Un couloir. Il fait sombre, on y voit même pas son propre corps. Ryu sait où elle va, puis tout se mélange aussitôt. « alex ? » elle appelle son amie, sa voix résonne, mais aucune réponse. Immobile désormais, la brune est avance comme dans un manège – elle ne fait que subir ce qu’elle voit. En l’occurrence, rien. Ah si, peut-être une lueur grisâtre provenant de l’extérieur, les fenêtres sont fermées et pourtant il fait froid. Trop froid. La brune claque des dents mais ne parvient pas à bouger pour se réchauffer – elle continue d’avancer.
tu sais ce qu’on m’a fait ? dis, ryu, tu le sais non ? tu l’as toujours su.
La voix change d’intonation, c’est doux puis agressif, c’est irrégulier. Il y a comme un défaut technique dans cette voix robotique – mais tout semble normal, ryu ne dit rien. Attachée, elle subit ce train de l’horreur à venir. Il n’y a aucun bruit, juste des ombres qui défilent devant les fenêtres. Oh, là-bas ! Au loin. Une silhouette, tu la connais bien. Cadavre suspendu à une corde, elle ne dit rien. Tu les vois les uns à côtés des autres, ils se balancent doucement, ils sont endormis. Ryu fixe ce tableau macabre qui s’offre à elle, impuissante. Ils s’agitent d’un coup, les corps, ils tremblent, convulsent jusqu’à ce que leurs doigts nécrosés serrent cette corde qui enlacent leur cou. Les rires, les cris, alex et lui ont l’air épanouis.
Réveil en sueur, dans un cri, la brune reprend un souffle perdu dans ce cauchemar affreux.
Les jours ont passé, les nuits n’ont pas permis d’oublier, Ryu s’est vue contrainte de consommer d’autant plus de drogue depuis les derniers événements. Non seulement la rencontre avec ce groupe l’a poussée dans ce ravin dangereux, mais les conséquences par la suite n’ont rien arrangé. Alex, Woojin, Chan, Haru, Wooseok, des personnes qui ont chacun une place importante dans l’esprit de la brune ; cette place, bonne ou mauvaise, l’a rendue faible. Très faible. Elle essaie de se cacher la jeune femme, de ne rien montrer à sa meilleure amie – il arrivait de temps en temps qu’elles prennent un joint pour rire un coup, mais jamais la poudre blanche n’était mise en jeu. La belle, pour la première fois, n’assume en rien ses actes. Désespérée, c’est le mot qu’elle emploie dans son inconscient. Ses rêves sont agités, à coup meurtre et de disparitions, alex introuvable, alex morte, woojin tué par le groupe, des cœurs brisés, un avenir totalement détruit. Nombreuses furent les fois où l’ainée devait rester éveillée pour éviter d’être victime de ses propres angoisses.
Cernes sous les yeux, la belle applique avec parcimonie ce rouge à lèvres couleur sang. Les cheveux lâchés, on l’a rarement vue aussi chic dans cette tenue. Car ce soir, les deux sont invitées à ces fameuses soirées mondaines où règnent hypocrisie et pot-de-vin. « alex, on y va. » avec le temps, la force dans la voix de l’ainée s’est évaporée : le résultat d’une fatigue accumulée et d’angoisses subies dans ses cauchemars. Elles arrivent sur place, et Ryu souhaite déjà s’en aller. Les sourires et salutations sont échangés entre professionnels, et même si la brune n’a pas la tête à échanger, elle fait tout de même attention à Alex. Celle-ci ne semble pas être d’une humeur favorable à ce genre de meetings ce soir, et ça, ryu ne compte pas le laisser passer. Il faut quitter cet endroit à tout prix. « Alex, écoute. » Les deux s’isolent hors de la foule pour pouvoir se concentrer sur l’autre. « On va y aller tu sais quoi. On va aller quelque part où les gens mettent pas une telle pression, d’accord ? » Sa main tapote le haut de la tête de la cadette. « Et si ça te convient toujours pas, on rentrera ensemble, ne t’inquiètes pas. » Ah, ignorantes de ce qu’il va leur arriver, c’est en se mordant la lèvre inférieure que Ryu s’engouffre à l’arrière d’un taxi avec son amie. « tu vas voir, ça va nous faire du bien. » elle dit ça, serrant les doigts de sa partenaire dans les siens. Si seulement elles savaient – le bien soi-disant promis ne sera qu’éphémère et concernera surtout la plus âgée. Elle est perdue, Ryu, d’habitude sûre de son chemin. Dans son regard, on y perçoit un désespoir quant au besoin d’affection. Affection ? Non, c’est bien plus que cela. Elle veut ressentir encore ces sensations vécues auprès de ces deux autres hommes, loin de tous. Egoïsme inconscient, la brune est sans doute la plus impatiente du duo, si bien que lorsque le véhicule arrive à destination, c’est la première sortie. Evidemment, Alex est toujours près d’elle, cela va de soi. Mais plus pour très longtemps.
Au loin se dessinent deux silhouettes bien connues – Chan et Wooseok, bien habillés pour l’occasion. « heeey... » un petit sourire du plus vieux qui ne manque pas d’envoyer un choc électrique dans le corps de la belle. « hey. » Ils échangent un baiser rapide avant qu’elle ne se tourne vers Wooseok, toujours aussi intimidant. « t’es pas mal, habillé comme ça tu sais. » dit-elle avant de l’embrasser à son tour sans aucune gêne. Peut-être que, lors de ce fameux meeting, la demoiselle leur a envoyé un message. Peut-être a-t-elle avoué vouloir les voir, eux aussi, sur leur 31 pour ne pas se sentir trop à l’écart. Une de ses meilleures idées sans doute jusqu’à maintenant, car ce qui va suivre sera loin d’être féerique. « Viens alex, ça va nous détendre. » Et ainsi, les deux femmes s’engouffrent dans l’antre du démon.
Âme en peine, âme en détresse, les yeux fixent le plafond, la musique joue trop fort dans ses oreilles, mais elle se fiche des conséquences, celle qui voit gris depuis quelque temps. L'obscurité d'une chambre, l'insomnie à répétition, elle est terrifiée la gamine, n'ose pas s'endormir par peur de revoir chacune de ces personnes qui n'ont fait que la briser. Alex victimes des âmes cruelles, et elle se demande si cette fois ce n'est pas un peu trop. Qu'elle avait été dure, la descente, accentuant sa mélancolie maladive, ses angoisses et sa colère, plusieurs semaines s'étaient écoulées et pourtant la jeune femme ne parvenait pas à voir la lumière au bout du tunnel.
Accroche-toi, Ne me laisse pas...
Et soudain, c'est l'étau qui se resserre, la corde imaginaire qui lui noue le corps et l'empêche de bouger, de respirer, Alex se met à trembler, ses bras saignent, mais c'est pour elle le seul moyen de crier. Les écouteurs sont arrachés, le portable lancé à travers la pièce, elle se recroqueville, impuissante, agonisante.
Ne me lâche pas...
Paillettes et vêtements de luxe, elle fixe son reflet sans rien éprouver, ses yeux se baladant sur cette image fabriquée, ce semblant de bonheur illusoire. Elle baisse ses prunelles sur ses bras découverts, admire un moment les reliefs avant de baisser ses manches pour recouvrir ses cicatrices.
On verra.
Visage voilé sous les lumières fantasmagoriques, elle force les sourires, refuse les coupes de champagnes poliment, prend des nouvelles des amis de la famille sans vraiment s'intéresser à ce qu'on lui raconte. Son regard croise celui de Ryu alors qu'elle se détourne d'un groupe qui lançait sur elle des regards remplis d'une pitié qu'elle ne supporte pas. Elle s'attarde un moment sur cette figure qu'elle n'arrive plus à voir de la même manière depuis ce fameux soir, celui où on s'est autorisé à lui prendre un peu plus de son âme, à lui voler sa vie pour satisfaire ses démons. Et durant une seconde, elle songe à disparaître, à s'enfuir ailleurs, quitter ce pays de malheur qui l'a brisée, couper contact avec tous ceux qu'elle importune de sa présence parfois trop lumineuse, parfois trop déprimante. Et elle irait refaire sa vie au paradis, là où on ne pourra plus l'importuner, là où elle sera enfin en paix.
Elle n'a pas plus de temps pour réfléchir, Ryu l'emmène plus loin, elle lui promet d'arranger les choses pour elle, de lui faire quitter cet endroit, et ça la dégoûte, Alex, parce qu'elle ne veut pas dépendre des autres, elle ne veut pas dépendre d'elle, elle ne veut plus. Hochement de tête mou, « vas-y. » Elle décide de lui faire confiance une nouvelle fois, parce que c'est Ryu après tout, celle qui l'avait toujours sauvée.
On verra bien, Ce que l'avenir nous réservera.
Elle grimpe dans la voiture, boucle sa ceinture et tourne sa tête vers l'extérieur alors que le taxi démarre. Arrivées à destination les filles sortent du véhicule et Alex découvre un endroit qu'elle ne connaît pas avec des gens qu'elle n'a jamais vu, mais quand Ryu s'avance vers ces deux hommes, elle les reconnaît instantanément, et la gorge de l'opprimée se serre. Alex observe leur échange, souriant aux salutations qu'on lui lance avant de se désintéresser d'elle, pour s'occuper de celle qui s'offre aux hommes trop facilement, au goût de la cadette. Et elle l'avait toujours mise en garde contre les dangers des draps, mais bon, Ryu était la seule maîtresse de ses actes, de sa vie, de son corps. Et alors qu'ils pénètrent à l'intérieur, elle entend au loin une voix qui l'appelle et qui la cloue sur place. « Alex ! » Bien vite, elle se retrouve emprisonnée dans les bras de celui qu'elle ne voulait absolument plus croiser. « Taejoon... » Répond-elle timidement en essayant de s'échapper de son emprise. Rien à faire, il l'entraîne déjà vers l'avant, à la suite du trio insolite. Alex est raide, elle sent en elle l'angoisse monter, alors qu'ils arrivent dans une énorme salle où la musique résonne bien trop fort.
Accueil
- 
- 