Les jours passant, Yeji n’avait pas anticipé le drame qui était en train de se profiler chez elle, à savoir le vide complet de son frigo. Lorsqu’elle s’en était rendue compte, il était déjà trop tard et il ne restait plus rien d’autre que des bouteilles d’eau. S’hydrater c’était important mais ça ne faisait pas tout non plus. Sauf que son ventre gargouillait fortement et qu’elle avait une flemme monstre d’aller faire des courses. Alors elle optait pour la solution de facilité : un fastfood. Pour ce faire, elle décida de se bouger un peu et s’y rendre à pieds. Elle qui n’aimait pas particulièrement devoir sortir de chez elle et croiser des gens – ew – elle savait que parfois il fallait le faire, au minimum pour ne pas laisser son corps s’encroûter, chose qui serait dommage à son âge quand même. Habillée du premier truc qu’elle avait trouvé et qui était une robe légère, elle avait gravi les escaliers menant à la sortie de l’immeuble, non sans oublier de saluer son propriétaire au passage, un vieil homme habitant au rez de chaussée et dont la porte était toujours grande ouverte. Un vrai vigile, lui, sauf qu’il n’avait malheureusement pas la carrure pour. Observant son téléphone, elle remarquait le temps qui défilait à toute allure et pourtant, elle n’était pas vraiment pressée par le temps. Le fastfood restait ouvert tout le temps et étant travailleuse indépendante elle pouvait travailler quand bon lui chantait. Ou alors était-ce uniquement pour vérifier qu’on ne lui avait pas envoyé un texto ? Et par on, elle pensait évidemment à Cain. Bien sûr, si on lui posait la question, elle prétendrait juste qu’elle vérifiait l’heure, le reste elle ne l’assumait absolument pas de toute façon. Parcourant la faible distance la séparant de son but, elle se glissait dans la queue afin d’attendre patiemment son tour. Observant nonchalamment autour d’elle, elle remarquait tout un tas de groupes trop différents les uns des autres. Celui qui lui hérissait le poil le plus était les familles, des parents au visages épuisés et des gosses tout simplement insupportable. Ca donnait envie d’en faire… Ironie évidemment. Et alors, sans prévenir, voilà qu’un truc s’accrochait à sa jambe. Secouant cette dernière pour s’en débarrasser, ça semblait peine perdue. Un vrai pot de colle. Elle s’attendait à trouver un des gosses des familles présentes sauf que nope, c’était une gosse qu’elle connaissait bien et qui la faisait légèrement paniquer. « Nana ?! »« Faim ! » Vraiment, il fallait que ça tombe sur elle et aujourd’hui ? Regardant aux alentours, elle ne remarquait pourtant aucune trace de son père, Caïn. « Où est ton papa, Nana ? » Elle le regardait avec ses grands yeux, de sa toute petite taille elle était vraiment adorable comme enfant. Nope, pas adorable. Yeji refusait tout simplement d’associer ce mot à cette enfant. N’avait-elle donc pas assez de problème comme ça sans avoir à rajouter un attachement certain à une enfant ? Si elle s’attachait à elle alors elle était finie, elle le savait. Elle essayait donc de repousser la petite fille du mieux qu’elle pouvait mais cette dernière était butée, sûrement autant que Yeji elle-même. Mais son estomac vide la rendait plus faible alors elle abandonnait l’idée de s’en défaire. Entendant alors une voix masculine appeler la petite fille, voix se situant juste derrière elle, ses épaules s’effondraient brutalement. Adieu sa petite sortie tranquille. Attrapant la petite dans ses bras, elle se retournait alors et se rendait vers la source de la voix entendue. Il était de dos et même ainsi, dieu qu’il était beau. Elle toussotait alors afin d’attirer son attention. « Je crois que je l’ai trouvée. » :
L’été arrivait et la chaleur écrasante s’abattait sur Busan comme à chaque mois de juin. Une chose avait changé dans la vie de Caïn : Nana. Une petite princesse qui avait déboulé dans sa vie six mois plus tôt. Nana était le fruit d’une relation passée, une relation qu’il ne se souvenait plus. Était-ce un coup d’un soir ? Une petite amie oubliée ? Caïn avait tout tenté pour s’en rappeler mais rien n’y faisait. Son accident avait forgé en lui des trous de mémoire et de l’amnésie tellement intenses qu’il pouvait en avoir de violentes migraines ou de la dissociation. Du moins, un accident… Une tentative de meurtre plutôt. Son nouveau métier de journaliste lui permettait de choisir ses horaires. À midi, il avait décidé de prendre sa petite fille chez sa grand-mère qui la gardait pour aller manger un bout. L’objectif était la pizzeria mais malheureusement, sur la route, la petite vit une publicité gigantesque pour le menu Happy Meal. Elle commença donc à demander cette chaîne de fast-food mais surtout le jouet qui représentait Vaina de Disney.
Caïn essayait de ne pas céder à son caprice. Il se gara alors, sortit la petite. Malheur pour lui, il ne vit pas qu’il s’était mis pas loin de ce fameux restaurant rapide. Attrapant le doudou en forme de lion de sa fille, la petite se mit à courir. L’angoisse lui prit alors aux tripes quand il se retourna pour lui donner sa peluche. Elle s’était volatilisée aussi vite qu’elle était apparue dans sa vie.
- NANA ?
Ni une ni deux, Caïn se mit alors à la chercher partout. Tout d’abord, il vérifia qu’elle n’avait pas tenté de traverser cette route dangereuse puis il zieuta autour de lui avant de voir l’enseigne de ce foutu clown. D’un pas décisif, il poussa la porte de ce lieu maudit en essayant de la chercher. Il y avait énormément d’enfants, de famille, après tout, on était samedi. Le stress le prenait aux tripes. Et si l’homme qui avait tenté de le tuer s’en prenait à sa princesse ? Il le torturerait. Il savait comment faire, il était un ancien soldat après tout.
- NANA ? Cria-t-il encore une fois.
Au moment où il se retournait, il croisa le regard de sa fille et surtout de la jeune femme à côté d’elle. Le portrait parfait. Yeji et Nana. Il ne s’attendait pas à la voir ici mais tout d’abord il devait s’occuper de sa chaire. Il s’approcha alors.
- Nana, je t’ai dit de rester toujours à côté de moi ! Tu vas être puni, tu peux avoir un accident et papa serait triste ! « Triste…? » - Oui très triste, si tu disparais encore il va pleurer !
La petite avait les larmes aux yeux, Caïn soupira alors, passant sa main sur son visage avant de finalement ancrer son regard dans celui de Yeji. Elle était belle, comme d’habitude. C’était bizarre pour lui de la voir ici. D’habitude, ils se voyaient la nuit, en secret, pour une rencontre qui tournait mal. Ils se fuyaient comme ils s’attiraient.
- Salut. Heureusement que tu étais là…
Il regardait alors la borne de commandes où elle était, malheureusement, on lui avait annulé la commande.
- Je te paye à manger ? « OUI OUI OUI AVEC NOUS MIAM ! » - À la base on devait manger une pizza à l’italien à côté, si ça te dit, car je veux la punir du Macdo. On dirait bien qu'elle ne te laisse pas le choix.
Caïn lui laissait difficilement le choix, ça se voyait dans son regard. Il la désirait toujours dès qu’elle était là.
Yeji se grattait la tête. Elle qui ne sortait pas beaucoup, voilà que pile au moment où elle le faisait il fallait qu’elle tombe sur eux deux ? Elle soupirait profondément. Discuter par téléphone et aller le voir chez lui était une chose mais être en sa présence dans un espace public, ça n’avait rien à voir. C’était gênant pour elle. Le pire serait qu’une personne qu’elle connaissait la reconnaisse et vienne la voir, ça serait vraiment terrible. Le pompom serait évidemment que cette personne soit son frère mais là, elle finirait probablement morte. Caïn et elle, ils ne pouvaient pas être ensemble et bien qu’elle ait une attirance plus forte que jamais pour lui, ils n’étaient pas fait pour être ensemble et ça ne changerait jamais, pas après le passif entre leur deux familles. Bien sûr, Caïn ignorait totalement que le frère de Yeji était l’homme qui avait essayé de le tuer, s’il le savait alors tout ça n’aurait aucune raison d’être. Pourtant, elle n’arrivait pas à oser dire la vérité, il risquait de mettre son frère en prison et bien qu’elle suggérait souvent le contraire, elle ne supporterait pas de le voir s’éloigner d’elle. Foutue vie de merde. « Cette petite est aussi bornée que son père, visiblement. » Et pour être borné… Il revenait toujours à la charge Caïn, peu importe ce qu’elle disait et Yeji n’était même pas capable de dire un simple non, c’était vraiment terrible d’avoir aussi peu de volonté que cela. Elle gardait un œil autour d’eux, guettant un éventuel danger. Danger étant une personne qu’elle connaîtrait. « D’accord… Tu crois qu’on peut en prendre une à emporter et aller s’installer dans un endroit tranquille plutôt ? » S’asseoir à une table dans une pizzeria, non c’était vraiment trop demander à Yeji qui ne pourrait pas se sentir à l’aise dans un tel environnement. En revanche… s’ils étaient au calme, elle pourrait relâcher sa garder et profiter au mieux de ce beau moment avec eux deux. C’était assez mélangé dans son petit cerveau. D’un côté, elle rêvait de pouvoir fuir le plus loin possible et de l’autre… elle avait franchement envie de partager ce moment avec eux. C’était terrible de vouloir deux choses complètement opposées. Mais le plus terrible, c’était Nana. Elle ne voulait pas donner un mauvais espoir à cette petite fille, la voir s’accrocher de trop alors qu’elle ne serait jamais avec son papa, cette petite méritait une vraie maman et Caïn quelqu’un de réellement fait pour lui. Elle avait l’impression de n’être que fausseté dans ce beau monde. Le leur. Si sa demande la faisait éventuellement passer pour une asociale – bien qu’au fond ça ne soit pas si éloigné de la réalité que cela – la vérité était toute autre, évidemment. Dans tous les cas, son estomac se mit à grogner fort, surprenant légèrement les deux autres par la force de son bruit. « Désolée… j’ai très faim on dirait. » Et ça déclencha un rire général bien que celui de Yeji soit légèrement plus gêné que celui des autres. Pourquoi Caïn était-il si beau lorsqu’il riait ? Et cette petite si adorable qu’elle aurait envie de lui faire le plus gros câlin qu’elle puisse faire ?
Caïn était agréablement surpris de trouver Yeji dans ce Macdonald. Leur relation était compliquée, c’était un fait, pourtant il ne pouvait pas s’empêcher d’être heureux d’être en sa compagnie à l’heure actuelle. L’ancien policier s’en fichait, quant à lui, de rencontrer ses frères ou sa soeur en la compagnie de la belle demoiselle en face de lui. Pourquoi ? Il n’avait rien à leur cacher. Il savait que Yeji serait sûrement embarrassée, mais il saurait gérer la situation. Au fond de lui, le jeune père savait qu’il avait un bout de chemin à faire avec la beauté à côté de lui. Il le sentait au fond de son être, de son coeur. C’était la première fois qu’il s’était autant attaché à une femme. Même s’ils se fuyaient, se disputaient ou s’évitaient, il avait l’impression qu’ils ne pouvaient pas s’empêcher de se rencontrer et de s’envoyer des messages jusqu’au bout de la nuit. Était-ce le destin ? Même lui ne le savait pas. Caïn ne croyait pas à la chance, au destin, à l’âme-soeur, mais il savait que l’amour pouvait frapper. Il n’oserait jamais avouer qu’il aimait Yeji, depuis quelques semaines maintenant. Jamais il ne lui dira. Lui dire voulait dire la perdre à jamais, il le sentait au fond de lui. Un large sourire se dessinait sur son visage de gendre parfait.
- Exactement, on est borné dans la famille. Un trait des Yi !
Un petit clin d’oeil, un fin sourire, une petite taquinerie si banale dans leur relation. Nana regardait toujours Yeji avec des yeux pétillants, elle adorait Yeji, elle voyait en elle une amie. Dans la tête de la petite, elle ne pouvait pas s’empêcher de l’affiler à une potentielle maman. Un gros manque était creusé dans son petit être, un abandon avait défiguré sa confiance.
- Oui pas de soucis, il fait bon aujourd’hui. Je connais un endroit. Tu sais bien que je suis doué pour trouver des endroits discrets.
Le souvenir de plusieurs nuits ou après-midi avec Yeji le frappa. Caïn emmenait souvent Yeji dans des coins où seuls les connaisseurs s’y rendaient. Il voulait la faire voyager mais surtout être au calme. Même s’il avait toujours vécu à Busan, Caïn aimait le calme de la nature. Il découvrait des lieux paisibles à chacune de ses randonnées, dans des criques ou en haut d’un mont dont la vue permettait de se délecter d’un coucher de soleil en compagnie d’une bonne bouteille de vin et de sucreries. Yeji en avait fait les frais. Un repas qu’il avait préparé et après… Le Caïn de 18 ans aurait sûrement rougi en pensant à ces soirées, pas celui avait tant vécu.
Au son de l’estomac de Yeji, un écho de rire ornait le brouhaha du Macdo.
- Attends.
Il alla rapidement à la caisse et revint deux minutes plus tard avec des Mozzarella sticks encore chauds pour lui tendre.
- En attendant. Viens.
En la compagnie de ses deux femmes, Caïn sortait du fast-food pour se rendre à la pizzeria. Le chef le connaissait. Il commanda alors deux pizzas et une spéciale enfant en forme d’étoiles. Nana jouait avec son doudou. Posé sur une chaise en attendant la commande, il tendit sa main pour attraper un bout du cheese stick qui était à moitié dans la bouche de Yeji. Le brisant en deux, il apporta sa prise à sa bouche pour manger aussi. Son regard perça l’âme de sa belle.
- Hmmm, la pizza sera meilleure que ça. Quoi de beau depuis avant-hier ? Tu as l’air épuisé.
Ca pour être bornés, ils l’étaient… Yeji l’avait repoussé plus de fois qu’elle ne pourrait l’avouer et pourtant, il était toujours là. Pas une fois il avait abandonné, pas une fois il n’avait préféré aller voir une autre fille, du moins c’est ce qu’elle pensait sans vraiment pouvoir en être certaine. Mais s’il avait trouvé, sûrement qu’il ne continuerait pas avec elle donc au final, elle était assez confiante là-dessus. Plus d’un homme aurait abandonné depuis mais pas lui, pas Caïn. Elle était touchée que les choses soient ainsi autant qu’elle était terrifiée. Cet homme, elle savait qu’elle l’aimait, il avait transpercé la moindre barrière qu’elle avait pu mettre entre eux mais ça ne facilitait en rien les choses parce qu’ils ne pouvaient pas être ensemble. Elle n’avait pas la force d’en finir une bonne fois pour toute avec lui, elle essayait mais pour quoi ? Ca ne servait à rien vu qu’ils se retrouvaient toujours, comme si le destin avait décidé de se jouer d’elle en le mettant sans cesse sur son chemin. Et cette gamine… c’était la cerise sur le gâteau ou bien le coup de hache sur la nuque plus précisément. Les choses pouvaient-elles être pires que cela ? Et bien oui, elles pouvaient l’être. Le pire serait qu’il sache pour son frère et que son frère sache pour Caïn, là ça serait vraiment le pompon ! Mais elle n’en était pas là heureusement ! Et bien qu’elle espérait que tel jour n’arrive jamais, elle ne pouvait se dire qu’avec la chance qu’elle avait, c’était évident que ça arriverait. « Tu es très doué pour ça, c’est vrai. » Leur quotidien était rempli de ça, les endroits discrets. Alors oui, elle avait une totale confiance en lui pour qu’il trouve un endroit idéal pour eux. Un endroit où ils pourraient être juste tous les trois, un peu comme une famille bien que Yeji repoussait cette idée férocement loin de sa tête. Elle l’observait alors qu’il s’était rendu à la caisse et revenait avec des mozzarella sticks encore fumants. Pouvait-il être plus parfait que cela ? Vraiment, cet homme était une vraie perle, qu’avait-elle donc fait pour mériter un tel homme alors que tout les séparait ? La vie était franchement injuste. Elle le suivait tranquillement jusqu’à la pizzeria tout en gardant un œil sur Nana. La petite avait montré qu’elle était espiègle alors sait-on jamais… même s’il y avait de fortes chances pour que rien n’arrive vu qu’elle était bien entourée. Elle fronçait les sourcils alors qu’un bout de son stick disparaissait dans la bouche de son cher et tendre. « Je ne pensais pas te croiser donc… je n’ai pas eu le temps de me faire toute belle pour toi. Je ne suis pas fatiguée, je suis juste au naturel monsieur ! » Epuisée, elle l’était, parce que ça cogitait bien trop dans son crâne mais lui dire ça reviendrait à devoir lui dire tout le reste et il n’en était pas question donc autant nier. « Mais sinon ça va oui. Et vous deux ? »
Caïn n’avait jamais eu l’habitude de courir derrière une femme. Il trouvait que c’était une perte de temps. À vrai dire, il n’avait jamais connu la difficulté de conquérir une belle demoiselle. Grâce à son statut social, il avait facilité d’avoir qui il voulait dans sa vie ou dans son lit, pourtant, il n’avait jamais trouvé chaussure à son pied, ni même connu le grand amour. Des crush, il en avait eu, comme tout le monde, mais jamais il n’avait connu la personne qui pourrait faire prendre de sens le mot « amour ».
Yeji était différente de toutes les femmes qu’il connaissait. Aventurière, franche et pleines de mystères, l’homme était tombé sous son charme comme un pirate irrévocablement attiré par le chant d’une sirène. Yeji était sa sirène. Un homme sensé aurait abandonné, pourtant, Caïn sentait qu’il y avait un je-ne-sais-quoi dans l’air dès qu’ils étaient ensemble. Une tension, de l’électricité, une attirance aussi bien physique que psychique. Ils se comprenaient en un regard, ils se fuyaient en une seconde mais ils revenaient chercher la chaleur de l’autre comme une nécessité.
Cependant, l’homme au prénom lié à un pêcher, se demandait si Yeji n’allait pas disparaître du jour au lendemain. Alors, il profitait de chaque moment en espérant que l’avenir soit infini pour eux deux… Du moins, pour eux trois. Nana était dans l’équation. Il savait que sa princesse adorait Yeji. Elle la regardait toujours avec des yeux brillants d’admiration -son père avait bon goût-.
Il ne pouvait pas s’empêcher de sourire quand Yeji ajouta qu’il était doué pour trouver des endroits. C’était son dada, trouver le coin romantique pour l’amener, lui montrer les étoiles, lui faire l’amour dans des situations un peu incongrues.
La voir manger le soulager, il avait l’impression que celle qui faisait battre son coeur reprenait des couleurs, même si ce n’était que de la nourriture industrielle.
- Tu es belle même sans maquillage tu le sais, dit-il en lui adressant un petit clin d’oeil. Je t’apprécie sans maquillage. C’est plus ton teint cireux, on dirait que tu as pas dormi depuis des lustres.
Sa main se rapprochait de la joue de Yeji pour venir la caresser avec toute la douceur du monde. Caïn était ainsi, il faisait passer les autres avant lui et il s’inquiétait toujours trop de la santé des personnes qu’il aimait.
- Je vais devoir te faire dormir et veiller sur toi alalala.
Un peu taquin, il reportait sa main sur son sac pour sortir un cahier de coloriage à sa fille qui s’empressa de mettre des couleurs sur les vêtements de ses princesses favorites.
- Ça va super ! Nana part deux semaines avec ses grand-parents à Hong Kong, un cottage qu’on a dans une des îles familiales-oui ils étaient riches à ce point-. Et moi rien. Enfin le boulot, Nana, mon enquête… Et sinon penser à toi.
Cette dernière phrase fut dit à demi-mots. C’était le charme à la Caïn, des petites phrases pleines de sens, murmurées, pour que personne ne les entende à part la personne concernée.
La pizza, géante, arriva enfin. Caïn la paya avant de finalement partir avec les deux femmes de sa vie. Le trajet en voiture se passa dans le calme. La musique emplissait l’habitacle et Nana ne faisait que parler à Yeji de Moana, le film qu’elle venait de voir, et qu’elle allait devenir comme elle.
Empruntant un petit chemin, Caïn se gara et amena les deux femmes un peu plus loin à pieds, un lieu de picnic avec une vue incroyable.
- Tadam, je voulais t’amener ici ce week-end, je comptais te harceler pour te montrer la vue de nuit. Je dois chercher un autre endroit pour te surprendre, dit-il en riant un peu, installant la nappe et la pizza.
Yeji levait les yeux au ciel, c'était clairement faux pour elle ce qu'il venait de dire. Elle ne se trouvait pas belle sans maquillage, d'où l'intérêt de ce dernier d'ailleurs, embellir ce qu'il y avait à embellir et à chaque fois qu'ils se voyaient, elle se faisait toute belle pour lui mais cette fois-ci, ce n'était pas une rencontre programmée mais bel et bien un pur hasard. Elle ne se ferait plus avoir de la sorte et sortirait toujours maquillée désormais, y compris pour aller simplement se chercher de la bouffe au McDo. « Je vais bien, ne t'en fais pas ! » Elle trouvait son inquiétude injustifiée, elle avait juste parfois la tête dans le cul mais à part ça, elle allait bien. Du moins physiquement. Elle n'irait évidemment pas lui raconter ce qui la torturait psychologiquement vu qu'il était directement relié à la cause de tout ça et c'était justement LE sujet qu'elle préférait éviter. « Toi, me faire dormir ? » Elle le toisait du regard et lui offrait son regard le plus moqueur qui soit. « T'es bien plus doué pour me tenir éveillée, surtout. » Quand ils ne se voyaient pas physiquement, ils passaient des soirées entières à s'échanger des messages ou bien à s'appeler et quand ils se voyaient… et bien… disons que ces soirs-là ils dormaient encore moins que d'habitude. S'ils se voyaient, ce n'était clairement pas pour dormir. « Un cottage sur une île familiale, si peu... » Se voulait-elle un peu moqueuse une nouvelle fois ? Oui, complètement. Ils avaient des vies clairement très différentes tous les deux et nul doute que ça ferait faire des bonds à son frère de le savoir si riche que cela. Mais là n'était pas la question. La famille Yi était chanceuse, elle aussi aurait aimé y aller dans ce cottage mais ce n'était pas quelque chose qui arriverait, malheureusement. Cain savait lui rendre très difficile la tâche de ne rien éprouver pour lui. Pourquoi essayait-elle encore, après tout ? Cela faisait bien longtemps qu'elle éprouvait quelque chose et ça n'allait pas disparaître du jour au lendemain, voire jamais même. L'entendre dire qu'il pensait à elle avait tendance à largement aggraver les choses d'ailleurs. Le côté romantique de la jeune femme était fortement touché par de tels mots. Qu'allait-elle donc faire pour se sortir de là ? En avait-elle au moins un peu envie ? Une fois la pizza dans les bras de l'homme du trio, tout le monde grimpa dans la voiture de ce dernier afin de se rendre sur le lieu choisi par ce dernier. Le trajet était passé très vite et pour cause, elle avait discuté tout le long de Moana avec Nana. S'il y avait bien un sujet sur lequel elle pourrait passer des heures, c'était les films Disney. Une fois la voiture garée, les trois compères continuèrent à pieds. Nul doute qu'il était doué pour trouver de beaux endroits reculés où il y avait peu de chance qu'on les surprennent, tout ce qu'elle adorait en somme. « Me harceler carrément ? » Elle l'aidait à installer la nappe tout en le regardant moqueusement. Avant sa rencontre avec Cain, elle ne l'imaginait clairement pas ainsi, le voyant davantage comme le méchant de l'histoire alors que… clairement elle n'aurait pas pu se tromper davantage sur lui. « C'est rare que je te dise non ! »