Ce message. Ce message que tu ne comprends pas tout de suite avant que ton cerveau se retourne dans ta boîte cranienne. Il faut que tu y ailles. Il faut que tu ailles trouver Ludwig chez lui. Parce que le temps presse et tu sais qu'il a fait une bêtise. Tu ignores encore laquelle et quand tu la découvres, à peine une vingtaine de minutes plus tard, tu as l'impression que tout cela prend une tournure si terrible. Tu te précipites vers ton ami, voyant tout ce sang qui l'encadre alors que ses pupilles sont fermées. Tu vises le couteau non loin et tu le repousses le plus loin possible tandis que tu déchires des morceaux de ta chemise. Tant pis. Tant pis pour tout ça. « Ludwig ? Ludwig ? » Tu l'appelles tout en faisant de ton mieux pour stopper ce flux rouge qui coule encore le long de ses bras, de ses avants-bras et qui encadre sa silhouette. Tu sais que tu dois arrêter l'hémorragie, mais ta tentative de le faire avec ta chemise ne fonctionne pas tant que ça. Alors tu n'hésites pas, tu glisses tes bras sous le corps de ton ami pour le transporter jusque dans la salle de bain. Là, tu le déposes dans la baignoire et commences à faire couler l'eau sur lui. Longtemps. Très longtemps. Tu veux garder ton sang-froid, garder la tête haute, mais tu n'arrives pas à t'empêcher de t'inquiéter. Et si tu n'es pas arrivé à temps ? Et si tu ne peux pas le sauver ?
Parce que plusieurs jours se sont écoulés depuis votre dernière rencontre dans cet hôtel luxueux. Là où tu as appris pour sa condition, pour ce travail qu'il déteste et dont tu lui as promis de l'aider à s'en sortir ; parce que Ludwig est ton ami et tu n'as pas envie de le perdre une seconde fois. Comment l'aider ? Comment le sortir de cette affaire indécente dans laquelle il s'est engagé par mégarde ? Souvent, Ludwig se montre fort, fait bonne figure, mais tu as toujours su qu'il souffrait depuis vos retrouvailles. Aujourd'hui, il a voulu mettre fin à sa vie et ça te colle une violente douleur dans l'estomac. Sauf que ce n'est pas le moment de te préoccuper de toi. Tu continues de laisser l'eau couler sur le corps du jeune homme tandis que tu attrapes plusieurs serviettes ainsi que de l'alcool pour désinfecter ses plaies. Tu sais que ça ne va pas être agréable pour lui, mais c'est pour son bien. Tu n'hésites donc pas longtemps avant de faire couler l'alcool sur ses plaies, tamponnant largement avec des serviettes pour nettoyer tout ça. Tes pupilles guettent son visage alors que l'une de tes mains glissent à son poignet pour vérifier que son pouls bat toujours. « Ludwig, c'est moi, déclares-tu. C'est moi, Aden. Réveilles-toi. » C'est presque un ordre pour ne pas que cela soit une supplication. C'est vraiment à cet instant que tu prends peur des histoires dans lesquelles il est ancré. Mais pour le moment, il doit se réveiller. Il doit revenir à lui et continuer de se battre.

Tu n'as pas voulu appeler les secours, pourtant tu y as bien sûr pensé. Mais, d'un autre côté, n'es-tu pas toi-même les secours ? Tu fais partie de ces gens qui prennent soin des autres, qui savent de quelle manière les faire revenir ou les sauver. Bien sûr, tu n'es pas un médecin, pas dans ce sens-là du terme, mais tu es un sauveur à ta propre échelle. C'est donc pour cette raison que tu as fait ton maximum pour ne pas perdre ton sang-froid et garder la tête haute. Tu dois le soigner, tu dois le faire revenir à lui parce que tu ne veux pas le perdre une seconde fois, tu n'as pas envie de le perdre tout court. Alors tu t'échines, le dos courbé au-dessus de la baignoire, tu laisses l'eau couler autant que l'alcool sur le corps de Ludwig encore inerte, et tu le supplies de revenir à lui. De ne pas abandonner. Parce qu'il est plus fort que tout ça et tu le sais au fond de toi.
Aussi, quand il commence à bouger, tu as l'impression de l'avoir imaginé. Tu ne réagis pas tout de suite. Ce n'est que quand il parvient à articuler quelques mots que tu prends conscience qu'il est revenu à lui. Qu'il revient peu à peu à lui et tu coupes aussitôt l'eau pour éviter qu'il ne prenne plus froid que ce qu'il est déjà en train de te dire. Tu laisses tomber les bouteilles d'alcool à côté de toi pour venir glisser ton bras sous les épaules de ton camarade. « Ca va aller, tu lui déclares, ça va aller maintenant. » Pourtant, tout au fond de toi, tu ne sais pas vraiment ce que tu es en train de lui promettre. Néanmoins, tu secoues doucement la tête en essayant de le rassurer. « Tu n'as pas à t'excuser. Essaie de t'accrocher à moi pour m'aider, si tu le peux. » Un instant, tu plonges ton regard dans celui de Ludwig avant de le tirer avec davantage de force pour qu'il parvienne à s'asseoir dans un premier temps. Tu sens qu'il tremble entre tes bras et la première chose que tu dois faire est de l'aider à retrouver de la chaleur. Il a perdu beaucoup de sang et tu imagines combien il doit se sentir faible. Tu finis par l'aider à se hisser sur ses pieds et tu le traînes en le soutenant au maximum jusqu'à sa chambre. « Tu penses pouvoir te déshabiller tout seul ? Je vais te chercher des vêtements secs et de quoi panser tes plaies. »
Tu hésites à le laisser là, mais tu n'as pas long à parcourir pour récupérer tout ça. En moins de deux minutes tu es déjà de retour à son chevet. « Je vais t'aider à t'allonger, tu seras mieux sous les couvertures. » Cela fait, tu peux enfin t'occuper de ses vilaines blessures, mais tu ne dis rien, tu te contentes de rester concentrer. Ta propre chemise ne ressemble plus à grand-chose et ton pantalon est humide, mais tu ne te changes qu'une fois Ludwig soigné. Là, tu finis par venir t'allonger à ses côtés, lui faisant signe de venir contre toi. Tu glisses ta main dans sa nuque pour approcher son visage de ton torse et le serrer avec douceur contre toi. Tu serais idiot de ne pas sentir ton propre cœur battre un peu plus fort en l'ayant ainsi près de toi, vivant. Tu ne veux vraiment pas le perdre.

Ce n'est pas comme ça que ça doit se passer. Ce n'est pas dans cet état que tu as envie de retrouver Ludwig à chaque fois. Aujourd'hui, il t'a envoyé un message, il t'a lancé ce signal d'alarme que tu connais malheureusement si bien, et tu as accouru. Tu as tout laissé en plan pour filer le plus vite possible chez lui parce que tu as su, tout au fond de toi, que ce n'était pas normal. Tu as pressenti qu'il avait fait quelque chose qui aurait pu être irréversible. Et ça t'effraie vraiment. En tant que pompier, tu vois souvent des choses difficiles, des situations compliquées à gérer, mais elles ne te touchent pas personnellement. Ce soir-là, c'est différent et tu ne sais pas comment tu as réussi à ne pas paniquer et créer de l'agitation plus que nécessaire. Tu as juste pu prendre soin de ton camarade et l'aider vraiment dans son mal-être.
Alors, allongé près de lui, l'enserrant assez fort contre toi mais pas assez pour le blesser davantage, tu laisses ce silence se prolonger durant plusieurs instants. Tu es juste bien et rassuré de le savoir vivant, en sécurité ; pour le moment. Tu ignores tout ce qu'il peut traverser, mais tu es là pour lui. Tu lui as dit et cela se répète avec le fait que tu sois venu aussitôt chez lui. Tu n'as pas envie de le retrouver dans d'autres conditions, même si cela te semble un peu égoïste de penser de la sorte. Tu abandonnes un léger soupir tandis que ta main se glisse dans ses cheveux roux, encore un peu humides. Ludwig sent un peu l'alcool que tu lui as déversé dessus durant de trop longues minutes, mais ce parfum ne te dérange pas quand tu entends son cœur pulser sous sa poitrine. C'est ça le plus important. Tu souris légèrement à ses paroles qui te réchauffe à ton tour et tu te permets de te décaler un peu afin de reporter tes pupilles sur lui, d'échanger un regard avec lui. « Merci d'avoir confiance en moi. » Parce que tu sais bien que si cela n'avait pas été le cas, il ne serait peut-être pas revenu de cet endroit où il s'était plongé. C'est peut-être bien ta voix, ta présence, qui lui a permis de se relever et de t'accorder pleinement sa confiance. Ca te touche.
Avec douceur, toujours, tu glisses un doigt sous son menton et, alors que tu penses déposer tes lèvres sur son front, tu viens les plaquer sur celles de Ludwig. Tu lui donnes un délicat baiser sans que tu ne saches vraiment la signification qu'il peut bien avoir à ce moment-là. Tu es juste soulagé. Tu le ramènes ensuite tout contre toi. Tu as envie de lui dire de ne plus recommencer, mais tu n'as pas ce pouvoir. Tu sais que ce n'est pas une promesse qui peut être faite de cette manière. C'est pour cette raison que tu le rallonges donc à côté, t'appuyant ensuite sur ton coude pour soutenir ton visage et observer le sien. « Je ne veux pas te perdre, Ludwig. »

Tu n'as pas envie de rentrer chez toi et ça te fait doucement sourire qu'il te dise une telle chose. Si tu es là ce soir, c'est pour prendre soin de lui, de sa santé et, surtout, rester auprès de lui au cas où il arriverait n'importe quoi d'autre. Tu n'as pas envie de prendre de risques, surtout pas après ce qu'il vient de se passer, et ça ne t'a pas traversé l'esprit de partir en le laissant seul chez lui. Bien sûr, tu as confiance en lui, mais parfois le cerveau peut dérailler ; et tu n'as pas envie de ça. Un peu égoïstement, mais tant pis, tu l'assumes pour cette fois. Peut-être à l'image de ce baiser que tu lui offres. Tu n'en as pas honte, tu n'es pas comme ça, et ce n'est pas pour cela que tu le ramènes contre toi. Tu as juste envie de le protéger, sauf que tu sais que tu ne peux rien lui promettre. Tu vas faire de ton mieux pour l'aider, tu vas juste être là pour lui même si tu ignores tout de ce monde qui l'attire tout entier à lui.
Alors que tu abandonnes un léger soupir, glissant une main dans ses cheveux roux encore un peu humides, tu laisses un silence s'imposer entre vous. Tu lui déclares alors, tes pupilles plantées dans les siennes, que tu n'as pas envie de le perdre. Et c'est la vérité. Une vérité qui te transcende alors que tu la lui dis. Tu l'as déjà perdu une première fois, par les événements de la vie qui vous ont séparé, mais aujourd'hui c'est différent. Tu connais sa situation et tu ne serais pas bienveillant envers lui si tu le laissais ainsi. Cela ne t'es tout simplement pas concevable. Tu tiens à Ludwig et tu souris doucement quand tu le vois triturer son pull. Tu sens qu'il va te demander quelque chose et tu te redresses légèrement dans le lit à ses paroles. « Non, déclares-tu, non je... je ne sais pas trop pourquoi j'ai agi comme ça, mais je sais que ce n'est pas une erreur. » Tu essaies de sonder son regard pour en apprendre davantage sur ce qu'il est en train de penser mais tu ne sais pas très bien où il en est lui aussi.
Tu viens déposer une main sur sa joue, l'essuyant du bout de ton pouce d'une goutte d'eau trouble avant de répondre : « Je ne le referais pas si ça t'a dérangé. » En fait, tu te sens juste bien maintenant qu'il est là, maintenant que tu entends son souffle, que tu vois son torse se soulever doucement au rythme de sa respiration. Tu es rassuré et tu as encore envie de le serrer contre toi. Tu ne sais pas très bien ce que cela signifie et tu n'as pas envie de questionner sur tes sentiments en cet instant, tu te rapproches juste de lui une nouvelle fois pour venir déposer tes lèvres sur les siennes une nouvelle fois. Parce que, dans le fond, tu vois bien à ses joues rosées et à ses pupilles qui ont du mal à soutenir les tiennes qu'il n'a peut-être pas été si dérangé que ça.