Journées jumelles, la vie s’est peinte de gris depuis quelques semaines. L’humeur est instable, les pensées noires, on l’a privée de son bonheur fabriqué, la métisse, elle doit désormais faire face à la réalité pour ne pas décevoir plus celle qui prend encore trop de place dans sa tête et dans son cœur. Au moins les substances illicites lui permettaient de faire le vide dans cet esprit trop sensible, maintenant elle doit subir les effets néfastes de la cure, la mélancolie quotidienne qui l’accompagne trop souvent, les sautes d’humeur la propulsant aux extrêmes, les vieux démons venant gratter la surface pour mieux l’enfoncer dans les méandres d’un enfers passager. Et lorsque tout va mal, la brune trouve refuge dans la tranquillité de la nuit, sous les lampadaires solitaires là où personne ne vient la déranger.
D’un geste nonchalant, elle jette le mégot encore fumant sur le macadam avant de venir l’écraser de sa godasse peu gracieuse. Rien d’euphorique dans le bâtonnet qui s’est éteint, juste du tabac, car elle s’autorise encore la nicotine. Le chien s’est levé au geste soudain de sa maîtresse, comprenant sans mal qu’elle comptait reprendre la route. Resserrant son emprise sur la laisse du molosse, elle se détache du mur et se met à avancer, empruntant le chemin de l’immeuble modeste qui lui sert de piaule.
Les pas sont traînants dans l’escalier froid sensé la mener jusqu’à son étage. Plus elle gravit les marches, plus elle se sent à l’étroit, car elle sait qu’elle va devoir la confronter ce soir, le travail oblige. Des horaires similaires au Quartz, Triss n’a aucune excuse cette fois et Sua n’est pas là pour l’aider à s’évader dans la tristesse des cieux. Jack est impatient, il monte et descend, pressant la métisse qui ne réagit presque pas. Arrivée à sa porte, elle compose mollement le code, mais n’ouvre pas au signal sonore. Ses yeux restent fixés sur la surface plane alors que le timer arrive à sa fin. Obligation de recomposer le code, Jack s’est mit à glapir, frottant sa truffe au pantalon de la jeune femme qui finit enfin par lui ouvrir. « Annoying, useless dog. » Elle le regarde se ruer gaiement à l’intérieur sans pouvoir empêcher la moue qui se forme sur son visage. « Nah Joking I love you too much. » Souffle-t-elle alors qu’il est déjà hors de sa vue.
La Canadienne s’introduit alors dans l’appartement, jetant ses clés sur le meuble prévu à cet effet avant de lancer sa veste sur le porte-manteaux. Ses pas la guident alors jusqu’à la pièce commune où se trouve déjà sa colocataire qu’elle ne pensait pourtant pas croiser si soudainement. Leur regard se croise, le cœur de Triss rate un battement. Elle se détourne aussitôt de son ex et prend la direction de la cuisine, délimitée par un simple bar. « Hey. » Lancé sans entrain par pure politesse. Elle attrape alors un paquet de nouilles instantanés ainsi qu’une casserole qu’elle se met à remplir d’eau avant de la poser sur la plaque électrique. Elle ne se retourne pas, fixant l’eau inerte comme si quelque chose d’incroyable allait se produire d’un moment à l’autre. Elle peut sentir la présence de Charlie derrière elle et ça l’oppresse réellement.