de beauté, aussi, car elle était à ses yeux comme un bonbon dont il n'aurait pu se lasser, quand bien même il avait honte, parfois d'être aussi superficiel.

(( @Bae Seung Kwan )) — Souvent, ses envies de ces instants de liberté privilégiés, ses besoins de se trouver aux côtés de cette bouffée d'air, se trouvaient contrariés par les aléas de la vie et de ses obligations. Comme tout aspect de sa vie qui n'étaient ni lui, ni Nari, ni Milan, elles présentaient un bloc rigide et austère se glissant entre elle et ses désirs. Munhee aurait voulu la liberté. Elle aurait voulu briller par elle-même. Elle aurait voulu sortir de ce joug qui l'étouffait. Mais elle en était aussi incapable que de soulever des montagnes - alors, contrite, elle se livrait sans rechigner à toutes ces activités déplaisantes que lui imposaient désormais le quotidien. Parfois, elle rêvait, se souvenait de ces quatre petites années de totale liberté que lui avaient offertes Séoul et la poursuite d'un rêve écrasé. Si tout cela n'avait pas été un échec cuisant...elle aurait voulu songer à cette chimère, cette possibilité illusoire d'une vie lui correspondant réellement. Cela lui faisait plus de mal que de bien pourtant, elle en était convaincue, et refoulait ces bêtises dans les tréfonds de sa mémoire, là où elle ne pouvait les voir.

Il lui fallait se concentrer sur le concret. Le concret, c'était aussi bien sa vie occupée que la présence non moins réelle de Seungkwan à ses côtés, ou que la fraîcheur délicieusement glacée de la boisson qu'elle sirotait. Le concret, c'était la possibilité d'échapper, une fois encore, et dès le lundi suivant, à l'ennui de son existence. Alors, elle lui sourit d'un enthousiasme non feint, creusant ses joues à mesure que ses lèvres s'étiraient.

"Super ! Lundi, alors. Je ferais du vide dans mon emploi du temps."

Hyungwon et Juri pourraient bien se passer de sa présence. Le bureau aussi : lundi, elle ne travaillait pas, et il était hors de question qu'on l'appelle à venir sans bonne raison.

"Euh..." Il lui faudrait une excuse pour s'éclipser le temps d'une nuit. Dieu bénisse Nari. "Oui. Je vais essayer. Oui, c'est d'accord."

La tentation plus forte que la raison : elle n'y aurait pas résisté bien longtemps. Munhee vivait de plus en plus pour ces instants de liberté retrouvée. Auprès de lui, elle n'était ni une mère, ni une épouse, ni une membre bien trop sollicitée d'une grand compagnie. Mais elle était une femme, comme il savait si bien le lui montrer, elle était elle-même, appréciée pour son être plutôt que pour un statut, pour un rôle de mère qui ne lui avait jamais convenu, pour un bout de papier auquel elle n'avait jamais cru.

"J'amènerai à boire et le dîner...il y a un nouveau restaurant à emporter, pas loin de chez moi. Ils font un super poulet frit !"

Elle mangerait de la salade le reste de la semaine et sa ligne s'en remettrait. Qui sait, la soirée serait peut-être sportive...Munhee l'espérait, du moins. Ce n'était pas Hyungwon qui lui offrirait cette satisfaction-là.

(( @Bae Munhee )) — Aux sourire succédaient les sourires, aux lèvres d’un homme incapable de voir la vérité qu’on lui dissimulait avec tant d’adresse. Seungkwan ne pouvait que se réjouir d’être sur cette plage, en compagnie de Munhee. Si loin du monde et de son agitation, si proche, en même temps, à la frontière qu’était la mer qui s’étendait sous leurs yeux, à perte de vue. Seungkwan s’égarait volonté dans les milles-et-unes histoires que pouvait raconter le grand bleu, préférant de loin sa conversation à celles des autres, qui ne cessaient de lui rappeler à quel point sa vie était moins belle que la leur. Mais il en était heureux, de cette vie. Il aurait préféré qu’on le laisse vivre en paix, sans chercher à perturber l’équilibre particulier qu’il avait trouvé, en continuant à refuser ces applications et des technologies qui cherchaient à l’envahir. Alors il mettait à profit ces instants de calme pour regarder la mer et apprécier la conversation de Munhee, qui était si secrète. Seungkwan n’avait rien contre cette réserve : lui-même préférait éviter de trop se livrer aux autres, ce qui était l’une des raisons qui le poussaient à détester les réseaux sociaux et leur omniscience nocive.

La réponse de Munhee arracha un nouveau sourire au pharmacien. Savoir qu’ils se verraient le lundi suivant était tout ce dont il avait besoin pour se sentir heureux, à cet instant présent. Parce qu’il n’avait pas besoin de grand-chose, en vérité, aussi longtemps qu’il pouvait voir ceux à qui il tenaient. Il allait sans dire que la jeune femme entrait parfaitement dans cette catégorie, et qu’elle y possédait une place particulièrement confortable, même s’il n’en disait rien. Leur relation, bien que chère à ses yeux, était avant tout physique, ce dont il avait conscience. Jamais encore il n’avait osé évoquer ce qu’il pouvait éprouver à l’égard de la jeune femme, considérant que ce qui arrivait entre eux était déjà bien suffisant, même si ce n’était pas tout à fait vrai. Secrètement, il espérait toujours plus. Il ne pouvait s’en empêcher. Il espérait, oui, mais même leurs entrevues ne suffisaient pas à le convaincre qu’il y avait droit.

Il crut un instant qu’elle allait changer d’avis, quand il souleva la question de la soirée, mais son sourire soulagé ne tarda pas à reprendre place à ses lèvres, quand elle confirma également cette idée. Il ferait de son mieux pour la rendre agréable, et avait envie de croire qu’il ne se débrouillait pas si mal, dans ce domaine précis.

« D’accord, si tu veux ! » Il ne souhaitait pas la brider. Toutes ces attitudes dominantes étaient bien trop vieillies, désormais. Une des bonnes choses que la société avait réussi à faire, bien qu’aujourd’hui encore les droits ne soient pas parfaitement respectés pour tout le monde. C’était un peu malheureux, mais la nature humaine ne changerait jamais. À ses yeux, néanmoins, cela n’avait plus aucune importance. « Tu travailles sur quoi ces derniers temps ? » Il n’était jamais certain, avec elle. Elle semblait fluide, prête à s’adapter à toutes les situations. À côté d’un être aussi éthéré, il se sentait bien terne, incapable de changer ses habitudes sans devoir se remettre en question entièrement. Mais n’était-ce pas aussi pour cela qu’elle hantait ses pensées aussi souvent ?

(( @Bae Seung Kwan )) — Munhee pinça les lèvres. Son visage finit pourtant vite par se détendre, et retrouver un sourire dont elle avait voulu le priver, un bref instant. D'ordinaire, parler de travail l'ennuyait à mourir : il fallait dire que ce métier lui-même ne lui plaisait pas franchement. Elle avait rêvé de paillettes, couru après les étoiles, pour tomber au final au beau milieu d'un quotidien qui ne promettait que des tons neutres, et des ciels nuageux. Triste à en pleurer.

Étrangement, pourtant, partager avec Seungkwan ce même quotidien ennuyeux, sans fantaisie, lui plaisait plus qu'elle ne l'aurait pensé. C'était une façon bien particulière de le rendre un peu plus coloré : peut-être que ses yeux sauraient y déceler du jaune là où elle n'y voyait que des nuances de gris. Peut-être qu'elle aimait tout simplement lui offrir les quelques petits morceaux de son existence qu'elle pouvait se permettre de lui dévoiler, puisqu'il n'y avait aucun danger qu'elle contamine toute entière leur relation. D'un côté, l'amant, l'amusement. De l'autre, le mari, le travail, l'ennui. Voilà où se trouvait la sécurité autant que la liberté. Mais partager un petit morceau de cette routine, toujours voilà, à demi mot, lui permettait, d'une certaine façon, de se souvenir à quel point elle en était loin, à ses côtés.

"Oh ! Ce n'est rien de bien passionnant : je te l'ai déjà dit, mon travail est foutrement ennuyeux."

Parfaite entrée en matière, pour mieux savourer ce contraste saisissant entre le plaisir et les obligations.

"J'ai un nouveau projet sur le feu, la boîte pour laquelle je travaille a un nouveau truc à lancer...alors, je m'occupe de ça depuis un petit moment."

Une entreprise jamais nommée, un rôle jamais exactement dévoilé, dans l'hypothèse que trop d'informations finirait par piquer sa curiosité : une rapide recherche sur la famille Bae et leur entreprise finirait par tout envoyer à l'eau, Munhee n'en était que trop consciente.

"C'est une nouvelle gamme de produits," de bijoux, plus exactement "sur laquelle la boîte mise gros. Du coup...j'enchaîne les heures." Une grimace. "Heureusement, tout devrait être bientôt fini."

Elle conclut d'un nouveau sourire, l'espoir faisait rêver : après ce projet en viendrait un autre, puis un autre encore. La liberté ne serait jamais retrouvée.

"Et toi ? Rien de nouveau ?"

Son existence de pharmacien la fascinait bien plus que de raison. Sûrement car était là un milieu auquel elle n'avait jamais été réellement confrontée, du haut de son nuage doré. La plupart de ses amis appartenaient aux mêmes sphères qu'elle.

(( @Bae Munhee )) — Sans doute Seungkwan aurait-il agit différemment, s’il avait eu conscience des choses qu’on lui cachait éhontément. Hélas, il était bien trop confiant, bien trop naïf pour oser imaginer que l’on puisse prétendre être quelqu’un d’autre. Son absence des réseaux était peut-être l’une des nombreuses raisons qui avaient fait de lui une personne incapable de voir toute la laideur de l’Homme. Parce que malgré tout ce qui pouvait circuler, toutes ces vidéos, toutes ces photos et ces conversations, le pharmacien continuait de penser que les êtres humains étaient capables du meilleur, dans la majorité des cas. Après tout, c’était l’une des raisons pour lesquelles il avait choisi son métier : aider les autres, leur porter secours, ne serait-ce qu’un peu.

« Ça m’intéresse quand même. » Et c’était la vérité, parce qu’il n’aimait pas faire semblant de s’intéresser à ce que les autres faisaient. Il n’était pas de ces personnes qui aimaient des posts à tout va, qui n’accordaient de l’attention qu’à l’emballage qu’on mettait sous leurs yeux, même s’il pouvait l’apprécier, bien évidemment.  À ses yeux, Munhee était belle, mais sa beauté ne se limitait pas à cela, comme celle de chaque être qui évoluait sur cette Terre. « Tu travailles dans quel domaine encore ?   » Loin de lui l’idée d’aller enquêter sur la question, raison pour laquelle il préférait les poser directement à l’intéressée. Il n’avait jamais eu ce réflexe navigateur, ce même réflexe qui poussait les uns et les autres à se ruer sur google pour découvrir la réponse (parfois erronée) à la moindre de leurs questions. « J’espère que ça se passera bien ! » Un encouragement sincère, tout comme le sourire qui l’accompagnait, alors que Seungkwan continuait sa marche tranquille.

Puis, la question lui fut retournée, ce qui fit froncer les sourcils au jeune homme. « Pas vraiment… Ils veulent arrêter de rembourser un médicament important pour une maladie inflammatoire chronique, du coup les clients sont mécontents… » Un rire amer franchit ses lèvres alors qu’il relevait les yeux sur la plage qui s’étendait devant lui. « Enfin, je me plains parce qu’ils sont rudes, mais à choisir, je préfère encore ça à me faire remplacer par un de leurs distributeurs automatiques… »  Il pinça les lèvres, soudainement songeur. Il n’aurait pas su quoi faire, s’il avait été renvoyé soudainement… « J’imagine qu’il faut faire des concessions de temps à autres. Vous n’avez pas trop de soucis avec ça, de votre côté ? » Si elle travaillait dans la création de nouveaux produits, il y avait peut-être eu des changements au niveau des chaînes de production ? Il n’en était pas certain, mais poser la question ne coûtait rien. En plus, il refusait de se livrer uniquement à de petites conversations sans intérêt.

(( @Bae Seung Kwan )) — Autant cet intérêt pour ses activités ennuyeuses était touchant, attendrissant...autant elle s'en inquiétait, parfois. Munhee avait bien trop à perdre, pour peu que son amant désire un jour se fier à ces fameuses applications qu'il détester tant. Oui, l'aversion de Seungkwan pour la technologie était une aubaine. Oui, elle avait bien trop de secrets à garder. Mais non, elle ne pouvait pas s'empêcher de sourire d'un air heureux en l'entendant s'intéresser ainsi à sa petite existence. Il fallait dire que pas grand monde ne le faisait. Pas vraiment. C'était superficiel, de convenance. Qui se souciait d'elle, de ce qu'elle voulait ? Pas son mari, en tous cas.

"C'est mignon...que ça t'intéresse, je veux dire. Parce que mon métier est vraiment loin d'être passionnant." Les bijoux, tout ce qui brille. Ça aurait pourtant dû lui plaire. Mais c'était rasoir, d'un ennui mortel - peut-être parce qu'elle n'était pas ici par choix, peut-être parce qu'elle méprisait tout ce qui la liait à cette famille trop rigide. Peut-être parce qu'elle rêvait d'autre chose. Parfois, la scène lui manquait. Son sourire se fit nostalgique, un instant, une ombre de passé disparue aussi vite qu'elle n'était apparue pour être remplacée par un éclat plus travaillé, moins sincère mais plus frais. "Hm. La joaillerie...enfin. Je ne créé rien. Je fais du marketing."

Munhee grimaça. Elle était peut-être douée en la matière, mais Dieu ce qu'elle aurait préféré faire...n'importe quoi d'autre, en vérité. La notion de choix lui manquait : voilà bien longtemps qu'elle ne se sentait plus maître de sa propre existence. Ses instants avec Seungkwan, ces minutes volées, étaient quelques unes des rares fois où elle se sentait enfin libre de ses actions, de ses paroles - et encore. Elle se devait d'être prudente. Pour cette même raison, elle n'en dirait pas plus quant à ses activités, tentant d'effacer tout lien entre elle et cette famille Bae. Heureusement pour elle, le nom était répandu.

"Merci !" Une pause, une oreille attentive, et une gorgée de thé glacé. Elle fronça les sourcils. "Ah ? Oui, ça se comprend. Pourquoi ils arrêtent de le rembourser, au juste ?"

Si elle était tout à fait honnête, elle avouerait que ce genre de choses lui semblaient très lointaines. Elle-même n'avait jamais eu à se soucier de ce genre de choses. L'argent, les remboursements...des notions floues, tout au plus, lorsque l'on parlait de sa fortune personnelle, loin des chiffres et des caisses de l'entreprise familiale. Au diable, les budgets ! Munhee ne remarquait même plus la différence de nombres sur son compte en banque. Elle tenta malgré tout de compatir, consciente que tout le monde n'avait pas sa chance.

"Tu penses vraiment qu'ils feraient ça ? Tu feras quoi, si c'est le cas ?" Elle interrompit un instant sa marche pour le regarder. Pas soucieuse, mais cela s'en rapprochait. "Avec les machines, tu veux dire ? Hmmm...pas vraiment. Pas dans mon service."

Et pour la production ? Ah, elle ne savait pas qui pouvait bien se charger d'assembler ces bijoux qu'elle devait vendre. À vrai dire, elle s'en moquait un peu. Dire qu'elle était particulièrement soucieuse de l'avenir des employés de l'entreprise des Bae aurait été un mensonge - elle était égoïste, de cette façon.

(( @Bae Munhee )) — Les choses avaient toujours été comme ça, aux yeux de Seungkwan. S’intéresser aux autres sans passer par les réseaux sociaux. Penser à ce qu’ils aimaient, essayer de ne pas l’oublier, quand bien même c’était parfois difficile. Pourquoi ces choses s’étaient-elles perdues avec le temps ? La facilité, fort probablement. L’être humain était devenu un vulgaire mode d’emploi, capable d’utiliser mille et unes technologies sans jamais comprendre le véritable fonctionnement de la vie, et cela le peinait beaucoup. Parfois, il lui arrivait même de souhaiter que la vie soit juste aussi simple qu’elle l’était auparavant, quand les contacts entre personnes étaient plus simples et se passaient tout simplement d’une application comme VICE.

« C’est parce que je m’intéresse à toi, je ne trouve pas ça spécialement mignon. » En vérité, il trouvait cela normal plus qu’autre chose. Normal, oui, mais cette norme n’était plus celle de l’époque. Un petit sourire lui vint à cette pensée. Un sourire un peu coupable, qui se faisait bien plus discret qu’il ne l’aurait souhaité, alors qu’ils continuaient à avancer. Peut-être était-il trop attentionné, trop à la recherche de ce qui pouvait rendre Munhee heureuse. Parfois, il se posait la question. Ils étaient si différents, elle et lui. « Et ça te plaît ? » Une question véritable, qui lui traversait souvent l’esprit. N’était-il pas important de travailler dans un milieu qu’on appréciait, après tout ? Un petit sourire lui vint alors qu’il continuait à marcher paisiblement, le long de la plage. C’était comme un rêve éveillé, aux yeux du jeune homme. Ah, s’il avait su.

« Parce que les lois changent et qu’ils s’adaptent, comme souvent… » C’était dommage, d’ailleurs. Les choses étaient déjà si difficiles pour ces personnes. Pourquoi se permettait-on de leur imposer des soucis financiers en plus ? Cela lui arracha un soupir. « Je trouve ça vraiment triste pour les personnes qui souffrent. »  Mais cela, les politiciens n’y pensaient pas vraiment. Ils voyaient les budgets, l’argent qui devait continuer d’entrer dans les caisses. Une vision qui était compréhensible, mais que Seungkwan refusait tout simplement d’admettre. « Je pense, oui… » Un soupir échappa au pharmacien, qui haussa les épaules à la question. « Aucune idée… J’imagine que je chercherai une façon de rebondir ? C’est difficile à dire et sincèrement, je n’ai pas trop envie d’y penser… » Il hocha la tête à la question. « Oui… Ce n’est pas plus mal, tu me diras… » Encore un soupir, et il leva un instant les yeux au ciel. « Parfois je me dis que j’aurais dû faire autre chose. Je sais que mes parents trouvaient mes études inutiles. Ils voulaient que je m’oriente vers la technologie, un peu comme tout le monde… Mais ça ne m’a jamais intéressé. » Et ses pieds de continuer à s’enfoncer dans le sable, alors qu’ils avançaient lentement. « T’as jamais eu envie de voir comment c’était avant, sans tout ça ? »  Avant que tout ne dépende d’une lentille et d’un écran auquel les yeux restaient rivés. Parfois, il rêvait d’être né à une autre époque.

(( @Bae Seung Kwan )) — Ne voyait-il donc pas à quel point il était véritablement mignon ? S'intéresser à elle lui semblait peut-être normal, mais dans son monde, c'était presque une rareté. Nari s'intéressait à elle. Juri le faisait également, comme n'importe quelle enfant de son âge s'intéresse à sa mère. Mais pour le reste ? Hyungwon ne la voyait pas assez pour remarquer ses tromperies. Ses parents la voyaient toujours moins que ses frères. Quant à ses employés, ils ne décelaient en elle que cette figure sérieuse et autoritaire qu'elle détestait. Un constat déprimant, si elle voulait bien le laisser l'atteindre - mais loin d'être le cas, elle préféra se dédier entièrement à son charmant compagnon et à l'attention qu'il lui livrait sans qu'elle ait à le lui demander. C'était un changement des plus agréables. Une raison de plus pour l'empêcher d'écouter sa conscience, et de cesser ses activités extra-conjugales, pour le bien de...sa famille, sa réputation, son honneur ? Trois choses dont Munhee se fichait un peu, pour être honnête.

"Tu serais surpris de voir à quel point c'est rare ! Alors moi, je trouve ça plutôt mignon."

Et elle lui sourit, loin de constater la tristesse de ses propos. Après tout, n'était-ce pas là ce qui était pour elle la norme ? Parfois, Munhee oubliait que la froideur de son univers ne régissait pas celui de son charmant amant. Seungkwan venait d'un monde simple, où les gens faisaient sûrement très attention les uns aux autres - ou du moins, elle aimait à l'imaginer ainsi. Et ça lui plaisait, cette image, tout comme la différence de leurs existences la charmait par sa fraîcheur.

"Oh ! Pas tellement." On ne lui demandait jamais son avis, de toute façon. "Mais ce n'est pas ce qui importe. Je crois que je n'ai pas trop le choix...je ne sais pas faire grand chose d'autre, tu sais ! Mais on est pas obligés de parler de mon travail."

Munhee rit, un rire porté d'une certaine tristesse. Oh, elle savait chanter, et elle savait danser, mais l'on savait comment cela avait fini. Mal, très mal. Alors...il lui fallait bien se ranger. Attendre avec impatience ses week-ends et ses temps libres pour pouvoir se libérer un peu d'un quotidien ennuyeux. Seungkwan faisait partie de cette libération : elle espérait alors que le travail ne reviendrait pas trop souvent au centre de leurs conversations.

"Pourquoi ils font des changements qui nuisent aux gens ?"

Elle ne se posait jamais la question : toutes ses histoires étaient à des années lumières de préoccupation. On lui avait appris à ne pas parler politique, prétextant qu'elle n'y comprendrait rien, et si son esprit d'opposition l'avait poussée à s'y intéresser quelque peu, Munhee devait bien avouer que tout cela l'ennuyait à mourir.

"C'est triste, c'est vrai...c'est un peu nul. J'imagine qu'ils pourraient faire des économies d'une autre façon, pourtant..."

En s'intéressant de plus près à sa classe sociale et ses moyens exorbitants, par exemple. La pensée ne lui avait même pas traversé l'esprit : voilà bien un nouveau privilège dont elle jouissait. Seungkwan avait la liberté, elle, la tranquillité de ne pas avoir à se soucier du futur de ses finances.

"Dans le pire des cas...je suis curieuse, tiens. Tu ne t'es jamais demandé ce que tu ferais, si tu n'étais pas pharmacien ? Genre. Le métier un peu fou que tu n'as jamais osé tenter. Tu pourrais faire ça. À moins que ce soit un truc vraiment dingue, genre...astronaute ?" Elle ricana. Elle était bien devenue chanteuse, il pouvait bien suivre ses rêves. Mais la conversation restant de l'ordre de l'hypothèse, elle se doutait que cela n'était pas aussi simple. "Ça ne t'intéressait pas ? Et pourquoi pharmacien, alors ? C'était un truc qui t'attirait ?"

Elle-même ne s'était jamais posé ce genre de question. Elle avait toujours vu le chant comme une vocation, avait suivi cette voie tête baissée. Puis, lorsque sa carrière s'était éteinte aussi vite qu'elle avait démarré, elle avait suivi sans se poser de questions les indications de ses parents. Sa vie n'avait jamais laissé place à l'interrogation.

"Avant quoi ? Les applications ? Hmmm...non. Sûrement bien moins pratique ? Je ne me suis jamais posé la question. Je crois que ça m'est trop utile au quotidien pour que j'y pense..."

Avoir la possibilité de toujours tout contrôler quant à ses activités, et les choses matérielles de l'existence, lui plaisait bien trop pour qu'elle songe à un monde où cela serait impossible.

"Et toi ?"

Mais au fond, elle connaissait déjà la réponse.