|	s o u r c a n d y

- ootd

Les heures qui s’allongent, les boites de nuit qui illuminent le ciel étoilé, les passants à moitié ivres qui traversent les rues – un soir comme les autres à Busan. Ryu est de service ce soir. Après tous les récents évènements,  il est évident qu’elle soit épuisée. Son visage de marbre est d’autant plus terrifiant maintenant que tous ses muscles sont vidés d’énergie ; pas un sourire, pas un regard, seulement sa voix qui demande les commandes tel un robot. Ses bras s’agitent au rythme des verres vides rendus et des cocktails à préparer, elle n’a aucune interaction avec les clients. Ceux-ci, d’ailleurs, n’osent pas s’en approcher de cette femme totalement apathique au cheveux noirs. Une beauté froide, c’est ainsi qu’on pourrait la définir. La pauvre n’a pas eu la vie facile depuis les cinq dernières années. Tout s’est malheureusement accéléré lorsqu’il est revenu dans sa vie, comme une fleur, comme une plume d’oiseau dans la nature, sorti de nulle part. Une seule invitation, une seule soirée a suffi pour que la belle se retrouve dans une chute infini au fond du gouffre. Bien que son empathie soit absent sur le terrain, son corps réagit tout de même à son insu – elle peut ressentir encore certaines sensations, mais dans les pires conditions. La moins pire serait lorsqu’elle se colle contre un corps nu, où ses doigts peuvent glisser sur une chair brûlante pendant des heures, l’autre est bien moins poétique. Une poudre blanche, c’est tout ce qu’il lui faut pour partir loin, très loin. Elle ne le sait pas, elle ne se l’avoue pas, la brune emprunte le chemin de l’addiction. Même si les symptômes n’apparaissent pas encore – compensés par la luxure – ses pensées sont dirigées vers un homme... et une drogue. Un mélange des deux lui serait fatal, d’ailleurs.

Il y a eu une période cependant, une histoire d’un mois, où Ryu était parvenue à se changer les idées. Une amourette de vacances sans doute ? Elle se souvient d’un garçon avec qui elle avait partagé ses draps un bon nombre de fois. Loin de la ville coréenne, c’était au Japon que tout s’était passé. Un garçon au joli minois et aux belles paroles, assez pour provoquer chez la demoiselle une envie de plus. Toujours plus. Une période loin de tous ses problèmes, lors d’un échange pour les études et puis... comme d’habitude, rien ne se passe comme il le faut. Ryu s’interroge encore, tout en frottant avec force le fond d’une coupe de champagne, comment elle a pu tomber sous le charme de cet homme. Elle se demande surtout comment elle a fait pour aimer, tout simplement. Une question qui tourne en rond depuis son accident mais qui ne sera jamais résolue selon elle.

madame !

une voix l’interpelle pour une autre commande, la brune ne perd de temps à répondre. La boisson est servie en un rien de temps – en posant le verre, il suffit qu’elle tourne légèrement la tête pour remarquer un individu au visage familier. Le prochain client, mais aussi ce même garçon croisé au Japon. Qu’est-ce que...
Il y a comme un moment de flottement, le temps que ryu se rend compte de la situation malgré la musique battante du club. Elle croise un regard, son regard, puis la grimace apparait. Un mélange d’embarras et de dégoût, la demoiselle fronce les sourcils avant de jeter le torchon dans ses mains. « c’est un rêve. » marmonne-t-elle. Quelles étaient les chances de tomber sur un mec auquel elle a pensé il y a quelques minutes ? « c’est des effets secondaires, c’est pas vrai... » sans gêne, elle se penche sur le comptoir pour s’approcher de l’homme. « ... ha... ru ? » le nom reste encore trouble, mais pas son minois. « putain c’est toi ? qu’est-ce que tu fous là ? »

|	s o u r c a n d y

Le ciel est fragmenté de couleur pastel allant de l’orangée au violet lorsqu’enfin tu tires le rideau de fer. Enfin t’as fini ta journée Haru, une journée des plus banals passés à étiqueter, mettre en rayon les nouveaux produits et sourires à chaque nouveau client entrant dans la boutique qu’il achète une bricole dans tes rayons ou non. Une énième journée passée à remplacer ton père ; à entendre les habitués de la boutique te demander où est ce qu’il est ton géniteur, te demander si il va bien. Question qui fait toujours aussi mal, question à laquelle tu te dois de répondre avec le sourire, expliquer qu’il a un petit coup dur mais que ça finira par aller sans toi-même trop y croire. Car ça va de mal en pis, qu’il se dégrade et que t’en viens même à te demander si ça ne serait pas mieux que ça en finisse plutôt que de le voir souffrir. Des pensées que tu regrettes dès l’instant où tu les penses. Car tu l’aimes ton père, n’a pas envie que son histoire finisse ainsi.

Il mérite une vraie fin, comme les grands hommes.

Mais ça, ce n’est pas toi qui le décides, toi petit être humain insignifiant. Toi, le seul pouvoir que t’as, c’est d’aider au maximum les tiens au détriment de ta propre existence. Mais ce soir, t’arrête les sacrifices, ce soir tu profites car demain c’est ta sœur qui s’occupe de l’épicerie pour te laisser un jour tranquille. Et si t’as passé quelques appels et n’a pas réussi à obtenir un « je viens » de tes amis tu t’en fiche. Tu feras cavalier solo pour une nuit. Une fois arrivé chez toi, avoir pris ta douche et glander un peu sur ton canapé pour te détendre de ta journée tu troques ton vieux t-shirt et ton short pour une tenue plus correct pour sortir en pleine nuit. Il est vingt-deux heures lorsque tu quittes ton domicile, te dit que ça serait une bonne idée que de faire la tournée des bars du quartier. Un verre pris par ci, un autre par là. Des rencontres que tu fais sur ton chemin de croix jusqu’à finir d’un commun accord avec tes nouveaux collègues de beuverie au club Quartz. Le fameux, celui dont tout le monde parle. Celui dans lequel Reira passe bien trop de soirée alors que toi, la première fois que t’as mis ton nez ici t’as pas spécialement compris la hype. Mais tout le monde semble bien aimer alors t’as suivi le mouvement sans trop te poser de question. L’alcool dans le sang adoucit tes ressentis et émotions, tu souris comme un con face aux jeux de lumière dans le club et les jolies filles qui te passent devant.

- J’vais me chercher un verre les gars, à toute !

Que tu sors aux deux garçons qui t’ont amené ici avant de disparaitre dans la foule, te frayer un chemin jusqu’au bar. L’attente qui se fait longue, à croire que tout le monde a soif ici. Des coups d’œil que tu jettes à ton portable le temps que ton tour arrive. Et voilà que tu t’approches du comptoir, pose tes coudes dessus dans l’attente que la serveuse s’occupe de toi. Tes vives prunelles qui s’égarent sur les courbes de la jeune femme ; son tricot blanc rendu bleu par les néons. Toute de suite, tu comprends mieux pourquoi il y a tant de monde au comptoir. Jolie poupée que tu fixes du regard sans le vouloir, sans réellement t’attarder sur son visage. Tu la regardes faire des cocktails, encaissé les billets sans un sourire. Elle est froide la brune, sans émotion. Même lorsqu’elle vient vers toi t’as l’impression qu’elle va te couper en deux. Jusqu’à qu’elle relève les yeux vers toi. Et là c’est le choc. L’un comme l’autre, vous écarquillez les yeux comme si vous revoir était impensable. Si toi, t’ouvres la bouche et n’arrive pas à sortir un seul mot, elle est à l’opposé et ne s’arrête pas de parler.

C’est Ryu en face de toi, derrière ce bar. Du moins, tu crois. Jolie demoiselle que t’as rencontrée il y a de ça quelques années au Japon, que t’as fréquenté quelques temps jusqu’à qu’elle en demande un peu plus. Que tu lui dises que c’est pas ce que tu attends et ce que tu cherches et de là, t’as plus jamais entendu parler d’elle. Elle t’a zappé du jour au lendemain, surement vexé que tu n’aies jamais voulu aller plus loin.

- Putain Ry..u ? j’t’ai même pas reconnu ??

Les questions fusent, l’un comme l’autre vous en venez à vous poser une question rhétorique chacun et cela, malgré le brouhaha intense autour de vous. Et tu ris Haru, à cause de l’alcool. Ris car elle semble choquée que tu sois dans les parages alors tu te penches sur le bar et lui dit :

- Je suis revenu à Busan depuis un peu moins d’un an et toi alors ?? T’es là depuis quand ?

Pas un instant, tu t’imagines qu’elle vit ici à plein temps Ryu. Toi tu crois qu’elle est là pour se faire un peu de fric et aller vivre ailleurs comme lorsque tu l’as rencontré. Ryu que t’as jamais réellement pris le temps d’apprendre à connaitre. Chose que t’aurais peut-être dû faire avant de fuir la relation qu’elle te proposait sans même à qui t’avais à faire. Et une main que tu passes devant ses yeux un « eh oh » qui s’échappe d’entre tes lèvres car elle semble buguait.

- J’te fais encore tant d’effets ?

Que tu dis l’air moqueur, des mots que tu n’aurais certainement pas osé prononcer si tu n’avais pas bu autant avant d’arriver dans ce bar. Mais il est trop tard pour regretter, trop tard pour te rattraper.