ootd - Besoin de s’évader, besoin de se retrouver. Se retrouver dans les bras d’une personne inconnue ? Ça le fit doucement rire. Il venait de terminer son service au coffee shop et la fatigue venait l’envahir. Il n’était plus sûr d’avoir envie de retrouver ce qui ne serait qu’une aventure d’un soir. En cet instant, il se sentit plus seul que jamais et en vint à envier les personnes en couple. Il n’était pas sans savoir que tous n’étaient pas plus heureux avec une personne à leurs côtés mais le monde devait leur paraître moins nuageux. Qu’il ne le croit. Écouteurs sur les oreilles à l’arrière du bus, il se laissait bercer par la musique provenant de son téléphone portable et se dit qu’il ferait mieux d’envier les artistes. Lui n’avait pas le courage de passer le seuil d’une agence, leur apporter ses compositions et leur montrer ses talents. À la place, à l’avenir, il créerait, il réparerait alors même qu’il n’y avait que la musique pour panser les plaies de son âme. Il ferma un instant les yeux et songea au lendemain en espérant qu’il soit meilleur. Il descendit à l’arrêt qui l’emmènerait le plus près possible de l’endroit du rendez-vous et s’étira les bras. Ce n’était pas la première fois qu’il faisait ça, tout le monde se servait des technologies pour combler des besoins affectifs quand le réel ne permettait pas de le faire. Ce n’était pas les déclarations d’amour qui manquaient, ce n’était pas les émotions qui ne lui manquaient non-plus, pour lui qui ressentait parfois tout en double, c’était le temps. Le temps et cette attention qu’on ne lui avait jamais donnée.
Et pourtant… Il n’eut qu’à croiser son regard pour le reconnaître. Pour se rappeler à quel point leur première rencontre l’avait touchée en plein coeur. Il y avait eu des mots dits comme non dits et c’était ça qui avait été le plus poignant. Les regards échangés, une sorte de compréhension mutuelle alors qu’elle ne l’était pas. Ils ne se connaissaient pas, n’en avaient pas envie et l’électricité dans l’air était statique. Il ne fut pas long à faire demi-tour parce que, même si Haryu était pas mal dans son genre, il n’irait pas coucher avec lui. Sauf qu’il lui attrapa le poignet comme si le reste n’avait pas eu d’importance. Pris au dépourvu, il replongea ses prunelles dans les siennes et ne sut qu’il était sérieux qu’à son sourire.

« … Mh, pourquoi pas, haussa-t-il les épaules, Aller viens. »

Ce fut à son tour de lui attraper le poignet et de l’entraîner vers un coin où se trouvait un terrain de basket. Il connaissait bien les lieux, Shōta, quand le sommeil se faisait volatile, il errait la nuit dans les dédales de la ville. Il posa son sac sur l’un des bancs et partit à la recherche du ballon qui possédait mille cachettes à celui qui le repérera le premier. Quand il l’eut en main, il fit quelques dribbles et tenta de marque un panier d’assez loin avec succès.

« J’espère que tu aimes le basket, lui dit-il en récupérant le ballon et en le lui envoyant, Je n’imagine pas que tu aimes tous les sports mais celui-ci est bien, non ? D’ailleurs, quelle est ton sport de prédilection ? Je ne t’ai jamais vu sur un terrain sur le campus. »

Parce qu’il en connaissait des sportifs comme il en connaissait du monde. Les gens allaient et venaient, ne restaient pas. Ça n’avait pas d’importance, il avait conscience que chacun finirait seul. Il attendit qu’il lui réponde en faisant un tour sur son téléphone portable car autant chercher un autre rendez-vous comme le sien ne s’achèverait pas comme il le souhaiterait.

@na haryu

ootd - Sans le savoir, sans le vouloir, on faisait des rencontres chaque jour. Plus peut-être que d’autres personnes, ça remplissait le quotidien de Shōta. Besoin perpétuel d’attirer l’attention sur lui, ce n’était pas son but l’autre jour quand il s’était mis à cogner cet inconnu, puis Haryu, il n’avait souhaité qu’oeuvrer pour le bien en calmant les choses envers son ami qui subissait. Cependant, sans le vouloir, il avait attiré l’attention sur lui et il s’était dit qu’encore une fois ça revenait au même problème qui le poursuivait depuis son plus jeune âge. Papa, maman, regardez-moi. Papa, maman, aimez-moi. Pourquoi est-ce que vous êtes comme ça ? Il était ridicule. Il n’avait pas besoin qu’on lui donne tout le temps de l’attention en exclusivité, il ne désirait pas jouer la victime parce que c’était de cela dont il s’agissait. Il souffrait, il était probablement malade sauf qu’il n’y avait pas à se plaindre alors qu’il y avait plus déplorer autre part. Il n’irait pas prononcer le prénom de Haryu et, malgré tout, il la voyait cette lueur dans son regard. Elle se faisait persistante et il ne la connaissait que trop bien puisqu’elle hantait les reflets de son miroir chaque matin au réveil. Que ne sommes-nous nés pour être châtiés, Haryu.
Alors peut-être qu’il était seul ce soir et en quête d’un minimum de réconfort pour ne pas avoir envie de fuir face à l’importun. Il restait que la dernière fois ils n’avaient fait que se cogner et presque s’insulter. Les mots avaient plu plus tranchants que des lames de rasoir et ils s’étaient lancés des regards de chiens de fiance. Il n’espérait pas plus de ce deuxième contact entre eux, ferait les efforts strictement minimums pour que cela se passe dans les convenances. Il avait mis quelques jours à se remettre des bleus et contusions et n’avait pu se concentrer avec soin sur son travail. Il ne risquait à priori pas grand-chose avec une balle et si compétition il y avait, ils avaient au moins de quoi faire comme le ballon n’était pas usé. Il le regarda faire, sourit en coin parce qu’il était doué bien qu’il ait raté le panier. Cela se voyait qu’il était en quelque sorte un archer, sa perception de son but était infaillible. Il était plus un connaisseur des jeux de ballon, il savait reconnaître les talents légèrement cachés de ces sportifs comme on l’avait presque forcé par le passé à en devenir un. Si Haryu avait raté sa cible, c’était uniquement à cause de cette plaie au bras. Le ballon remis entre les mains, il s’approcha et saisit délicatement son poignet.

« Que t’est-il arrivé ? »

Il releva le regard vers lui et le relâcha. C’était la première fois qu’il rencontrait quelqu’un avec un tel regard. Quand le sien n’était plus que des vides, les prunelles face aux siennes brûlaient d’un ardent désir auquel il s’accrochait. Lequel ?

« On ne va pas coucher ensemble, lui répondit-il, alors je cherche quelqu’un d’autre. »

Il ne releva pas sur le reste. Il avait été maladroit, il avait avoué sans le vouloir l’avoir cherché sur les terrains. Ça n’avait été que par pure curiosité parce que cela ne lui rappelait que trop bien la déception dans les yeux de ses parents quand il leur avait dit qu’il n’irait pas aux STAPS. Il refit quelques dribbles et lança le ballon pour marquer sans réussir car il s’était mal positionné. Il alla quand même récupérer le ballon dans lancée et n’eut plus qu’à sauter pour se hisser jusqu’au panier et marquer sans grand-peine. Cela le fit sourire, éclat faiblement lumineux traversant ses prunelles.

« En ingénierie, dit-il, Je ne sais pas pourquoi. J’ai choisi la facilité, lui confia-t-il, En fait, c’est toujours ce que je choisis. Quelle importance ? »

Il se mit à rire et lui proposa de faire un match. Le premier qui marquerait cinq points gagnerait et déciderait du gage à donner à l’autre une fois la partie terminée. Il n’avait pas d’idées, il trouverait plus tard et lança la balle entre les mains de Haryu. Il le laissait commencer, pas par pitié, par amusement, et il attendit qu’il se mette en mouvements pour se permettre d’essayer de lui attraper le ballon. C’était surprenant comme les rencontres les plus explosives étaient capables de donner lieu à des instant plus libérées et plus calmes. Laissons-nous nous envoler jusqu’au ciel, Haryu.

@na haryu

ootd - Il avait conscience d’avoir pour trait à la facilité. Quand dans ses esprits avait lieu une bataille permanente, à l’extérieur il se contentait de la simplicité. Il aurait pu étudier en STAPS, il aurait pu s’assurer un meilleur avenir, non qu’il n’y ait pu ne pas avoir de mauvais débouchés en ingénierie. Ce n’était pas non-plus une spécialité qui l’attirait vers des travails qui égaieraient ses journées quand il se lèverait mais, comme il l’avait, ça n’avait pas d’importance. La dualité à l’intérieur de son corps avait plus d’impact que le reste alors il y avait des choix à faire. Il n’avait pas envie de se mettre davantage en danger et croire que ses rêves puissent se réaliser pour ensuite que la chute ne lui soit fatale. Celle envers sa famille avait déjà causé de gros dégâts et il n’était plus apte à en subir d’autres. Il ne ferait pas les efforts et se contenterait de ce que la vie aurait à l’avenir à lui offrir. Cependant, quand les mots de Haryu s’envolèrent jusqu’à son être, il eut une soudaine envie de pleurer. Il tirait sur la corde, Shôta, et un jour elle se briserait contre son âme. Lui ne possédait ni la force, ni le courage que semblait avoir son interlocuteur et il se mit à l’envier.
Que ses mots ne soient capables de franchir ses lèvres et sa peine d’être délivrée. Il n’avait pas à se plaindre de son enfance, il avait eu tout ce qu’il désirait si ce n’était ce manque d’attention mais, un jour, un câble avait été arraché à l’intérieur du système. Haryu avait probablement raison en disant que le plus important était de faire un choix et que dire des mauvais choix ? Il n’était pas d’accord avec lui, ne releva pas. Voilà. La facilité, ce choix fait pour ne pas que les émotions lui explosent à la figure. Au nez des autres et qu’ils le regardent comme s’il n’était plus qu’un fou. La partie se termina sur un échec pour les deux, même si dans le fond Haryu avait gagné. Shôta avait juste choisi de lui dérober le ballon à peine eut-il marqué son point pour le lancer à son tour avec un tir précis dans le panier. Allongé à son tour, il haussa un sourcil à sa question et se mit à rire.

« Tu es étrange comme personne, dit-il en se relevant, Je n’ai pas peur du noir. »

J’ai peur de moi. Il se redressa et cogna son pied dans le ballon en mettant ses mains dans les poches. Il le saisit ensuite et le fit tourner sur l’un de ses doigts avant de le faire entre ses mains et de partir le remettre à sa place.

« Qu’est-ce qu’on fait ?, lui demanda-t-il en revenant vers lui, Au fait, qu’est-ce qui t’est arrivé là ? »

Il lui désigna son appareil auditif et la cicatrice sur sa main. Observateur de première, Shôta, il n’en manquait pas une. Il attendit sa réponse, curieux de savoir s’il la lui donnerait, il n’en était pas convaincu. Pourquoi est-ce que Haryu se confierait-il à un inconnu ? Lui ne le ferait pas bien qu’il puisse pressentir qu’avec lui il pourrait tout lui dire sans le voir fuir. Il s’apprêtait à ajouter quelque chose quand il entendit un miaulement sur leur droit. Il s’exclama de joie et se mit à la hauteur du félin pour essayer le faire venir jusqu’à lui. L’animal hésita, resta sur ses gardes jusqu’à venir se frotter contre ses jambes. Il sourit et le prit entre ses bras. Égaré dans l’univers tout entier du monde.

@na haryu

ootd - Peur de lui, peur de ce qu’il serait capable de faire s’il laissait le contrôle à ses émotions. C’était arrivé plusieurs fois, les dégâts avaient été minimes, sans importance, il ne les laisserait pas néanmoins retrouver la main sur son être. Il n’était pas sûr que s’il y avait une prochaine fois il soit capable de s’en relever et des conséquences que cela engendrerait. Franchir le seuil d’un hôpital était plus difficile que celui d’une agence de production et il n’avait pas encore fait le pas. Il était effrayé à l’idée que cela ne soit vrai, qu’il ne soit malade et qu’on le prive de liberté. Il n’était pas plus libre actuellement, cela restait différent de ce qu’il vivrait s’il voyait un spécialiste. D’ailleurs, un spécialiste en quoi ? Peut-être, voire sûrement se trompait-il sur toute la ligne et qu’il ne s’agissait que de suppositions. Chaque être humain possédait ses démons, ses peurs comme Haryu avait peur du noir, ça ne faisait pas de cette personne quelqu’un propre à un diagnostic maladif ou alors ils le seraient tous. Ça continuait à s’embrouiller dans ses esprits et il était arrêté à un stop sans être capable d’avancer alors que la circulation était dense, fluide. Comment avancer sans percevoir plus loin que cette ligne blanche ?
La tête plongée dans la fourrure du félin, il s’emplit les poumons de son odeur, de ses ronronnements qui l’apaisèrent et songea qu’il lui mentait. Haryu ne lui disait pas la vérité et il n’avait pas à lui en vouloir. Il le regarda, ne le reprit pas parce que le sujet était clos. Cet « accident » avait cependant plusieurs connotations et l’une d’elles était que ce n’en était pas qu’un. Ce n’était pas qu’un accident non-plus que Shôta ait pu manquer d’attention plus jeune, c’était volontaire comme si lui apprendre l’indépendance le plus tôt possible lui permettrait de s’en sortir plus convenablement dans la vie. Il y avait de quoi en rire. Il le lui aurait pris plus jeune, il le lui aurait dérobé son appareil auditif et s’en serait moqué sans se soucier du mal qu’il lui aurait fait ou justement pas fait car que savait-il de la vie de cet étudiant à ses côtés si ce n’était rien ? Aujourd’hui, il se contenta de l’observer, d’apprendre à ses dépends parce qu’on le faisait tous les jours et d’être silencieux. Il le regarda, surpris, s’émerveiller devant la boule de poils entre ses bras, lui parler plus aisément qu’il ne le faisait avec lui. Il le vit s’éloigner, haussa un sourcil et le lui mit entre les bras.

« Je note que les chats te font sortir de ton sérieux, dit-il après l’avoir pris en photo, Pas mal, ajouta-t-il en lui montrant la photo, Vous êtes beaux tous les deux. »

Il lui sourit et caressa la tête de l’animal. Puis, sans crier gare, l’animal sauta hors des bras du sportif et repartit de là où il venait. Un silence énigmatique s’installa entre eux avant qu’il ne reprenne la parole.

« Qu’est-ce que tu souhaitais me montrer, au fait, Haryu ? »

C’était la première fois qu’il l’appelait par son prénom. Il y avait une légèreté qu’il renfermait qu’il aimait bien quand il le prononçait, cela lui arracha un nouveau sourire. Un sourire plus doux, moins mélancolique. Il partit récupérer son sac et attendit qu’il ne l’entraîne là où ils continueraient cette soirée. Il n’avait pas de réponses quant à qui pourrait le remplacer pour un coup d’un soir, bien qu’il n’ait pas à s’en plaindre comme la soirée s’avérait être plus enrichissante et amusante qu’il ne l’aurait cru.

@na haryu

ootd - Il était monnaie courant dans leurs pays, davantage au Japon, de ce qu’on appelait des bars à chats. Effectivement, la vie n’était pas facile en Asie et les asiatiques étaient réputés travailleurs sans relâche alors ils n’avaient pas plus de temps à consacrer que ce qu’ils s’efforçaient de faire à leur famille - s’ils en avaient seulement une. Les bars à chats étaient alors une conception originale et permettaient d’apaiser les coeurs, les âmes et rendaient le sourire sur bon nombre de faciès. Il existait aussi des bars avec d’autres sortes d’animaux mais le plus répandu restait celui-ci et il n’irait pas nier apprécier le contact des félins de temps à autre. Il n’avait pas eu d’animaux plus jeune chez lui, il n’en avait pas fait non-plus la demande. Il comprenait du moins que Haryu puisse apprécier la compagnie de ces boules de poils, ils étaient indépendants et pleins de bonnes ressources. Ils possédaient ce grain de magie qu’aujourd’hui aucun être humain ne semblait posséder.
Quand on grandit, les rêves s’éparpillaient et devenaient pour la plupart impossibles à atteindre. Il ne le savait que trop bien. Certains avaient la chance de voir les leurs se réaliser et il comprit que malgré sa perte de l’ouï à l’oreille gauche, Haryu avait atteint le sien. Il le perçut dans son regard, dans ses gestes pendant que la flèche suivait une trajectoire précise pour terminer en plein coeur de la cible. Réussite au premier coup. Une boule se forma au creux de sa gorge, non qu’il puisse se porter à croire que la chance souriait plus qu’à son interlocuteur qu’à lui parce que la preuve était ce bandage à son poignet qui avait dû lui valoir des ennuis inattendus. Cependant, ça ne lui rappelait que son propre échec et sa voie toute tracée à choisir la facilité. Faire un choix n’était pas suffisant, il fallait plus pour parvenir à ses fins. Il déglutit et voulut protester quand Haryu le fit venir jusque devant la cible. Il ne le fit pas sans savoir pourquoi. Ils s’étaient frappés jusqu’à ce qu’on les arrête, ils auraient sûrement continuer à se cogner jusqu’à épuisement si on les aurait laissés faire. Ce soir, ils se côtoyaient comme si cela n’avait pas eu lieu et ce rapprochement soudain le fit frémir alors qu’il aurait dû le dégouter. Dégoûter de cette légèreté soudaine.

« Ne l’es-tu pas, sérieux, à me montrer avec avidité comment savoir tirer à l’arc ? », souffla-t-il presque alors qu’il plaçait ses bras et ses jambes dans le bon angle.

Il lui sourit et ferma un oeil, suivant ses conseils. C’était la première fois qu’il tirait et il n’avait pas pensé que cela serait difficile. Tirer autant sur la corde demandait plus qu’une certaine force et ses membres commencèrent à trembler. Qu’est-ce que ça lui permettrait de viser juste pour que sa flèche ne finisse pas à terre ? L’environnement avait de quoi faire rêver, plus que sur un terrain de jeu de balles et il huma l’air en espérant y trouver de quoi relâcher ce qui l’engluait au sol. Il essaya, à respirer par le ventre et à tirer. Sa flèche trouva refuge dans la cible mais loin du centre.

« Ce n’est pas pour moi, rit-il, mais tu es bon professeur, ajouta-t-il en partant s’installer à même le sol plus loin, Je préfère te voir tirer. J’ai l’impression d’apprendre à mieux te connaître. Quelle est ton histoire, Haryu ? »

Peut-être te raconterais-je la mienne. Parce que ce n’était pas visible mais perceptible cette sensation qui avait parcouru son être quand il s’était rapproché de lui et que sa main avait glissé sur son bras. Il n’était pas insensible et le mieux était donc de rester assez loin de lui parce qu’il ne se passerait rien entre eux. Et qu’est-ce que tu aurais dit si je t’aurais proposé quand même de finir la soirée avec moi ? Sauf que ça n’aura pas lieu parce que c’était mieux ainsi. Ils n’avaient pas à se forcer, ils n’étaient plus des enfants, bien qu’ils aient agi comme tels l’autre fois. Il ouvrit son sac et en sortit une bouteille d’eau pour boire. Un sourire reprit place sur son visage fatigué quand il le vit bouger, vas-tu encore toucher le coeur une nouvelle fois et lequel ?

@na haryu

ootd - L’amour était un concept qui lui échappait. Il n’était pas sûr d’avoir été amoureux une fois et il n’était pas non-plus certain de ne pas l’avoir été. Il avait ressenti. De grands mots, puissants de par leurs connotations. Il avait senti en lui des sensations qui avaient parcouru son être comme il en sentait constamment à doublons chaque jour. Ce n’était pas à chaque fois le cas, il y avait des instants de calme. Apaisement non faint dans lequel il réclamait plus et où il devenait avide. C’était des phases et elles étaient aptes à durer plus d’une semaine quand elles le souhaitaient mais revenaient tôt ou tard lui mordre la peau. Lui rappeler qu’il n’y échappera pas alors il avait ressenti. Il avait cru que ce qu’on racontait dans les livres, ce qu’on voyait dans les films étaient vrais. Palpitations du myocarde, fourmillements dans le ventre, joues chauffantes, la panoplie. Il y avait cru mais ce n’était que des sensations éprouvées plus que pour les autres. Comment savoir quand il y avait attirance ?
Haryu était beau garçon. Il attirait le regard, il l’avait vu comme il avait vu qu’on aimerait le fuir parce que ses yeux exprimaient la vérité. Ils ne vous jugeaient pas, ils vous communiquaient ce qu’il s’évertuait à imposer. À savoir ne pas être faux. Il était son contraire et on s’amusait à dire que les opposés s’attiraient. Qu’est-ce qui pourrait attirer Haryu chez lui ? La flèche atteignit une nouvelle fois le coeur de la cible et le sien se serra au creux de sa poitrine. Que Cupidon aille jouer des manchettes ailleurs. Il n’avait pas besoin de ça, il s’était assez fatigué à construire le semblant de sa vie actuel. Il ferait mieux de partir, de ne pas continuer dans cette voie sauf qu’il y avait cet aimant placé devant l’archer vers lequel il était attiré indéniablement. Étrange préoccupation, cela le troubla plus que d’avoir senti ses doigts parcourir sa peau. As-tu toi aussi ressenti l’électricité dans l’air ou est-ce moi ? Il choisirait la facilité comme toujours, il n’en ferait rien.
Il continua d’être silencieux, ses mots résonnants en lui. Il avait eu l’impression d’entendre ses parents qui s’étaient évertué quand il était encore sous leur toit à le lui communiquer. Que puis-je être, Haryu ? Une histoire banale, une histoire de plus d’une vie sans magie. Déception. Haryu venait de lui dire ça et lui raconta malgré tout son histoire. Il ne le comprenait pas, il n’était pas capable de capter la connexion qui se tissait entre eux. Il eut un petit rire nerveux et laissa le haut de son corps s’allonger au sol après lui avoir donné sa bouteille d’eau.

« Moi aussi, mon histoire est comme les autres, lui dit-il, des parents, un grand-frère. Université qu’on entreprend et des perspectives d’avenir flous comme presque chaque étudiant. On espère et on n’en obtient que la moitié. »

Il en rit. Il porta son bras à ses yeux et les ferma à demi. Le vent souffla, apporta la fraicheur des soirs d’automne et il s’en laissa bercer.

« Je n’ai pas d’évidence, je n’ai que le réel. »

Il n’irait pas lui raconter, il n’irait pas lui dire qu’il composait et qu’il aimait chanter. Il ne souhaitait pas qu’on le pousse dans des rêves qui n’étaient que ce qu’ils étaient. Des songes, bons pour lui quand il se sentait mal parce qu’il lui permettait de garder la tête haute. Et rien de plus. Il se redressa et reporta son attention sur Haryu. Il tendit la main vers ses cheveux et y enleva une feuille tombée d’un arbre qui y avait trouvé refuge. Il la garda entre ses doigts, la plaça face au ciel nocturne et souffla dessus pour qu’elle ne puisse s’envoler vers le firmament des étoiles.

@na haryu

ootd - Il sourit en regardant la feuille s’envoler avec l’une de ses brises fraiches de fin d’été. Il aimerait avoir la légèreté de sa conception, être capable de voir plus loin et d’avoir le courage de ne pas rester derrière la ligne. Ils n’étaient pas des mauvais perdants dans sa famille, ils s’évertuaient et réussissaient. Il y avait eu une erreur dans la matrice pour qu’il soit un échec où l’unique victoire avait été qu’il n’avait pas été fait que de chair et de sang mais d’émotions toutes plus variées les unes que les autres. Au fond, il ne rentrait pas chez lui parce qu’il ne s’y sentait pas à sa place, également parce qu’il avait honte de se montrer comme il était à cette famille. Son grand-frère avait essayé de le joindre plusieurs fois depuis son départ, en vain, il n’y répondrait. Il appartenait à un autre monde et, même si ce n’était pas simple, il y était mieux. Il apprenait chaque jour à ses dépends et il ne regrettait pas ses choix… peut-être quelques-uns mais, ça, c’était un secret.

« Je sais. »

Ce fut tout ce qu’il répondit à ses propos, Haryu n’avait pas à en savoir plus. C’était son avis et le sportif avait le sien, ils différaient comme ils continuaient à l’être. Ils n’étaient pas sur la même longueur d’onde et ne semblaient partager qu’un point commun ; adorateurs des félins rois.

« Qui a dit que je parlais de moi en parlant d’espoir ?, haussa-t-il un sourcil en gardant le rythme en voyant qu’il confrontait son regard au sien, Je ne cherche pas à espérer, c’est pour ça que je me consacre à ce qui se trouve sous mes yeux. À savoir que ce dont je suis capable. »

Rien, pas grand-chose. Ce n’était pas donné à tout le monde d’être courageux et il ne l’était pas. Il ne déploierait pas ses ailes comme Haryu pour atteindre sa cible. Elle était inexistante, ou accessible qu’à ceux qui le méritaient. Que méritait-il à ne choisir que la facilité ? C’était la même chose via ces applications. Facile de communiquer avec l’unique but d’obtenir de quoi combler le vide quand sur place les langues ne se déliaient même pas assez pour le faire. Il poussa un léger soupir et se redressa à son tour. Il s’apprêta à lui dire qu’il allait rentrer et qu’il était fatigué quand Haryu lui proposa une boisson chaude qu’il ne put refuser. Mains entourant sa tasse, il souffla dessus et sourit. Ça lui rappelait le peu d’humanité dont avait pu faire preuve sa mère, à savoir lui préparer sa boisson favorite les soirs très frais d’hiver et l’emmitoufler dans une couverture pour qu’il ne puisse pas attraper froid. Ce n’était que pour qu’il évite de rater ne serait-ce qu’un seul cours mais ça ne faisait rien.
Et les souvenirs continuèrent de se répandre en lui. Son regard se voila, doux voile mélancolique des images brutes s’imposant à lui. Explosion des sentiments en de foudroyantes étincelles. Si seulement cela aurait pu être réel et leur faire prendre conscience de leurs bêtises irréversibles.

« Oui, plusieurs fois, dit-il, Au lycée, mais j’ai arrêté, rit-il après, Jusqu’à toi. Pourquoi est-ce que tu me poses cette question où tu semblais déjà connaître la réponse ?, sourit-il, C’est comme si je te demandais est-ce que tu me mens quand tu m’as dit que tu as eu un accident. »

Et il effleura de sa main son oreille avec son appareil auditif avant de la retirer assez abruptement. Il regarda ailleurs, gêné, et but de sa boisson. Chaleur enivrante provenant du liquide ou, peut-être de cette proximité qu’il avait une nouvelle fois instauré. Déconcertant. Voilà ce qu’était Haryu pour lui et il n’avait pas le bon manuel pour savoir comment agir avec lui.

@na haryu

ootd - Il n’avait pas été fier de lui l’autre jour. Il avait espéré venir en aide à son ami et calmer les fureurs, au lieu de quoi s’était-il mêlé à la partie sans chercher lui-même à s’adoucir. L’issue de cette dispute aurait pu être pire si Haryu n’était pas intervenu et plus encore si le proviseur n’avait pas été prévenu. En temps normal, il aurait cessé de se battre avec le biais d’une autre personne défendant l’adversaire comme lui-même était parti pour le faire, cependant, c’était quelque chose dans le regard du sportif qu’il n’avait pu expliquer qui l’avait enjoigne à continuer. Haryu lui-même avait communiqué avec lui de poings au lieu de mots alors l’un comme l’autre avaient irrésolument réglé cette affaire. Il n’avait pas été mettre la faute sur les émotions, il n’avait pas été la mettre non-plus sur Haryu bien qu’il y avait pu y avoir cette lueur dans ses yeux qui l’avaient poussé à continuer. Ils n’avaient pourtant pas été très intelligents sur ce coup et se le rappeler ne les aidait en rien.
Il fixa Haryu, surpris de cette révélation, et il se mit à rire gentiment. Il y avait une première fois à tout. Il était prêt à lui demander si la sensation qu’il avait pu ressentir avait-elle été satisfaisante ou déplaisante, il ne le fit pas. C’était à Haryu seul de prendre l’initiative de lui en parler comme il venait de lui avouer cette vérité. Il se contenta de le regarder et de sourire parce qu’il comprenait. Il comprenait qu’on puisse parfois avoir ce besoin de tout envoyer valser sans réellement le faire. L’avait-il fait les nombreuses fois où son poing avait rejoint le visage de toutes ces personnes qui ne lui avaient demandé que son amabilité ? Ça ne l’avait pas aidé à se sentir, à atténuer les sensations décuplées à l’intérieur de son être, ça n’avait fait qu’attiser la flamme. Cette même flamme qui le réchauffait d’une manière différente ce soir à être auprès de cette existence aérée.
Il l’observa faire, légèrement déstabilisé, et déglutit. Ses yeux ne se détachèrent des siens qu’à cet objet qui lui parut si ridicule mais nécessaire pour son interlocuteur. Il en fut troublé, ses mains devinrent moites et sa bouche s’assécha de voir, de sembler voir que Haryu en avait honte. Honte de son incapacité.

« … Et tu aurais préféré naître avec ce problème ? »

Il n’eut même pas conscience d’avoir osé poser cette question, elle s’était glissée sinueusement jusqu’à ses lèvres et en avait franchi la barrière. Surpris de son culot, il détourna le regard encore une fois et son téléphone portable vibra sur la table. Il le saisit, ne sut pas s’il devait se sentir soulagé de l’opportunité qui s’offrait à lui. Ne cesseras-tu de fuir, Shōta ?

« Je vais y aller, lui dit-il, Cette rencontre a été plus agréable que la précédente. Bonne soirée, Haryu. »

Il n’avait pas terminé sa boisson et ce n’était pas grave. Il sortit un billet de son portefeuille et le posa sur la table. De quoi payer leurs deux boissons. Il mit ensuite la lanière de son sac sur son épaule et s’engouffra à l’extérieur où la fraicheur avait pris plus de place. Il héla le bus qui arrivait et, à l’intérieur jusqu’à ce qu’il fut avec cette personne que Tinder avait pu lui trouver, il ne cessa de penser à ces échanges avec Haryu. À cette électricité réchauffante dans l’air qui avait eu plus d’effet sur lui que la boisson entre ses mains. À ces yeux révélateurs qui n’avaient eu de cesse de le fixer et de le rendre plus fébrile.

@na haryu