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hostage

il y a la soirée qui commence à tomber. plusieurs heures passées ensemble, à rire et à parler de rien. c'est banal dans leur quotidien mais jiayi s'y est fait. il ne ressent pas l'ennui avec eux. il ne se sent pas non plus traité différemment ou juste comme un intrus, sensation récurrente. réunions couplées avec ses propres recherches qu'il mène en parallèle. papa et maman qui s'intéressent à ses travaux mais il n'est pas certain que ce soit pour les bonnes raisons. est-ce pour se vanter ou par fierté ? il n'a jamais vraiment su. peut-être qu'il valait mieux fermer les yeux et se concentrer sur son autre famille.

bande qui se dissocie avec les heures qui passent. un qui disparaît, puis deux puis trois. eren qui file au convenience store et les autres un peu partout ailleurs. jiayi qui s'apprête lui aussi à partir lorsque l'heure vient. affaires attrapées, veste en cuir de nouveau sur les épaules. il se laisse toutefois retarder par un coup de téléphone. son frère. impossible de ne pas décrocher. et finalement, ils ne sont plus que deux. lui et reiko. reiko dont le regard est souvent noir. il ne s'est jamais montré plus amical que cela envers elle. il y a ce jeu implicite entre eux, la fausse entente en public et le silence en privé. ou alors les piques, incessantes et mutuelles. là où ça fait mal, de préférence. jeu dangereux mais peu semblent l'avoir remarqué. à moins que ce soit si naturel que personne n'y trouve rien à redire.

il l'ignore et démarre la moto sans trop penser. casque enfilé, quelques mètres faits avant qu'il ne se retourne après avoir entendu un bruit étrange venant du moteur de la jeune femme. peut-être aussi qu'il a senti la colère, l'a entendue. il pourrait la laisser ici sans remords mais jiayi, il n'est pas si cruel. agacé, il pose pied à terre et éteint l'engin pour revenir vers elle. première erreur. sans demander la permission, il pose les mains sur le guidon et essaie lui aussi de la faire démarrer. soupir de fatalité. « y'a un problème. » l'évidence même et ses yeux croisent ceux de reiko. « je suppose que tu veux pas rentrer à pied ? » qu'il rajoute, sarcastique comme bien souvent ; alors qu'il sait très bien qu'il ne la laissera pas ici toute seule. malchance amplifiée par le fait que les autres sont tous déjà partis. étrangement, il ne s'éloigne pas tout de suite vers sa moto. il attend comme une réponse, peut-être un refus parce que reiko ne voulait rien de lui et il le savait.

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hostage

les journées s’enchaînent, les journées se ressemblent mais ne se complètent pas. jamais plus qu'un quotidien qui déraille ; elle tente de rassembler les morceaux de sa vie, reconstruire un avenir perdu depuis des années déjà : destin enlevé de ses mains d'enfant, détruit alors même qu'il était hésitant. reiko, la gamine qui se serait fait une raison. c'est qu'elle a trop souvent entendu son histoire pour ne pas l'affronter ; celle d'une petite fille qu'on aura pas su aimer, qu'on aura détruite alors même que le corps était déjà dans un berceau abîmé. et on a bercé ses cauchemars de leurs visages qu'elle aura apprit  à effacer, avec le temps. aujourd'hui, il ne s'agit de rien de plus que des ombres illusoires dans un esprit fatigué. des démons enfouis, des démons qu’elle ne veut plus affronter.

auprès d'eux, elle semble oublier. oublier qu'il a existé une vie avant qu'ils n'y s'invitent ; trop solitaire, trop incomprise de tout. reiko est cette âme qui dérive, qu'on ne cherche pas vraiment à soigner, à contrôler. car on ne peut pas. on ne peut pas la sauver d'elle même. de cette froideur, de ce tempérament incontrôlable. la colère dans les veines et le feu dans les yeux. un feu glacial, un feu brutal. il n'y a plus que ça. il n'y a jamais eu plus que ça. sauf auprès d'eux où, fatalement, tout semble se calmer. les rires, la chaleur confortable quand elle les regarde s'amuser. comme une évidence quelque part, quand elle les a rencontré.

et ce soir n'y fait pas exception. tout le monde est déjà parti et il semblerait bien qu'elle soit la dernière, reiko. assez rare, parce qu'elle a tendance à s’éclipser quand il le faut, la gamine, jamais trop tôt, jamais trop tard. juste ce qu'il faut. mais aujourd’hui, la nuit est déjà tombée quand elle quitte le qg. elle ne sent pas la présence à quelques pas de là, trop concentrée sur ses gestes pour réellement y prêter attention. elle place son casque sur son visage avant de monter sur la moto ;  les clés qui se tournent et le moteur qu'elle tente de mettre en marche. puis un bruit ; elle jurait avoir entendu un clac résonner. fatalité qui l'écrase, et une voix dans sa tête qui la blâme de ne pas avoir prit au sérieux le bruit de fond qu'elle entendait à chaque fois qu'elle roulait. parce que reiko n'a pas les moyens pour les réparations ; moto offerte à ses dix huit ans, rien de bien fameux mais assez pour faire son bonheur. tout s'écroule. tout déraille. et encore plus quand il apparaît. jiayi comme grand sauveur qui tente de la faire démarrer à son tour. et derrière ce casque qu'elle enlèvera quelques secondes plus tard, ses yeux montent au ciel, reiko, quand elle le voit agir, et encore plus quand elle l'entend parler. « non, tu crois ? » ironie et sarcasme dans chacune des syllabes et l'agacement qui prend le dessus : « putain. » reiko jure. reiko se crispe. et reiko n’hésite pas à laisser sa colère s'exprimer pour elle. « y'a plus les autres, t'as plus besoin de faire semblant d'être gentil, tu sais ? » les mots sont blessants, ravageurs, mais elle n'en a que faire. parce qu'il y a toujours ce je ne sais quoi avec jiayi qui fait qu'elle n'arrive pas à l'apprécier. parce que tout semble trop lisse, trop parfait. trop bien pour elle, une gamine délaissée . « j'ai pas besoin de ta charité, jiayi. » et sur ces mots, elle ne fera qu'abandonner sa moto dans le hangar et ignorer sa proposition. parce que reiko n'a pas besoin d'aide. elle n'a besoin que d'elle même.

et le ciel gronde, lui aussi, comme si leurs colères entraient en harmonie. elle passe devant lui sans un regard, casque à la main et peau découverte de cette nuit d'été. des larmes qui s'y abattent, qui s'y écrasent sans merci.

il pleut dans les coeurs,
et il pleut sur la ville.

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ils disparaissent. ils ne laissent que les deux menteurs ensemble, ceux qui font semblant de s'apprécier alors qu'ils sont neutres ou négatifs. qu'ils n'ont pas de réel lien, que c'est juste comme ça. sans aucun sens, sans dialogue depuis le débat. embrouilles régulières, que les autres couvrent sous des rires et des commentaires mais c'est toujours sérieux. depuis le début. impossible de savoir ce que reiko pense, hormis les évidences du passé ; celles qui ont fait qu'il l'a toujours évitée. trop rebelle, trop directe. piquante, mordante et lui qui ne sait pas se taire. elle se moque de sa tentative, qui sonne plus comme une confirmation. jiayi, il ne fait que soupirer en retour. il se contient, pour l'instant. et puis la question retentit, plus par habitude du sarcasme qu'autre chose. ont-ils déjà communiqué ? jamais vraiment. et le juron s'échappe des lippes tendres. mots assassins, jiayi qui reste bouche bée quelques instants. c'est blessant, pour n'importe qui. lui, il ne sait juste pas ce qu'il ressent. et reiko, elle en rajoute. elle termine ce qu'elle a commencé sous ses orbes impassibles et son visage crispé. plus froid que d'ordinaire. « j'ai jamais prétendu être gentil. » le mot sur lequel il insiste, ses yeux plongeant dans les siens alors que ce n'était pas nécessaire. et jiayi, il ne sourit pas. il regarde une dernière fois la situation. reiko, la moto qui démarre pas. la fierté aveuglante.

« t'as raison. débrouille-toi. » syllabes froides et parfaitement articulées. décision impulsive. « ta fierté te ramènera sûrement à la maison. » gratuit. critique, comme bien souvent. et reiko, elle part en même temps que lui. elle vers l'inconnu, lui vers la moto qu'il démarre finalement.

reiko, c'est sans un regard ; sans rien qu'elle part. c'est aussi sous la pluie qui commence à tomber, en même temps que la nuit. jiayi, il ne réfléchit pas quand il s'engage sur la route. voie déserte, vitesse encore tranquille. ses yeux qui finissent par regarder dans le rétroviseur, là où il peut la voir. trop seule sur la route dangereuse, abandonnée à la pluie fraîche et qui devra faire un long chemin. et pendant quelques secondes, il se dit qu'elle n'a que ce qu'elle mérite. que pour une fois, ils auraient pu réellement s'aider. ne pas faire semblant. mais avec reiko, c'est jamais si simple que ça. trop d'incidents, trop d'embrouilles sans même comprendre la racine de l'animosité. qui a commencé ? aucune idée. et il finit par s'arrêter en plein milieu de la route. juron murmuré dans son casque. jiayi qui fait demi-tour, jusqu'à s'arrêter à sa hauteur. seconde erreur. visière relevée. « monte. » qu'il dit une première fois, sans même se comprendre. « tu marcheras quand il arrêtera de pleuvoir. » excuse toute trouvée. reiko qui pouvait appeler ça comme elle le voulait. prise d'otage, embrouille mise en pause. n'importe quoi, tant qu'elle le laissait la ramener chez elle ; à l'abri de la pluie et de la route oubliée.

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des bombes sur un corps guerrier, comme s'il n'avait pas déjà connu l'infortune d'un passé compliqué. reiko, qui n'en a pas grand chose à faire, les premiers instants, des pluies cristallines initiales qui se mettent à la bombarder. rien de meurtrier, seulement une silhouette oubliée, prisonnière dans le temps. mais le déluge prend de l'ampleur, et elle, elle pourrait presque s'y noyer. elle voit cette moto s'affoler devant elle, la doubler sans même un regard, une pensée : mais reiko le mérite. de l'insensibilité contre de la méchanceté. elle ne le regarde pas, ce serait lui accorder de l'importance. et les mains viennent se réchauffer dans les poches d'une veste bien trop légère ; la peau qui frissonne, les lèvres qui en viennent à trembler.

et puis ce bruit de moteur qui se rapproche. et sans qu'elle ne sache vraiment comment, il est là, devant elle. jiayi. la bonté du coeur, garçon qui aura décidé de sauver la sorcière du palais. elle le regarde. elle le regarde trop longtemps pour que ce ne soit anodin ; un mélange de poison et de venin, peut-être pourtant tout ce dont elle a besoin. quelqu'un pour réveiller ce qui aura trop longtemps stagné en elle : une confusion amère, une colère sévère. les démons d'une vie oubliée. reiko le voit, dans son regard, et elle se rend compte que c'est la première fois qu'elle ose réellement y plonger. tenter d'y déceler tout ce qu'il a encore à dire, des rêves comme des parcelles d'avenir. jiayi est beau. jiayi est faux. jiayi est tout ce qu'elle ne comprend pas, tout ce qu'elle ne possède pas. (tout ce qu'elle est, tout ce qu'elle veut). jiayi est glace lorsqu'elle est feu, et elle brûle dans son regard ; elle se consume. il est déjà trop tard.

quelque chose a changé. car il n'y a plus d'ennui dans ses prunelles, désormais, quand elle ose l'approcher : il y a cette curiosité peut-être mal intentionnée. ce besoin de découvrir tout ce qu'il a encore à révéler. besoin de savoir qu'elle a toujours eu raison : qu'il y a rien a voir en lui, qu'il n'est personne pour elle, jiayi. il ne l'a jamais été. et peut-être qu'elle a peur de découvrir qui il est.

mais sous ce déluge torrentiel, elle ne peut rien y faire ; elle enfile son casque reiko, le rejoignant sans un mot dans son dos. et puis l'engin qui redémarre, et elle qui se refuse à laisser ses bras l'entourer. les poings viennent serrer les poignées glissantes juste derrière elle ; et la pluie qui n'en fini plus de les mouiller. toujours plus intense, toujours plus dangereuse pour rouler. et reiko qui a conscience du danger : elle laisse ses bras s'emparer de la taille du garçon, tente de communiquer, voix qui se brise à force de trop crier.  « tu dois t'arrêter ! » et qu'importe s'il ne l'entend pas ; elle aura tenté. pour la première fois, à ses côtés, elle aura tenté l'impossible.

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le ciel pleure, pas lui. et jiayi, il a ce moment où il s'en fout. de reiko et sa fierté qui la dévore, d'elle qui marche sous la pluie. il se dit qu'elle survivra, que c'était pas la mort. et finalement, il réalise que si. malgré leurs divergences d'opinion, leurs disputes ; ils font partie de la même bande. ils doivent se supporter. il n'est pas non plus assez orgueilleux pour l'abandonner. il n'aurait même pas à lui parler et réciproquement. moto qui fait demi-tour rapidement avant de s'arrêter proche d'elle. des simples mots, une excuse offerte sans qu'elle ne demande.

et jiayi, il ne peut qu'attendre. de la sentir derrière lui ou de la voir dépasser la moto et l'ignorer. l'un ou l'autre, elle choisirait encore. il sent finalement une source de chaleur dans son dos, sans qu'elle ne le touche. reiko est pourtant là, offerte à ses seuls yeux lorsque ceux-ci croisent les rétroviseurs. jiayi, il n'en dira rien. entre eux, ce n'était pas nécessaire. ses mains s'accrochent aux poignées de la moto pendant de longs mètres avant de finalement se résoudre à l'entourer. c'est comme si chaque contact physique était de trop entre eux. difficile de communiquer, de se toucher même le plus simplement. ironie du sort lorsqu'ils faisaient partie des sins ensemble. danger qui s'intensifie à mesure que la pluie tombe de plus en plus fort.

jiayi qui entend comme un écho, lèvres de reiko qui se meuvent. il comprend sans comprendre parce qu'ils pensent la même chose. il faut s'arrêter, fuir la pluie et les torrents d'eau qui se déversent sur la route et la rendent impraticable. ce serait con de mourir ensemble, sans s'être connus. centre commercial qu'il aperçoit, seule option qu'ils ont. même si les boutiques sont fermées, le hall couvert reste accessible. jiayi, il se gare vers l'entrée avant d'entraîner reiko ; déjà descendue sans même qu'il le lui ait demandé. légère course pour s'abriter, sa main qui lâche le bras de la jeune femme à peine sont-ils arrêtés. le déluge qu'il contemple en silence. elle sur qui il pose les yeux après quelques minutes. regard bref, jamais appuyé. « t'as froid ? » qu'il demande, n'étant pas si désintéressé de l'état dans lequel elle se trouvait.

« la pluie semble pas décidée à s'arrêter. » subtil message passé, comme quoi leur temps ensemble ne faisait que commencer ; pour le meilleur comme pour le pire.

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l'arrêt de l'engin qui ne tardera pas, tissus qui collent au corps de l’humidité qui les recouvre et la pluie qui ne s'arrête pas, jamais. il y a comme cette mélodie qui remplit le silence une fois à l'abri ; un quelque chose pour palier au manque de conversation certain qu'ils ont ; le bruit des gouttes qui s'écrasent sur un béton abimé. mais jiayi qui brisera le silence : une question anodine mais jamais attendue. « non, ça va. » pas de merci, pas de et toi. ils ne seraient pas sincères ni même nécessaires, elle ne peut rien faire pour l'aider. faudrait-il d'abord qu'elle se sauve elle-même de ce froid incendiaire. le corps qui se baisse, retrouve le sol à l'abri de la pluie, le dos qui vient s'appuyer contre un mur frais. et puis les jambes qu'elle entoure de ses bras, viennent protéger la poitrine ; peau découverte, journée qui avait pourtant bien commencé. et elle sent les frissons parcourir son épiderme dans qu'elle ne puisse les stopper ; mais jamais elle n'osera le révéler à jiayi. fierté qui la contrôle plus qu'elle ne le devrait, quitte à tomber malade ; elle se refuse à demander de l'aide, surtout à lui. elle ne veut pas.

elle ne peut pas être faible.

mais il y a ces pensées dans sa tête, ces remords qui se sont installés dès l'instant où il est venu l'aider. parce que reiko, elle n'aurait jamais du lui parler comme elle l'a fait. violence des mots qui refont surface dans son esprit et regard qui dévie vers son visage. elle hésitera quelques secondes, peut-être par peur de se faire rejeter à son tour. mais dans la nuit, dans le noir, elle prononcera, reiko : « je suis désolée pour tout à l'heure. » et ça aurait suffit. d'autres mots n'auraient pas du être prononcés, au risque de tout gâcher. mais l’impulsivité a prit le dessus avec un manque de tact certain : « c'est juste que y'a quelque chose chez toi que j'arrive pas à cerner. » et si elle aurait pu construire quelque chose, enfin, après tout ces mois de froideur et d'insécurité, elle vient de tout briser, reiko.

comme elle le fait à chaque fois.

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orage imprévu, des trombes d'eau qui se déversent. la route, impraticable. jiayi qui choisit la sécurité, pas d'autre choix pour reiko et lui. et ils s'abritent dans le lieu désert. il n'y a qu'eux et les silences qui semblent un peu plus grands, les échos aussi. proposition de politesse qu'il dira mais c'est un peu différent. il n'a pas envie qu'elle attrape froid. réelle pensée mais jiayi, il ne le dira jamais. reiko refuse et il se résigne, pendant quelques longues secondes. « comme tu voudras. » soufflé, sans trop réfléchir à la portée. juste parce qu'il a besoin de dire un truc, qu'il ne peut pas juste soupirer comme tout le monde.

jiayi, il voit reiko qui s'affaisse. dos contre le mur, ses bras et jambes contre son corps. mauvaise tenue pour cette météo, en effet. il doit avoir eu plus de chance. et lui, il reste debout. ses bras se croisent contre son torse, ses yeux observent le déluge. ils ne dérivent sur reiko que lorsqu'elle parle. des mots inattendus, qui lui font presque relever un sourcil. désolée. des excuses qu'il n'aurait jamais pensé entendre. entre eux, y'a jamais eu de ça. non, il n'y a jamais rien eu d'ailleurs.

et avant qu'il ne puisse répliquer, reiko parle. elle dit ce que lui pense d'elle. étrange ironie, un peu jolie d'une certaine manière. et jiayi, ça le prend de court. c'est comme à chaque fois à vrai dire. reiko, elle est comme une palette dont les nuances semblent varier de jour en jour. il ne sait jamais quoi voir ou comprendre dans son regard noir. « excuses acceptées. » la fierté avant le reste. jiayi qui aurait pu lui dire qu'il n'y avait pas de quoi s'excuser mais il n'est pas du genre à faire mille compromis. il préfère ces mots-là à un mensonge par courtoisie. ils n'en sont plus à ce point. léger sourire sur les lippes, il se laisse glisser contre le mur à son tour. et ses yeux se posent sur reiko, encore. il l'a vue mille fois mais ne l'a jamais vraiment regardée. « c'est plutôt drôle parce que je pense la même chose de toi. » qu'elle est difficile à cerner. qu'il y a ce truc qu'il ne comprend pas. ça n'a rien de logique, c'est peut-être ça le problème. « tu ne m'aimes pas, je sais. » qu'il commence, sans pour autant trouver les mots les plus justes. parler du passé, des paroles entendues - ce serait sûrement vain. jiayi, il se stoppe.

instants de silence, sa veste qu'il défait de ses épaules et pose sur celles de reiko ; sans demander son avis. « on se connait pas vraiment en fait. » hormis grâce aux sous-entendus ou des mots moins doux qu'avec les autres. des blagues aux yeux des sins mais des piques réelles pour eux. jiayi, il ne voit reiko qu'en l'ennemi à l'intérieur ou presque. ils sont membres de la même bande mais ils continuent d'être des lignes parallèles, sans qu'il ne puisse comprendre pourquoi. trop de malentendus qui ont terni toutes les possibilités, l'espoir qu'un jour ils puissent s'apprécier. peut-être que c'était à changer.

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des mots prononcés puis des excuses acceptées. les yeux qui montent vers le ciel mais plus négativement cette fois, simplement sarcastiquement. la fierté qu'il impose, jiayi, alors que reiko enfin, faiblit. elle ne dira plus rien, après ça, le laissera continuer avant qu'il se s'installe à son tour tout près.

« tu ne m'aimes pas, je sais. » ou peut-être que c'est tout simplement moi, que je ne supporte pas. parce que jiayi lui ressemble, mais jiayi est aussi tout ce qu'elle n'est pas, tout ce qu'elle voudrait atteindre quelque part. tout ce qu'on ne lui a jamais offert. elle lui offre un rire discret, un rire froid dans la nuit ; sarcastique, parce que lui ne sait pas. « je ne te déteste pas, jiayi. » je hais simplement le fait que je ne puisse pas être comme toi.  vérité qu'elle ose enfin s'avouer, reiko, car elle a comprit que jiayi n'est pas comme elle l'imaginait. garçon heureux, garçon attentionné. elle aurait pu geler sous une pluie qui se démène dans la nuit, mais malgré tout, malgré les non-dits et les rancunes invisibles, il l'aura aidé. surement que reiko, elle ne l'aura jamais autant aimé.

et puis tout aurait pu s'arrêter là, que les paroles s'effacent dans le froid ; frissons dorés sur un épiderme glacé. mais probablement que jiayi aura remarqué les traces d'inconfort sur le corps de reiko, car elle sent le tissus léger de sa veste s'emparer de ses épaules. il est mouillé, mais elle dira rien, touchée par le geste du garçon bien qu'elle sent déjà la fièvre s'emparer d'elle. « on se connait pas vraiment en fait. » parce qu'elle ne voulait pas. elle ne voulait pas entendre que sa vie est bien meilleure que la sienne ; que jiayi est meilleur qu'elle dans tout les domaines. et que dans son regard, elle ne sera jamais rien, elle n'existera pas. « ouais. » un nouveau frisson mais le corps qui brûle. elle ne voulait pas reiko, faiblir devant lui, pourtant elle sent sa tête s'alourdir et sans comprendre comment (ni pourquoi), elle rejoindra l'épaule de jiayi. un soupir qu'elle laisse s'échapper, comme vaincue par une situation qu'elle a du mal à contrôler. et peut-être que c'est le moment, après tout. de laisser les rancœurs de côté. « parle moi de toi, alors. » inattendu. inespéré. pourtant bien réel, immortel.

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les faits qu'il énonce. reiko ne l'aime pas, c'est une évidence à ses yeux. quelque chose qu'il ne se voit pas changer, ne sachant même pas comment il pourrait faire. parfois, il y a des gens avec qui ça n'ira jamais. elle semblait en faire partie, avant. est-ce qu'aujourd'hui ce serait différent ? premier pas vers elle et réciproquement. pourtant, reiko nie. elle rit et nie. elle dit qu'elle ne le déteste pas, ce qui le fait la regarder d'un peu plus près. jiayi, il ne comprend. pourquoi les regards noirs, pourquoi ces piques incessantes entre eux. et il n'a peut-être rien à dire. débat qui serait simplement constitué de tu me détestes et non, je te déteste pas. il attend une explication, un signe. reiko confirme simplement qu'ils ne se connaissent pas. jiayi, il se dit qu'ils n'avanceront pas. il n'a jamais su faire ces choses là. mais il y a un poids qui vient reposer contre son épaule. tête de reiko, les cheveux qui s'éparpillent sur sa veste. et il laisse faire, il ne la repousse pas. sensation de chaleur plus agréable que prévue, eux qui partagent plus de choses en quelques minutes qu'en plusieurs mois.

soupirs à l'unisson. voix de reiko qui résonne à nouveau, brisant le silence glacé. parle moi de toi, alors. il ne tourne pas la tête en sa direction, il continue d'observer la pluie qui tombe presque mélancoliquement. qu'y avait-il à dire ? jiayi dont l'esprit s'embrouille, gorge raclée avant que les mots ne s'échappent ; probablement pas de la meilleure manière mais il n'y en avait aucune. « je sais pas faire ça mais je vais essayer. » préambule acceptable, reiko qui connaissait les évidences. nom : li, prénom : jiayi. son visage, connu. sa voix aussi. il n'y a que tout ce qui est derrière. « parfois je suis un peu con mais je suis pas si mauvais. » soufflé, comme dédié à toutes les fois où ils s'étaient embrouillés. jiayi qui essaie de protéger ceux à qui il tient, eren en premier chez les sins. « j'aime la technologie, robots chéris, quartz industries dans laquelle il livre corps et âme.ma moto et mon petit frère. » des choses mélangées, tant il ne sait pas comment se présenter. c'est toujours gênant et étrange de le faire. « les sins aussi. » qu'il souffle, ses yeux dérivant un instant vers ce qu'il pouvait voir d'elle. peut-être qu'il y a un silence parce que tout semble stupide. ils ne venaient pas de se rencontrer. tout était plus difficile qu'avec quelqu'un de nouveau. « à ton tour. » lâché alors que le ciel gronde et qu'il a besoin que reiko joue le jeu à son tour. corps qui se rapproche instinctivement du sien, la pluie qui ne cesse de tomber.

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des mots comme révélations ; jiayi qui parle enfin de lui. jamais trop. mais ça semble jamais faux. un sourire aux lèvres, presque attendri, parce qu'il semble être comme elle ; impossible de parler de lui. mais il tente, fait des efforts. c'est presque drôle de le voir réfléchir sur qui il est.

et toi ?

un moment de latence. réflexion masquée. « j'suis adoptée. j'aime ma famille. » prononcé presque banalement ; ça fait longtemps qu'elle a apprit à accepter son histoire. tragédie du temps. « je suis pas aussi méchante que j'en ai l'air. » elle l'espère. une figure froide pour un coeur qui tente simplement de se protéger. avec les sins, elle montre qui elle est. même lui l'a vu ; même lui le sait. « je... » et puis cette incapacité à continuer, parce qu'elle ne sait pas quoi dire.

qui est-elle ?
que veut elle ?

« je sais pas. » un éternument pour masquer une nouvelle hésitation. elle prendra ce temps là pour réfléchir un peu plus. mais la conclusion restera la même ; reiko ne sais pas qui elle est. l'enfant que ses parents ont laissé derrière eux ? ou la gamine déconstruite qui a du rebâtir un monde entier presque illusoire autour d'elle ? c'est compliqué, de se positionner. parce que quelque part, elle n'est aucun des deux. ou peut-être le tout à la fois.
« c'est trop dur de parler de soi. » c'est trop dur de s'ouvrir à toi.
parce que qui sait ce qu'il en ferait ? qui sait ce qu'elle pourrait relever ? ou tout simplement comprendre en mettant des mots sur ce qu'elle ressent ?

elle ne veut pas parler.
elle ne parlera pas plus que cela.
et de nouvelles minutes passeront. la mélodie de la pluie comme bruit de fond. doucement, elle s'estompe.
« ça semble se calmer » ; les paupières lourdes, le corps brulant (et pourtant, elle a si froid. air glaçant). elle veut rentrer (mais ne rien oublier, de cette soirée sacrée)

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c'est étrange de se livrer. de lui dire plus que des méchancetés, d'être un tant soit peu honnête. communication jamais existante entre eux, des caractères trop opposés ou bien similaires. jiayi n'en sait vraiment rien. tout semble un peu plus flou ce soir, comparé aux autres. il se sent un peu idiot de lui balancer les choses ainsi. il réalise à quel point sa vie est banale, en soit. ne le sont-elles pas toutes ? jiayi, qu'une étoile parmi d'autres. la galaxie immense et vorace qui l'avale aisément.

oreille attentive, la voix de reiko qu'il écoute plus que jamais. adoptée, qu'il avait cru capter dans des bribes de conversations mais tout est plus clair dit de ses lèvres. jiayi, il n'en dit pas plus. famille qu'elle dit aimer mais reiko, elle ne s'avance pas plus. frère, soeur ; oubliés du tableau si elle en avait. jiayi, il ne dit pourtant rien. ses mots presque volés, le tout qui lui arrache un soupir suivant d'un sourire vain.

monologue coupé dans son élan. ses yeux qu'il retient de poser sur elle. l'incertitude qui la gagne et elle lui dit ne pas savoir. peut-être que pour ce soir, il n'y avait rien d'autre à savoir au final. les banalités échangées mais pour eux, c'est plus que cela. c'est un premier pas, peut-être une trêve dans cette guerre silencieuse ; menée à l'abri des regards. « je sais. » une confirmation de la difficulté, connue par tous les deux et sûrement pas pour la dernière fois.

jiayi, il choisit de ne pas insister. s'ils arrivaient à se parler sans crier, c'était déjà bien. il semble y avoir moins de froideur qu'avant, sensation bizarre et inhabituelle. les minutes défilent, toujours la pluie comme bruit de fond. jiayi, il ne déteste pas ce silence. il est différent de ceux d'avant, comme eux. la voix de reiko résonne, un peu plus faible qu'auparavant semble t-il. corps toujours chaud, contre le sien. « c'est vrai. » pas des mots qui mènent à une grande discussion mais les gouttes semblaient s'écouler moins violemment sur le bitume. il faisait toujours frais mais le ciel criait moins sa douleur. jiayi continue de regarder le spectacle et sent la tête de reiko qui semble s'alourdir. il redescend un peu son épaule pour lui rendre le tout plus confortable. jamais, il ne se serait imaginé si bienveillant à son égard ; encore moins vu leur dispute en quittant le hangar.

il sent toutefois que reiko n'est pas simplement fatiguée. sa main s'autorise une incartade et glisse contre le front, trop brûlant de la jeune femme. merde, le juron contre sa langue mais retenu pour ne pas la réveiller. jiayi, il ne peut pas ignorer l'averse tombée sur eux. les reniflements et le froid nocturne. l'évidence est là.


quand la pluie disparaît totalement, ils peuvent enfin quitter leur refuge. tout se fait dans le silence, sans que jiayi ne lui demande rien de plus. ciel désormais plus dégagé, pourtant ignoré car ses yeux sont rivés sur la route. le chemin se fait sans indications, l'adresse de reiko qu'il connait quand même grâce aux sins. et c'est face à la porte d'entrée qu'il attend avec elle et voit finalement arriver ce qui ressemble à un de ses colocataires. presque hostilité que jiayi croit ressentir, lorsqu'on lui fait comprendre qu'on a plus besoin de lui. et reiko devient une silhouette lointaine sous son regard plus insistant que d'habitude. jiayi, il ne l'a jamais autant vue.

soupir qu'il laisse échapper avant de s'en aller à son tour, pensant déjà à demain.