Quelle heure était-il ? Qu'est-ce qu'il pouvait vraiment en avoir quelque chose à faire. Sa vie entière, tout ce qu'il avait créé, ce qu'il avait mis en place pour aller mieux, pour ne plus ressentir cet horrible sentiment de solitude qui le tuait à petit feu, rien ne marchait vraiment n'est-ce pas ? Et s'il perdait tout demain ? Et s'il était révélé dans la minute à suivre qu'il n'était qu'un pauvre idiot qui était faisait semblant d'être quelqu'un pour ne pas être seul ? Au fond, même avec toutes ses années, tout ce qu'on lui avait conseillé, il n'était qu'un poids pour tout le monde, il n'avait jamais été autre chose que ça. Un insecte que l'on écrase par accident, et on se sent obligé de s'excuser. Cette ombre dans la nuit qui disparaît dès que la présence de l'humain n'est plus apparente. Personne ne lui répondait, même ceux qui était à l'autre bout du monde. Ses parents étaient plus occupés à s'inquiéter pour sa sœur, ce qu'il comprenait plus que tout au monde, et il s'inquiétait lui également de son côté. Mais personne ne s'inquiétait pour lui. Personne ne pensait à lui. Le pauvre Owen que jamais personne n'a réellement voulu. Son battant incontrôlable frappé contre ses côtes, heurtant son corps internement, il n'avait rien pour essayer de se calmer, ayant oublié ses cigarettes quelque part où il n'était même pas sûr, il n'avait pas d'alcool pour faire passer ce chagrin de passage. Il était seul. Seul sous la pluie d'hiver, en pleine nuit.

Peut-être que c'est là que je devrais rester, peut-être que je ne mérite rien d'autres que d'être caché des rues éclairées.

Où est-ce qu'il était vraiment ? Est-ce qu'il était loin de chez lui ? Il n'en savait rien, il avait erré comme une âme en peine pendant ce qui lui paraissait si long qu'il s'en fichait maintenant. Il se fichait d'où il était, parce que peu importe où il se trouvait, il était seul. Personne pour pouvoir le rassurer. Probablement parce que je ne le mérites pas, je ne l'ai jamais mérité. Son dos vint frapper contre un mur d'une petite ruelle sombre, sa vision devenant doucement de plus en plus floue, noyé par les larmes qui menaçait de couler. Il ne voulait pas craquer, il détestait ça. Cela lui rappelait bien trop toutes les journées, les soirées, les années qu'il avait eues à pleurer sa solitude devant d'autres sans que personne ne daigne le regarder. Est-ce qu'il était voué à tout ça ? Voué à n'être que ce point sur un tableau blanc ? Cette tâche sur un mur ? Ce creux sur un sol ? Peut-être que tout ce qu'il faisait été gagner du temps pour atteindre le même but : néant. Ses jambes, fatiguées de le supporter, le lâchèrent à son tour, lui qui se laissa tomber au sol sans protéger son visage, son corps ou une autre partie de ce qu'il venait à détester de plus en plus chaque jour.

Personne n'a à me supporter. Je ne devrais pas leur faire subir tout ça.

Il n'avait pas à se contenir s'il n'existait pas aux yeux des autres. Il pouvait s'exprimer, personne ne le verrait et n'en aurait jamais quelque chose à faire. Ses genoux repliés vers son torse, les larmes coulèrent à flots, son souffle arrivant difficilement à suivre la cadence. À quoi bon respirer si personne ne pouvait le voir ? Son corps tremblant, appuyé contre le mur derrière lui, ne montrait certes pas son meilleur état, mais persuadé que personne ne pouvait voir sa petite personne, il n'allait pas faire attention à être bien présenté pour une fois.

Néant prenant possession de son corps, le mixte ne pouvait plus supporter ces douleurs qui ne faisaient que continuer à le frapper jour après jour. La solitude, certains l'aimaient comme une muse, d'autre la détestaient, mais Owen lui vivait avec sa compagnie jour après jour, et peu importe comment il essayait de la combler, avec ses multiples comptes avec des fausses identités, conversations avec des inconnus constamment, il se sentait toujours vide, invisible aux yeux de tout le monde. Il avait beau essayé de se créer une vie par tous les moyens, bons ou mauvais, jamais il n'existait vraiment dans cette vie, dans cet univers. Toute personne passait devant sa silhouette recroquevillée sans jamais passé un seul regard en sa direction, sans se rendre compte de l'existence de quelque chose en leur chemin, comme un fantôme il était passé à travers, n'existant pas en cette réalité. Il avait beau avoir de l'aide sur ce problème par son psychologue et psychiatre, mais rien ne marchait, ils disent le comprendre, le cerner, mais ils ne connaissent que les blessures et non les sources. Personne ne sait exactement ce qu'Owen veut, ce dont il manque, il est toujours ultimement seul.

La pluie continuant à tomber sur ses épaules et ses genoux, trempant son corps entier de tête au pied, il observait à travers ses yeux noyés les plaques qui se formaient devant lui, telle une formation d'une nouvelle mer devant ses yeux, un banc d'eau qui pourrait venir l'emporter loin de tout le monde, là où il devrait réellement être, l'ultime solitude, l'ultime disparition. Peut-être que la mer serait là où je dois être, elle m'aiderait à disparaître, à ne plus exister. Mer se formant devant ses yeux, ses larmes aidant à sa grandeur, il attendait tout simplement que son corps soit emporté par ses vagues, emporté dans leurs froideurs envahissantes, loin de ceux qu'il importunent constamment par la présence de ce corps sans but, sans utilité, sans destin. Gouttes tombant contre son corps frigorifié par la tristesse, et pourtant même s'il tremblait visiblement, il ne bougeait pas, ne cherchait pas à se couvrir, s'il en tombait malade, peu importe, il ne voulait plus déranger le monde entier en criant constamment à l'aide, appel qui ne sonnait qu'à porte fermée, qu'à sourde oreille.

Ses yeux se fermèrent lentement, son corps sentant la froideur prendre le dessus sur sa personne, les larmes coulées lui avaient pris toutes ses forces, il ne pouvait plus se lever, contrôler son image, et similairement à un corps se faisant balayer par les vagues, il se laissa doucement disparaître sous les torrents. Heurt, choc qui le réveillant brutalement de son éminente fin, douleur dans le pied, chose qu'il pensait ne plus sentir venait d'arriver, et en entendant rapidement une voix plaignante, il cacha son visage, espérant que la personne ne fasse comme si de rien était, le laissant se laisser mourir dans les rues de la ville portuaire, comme tout le monde avait toujours fait. Mais non, cette voix faible à ses oreilles s'était arrêtée rapidement, une ombre au-dessus de sa personne. Un coup ? Comment ? Quelqu'un m'a vu ? Ou me voit ? Je suis là ? Existence contestée par sa propre personne, son corps entier se crispa quelques secondes, ne sentant plus de gouttes blessant sa peau. Lentement, il leva son visage pour observer la situation, avant de voir le visage d'une jeune femme, inconnu, dont il évita rapidement le regard en tournant la tête. « Je... Non je... » Blessé n'était pas le mot, certes il l'était probablement maintenant vu l'état de son corps, mais ce n'était pas ce qu'il était réellement. « Vous... Me voyez..? » Question prononcée faiblement, avec grande incertitude, il lui semblait impossible d'exister maintenant, alors comment ? Est-ce qu'il rêvait ? D'une personne qu'il n'avait jamais vue ?

Cette impression que le monde entier n'existe plus, qu'il n'y a qu'un seul être perdu dans les ténèbres, avec une incapacité de retrouver le chemin vers le monde qu'il eut fut un jour. Et pourtant, rien qu'en essayant de penser à la possibilité qu'il existait bel et bien pour les autres, il se voyait comme évident que chaque relation n'était qu'éphémère, que chaque parole n'était qu'imaginer, que depuis toujours il n'aurait dû exister et il n'existait plus depuis probablement longuement. Après tout, seules ses ombres existaient, et rien de plus. Tel un fantôme qui voyait le monde entier, il n'avait aucun pouvoir, aucun futur, aucun but. Il n'était pas bon pour ce monde, froid, dur, violent. Il n'était bon pour personne, pour rien. Même sa mère biologique lui avait dit, il aurait dû l'écouter. Cependant, il était toujours là, certains jours il voyait la lumière au bout du tunnel, il voulait y croire, il voulait tenter le coup.

Aujourd'hui, cependant, n'était clairement pas un de ces jours. Disparaître lui semblait être la bonne solution, pour lui et le monde entier. Et comme ça la question qu'il se posait depuis si longtemps aurait enfin une réponse claire. Personne ne le manquera après tout, ils ont tous su vivre sans lui, ils peuvent le faire à nouveau. Ils me détestent tous probablement, je leur ferai plaisir en disparaissant complètement. Pensée qui fut interrompue par un choc au niveau de son pied, preuve de sa présence physique dans ses lieux, et preuve qu'il allait également gêner une personne en existant. Nonobstant, le petit garçon qui n'a jamais pu grandir en lui cherchait à trouver une personne le rassurant, lui disant qu'il existait réellement, lui prouver, et les mots de la jeune femme devant lui, qui pourrait être un mirage, lui allait pourtant droit au cœur. « Mais je.... Je ne devrais pas... » Devoir exister, une chose qu'il n'eut jamais en tête, à ses yeux, il n'aurait jamais dû exister, mais le voilà.

Une main pourtant si gentiment présenté devant lui, elle qui semblait douce, chaude, attrayante, mais il avait toujours du mal à croire en son existence. Tendant doucement sa propre main, froide, glacée par la pluie sur son corps, le mixte eut comme une réaction brutale au premier contact, retirant sa main rapidement vers lui, comme s'il venait d'être électrifié au toucher. Non, c'est pas possible, comment ? Owen, celui qu'il ne voulait jamais montrer au monde, était là, présent, devant une inconnue, faible, pitoyable. Il détestait ça. Et pourtant, il était si heureux de voir qu'une personne avait enfin reconnu son existence entière, rien que par quelques mots et une attention non-égoïste. Des yeux plein d'étoiles recouvertes par ses anciennes larmes, il prit doucement la main de la jeune femme, deux opposés polaires de températures. « Je... Je suis désolé... Je vous fais... Perdre votre temps. » Ce qu'il détestait se montrer si faible, devoir s'excuser en général. Il se sentait comme la pire chose au monde, une honte pour toutes les familles qu'il a pu rejoindre et maudire par sa présence, une honte pour la race humaine entière. « Je... Je vais bien... Promis. » Mensonge peut crédible d'un jeune homme qui venait de se lever doucement sur des jambes tremblantes et un corps physiquement faible en général. Combien de temps avait-il passé sous la pluie ? Probablement plusieurs heures maintenant, mais il s'en fichait, il n'avait pas besoin de faire attention s'il n'existait pas.