girls just want to have fun ,,

Les fesses contre le bois du comptoir, la tête dans les nuages, la gamine se perd dans un flux de pensées envahissantes, les lèvres occupées par une sucette qu’elle a volé dans le bocale de verre posé à côté de la caisse. L’inquiétude n’est pas présente sur le visage de la vendeuse alors que son patron pourrait débarquer d’un moment à l’autre et constater qu’elle n’a absolument pas rangé les cartons éparpillés aux quatre coins de la pièce. Elle avait déjà tout vidé, elle pouvait bien s’autoriser un moment de répit avant de finir de ranger, et ce n’était pas l’affluence inexistante des clients invisibles qui risquerait de venir troubler la tranquillité de l’établissement. Une jambe dans le vide, l’autre repliée contre sa poitrine, elle bouge la tête au rythme de la musique qu’elle écoute à travers le vieux walkman qu’elle a également dérobé sur une étagère. Ces antiquités n’intéressent plus grand monde aujourd’hui, et elle trouve ça bien dommage, car ces objets ont plus de valeur à ses yeux que les appareils d’aujourd’hui, ceux qui sont tout lisses et trop pratiques.  Elle se console de savoir qu'il existe tout de même encore quelques fervents admirateurs du monde passé.

Parce que pour toi la vie n’avait jamais été plate,
non,
ta route était cabossée de partout,
mais c’était ce qui faisait ta beauté, au fond.

Le battant de la porte est poussée, la cloche bancale résonne, mais Alex n’entend rien, trop occupée à s’ambiancer sur une vieille cassette, les yeux fermés. C'est aux appellations que le visage de la vendeuse se pare de surprise, s'illuminant peu après, lorsque les visages se reconnaissent. Le palpitant s'excite sous la cage thoracique, elle baisse le casque qui couvrait ses oreilles et étire ses bras derrière elle avant de sauter du comptoir. « Gaeul ! » Prononcé avec entrain, alors que les sourires viennent étirer les lèvres. Alex se fraye un chemin jusqu'à sa cliente préférée, shootant dans les cartons encombrant pour les cacher sous les files de vêtements. Sans retenue aucune, elle l'enlace, la serre contre elle en soupirant avant de s'écarter. « C'est le bon Dieu qui t'envoie, si tu savais à quel point j'me fais chier ici ! »

à voir en elle le salut tant attendu.

Et les étoiles apparaissent alors dans les ténèbres de son regard tandis qu'elle redécouvre la jeune femme, beauté tentatrice, presque assassine. Les pensées rangées dans un coin de son esprit trop vif, elle se redresse, penche la tête sur le côté, attrape le bâtonnet de sa sucette qu'elle fait tourner entre ses lèvres. « Qu'est-ce que tu racontes belle gosse ? J'ai l'impression que ça fait un bail que je t'ai pas croisée ! »