ft @Griffin Parker

“La confiance s'acquiert, elle ne se demande pas : qui la mérite n'a pas besoin de la demander."

Les jours passent trop vite.
Et avec eux le lancement de l'exposition.
Arrive à grand pas.
Je passe par des moments stressants et envoûtants.
Plus ici à Busan que n'importe où ailleurs dans le monde.
C'est comme si mon existence se jouait.
A chaque seconde.
Mais une chose est sûre, c'est que je n'affronte pas cet événement et ces émotions seule. Griffin est à mes côtés à tous les instants, m'aidant bien plus que je ne le réalise Je suis toujours accompagnée au cours de la préparation des expositions, mais là c'est différent. Malgré ma froideur lors de notre première rencontre, du à ma surprise en voyant les traits de son visage, il a fait preuve de professionnalisme et de bienveillance. Il s'est entre nous, doucement tissé un lien. Je ne sais pas exactement où ça nous mènera. Pour le moment je n'y réfléchis pas, vu qu'après l'exposition de Phoenix je ne suis pas sûre de rester en Corée. Mais il est vrai que chaque fois que je suis en sa présence le trouble se fait plus consistant.  
Que j'en oublie la ressemblance.
Juste pour me concentrer sur l'homme.
Sur ses qualités. Sur ses attentions.
Et sa prévenance toujours présente.
Peut être que même en me préparant à le rejoindre, j'ajoute une touche un peu plus personnelle à ma tenue. Mais a t-il besoin de ça pour réellement me voir tel que je suis ? Voir Jun au delà de Phoenix. Je choisis une robe qui me met en valeur ma silhouette, que j'agrémente d'une paire de talon. Touche légère de maquillages et je laisse mes cheveux tomber sur les épaules. Une fois prête je prends ma voiture pour rejoindre la galerie. Le cœur battant bien plus qu'à l'accoutumer, mais voir mes sculptures mises en valeur me trouble.
Enfin il y a peut être autre chose derrière.
Mais pour cette autre chose.
Je me voile la face.
L'expo d'abord. Ma vie privée après.

Je me gare rapidement et je rentre dans la galerie. J'en fais le tour, aimant voir le travail qui avance. Profitant aussi pour m'attarder sur les autres artistes exposés. Puis je demande si monsieur Parker est là et si on peut lui signaler mon arrivée. Je ne désire pas le déranger, mais quelques petits détails restent à régler et je veux m'assurer que tout sera ok pour le jour J. Même si je ne doute pas de Griffin dans la gestion de la mise en place, il a fait du bon travail jusqu'à maintenant. Je n'ai pas de doute sur la suite. Quand j'entends mon nom d'artiste résonner je me retourne. Sourire aux lèvres.
Et mon cœur s'affole un peu plus.
Cette ressemblance frappante.
Me déroute toujours autant.
Même si là je n'éprouve pas l'envie.
De revêtir ma carapace de froideur.
Faudra que je finisse par lui dire, cela évitera que Griffin se questionne sur mes regards qui se détournent, sur l'air triste que par moment je prends quand mes yeux rencontrent les siens. Quand en quelques secondes je reviens dans mon passé. Dans ce passé que je veux oublier. « Bonjour Griffin. » Je récupère le gobelet qu'il me tend. « Merci. C'est gentil. » Mon sourire s'agrandit, encore une fois je suis touchée par son attention. Il n'oublie jamais cette petite touche. « Je tiens le coup mais en effet je suis pas mal stressée. Compliquée d'exposer dans sa ville natale. Je ne m'attendais pas à ressentir autant de panique. » Mes émotions passent d'ailleurs dans ma voix que j'ai du mal à maîtriser sur le coup. Je rougis un peu à son compliment, tout en m'attardant sur les traits fatigués de mon vis à vis. « Et vous vous avez l'air de ne pas avoir suffisamment dormi ? » Difficile de ne pas remarquer ses yeux cernés, mais il n'y a pas que ça. Ses pupilles semblent tristes, tracassés. « Un souci ? Quelque chose vous perturbe ? » Je ne veux pas me montrer indiscrète mais ça m'inquiète de le voir pâle.
Est ce à cause de l'expo ?
Un problème personnel ?
En tout cas je sens bien que Griffin, même s'il garde son beau sourire, est tracassé. « J'espère que le manque de sommeil n'est pas du au travail que vous donne mon expo. Je m'en voudrais. Il faut vous ménager et vous poser. J'ai besoin de vous en forme pour affronter les jours à venir. » Je bois quelques gorgées de ma boisson. « Non c'est être un peu égoïste de dire ça. Vous voulez qu'on aille prendre l'air ? » Je sens qu'il en a bien besoin et puis on est pas à la minute pour voir les dernières petites choses pour l'exposition.  

ft @Griffin Parker

“La confiance s'acquiert, elle ne se demande pas : qui la mérite n'a pas besoin de la demander."

Même si c'est encore complexe.
Et compliqué.
Je gère plus facilement.
Cette ressemblance frappante.
Entre Griffin et mon ex.
Ils sont deux personnes bien distinctes, j'en ai conscience. Ce qu'à éprouver le cœur de l'un n'est pas ancré dans le cœur de l'autre. Cet amour qui encore m'aspire malgré mes efforts pour oublier et avancer. Je me dois de me battre si je veux pouvoir vivre totalement ma vie. Je ne sais pas pourquoi tout reste accroché à moi avec autant de force. Je ne sais pas pourquoi au final tourner la page semble une épreuve des plus atroces. Mais j'arbore mon plus beau sourire quand je vois Griffin arriver et me tendre un gobelet de café. En plus je dois rester concentrer, l'exposition approche et ces dernières heures ne doivent que lui être consacrée. Rien ne doit venir troubler ce fait. Car je m'en voudrais si à cause de mon histoire passée, je loupais un détail. Même si je sais que Griffin est là pour tout assurer et que rien ne sera laissé au hasard. Il est bien trop professionnel pour ça, je n'en suis rendue compte au fil de nos différentes rencontres et de nos échanges. Rien ne lui échappe, il a l’œil sur tout et partout. Jamais je n'ai trouvé pareille écoute au cours de mes diverses expositions. Il anticipe mes envies et rectifie quand il fait fausse route, même si c'est très rare.
Il me connaît par cœur.
Même mieux que moi.
Est ce que ça me fait peur ?
Non, cela ma rassure plus qu'autre chose.

On se salue, il est souriant, mais au travers de son sourire je vois comme de la fatigue se dessiner dans son regard. A part que se ne soit une tristesse lointaine qui marque ses traits avec une force qui sur le coup me ravage et me serre les tripes. Bien sur avant de m'inquiéter, peut être que je me fais des idées, je lui parle de mes propres ressentis. De cette angoisse qui monte et qui me caresse comme une vague caresse le sable d'une plage. Je suis honnête et parle sans détour, pourquoi cacher l'évidence de cette peur sournoise. Même si elle semble aux yeux des gens et de Griffin peu visible. « Je me dois d'être forte si je ne veux pas qu'on m'associe à Phoenix. »
Montrer trop d'angoisse.
Pourrait éveiller des soupçons.
Mais assez parler de moi, je veux savoir si pour Griffin tout va bien. Je sais combien préparer une exposition est prenant et demande de l'énergie. Mais je ne veux pas non plus qu'il se tue à la tâche. Il profite du fait qu'il dort très peu pour tout peaufiner. Mais est ce bien raisonnable ? N'y a t-il pas autre chose derrière cette fatigue évidente ? « Il faut quand même vous vous ménagiez. » Je me sens responsable de son état, enfin le travail que je lui demande est responsable. Je veux tellement que tout soit parfait que peut être sans le réaliser j'en demande trop. « Avant le grand jour on prendra une journée. On ira se vider la tête, cela nous sera bénéfique pour tous les deux. » Cela me permettra aussi d'apprendre à le connaître un peu plus et pas que sur le côté professionnel, même si certaines de nos discussions n'ont pas été dirigées par l'exposition de Phoenix. Mon sourire s'agrandit sans même que j'en prenne conscience. Et je lui propose d'aller prendre l'air. Quelques minutes dehors nous fera du bien avant de repartir à fond dans les préparatifs.
Un petit instant liberté.
Juste pour respirer.

Je regarde Griffin faire, peut être avec un peu trop d'insistance. J'ai vraiment la sensation qu'il y a autre chose qu'un manque de sommeil, derrière cette mélancolie qui le caresse. Mais quoi ? Dois je pousser mon questionnement pour en apprendre un peu plus ? Je le suis et on s'installe sur un banc. Et avant même que je lui demande ce qu'il le tracasse, il me le dévoile. Et mon sourire doucement s'éteint, la tristesse étreint mon cœur. Ma main vient se poser naturellement sur la sienne en signe de soutien dans l'épreuve qu'il traverse. Mes parents j'y pensais souvent quand j'étais loin de Busan, me disant qu'ils avaient agi pour mon bien. Tout en leurs en voulant d'avoir choisi pour moi. D'avoir tout brisé. Et surtout de m'avoir brisé, pour mon propre bien et le sien. Est ce que si j'étais restée on serait encore ensemble et en vie ? Vu que l'éloignement était une question de vie ou de mort ? Je l'ignore. Mais j'aurais voulu qu'on me laisse le choix et surtout la chance d'y arriver. Cela n'a pas été fait et jamais je ne saurais comment nos vies auraient pu tourner.
Ne plus y penser.
On ne change pas le passé.
On ne le réécrit pas.
On ne le revit pas.
Je dois vivre au présent.
Et le présent c'est Griffin qui se confie et qui heurte mon cœur plus que de raison. Pourquoi je suis autant touchée ? « Je suis désolée. J'espère que les nouvelles seront bonnes. Et qu'il n'y aura rien d'inquiétant aux résultats. Si vous avez besoin de prendre quelques heures ou même votre journée, n'hésitez pas. Je comprends que dans ce cas vous n'ayez pas la tête à bosser. » Qui l'aurait dans un moment pareil ? Je bois quelques gorgées de mon café. « On peut faire l'école buissonnière si vous voulez ? » Je le regard posant mes yeux dans les siens. Je suis sérieuse en proposant cette idée. « Après tout on a bien avancé. Et au pire on bossera ce soir. Là on peut aller s'aérer quelques heures. Ils vous appelleront sur votre portable de toute façon. »
S'évader un peu.
Pour mieux accepter l'après.
S'il venait à être redoutable.
Ce que je ne souhaite pas à Griffin, mais je vois bien que là il n'a pas la tête à travailler. Que s'éloigner quelques heures pourrait lui faire du bien. « Un tour en mer cela vous dit ? » Proposition lancée comme ça. Je sais qu'on peut louer des voiliers ou des yacht avec capitaine pour passer quelques heures au large. « L'air marin il n'y a rien de mieux pour se changer les idées. » Bien sur je ne le forcerais pas, mais moi je suis partante pour cette petite parenthèse.  

ft @Griffin Parker

“La confiance s'acquiert, elle ne se demande pas : qui la mérite n'a pas besoin de la demander."

Et un sourire sincère et rassuré.
S'étire sur mes lèvres.
Sentir ce poids partagé me lève mes angoisses.
Que tout se passe bien c'est tout ce que je souhaite.
Que je reste Chang Jun pour cette ville qui m'a vu naître.
Et qu'il n'y ait que Phoenix qui brille.
Tout pourrait paraître difficile, et d'une certaine manière cela l'est, mais avec Griffin à mes côtés que je sens que tout sera plus facile, plus fluide. Il rendra le chemin plus simple, et c'est très rassurant. « Merci c'est très gentil. J'aime beaucoup ce que je fais, j'y mets à chaque mon cœur et mes tripes. Mais là j'avoue que l'investissement est plus personnel. » Et il y a tous les rappels du passé qui ne cessent depuis mon arrivée d'écorcher mon âme et mon palpitant. Les souvenirs doux aussi qui quand j'y pense me gorge de nostalgie. C'est bien pour l'inspiration et cela facilite mon travail d'artiste. Donnant à Phoenix bien plus d'idée de création. Mais cela me bouleverse aussi et m'épuise mentalement. Mais Griffin est une épaule sur laquelle je peux compter, même si je l'ai malmené lors de nos premiers contacts.
Mais si je reste tracassée par l'exposition à venir.
Je garde l’œil aux aguets.
Et je ne peux m'empêcher de remarquer.
L'air fatigué de Griffin.
Tout comme une tristesse ravageuse sur ses traits.
Et cela m'inquiète.
Après tout il prend soin de moi.
Juste retour des choses de m'assurer.
Que tout va bien pour lui.
Je ne veux pas que mon exposition lui donne trop de travail, qu'il en perde le sommeil. Il faut qu'il se ménage, ce qui ne semble pas faire partir du rythme de sa vie. Je sais combien l'effervescence du à une chose peut happer et nous emporter. Moi même quand je suis en phase créatrice j'en oublie de manger et même de me poser. Mais je reste lucide même dans ces moments ou mon cerveau persiste à imaginer des sculptures. Je sais qu'abuser ne donne rien de bon au final. Faire une pause est nécessaire de temps à autre et là c'est même vital vu le visage fatigué de Griffin. « Dans ce cas je me charge de m'occuper de tout et je vous tiens au courant. Une journée d'évasion ne vous fera pas de mal. Vu ce qui nous attend une fois les portes ouvertes. » Même si je resterais dans l'ombre en tant qu'artiste, je sais que je vais de prendre de plein fouet la folie que l'exposition va engendrer. Et Griffin sera également au premier rang.
Se poser pour souffler.
Pour mieux rebondir sur l’après.

Et on finit par sortir, histoire de prendre l'air. Et je sens que cela ne fera pas de mal à Griffin de s'éloigner un peu de l'univers de son boulot. Peut être qu'il pourrait partager son ressenti, ce qu'il fait une fois la question posée. Et l'annonce me serre le cœur. Les kilomètres qui le séparent de sa mère augmentent l'angoisse qui se lit dans ses yeux. Je suis triste pour lui et je voudrais l'aider d'avantage, même si pour lui bosser lui permet de s'occuper l'esprit et de moins penser.
Mais que redire à cet argument.
Moi même j'agis de la sorte.
Moi même je me perds dans le travail.
Quand mon esprit s'égare.
Puis j'ai une idée, après tout ,tout est prêt et les quelques détails qui restent ne sont que futilités qui peuvent se faire plus tard. Faire l'école buissonnière pour quelques heures nous sera profitable et nous permettra à l'un comme à l'autre de reprendre des forces. Des forces qui nous serviront pour la suite. Je propose et il accepte et je très heureuse de pouvoir passer un moment avec lui, loin de tout ce qui concerne l'exposition. Car même lorsqu'il était venu chez moi, mon métier était resté le sujet le plus important de notre discussion. « Je pense que nous en avons besoin tous les deux de cette escapade. » Et je souris. « D'accord je vous attends mais attention je chronomètre si vous dépassez le temps je viens directement vous chercher pour vous traîner par l'oreille. » Parce que je sais, un coup de fil, un employé qui demande un renseignement et boum Griffin se retrouvait de nouveau dans le feu de l'action de son travail. « Aller vite le temps est presque déjà écoulé. » Que je plaisante alors qu'il n'est pas encore parti.
En l'attendant je finis ma boisson.
Laissant mon esprit vagabonder.
Écoutant les bruits et les silences de la ville.

Et Griffin revient rapidement. « J'étais à la limite de venir vous chercher. » Je le taquine bien sûr car il a été assez rapide, il semble assez impatient. « Je suis prête et ma voiture est à deux pas. Je me suis occupée de contacter la capitainerie pour retenir un bateau. Un joli petit yacht qui va nous faire longer la côte. J'aurais eu envie d'une voilier mais je pense que cela sera mieux de le faire sur la journée de relax que l'on prendra avant l'expo. Comme ça on mangera en mer. » Et je me lève et on va rejoindre ma voiture. « Cela ne vous dérange pas de vous faire conduire j'espère. Je sais que certains hommes préfères être au volant. Mais je suis une femme de pouvoir. » Je me mets à rire. « Je délègue rarement. » Et Griffin a du le remarquer, même si pour les expositions je dois sur certaines choses rester en retrait pour préserver mon identité.
Mais je veille quand même.
En restant dans l'ombre.
On est rapidement au port, je connais la ville comme ma poche et je prends des routes avec moins de circulation. Durant le trajet j'ai reçu le numéro d'appontement où nous attend le bateau. « C'est par là. » Je quitte mes talons pour facilité ma marche sur le ponton en bois. Et je repère le yacht. « C'est celui là. » Le capitaine est déjà présent. « Mademoiselle Chang. Bonjour capitaine Kwon pour vous servir. Tout est prêt si vous voulez monter à bord. » « Bonjour capitaine et merci. Contente de pouvoir faire un tour sur votre bateau. On avait besoin avec mon ami d'un moment d'évasion. » Et je me tourne vers Griffin et je lui souris. « Alors mon équipage et moi même allons tout faire pour que cette escapade soit parfaite. » Et on monte à bord pour aller s'installer sur le pont supérieur. Un home d'équipage vient nous voir pour nous proposer une collation et on sort du port. Les embruns marins viennent tout de suite caresser mon visage. « J'espère que ça va te plaire et surtout te faire du bien. »
J'en oublie un instant le vouvoiement.
Mais j'ai précisé que c'était avec un ami.
Que je faisais cette escapade.
Parce qu'à cet instant.
Plus question de collaboration professionnelle.
Dans certe parenthèse s'ouvrant nos vies privées.    

ft @Griffin Parker

“La confiance s'acquiert, elle ne se demande pas : qui la mérite n'a pas besoin de la demander."

Je sais l'angoisse et le stress.
Que la préparation d'une exposition éveille.
Je connais ces nuits blanches à tourner.
Sans trouver le sommeil.
Je les mets à profit pour créer ou retoucher.
Je ne suis certainement pas la seule à faire ce genre de chose. Griffin semble être comme moi. C'est mieux que d'aller se perdre dans des verres d'alcool ou de goûter aux paradis illusoires des drogues. Bien sur il y a des cachets qui pris sous contrôle peuvent aussi aider.
J'ai essayé.
Comme beaucoup.
Mais je finissais pas plus reposée. J'étais complètement vaseuse et le cerveau éteint d'idées et de motivation. Alors j'ai laissé tomber, j'ai cherché des moyens plus doux, des tisanes, du sport, de la lecture et au final c'est me retrouver dans mon atelier qui me convient le mieux. Après cela ne dure que le temps que tout se mette en place, quand je vois que l'exposition de Phoenix plaît, qu'elle a du succès et bien je retrouve doucement mon sommeil. Mais est ce le cas de Griffin ? La vie est une lutte permanente et épuisante. Encore plus quand on la mène seul. Est-il seul ? Ou bien a t-il trouvé l'autre moitié de son âme ? Je ne peux m'empêcher de me poser cette question, sans en saisir le sens profond. Je sais combien avoir à ses côtés une personne sur laquelle compter est important. Je l'ai trouvé un temps, mais si certains diront que j'étais jeune et que même si nos parents ne nous avaient pas séparé, nous aurions peut être pas finis ensemble.
Facile de dire ce genre de chose.
Sans connaître le réelle teneur des sentiments qu'il y avait.
Entre nous.
En attendant et pour souffler un peu, je propose une journée escapade, une parenthèse qui nous fera du bien à tous les deux et il accepte. Et je souris contente qu'il dise oui.
A cet instant il ne m'en faut pas plus.
Pour sentir mon cœur battre plus fort.

Mais une fois dehors pour boire notre café, je persiste un peu sur l'état de fatigue que montre son visage. Sur le chagrin aussi qui s'écrit dans ses yeux. Je ne veux pas le brusquer ou l'obliger. Je lui fais juste savoir que je suis là pour lui, comme il est là pour moi. Normalité d'un échange qui va au delà du lien professionnel. Car même si je me suis montrée froide et distante, cela pourra arriver d'autre fois, je l'apprécie. Et pas que pour le boulot accompli. Et pour prendre une première bouffée d'air avant notre journée école buissonnière, je propose un plan. Une façon de se changer les idées pour être en meilleure forme après. Griffin s'absente quelques secondes pour régler quelques détails et prendre ses affaires. Je le taquine à son retour. « M'acheter un cheval ? Pourquoi pas. » Et je lui souris. De ces sourires rares qui n'illuminent plus mon visage depuis bien longtemps. « Moi non plus, même si parfois je fais passer le contraire en message. Histoire de détourner l'attention. Il est certain qu'au pouvoir nous serions plus sages ou du moins plus réalistes. Les femmes ont toujours tenu de grands rôles, elles restent juste dans l'ombre. Elles attendent le bon moment pour montrer toute l'étendue de leurs savoirs. »  
Et en un rien de temps.
On se retrouve au port.
Et puis devant le yacht.
Prêt à affronter le large.

Le capitaine nous accueille, on monte à bord et dans l'euphorie de l'instant je me fais plus familière avec Griffin. Il faut dire que là on est loin des codes établis par rapport à l'exposition de Phoenix. Et nous voilà installés, prêt à savourer cet instant en mer. L'équipage est à nos petits soins, de quoi nous faire décompresser. « Oui désolée, je me suis laissée porter par l'instant. J'espère que cela ne vous a pas mis mal à l'aise. » Je reviens au vouvoiement rougissant un peu de cette audace. Pourtant je n'ai jamais eu de souci avec le tutoiement, dans les pays occidentaux c'est même un pronom que j'emploie rapidement. Mais ici en Corée ou tout est bien séance, pas évident de jouer la familiarité aussi rapidement. «  Et est ce que cela vous ennuierez si on se tutoyait ? »
Vu son expression.
Cela a eu plus l'air de lui plaire.
Que de l'embêter.
Ce serait une façon de se rapprocher.
Sans bien sur dépasser les limites.
Parce que pour le moment je ne pense pas à ce genre de chose, l'esprit préoccupé par le lancement proche de mon exposition. Griffin se montre attention en mettant la couverture sur mes jambes. « Merci. » Nouveau sourire alors que le bateau quitte le port. « Oui elle est très belle cette ville. Je pense que c'est parce que d'une certaine manière l'Asie fascine. Peut être à cause de ses légendes, son histoire. » Même si les autres pays ont aussi des légendes, une histoire. « Je suis très fière d'être née ici, même si j'ai voulu m'éloigner et que j'ai mis du temps à revenir. Partir sera certainement plus dur maintenant. »
Est ce que j'ai envie de repartir ?
Peut être quelques mois.
Pour d'autres exposition.
Mais pas aussi longtemps.
C'est sur.
« Il est vrai que lorsqu'on vient en Asie alors qu'on a vécu toute sa vie en Occident cela change beaucoup. Il y a tellement de différences. Et il faut s'adapter à tellement de choses. C'est moins compliqué dans l'autre sens. Prendre les habitudes d'une occidentale n'a pas été compliquée. Revenir ici et reprendre certaines règles, après ces années de liberté. » Je mets le mot entre des guillemets d'un mouvement de mes doigts quand je le prononce. « Moins aisé. » Et je souris avant de continuer à écouter Griffin qui me parle de sa maman. « Logique d'aller voir sa maman quand elle est mal. » Même si moi je ne suis pas allée voir la mienne depuis mon arrivée, encore trop de rancœur. Mais je finirais bien par y aller. « Après tu pourras toujours revenir une fois tranquillisé. Je suis sûre que la galerie te gardera une place au chaud. Je pourrais même appuyer ce fait si je décide de laisser une exposition permanente des sculptures de Phoenix. » Je le regarde. « C'est une idée que j'ai. Une manière de revenir ici plus souvent. En plus la maison que j'ai trouvé est géniale, elle a de beau espace, un bel atelier. La vendre me ferait mal au cœur. »
Une manière aussi de dire.
A Griffin.
Que collaborer avec lui.
Plus longtemps me tenterait.  [/b]