✦ repos.
ciel dégagé, sable fin, lune pleine.
une soirée idéale pour s'en aller fouler la plage, laisser la brise fraiche s'imiscer dans les cheveux, les mirettes s'emplir des astres au dessus de lui.
laisser renaitre l'espoir, juste le temps d'une soirée ;
juste un peu, rien qu'une petite lueur.
juste assez pour s'insuffler un nouveau souffle de vie, reprendre une inspiration avant de replonger dans les eaux troubles.
jusqu'à la prochaine fois où ce sera nécessaire.

les pas s'avancent au hasard sous le ciel sombre, au noir profond subtilement bleuté. la douce mélodie des vagues paisibles caressant le sable, dans ce qui semble être l'envie de battre un record, allant toujours plus loin vers la terre, s'y incruster toujours plus longtemps. l'écume se brise parfois sur les rochers, mais jamais ne renonce à aller les ronger un peu plus, dans l'espoir de peut-être un jour les faire basculer, les surplomber. aller là où aucune goutte d'océan n'est jamais allé. une telle volonté de vivre, d'exister pour ne plus juste subsister, qui parfois inspire kai. qui parfois lui donne envie de vivre, lui aussi. l'espace de quelques heures la force lui revient.

oh, ça ne fait aucun doute que ce ne sera que de courte durée.
qu'il rentrera chez lui et que la réalité lui mettra une nouvelle gifle, lui rappelera sa place, le tableau fade et insipide de son existence miséarable. il n'y trouvera plus aucune joie, encore une fois.
encore une fois il sera comme toutes ces gouttes condamnées à rester au large sans jamais atteindre le rivage ; condamnées à subsister sans exister.

mais l'espace d'une soirée de temps en temps kai s'autorise à être l'écume sur le sable, à tenter, à espérer,
à exister.
alors il s'allonge là, tout près du bord sur les grains humides, et laisse son regard se perdre dans les constellations.
il se demande kai, qui de la mer ou du ciel l'emportera en premier.
il se demande ce qui se passerait s'il restait juste éternellement ici.
qui viendrait le chercher ?
est-ce qu'il mourrait de faim ou de soif en premier ?
est-ce qu'il existe une seule personne à qui il manquerait ?
et quand il regarde ainsi les étoiles briller si fort, se donner tant de mal pour être vues et admiré,
il se dit que les rejoindre n'est peut-être pas si mal.

alors il se laisse peut-être encore convaincre de rester ici jusqu'à ce que les cieux ne l'emportent,
jusqu'à ce que les vagues n'aspirent sa vie, à force de venir lécher ses pieds nus jusqu'aux chevilles.
il s'abandonne dans ses contemplations, dans ses pensées qui dépassent sa raison.
et ça aurait pu être une nuit comme les autres,
oui, ça aurait pu.
être une de ces nombreuses soirées, similaires à toutes celles qu'il a déjà passé sur ce sable à savourer les sensations vraies ; comme le froid piquant de l'eau salée sur sa peau dénudée,
ou la morsure acide du vent sur son corps trop peu couvert.
seulement ce soir c'est autre chose qui le ramène à la conscience,
autre chose qui le fait se remémorrer le fait qu'il est bel et bien en vie, avec toutes les sensations,
et toute les douleurs que ça implique.
quand ce qui semble être un pied ne se coince contre son épaule ;
et quand la personne au bout ne perd l'équilibre pour se vautrer littéralement sur lui.
ah, il était au milieu donc.
"bordel, regarde où tu vas merde !" il hurle kai, parce qu'il a mal, et parce qu'il aime pas être dérangé.

mais le bonhome se relève et kai croit le reconnaitre ; cette frimousse, il l'a déjà vu.
il hausse un sourcil et l'analyse ;
lui qui s'épuise jamais à reconnaitre ou mémoriser, arrive quand même à identifier un de ces récents p'tits coups de coeur avec lequel il a du un peu flirter.
"noam ?" il interroge, parvenant enfin à sortir le nom du bourge du fin fond de sa mémoire.
alors un sourire mutin se peint sur ses lèvres, quand kai se redresse sur ses coudes pour se poser dans une position plus ou moins assise,
et qu'il taquine, d'une voix plus amusée qu'enjôleuse,
pour essayer de dédramatiser un peu.
"j'sais que tu rêvais de me tomber dans les bras noam mais c'était pas la peine de le faire au sens littéral, t'sais."
parce qu'il est comme ça kai, il tergiverse jamais,
et surtout il a finalement pas si mal que ça.