Le vernis de nos regards

Il appelle, le cœur épris de la belle, agonisant de sa situation, mais Xiao a le devoir de l’ignorer, car c’est mieux pour elle, c’est mieux pour eux. L’est-ce seulement ? Le miroir ne renvoie que cette piètre image qu’il ne parvient pas à percevoir à sa juste valeur. La confiance s’est échappée depuis longtemps, peut-être bien qu’elle n’a jamais été présente, mais depuis ces deux dernières années, les choses se sont empirées. Il a tout de même fait l’effort de s’habiller proprement, une chemise légère qu’il a rentrée dans son pantalon, c’est simple, mais mille fois plus élégant que ses joggings et hoodies qu’il arbore la plupart du temps. Et malgré les promesses qu’il tente de se faire, il sait bien au fond qu’il veut l’impressionner. Il termine d’arranger les mèches rebelles de sa tignasse avant de se décider à rassembler ses affaires, passant une veste sur ses épaules avant de se glisser hors de l’appartement. 

Le myocarde s’agite dans sa cage, Xiao sent l’angoisse le gagner alors qu’il pose un pied dans la salle de réception. Il n’a pas l’habitude de se mélanger aux populations, encore moins ce genre de population. Il se sent perdu au milieu de ce public averti, lui n’a aucune idée de ce qu’il est censé se dérouler ici, ni de ce qu’il est censé regarder. Il voit des œuvres, un buffet, des groupes qui se forment avant de se défaire pour se reconstruire ailleurs.


Le chinois se tient à l’écart, là où on ne le remarque pas trop, une coupe de champagne à la main. Il ne sait même pas comment cette dernière a atterri dans sa main, mais c’est là le cadet de ses soucis, car il l’aperçoit enfin au loin, au bras d’un homme qu’il ne met pas longtemps à désigner comme son compagnon. Se rabattant derrière un groupe de personnes, il ne veut pas se montrer tout de suite, il préfère l’observer d’abord, bien que cela puisse paraître plus flippant qu’autre chose. Elle, princesse de ses rêves, elle paraît encore plus fatale ce soir, et pour faute, il ne l’a pas vue depuis deux ans, la jeune femme qu’elle était lorsqu’il l’a quittée a eu le temps de grandir depuis. 


Le groupe qui le dissimulait s’écarte, il se retrouve directement exposé à sa vue. Leurs regards se croisent, Xiao sent le rouge lui monter aux joues, il baisse les yeux avant de se mettre à avancer. Il n’a pas envie de se confronter à elle, encore moins à elle et son partenaire, mais ses jambes bougent d’elle-même, il ne s’arrête qu’une fois à sa hauteur. « Hey… » Il ne sait pas s'il doit parler Chinois ou Coréen, il choisit la deuxième option, pour ne pas paraître impoli devant celui qui se trouve aux côtés de la poupée. Leur proximité ne lui plaît pas, mais sa jalousie n’est pas légitime, il n’est rien, il n’est personne. « Je- Bonsoir. »

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Ô, princesse, es-tu satisfaite des mensonges qui glissent sur tes lèvres ? Le cœur prisonnier de son emprise glaciale, Xiao pourrait presque sentir le froid s’échapper de sa bouche à chaque soupir, et pourtant, elle brille, la déesse, et il n’est pas le seul à le penser, car dans la salle, les regards se tournent vers eux, vers elle, et le Chinois voudrait bien leur arracher les yeux, car il voudrait être le seul chanceux à pouvoir les poser sur elle. L’enthousiasme sonne faux, car malgré les efforts de la nymphe, et les deux années qui les ont séparés, Xiao la connaît trop bien, faute d’avoir passé tant de temps à l’observer en secret, derrière les pages d’une prétendue lecture. Le garçon esquisse un sourire timide à l’attention de ce Kwang Il qu’elle s’occupe de lui présenter, comme pour remuer le couteau dans la plaie. « Bonsoir kwang Il. » Le nom appuyé plus que le reste, rivalité qui s’instaure alors que les prunelles se lient et que les mains se serrent. « Je suis Xiao, un vieil ami de Shan. » Formalités qu’il aurait voulu prononcer autrement. 


Son attention se reporte rapidement sur la belle qui se met à lui poser des questions sur l’exposition. Le brun laisse ses yeux balayer la salle, il en a presque oublié le contexte de cette rencontre, décor bien futile à ses yeux, car il n’y a qu’elle qu’il veut voir ce soir, l’unique œuvre de son existence, celle qu’il aimerait posséder, mais qu’il peut seulement se contenter d’observer, sans jamais traverser la limite imposée. « Ah, non pas encore, je viens à peine d’arriver… » Mensonge subtil, il est là depuis un moment déjà. « Avec plaisir ! » Le cœur qui se sert malgré les tentatives pour se montrer enthousiaste, à quoi joue-t-elle Shan ? Qu’a-t-il de si extraordinaire cet homme ? Il est probablement dix fois plus cultivé, dix fois plus fortuné, dix fois moins pathétique que lui, qui vit comme un légume depuis deux ans dans une chambre noire, devant un écran. Les complexes lui sont renvoyés en pleine face, il grimace alors que tous se tournent pour se mettre à marcher jusqu’au début de l’exposition. « C’est toi qui a organisé tout ça ? » Demande-t-il timidement en posant son regard sur la première toile, qui ne lui procure rien de très intéressant, car Xiao n’est pas sensible à ce genre de chose, l’art, il ne le connaît pas. 

Une vie peinte de craintes,
Enfant aux étoiles éteintes.

Et Xiao se surprend déjà à boire dans la coupe qu’il n’a pas quittée. La soirée risque d’être longue, très longue, le Chinois aura besoin d’aide pour supporter ces simagrées. Situation des plus ridicules, sans doute aurait-il mieux valu qu’il ne la revoit pas, car il doute que cette torture en vaille réellement la peine. 

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Rictus imperceptible lorsqu’il avale sa gorgée d’alcool, écoutant attentivement les paroles de la passionnée. Un charabia auquel il ne prêterait pas tant d’importance en temps normal, mais c’est différent cette fois, car c’est Shan qui raconte, et le brun sait très bien que la princesse a horreur des gens qui ne l’écoutent pas. Hochement de tête à chaque affirmation, il plisse les yeux, faisant de son mieux pour oublier cet homme auquel elle s’accroche bien trop à son goût. 

Tristesse effacée… Le nom résonne tout de même en lui, il reste stoïque, mais ses pensées divaguent, il se demande si, un jour, les regrets s’effaceront eux aussi, si les cerisiers recommenceront à fleurir dans son esprit. La peinture quant à elle, reste trop abstraite pour qu’il puisse y lire quoi que ce soit. Il reste considérablement impressionné par le génie de la jeune femme, son assurance qui la place probablement parmi les meilleurs de sa catégorie. « T’as déduit tout ça seulement d’après ce tableau ? » Surprise qui s’estompe alors qu’elle vient lui apprendre que l’artiste leur a tout de même parlé de son œuvre. « C’est sûrement moins facile de juger son propre travail. » Répond-il au dernier commentaire de la belle. Il hoche la tête une nouvelle fois pour assurer ses paroles avant de tourner son visage vers elle, croisant à nouveau ses prunelles, celles qui lui procurent en un instant, tout un palmarès de sentiments chaotiques. Bien vite, il retrouve l’amertume du champagne, pointant alors la toile d’à côté, semblant d’intérêt qui se dessine, pour détourner l’attention. « Et celui-là ? » Demande-t-il d’une voix étranglée qu’il tente de camoufler en toussotant, la main devant la bouche. Il sent sur lui le regard jugeur de Kwang quelque chose. Leurs yeux se croisent à leur tour, l’aura se charge Xiao se surprend à le défier, lui qui d’habitude garde la tête dans les épaules. 

Tandis qu’ils se dirigent vers la toile pointée, le Chinois se rapproche un peu plus de celle qui fait battre son cœur. Son verre est vide, l’esprit est déjà plus léger, plus audacieux. Il n’ose cependant pas la toucher, il y a des limites à ne pas dépasser. Il voudrait laisser courir son regard sur les subtilités de la poupée, mais il est obligé de se concentrer sur des toiles aux coups de pinceau hasardeux qui n’ont aucun sens pour lui. Soulagement certain lorsqu’un serveur se présente à eux pour débarrasser Xiao de sa coupe vide. Il en prend une nouvelle, ignorant le jugement de ceux qui l’accompagne. De toute manière, il tient très bien l’alcool, ce n’est pas ça qui risque de le mettre hors d’état.

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Qu'elle est assassine, Shan, dans sa manière de parler. Son cœur porte probablement les marques d'une souffrance qu'il lui a causées, alors ça ne l'étonne pas vraiment, d'entendre la froideur des discours qu'elle lui réserve, à lui, petit abruti au regard qui s'attendrit trop facilement face à la princesse qui se dresse face à lui. Xiao hoche la tête, penaud, sans savoir quoi répondre à son expertise. Débattre, il aime ça pourtant, mais la situation ne lui permet pas d'être assez à l'aise pour que sa langue se délie d'elle-même. Avalant péniblement sa gorgée d'alcool, il se met à écouter ce nouveau récit, cette sensibilité exquise de la nymphe que lui ne possède pas. Il ne peut s'empêcher d'esquisser un sourire par fierté, fierté de ce que Shan est devenue, même sans lui à ses côtés. Il ne remarque pas vraiment la proximité qu'il s'est permis d'instaurer, se perdant dans la douceur de sa voix et les effluves de son parfum. Les mots deviennent brouillard, il ne comprend pas très bien le Coréen, ça ne l'aide pas à se concentrer correctement.

D'un coup, sa coupe lui est retirée, Xiao revient à la réalité, il baisse la tête sur sa main vide, avant de redresser ses prunelles sombres vers elle. « Je- Pardon. » Est tout ce que le garçon parvient à bafouiller sous l'effet de la surprise. Il peut voir, du coin de l'œil, la figure du deuxième homme qui se pare d'un sourire moqueur alors que lui ressemble de plus en plus à un idiot. Glissant ses mains dans les poches de son pantalon, il tourne la tête du côté opposé avant de grimacer. Shan, si ton but est de me mettre dans l'embarras ce soir, c'est réussi. Il est à nouveau ramené sur Terre par le contact de ses doigts fins sur sa main, un geste qui suffit à faire virer le bout de ses oreilles au rouge vermeil. Un regard rapide vers Kwang Il qui fait les gros yeux, il se sent vainqueur une demie-seconde avant de retourner à sa panique. Le contact est rompu, Xiao est presque déçu, mais il ne dit rien, venant croiser ses bras sur son poitrail, faisant mine ne pas être touché. « Ah... Heu... » Il n'a presque rien écouté au discours de la belle, doit se contenter de se creuser les méninges seul, cette fois. Il fixe le tableau d'un air presque absent, avant de se tourner vers la belle, un sourire idiot sur les lèvres. « Des lignes colorées et du noir et blanc ? » Nouveau regard dirigé vers l'homme auquel la jeune femme s'accroche, il semble aussi perdu que Xiao, et ça le rassure. Au moins, il n'est pas le seul abruti ce soir. « Shan, je suis désolé, je suis vraiment nul pour définir ce genre de truc. Je préfère les peintures où on comprend ce qu'on regarde. » Finit-il par expliquer en haussant les épaules. « Mais je trouve ça plutôt beau dans l'ensemble ! »

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Il la sent, la rancœur de la belle à travers les paroles chargées de jugement qu'elle lui adresse sans ménagement. Et lui ne peut que rentrer la tête, toujours aussi impressionné par sa personnalité directe et son aura rayonnante. Shan lorsqu'elle pense quelque chose, elle n'y passe pas par quatre-chemins et s'arrange pour le faire comprendre aux autres sans trop de difficulté, du moins c'est ce qu'il pense, car il est loin d'imaginer que sous sa façade de diamant, se cache le palpitant échauffé d'un cœur qui demeure amoureux, et peut-être qu'elle-même ne peut pas encore le réaliser. Pour lui, la flamme ne s'est jamais éteinte, et elle ne s'éteindra jamais. Pour lui, c'est Shan ou personne, son étoile ou le néant. Peu importe le nombre de peintures qu'il devra se forcer à déchiffrer, à apprécier, si l'effort peut lui permettre de refaire briller l'étincelle de son regard de princesse, alors il est prêt à lire tous les livres de l'univers. Pour le moment, le garçon ne peut pas lui apparaître autrement que comme un idiot inculte, il le sait, il est désolé pour elle, mais la culture est trop loin de lui, qui s'est renfermé sur lui-même ces dernières années, et ça c'est tout bonnement fatal. « Désolé... » Murmure-t-il en réponse au foudroiement de la déesse. Kwang Il se réjouit de voir l'autre ouvertement humilié par la femme qui se dresse entre eux. Xiao pourrait lui défaire la mâchoire d'un coup-de-poing volontaire, juste pour effacer ce malin sourire de mâle ayant remporté son combat, mais il n'est pas violent, et c'est peut-être l'une de ses meilleures qualités finalement.

La jalousie le ronge tandis qu'il observe de ses yeux ténèbres l'avancée de ce couple fabriqué, et il ne peut pas savoir, que ce n'est qu'une mise en scène destinée à le déstabiliser. La bague, il n'a toujours pas remarqué que c'est celle qu'il lui a offert il y a quelques années, m'enfin en vue de ses aptitudes d'analyse visuelle, on ne peut pas lui en demander trop non plus. Shan, je suis, certes un abrutis, mais ce coq prétentieux n'a vraiment rien à faire avec toi. Pense-t-il en serrant les dents. Et peut-être que Kwang Il convient mieux à Shan que le raté qu'il est. Gamin à la réputation brisée sans famille, sans travail, qui compte-t-il impressionner avec cette vie maussade ? Et le revoilà dans sa culpabilité et son manque de confiance. Non, décidément, lui non plus ne mérite pas une fille telle que Shan. L'envie de la serrer dans ses bras est trop forte, il préfère se tenir en retrait, alors qu'elle les guide jusqu'à la salle des portraits, soudainement bien plus parlants que les gribouillis d'avant.

Xiao a le regard qui se peint d'étoiles, les toiles de l'artiste lui parlent définitivement plus sous cette forme, que cela plaise à la demoiselle ou non. D'autant plus attiré par les tracés exposés, le Chinois dépasse le couple pour jeter un coup d'œil plus détaillé sur les œuvres présentées. « C'est fascinant, la manière dont les peintres manient la couleur dans leurs dessins. Tu penses que c'est du beige pour la peau, mais la peau, c'est un mélange de vert, de bleu de rouge, de jaune, c'est tellement plus complexe ! » L'artiste en lui se réveille enfin, et même s'il n'est pas sensible aux représentations abstraites, il ne ment pas lorsqu'il affirme préférer les toiles fidèles au sujet dont elles traitent. « Le rendu des textures aussi... Hallucinant ! » Il se retourne vers elle, un sourire franc plaqué sur les lèvres, un sourire qu'il n'use que rarement, un sourire qu'il a seulement auprès d'elle.

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Et qu'il se sent malin le gamin, il pense avoir marqué un point en sortant sa science devant les amants. C'est un regard reflétant sa fierté qui se pose sur la princesse qui décide finalement de quitter l'autre imbécile pour le rejoindre plus près. Et il n'y a rien de si différent par rapport aux combats d'animaux pour savoir quel mâle remportera le droit de s'accoupler avec la femelle. Des comportements bestiaux, camouflés par des jolis mots et un vocabulaire distingué. Il envoie une œillade rapide à son semblable, esquissant à son tour un fin sourire qu'il fait bien vite disparaître lorsqu'il se retrouve pratiquement collé à la belle. Elle paraît absorbée par le tableau, le détaille avec encore plus d'attention que lui juste avant, et il se met à se demander ce qui peut bien se tramer dans un esprit aussi brillant que le sien. Un rire discret passe la barrière de ses lèvres alors que Shan lui donne raison, à contrecœur. « Yah... Bien sûr que j'ai raison. » Répond-il sur le ton de la rigolade. Peut-être commence-t-il à se détendre en sa présence, et ça le fait jubiler, de constater qu'ils n'ont pas perdu leur complicité d'antan.

Voilà que la jeune femme se remet à parler, plongée dans son univers, détaillant des procédés qui, pour le coup, ne lui sont pas familiers. Xiao se perd à nouveau dans sa contemplation, oubliant finalement la toile dont les paroles de Shan relatent, pour se concentrer sur les détailles du visage de la divine. Sa peau aux allures de porcelaine, son nez gracieux, ses grands yeux profonds, ses lèvres dangereusement tentatrices. Kwang Il n’existe déjà plus, durant ce court moment, Xiao veut croire qu’il n’existe qu’eux deux. Elle termine son discours, se redresse pour laisser ses yeux vadrouiller autour de la salle. Xiao la suit dans son mouvement, avant de faire un pas vers elle. « Shan Shan, 看着我. ( regarde-moi ) » Le Chinois susurré au creux de l’oreille, il glisse ses doigts sous le menton de la poupée pour tourner son visage vers lui. Il approche alors ses doigts de sa figure et, délicatement, ôte un cil qui s’était déposé sous son œil. Il fronce les sourcils et gonfle ses joues en observant ses doigts avant de sourire à nouveau. « Fais un voeux. » Le Coréen oublié, il n’y a plus que la langue chantante qui s’échange entre eux, plaçant l’imposteur, encore plus en retrait.

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C'est bien beau de rêver, de croire que les choses s'arrangeront avec un sourire aguicheur et un geste attentionné, Shan est tout sauf une idiote, alors bien sûr qu'elle le rejette lorsqu'il se permet d'agir de la sorte avec elle. Et il aurait dû le voir venir, mais ça le prend légèrement de court, cette sècheresse assumée qu'elle lui renvoie à la figure. A-t-il seulement le droit de se plaindre ? Où était-il lorsque son cœur à elle se fissurait ? Nul part, il avait disparu. Le garçon perd bien vite le peu de confiance qu'il avait gagné l'instant d'avant, il range sa menotte dans sa poche, baissant le regard lorsqu'elle lui adresse ces derniers mots juste avant de lui tourner le dos pour retourner aux côtés de l'homme à qui elle est sûrement promise. C'est petit de jouer ainsi avec une femme qui ne lui est pas destinée, Xiao devrait avoir honte, et il n'est pas bien fier, non, mais c'est plus fort que lui.

Il observe à son tour les alentours de l'exposition, laissant le couple passer devant alors qu'il se perd à nouveau dans ses pensées. Venir ici était une mauvaise idée, aussi bien pour lui que pour Shan. Que pensait-il tirer de cette soirée ? Une fois tout ça terminé, il fera tout pour ne plus la croiser, car c'est trop douloureux de la voir accrochée à un bras qui n'est pas le sien, et puis il veut lui épargner sa présence, car de toute évidence, elle ne s'en tire pas bien mieux que lui. Xiao est peut-être un idiot, il ne reste pas moins observateur, et il connaît assez la Chinoise pour savoir lorsqu'elle choisit de camoufler ses émotions sous le cocon de glace qui recouvre son cœur. C'est sa voix, froide et sévère qui le ramène à la réalité, il redresse le menton et pose un regard vide sur la princesse, avant de répondre d'un faible signe de la tête. Les choses n'ont plus vraiment d'importance maintenant, il ne relève même pas l'expression menaçante de Kwang Il lorsqu'il rencontre à nouveau son regard. 

Malgré l’envie qu’il a de rebrousser chemin et de fuir le plus loin possible, Xiao décide de poursuivre avec eux, passant dans la salle d’à côté pour y découvrir de nouvelles toiles sur lesquelles il ne passe qu’un regard éteint, dénué d’intérêt. Apprendre à se confronter aux réalités, ne plus prendre ses jambes à son cou dès qu’une situation lui déplaît, c’est ce sur quoi il travaille le plus, et il veut pouvoir se prouver, et lui prouver, qu’il n’est plus le lâche d’il y a quelques années. Ça ne l'empêche pas de choper une nouvelle coupe de champagne lorsqu'un serveur passe à proximité, juste histoire de la provoquer. Il retrouve les amants qui se sont à nouveau arrêtés, mais cette fois, il se place à côté du jeune homme, gardant ses mains enfoncées dans ses poches. Un peu vexé par l’attitude de Shan également, mieux vaut pour tout le monde qu’ils se tiennent à l’écart l’un de l’autre. 

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Xiao il tente de fermer son cœur en emprisonnant son regard, comme un cheval à qui on aurait mis des visières, il fixe droit devant lui, et par chance, droit devant lui se trouve un portrait, un portrait qu'il trouve étonnamment magnifique, seulement, c'est une chose qu'il ne montre pas, conservant son visage froid et vide. Il ne regarde plus le couple, ferme également ses oreilles aux absurdités et au manque de culture cruel de cet homme qui n'a définitivement rien pour plaire à part sa jolie gueule bien pomponnée. Comment Shan s'est elle retrouvée au bras d'un idiot pareil ? Elle, qui pourtant semble si exigeante avec tout le monde, il ne comprend pas et au final, il doute qu'il veuille réellement comprendre. La coupe dans sa main repose, il l'oublie presque, obnubilé pour aucune raison par le tableau face à lui et qui semble aspirer son âme douloureuse, le coupant de la réalité. Une main glissée dans la poche de son pantalon, il oublierait presque de cligner des yeux.

Xiao ne fait pas non plus attention au déplacement de la demoiselle qui se retrouve à nouveau près de lui, mais quand sa voix s'élève pour lui poser cette simple question, l'ampoule s'éclaire, il comprend finalement la raison de son attirance pour le portrait en particulier. Le brun baisse la tête, plongeant son nez dans sa coupe pour palier au vermeil de ses joues. C'est embarrassant, il aurait presque pu décrocher la toile et l'embarquer avec lui. « J'sais pas, p'têt ouais... » Répond-il avant d'entamer son champagne. Décidément, se défaire de la jeune femme ne risque pas d'être aussi simple qu'il pensait. L'idiot imaginait qu'après deux ans de lamentations, ses sentiments s'évaporeraient d'un claquement de doigts ?  Au final Xiao est resté le garçon naïf qu'il était auparavant. Shan ne semble pas encline à bouger tant qu'il n'a pas confirmé sa pensée, Xiao reste immobile un moment, ses iris tournés vers la belle alors que son nez pointe toujours la peinture d'en face. Il baisse finalement sa coupe et se racle la gorge. « Je vois l'air de ressemblance, maintenant que tu le dis. » Sera-t-elle satisfaite ? S'énervera-t-elle à nouveau ? Shan est d'une complexité qui porte à confusion, elle est si imprévisible que le jeune homme ne sait jamais comment agir avec elle. Même en la connaissant bien, elle continue de le prendre par surprise.

« C'était les derniers tableaux ? » Changer de sujet, orienter la discussion pour se tirer de ce moment désagréable. Xiao repartira plus confus encore qu'à son arrivée, le chaos de ses sentiments ne risque pas de disparaître de si tôt. Le jeune homme jette un coup d'œil à la montre qui orne son poignet, il n'est pas tard, mais il cherche tout de même une excuse pour se sortir de là. « Ah, il faut que je nourrisse mon chat. » Est la première chose qui sort de sa bouche. Il a envie de se cogner la tête contre un mur, quelle excuse lamentable pour fuir, mais au moins, il en a une. « Je pense que je ne vais pas tarder. Mh. C'était vraiment sympa, je suis content d'être venu ici, deux galeries en moins d'un mois, c'est un record pour moi. » Une légère pointe d'humour, il est vrai que Xiao ne sort presque jamais d'habitude, mais pour Shan, il est prêt à tout, mais pour Shan il est prêt à tout, peu importe ce qu'elle lui demande.

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