outfit ⬩ Souffle saccadé, c'est dans un coin de son appartement qu'il se sent coincé. Comme si quelque chose d'immense pesait sur son corps, ses épaules, l'empêchant d'inspirer l'oxygène, de remplir ses poumons. Le bout des doigts glacials, l'impression que quelqu'un a mis ses mains sur ses oreilles pour l'empêcher d'entendre quoique ce soit d'autre que le battement frénétique de son propre coeur, Yun Hee ne sait toujours pas comment gérer ces attaques de pure angoisse qui décident parfois de prendre possession de tout son corps. Il ne connaissait pas les trucs pour retrouver une respiration normale, pour faire taire les pensées toxiques, venimeuses, qui tournaient en boucle dans son esprit, l'emprisonnant et le ligotant face à des souvenirs qui n'avaient rien de joyeux ou d'élégant. La culpabilité qu'il vivait à chaque jour s'accumulait jusqu'à ce qu'elle explose. Et les moments où il atteignait cette limite étaient ceux où il n'avait plus de contrôle sur lui-même. Et quoi de plus effrayant que de perdre le contrôle sur la seule chose qu'il devrait, normalement, avoir une parfaite maîtrise? C'était terrifiant.

Les minutes passent, s'étirent, s'allongent. Quand enfin son souffle se stabilise un peu et que le brouillard qui s'était faufilé dans son esprit s'estompe légèrement, le hacker attrape son téléphone, tombé près de lui. Ignorant la nouvelle fissure dans l'écran fragile, c'est avec des doigts tremblants qu'il réussit à composer le numéro, et appuie l'appareil contre son oreille, soutenant sa tête de sa main libre. Quand l'interlocuteur décroche, c'est d'une petite voix tremblante que Yun Hee appelle à l'aide.
« Kain... Tu peux venir? »

outfit ⬩ C'est rare que Kain se lie aux autres ; il se lie sans se lier, comme quelqu'un qui a peur, qui est terrifié à l'idée d'être abandonné. Encore. Il le fait parce qu'il est obligé malgré tout, mais parce qu'il n'est qu'un Homme, et qu'il ne peut rester seul indéfiniment, même s'il aimerait, parfois. Il y a quelques personnes que Kain aime se dire qu'il tolère près de lui.

Mais avec Yun Hee c'est spécial. Les secrets se sont rompus bien malgré eux, et parce qu'ils ont besoin de quelqu'un pour les aider dans ses moments là ; ils ont décidé de compter l'un sur l'autre. Sont-ils amis ? Kain n'oserait pas prononcer ce mot, de peur qu'il ne s'envole aussitôt. Amitié tacite. Accords manifestes.

Son téléphone avait sonné et il avait reconnu sa voix ; il avait la même lui aussi.

— J'arrive.

Alors il avait mis ses chaussures et il avait détalé. Il sait que les crises d'angoisse de Yun Hee sont tout aussi violentes que les siennes.

Puis il était rentré Kain, dans l'appartement de l'autre — cela faisait bien longtemps qu'ils avaient décidé d'échanger leur code de portes de maison, à utiliser avec modération bien sûr. C'était nécessaire pour ce genre de cas. Combien de fois avaient-ils était coincés derrière la porte en essayant d'aider l'autre ?

— Je suis là.


Il s'assoit près de lui puis lui prend les mains doucement pour ne pas trop le surprendre. Le tableau n'est pas beau à voir, mais Kain sait qu'il n'est pas plus mignon que lui quand il fait une crise. Il était calme le mannequin, alors ça donnait directement un effet de douceur que son visage avait du mal à exprimer. Kain n'est pas impressionné parce qu'il sait comment c'est de l'intérieur. Il se fait bouffer par ses souvenirs, il a des flashbacks qu'il n'arrive jamais à chasser. Il pleure énormèment. Dans le meilleur des cas. 

Il lâche une main du souffrant pour dégager le visage du jeune homme du bout des doigts.

— Tu veux changer de place ?

Kain ne demande pas pourquoi Yun Hee fait une crise d'angoisse. Il sait très bien qu'il ne pourra pas lui expliquer clairement ; et il n'est pas certain que cela puisse l'aider à aller mieux à l'instant T.

outfit ⬩ Pendant un moment qui semble interminable, Yun Hee attend simplement que Kain arrive. Il y avait quelque chose de rassurant de savoir qu'il était en route et qu'il viendrait le rejoindre. De savoir qu'il y avait quelqu'un qui serait près de lui pendant que le monde semblait s'écrouler. Le bruit de la serrure résonne faiblement, comme un echo lointain, dans les oreilles du hacker qui reste tout de même immobile, se contentant de lever les yeux en direction de l'entrée. Quand le mannequin entre chez lui, il se sent presque déjà un peu soulager. Mais son cerveau en état d'alerte ne se calme pas pour autant. Bien sur que non, ce serait bien trop facile si c'était le cas. Quelques instants plus tard et les doigts de Kain s'enroulent autour des siens et le hacker serre ces mains avec force, comme s'il s'accrochait à sa bouée de sauvetage, ferme les yeux lorsqu'il dégage une mèche de son visage, puis secoue la tête à la question. Il ne veut pas bouger de là. Il ne sait même pas s'il sera en mesure de se mettre debout. Et il était déjà un fardeau pour l'autre en ce moment, l'aider à se lever ne serait qu'encore plus de travail pour ce garçon qui acceptait de l'aider dans ce genre de moment.

Parce que si Yun Hee ne serait jamais gêné d'être là pour quelqu'un, il se considérait aussitôt comme un problème pour les autres. Et si la présence de Kain le rassurait, il ne pouvait pas non plus chasser cette impression de culpabilité. L'avait-il dérangé? L'avait-il empêché de faire quelque chose, de temriner un boulot? Juste d'y penser et il avait l'impression que son angoisse ne faisait qu'accroîte, empirer. Encore de longues minutes passent avant qu'il n'arrive enfin à calmer un peu ces pensées invasives et que son souffle reprenne un rythme un peu plus normal. « Désolé... je pensais que... que ça irais. » articule-t-il difficilement entre deux brusques inspirations. Il avait essayé de gérer ce moment de panique tout seul, vraiment. Mais sans succès.  

outfit ⬩ Les doigts de Yun Hee s'enroulent presque avec force autour des siens, et c'est une sensation un peu étrange, il ressent toute la vulnérabilité de l'autre, et il a l'impression que ça le rend vulnérable lui-même. Il n'est pas vraiment sûr d'apprécier, mais il ne peut pas dire non plus qu'il déteste.

Son ami ne veut pas bouger de là où il est, s'y trouve vraisemblement plutôt bien. Kain hésite un moment ; parce que ça n'est pas naturel pour lui de demander, pour autant, il finit bien par le faire :

— Tu veux un câlin ?

Le jeune homme se racle un peu la gorge, il est un peu gêné, il n'a pas l'habitude de témoigner ce genre de signe d'affection, voire pas du tout pour être tout à fait réaliste, mais Kain a vraiment l'intention de le faire si ça peut soulager Yun Hee de son mal-être et lui apporter un peu de réconfort.

— Comment je peux t'aider ? Dis-moi.

Puis il entend Yun Hee s'excuser de l'avoir appelé, de l'avoir dérangé. Le mannequin fronce un peu les sourcils, devinant qu'il avait eu la sensation de le déranger.

— Ne sois pas désolé. Ce n'est pas grave. Je ne faisais rien d'important... J'allais faire à manger, mais je peux préparer à manger ici si tu veux.

Le jeune homme savait faire à manger, et son interlocuteur n'était pas vraiment étranger à son talent en cuisine. Il avait déjà probablement cuisiné pour lui. Et il savait donc qu'il ne regretterait pas sa proposition. Il ne le sait peut-être pas, mais le séoulite cuisine rarement pour autrui, alors autant en profiter.

— Qu'est-ce qui te ferait plaisir ?

Détourner l'attention pour chasser l'angoisse, en espérant qu'il arrive à se concentrer suffisament fort sur cette question d'une part pour lui répondre et dans un second temps pour court-circuiter le schéma de pensées négative de Yun Hee. Il espérait que ça allait fonctionner.

outfit ⬩ Yun Hee refusant de bouger n'est pas quelque chose d'inabituel dans ce genre de moment. C'est comme si tout son corps craignait une souffrance soudaine s'il osait, s'il avait l'audace de bouger, effrayé d'un ennemi invisible contre lequel il ne pourrait pas se défendre. Un ennemi qui avait pris vie après quelques années trops longues à n'être qu'un punching-bag pour une personne en qui il devait normalement avoir confiance. Quand Kain lui offre un calin, il ne peut s'empêcher d'hésiter, terrifié à l'idée d'être un problème encore plus grand pour son confident. Mais vu que les tremblements refusent de se calmer, il passe son bras dont la main est libre autour du coup du mannequin pour se serrer contre lui, tentant de calmer les mouvements incontrôlables de son corps.

À la question de l'autre, il secoue brusquement la tête. « Je sais pas, je sais pas... rien fonctionne, rien ne m'aide. » Ou plutôt, il n'avait pas les outils pour se défendre de ces réactions. Il continue de secouer la tête lorsque Kain lui dit dse ne pas s'excuser, mais ne répond rien cependant. Il n'a jamais voulu être un poids dérangeant pour les autres. À grandir seul, il était étrange de devoir se faire soutenir par un autre de la sorte. Mais bien qu'inconnues, ces actions étaient appréciées du hacker. À la question suivante, Yun Hee ne réponds pas tout de suite. Il tente un moment de rassembler ses pensées de façon plus compréhensible, autant pour lui-même que pour quand il formulerait sa phrase à voix haute. Cet exercice, encouragé par la question de Kain, semble déjà fonctionner un peu plus, lui permettant de se concentrer plutôt sur un menu, mais aussi sur une petite plaisanterie. « Végétarien... c'est pas ennuyeux à cuisiner? » lance-t-il d'une petite voix, encore saccadée, mais moins tremblante. 

outfit ⬩ Il hésite un moment, mais Kain n'insiste pas. Il ne sait trop bien les effets dévastateurs que cela peut avoir. Il l'a vécu. Trop de fois. Trop jeune.

Pourtant, il finit par passer un bras autour de lui et le serrer contre lui. Il le sent trembler contre lui et ça ne fait que lui rappeler sa propre condition. Il le serre doucement contre lui, ne l'écrase pas pour éviter de le faire paniquer davantage, pose sa deuxième main derrière sa tête pour caresser doucement ses cheveux et le consoler.

Il aurait aimé que quelqu'un le console comme ça quand il était jeune. Qu'on le protège, tout simplement.

— Ce n'est pas grave, prends ton temps... On a le temps. Si tu ne trouves pas de suite c'est pas grave. Tout va bien. Si tu veux pleurer et que ça peut t'aider, n'hésite pas.

Il essaye d'être le plus rassurant possible, de faire en sorte qu'il se sente en sécurité. La question sur la nourriture semble l'ancrer un peu plus. Ca le fait même sourire à Kain.

— Pourquoi ça serait ennuyeux ? Tu penses à un plat particulier ?

C'était étrange pour Kain de soutenir quelqu'un comme ça. Il n'allait pas bien lui-même, alors il ne s'imaginait pas pouvoir aider les autres. Preuve en était qu'il pouvait. Parce qu'il savait exactement ce que c'était. Parce qu'il savait ce que c'était, quoi faire ou ne pas quoi faire pour aider.

Il continue à caresser ses cheveux doucement, sent qu'il tremble de moins en moins, petit à petit. Il le garde contre lui tout de même, jusqu'à qu'il n'en veuille plus.

— Je te laisse me dire si tu veux que je le lâche. Je ne te lâche pas tant que tu ne dis rien, d'accord ?

Il ne veut pas le brusquer, alors il le laisse décider.

outfit ⬩ Yun Hee, même dans un moment de telle panique, ne supportait pas que les autres doivent l'aider. Il avait toujours ce sentiment terrible d'être un simple poid de plus dans la vie des autres. Après tout, n'est-ce pas là ce qu'il avait toujours été? Un poids au bout d'une chaine qui traînait les autres vers l'arrière, les empêchant de se libérer de lui, de voler de leur propres ailes. Bien sûr, toutes ces pensées, c'étaient simplement son anxiété qui parlait; il n'était pas du genre à empêcher les autres de faire ce qu'ils désiraient. Mais l'impression d'être un problème était devenu, après des années à être abusé, une bonne partie de sa personnalité. Dès qu'on lui donnait cette attention, il ne pouvait pas s'empêcher de penser qu'il était inutile de s'occuper de lui. « Je sais pas... » répète-t-il d'une petite voix. « Je te dérange déjà en te demandant de venir. En plus, tu vas cuisiner pour moi? »

Un léger rire filtre entre ses lèvres. Yun Hee c'est un peu plus calmé, ce qui est tout de même une excellente nouvelle. La présence de Kain, cette personne qui se préoccupait de sa santé mentale - et dont Yun Hee s'inquiétait tout autant pour lui dans le revers de situation - avait normalement cet effet sur lui. Il renifle un coup, lève les yeux pour fixer le visage de l'autre. « Je ne veux pas être un problème pour toi, Kain. » Il inspire profondément et se force à se décoller doucement de l'autre, respirant lentement pour tenter de se calmer. Normalement, après les moments de lourde anxiété, il tombait un peu dans la négativité et le pessimisme. Il ne savait jamais comment réellement gérer ses sentiments. Personne ne lui avait réellement montré à le faire après tout, après avoir grandit un peu par lui-même. 

outfit ⬩ Kain détestait se montrer vulnérable ; alors il ne peut que comprendre la situation de son vis-à-vis. Malgré tout, une petite voix lui murmurait au fond de lui qu'il avait besoin de cette présence. Le mannequin savait qu'il n'était pas très avenant, voire même plutôt méchant au premier abord ; alors ces excès de gentillesse, pourtant terriblement sincère et bien réels, pouvaient parraître bien déplacés. Kain avait juste peur qu'on abuse de cette tendresse qui le constituait naturellement, alors il le cachait, pour que la plupart des gens ne le voit pas pour qui il est réellement. C'est une autre manière de faire le tri, entre les nombreux stratagèmes qu'il a mit en place pour se protéger lui-même. Yun Hee faisait partie des rares personnes à être passé entre les filets de sa terrible personnalité, pour la majeure partie du temps.

— Si ça me dérangeait, je ne serais pas là, il affirme simplement.

Du moment que Yun Hee n'essaie pas de le tirer vers le bas ou de la faire sentir comme un moins que rien, il n'a aucune raison de se sentir mal à l'aise en sa présence. Son ami rit un peu, mal à l'aise. Il semble que le temps et la présence de Kain finisse par soulager le jeune homme.

— Et si ça me dérangeait, je ne t'aurais pas proposé de cuisiner non plus.

Il esquisse un sourire un peu désolé, parce qu'il sait, au fond, que Yun Hee n'est pas le plus récalcitrant. Kain se met dans des états bien plus terrible quee Yun Hee. Il crie, il pleure, il vomit. Parfois il le frappe sans se rendre compte qu'il n'est pas l'agresseur qu'il voit dans ses flashbacks. Yun Hee doit en savoir bien plus sur son passé grâce à ça que ce Kain lui dit de lui-même. Kain sait bien qu'il a une petite idée de ce qui provoque ses crises.

— Je suis bien plus un problème pour toi que l'inverse.

Et c'était incroyable qu'il ne soit pas déjà parti de sa vie ; qu'il n'ait pas eu peur de tout ce qu'il pouvait cacher, garder secrètement pour lui de peur qu'on refute ce qu'il a vécu. Mais aussi qu'il en ait pas marre du comportement de Kain, de manière générale et sous toutes les coutures. Il avait besoin de bien plus que le soutien et la présence de Yun Hee.

Il laisse son interlocuteur se défaire de son étreinte, reniflant encore.

Il avait besoin d'aide externe.
Il avait besoin d'aide médicale.
Il fallait qu'il voit un psy.
Yun Hee aussi, sûrement.

Mais force est de constater que pour l'instant, aucun des deux n'étaient prêt à passer à cette étape.

Constatant qu'il se sent un peu mieux, il propose à nouveau :

— Allons faire à manger. Je te laisse participer si ça te fait sentir mieux. Ca te va ?

Il était calme Kain, toujours, peut-être que c'était ce qui le rendait aussi apaisant alors que son âme, elle, était aussi tourmentée.

outfit ⬩ Il se décollait doucement de Kain, pas parce qu'il le voulait, mais parce qu'il ne voulait pas devenir un poids de plus en plus lourds pour l'autre. Yun Hee savait que Kain avait ses propres problèmes. Il trouvait plus qu'important d'être là dans les pires moments pour lui, de lui offrir une épaule, de le soutenir et de le réconforter. Il méritait cette aide, cette proximité, et Yun Hee pouvait lui offrir. Mais il n'arrivait pas à accepter que lui méritait quoique ce soit d'autre que ses propres malheurs. Après toute la souffrance causée, c'était la moindre des choses, non? Vivre ces crises, ces malheurs, ces craintes seul. C'est tout ce qu'il méritait. Mais voilà, Kain était toujours là quand il en avait besoin. À lui offrir ce réconfort que lui-même tentait de lui offrir aux moindres difficultés rencontrées.  

La respiration de Yun Hee calmée, il semble capable d'inspirer normalement maintenant. Son corps est encore tremblant, cependant, doucement, alors qu'il se recule pour laisser un peu d'espace à Kain en fixant le sol. Mais le commentaire de l'autre lui fait aussitôt redresser la tête, puis le fixer, l'air attristé par les propos de Kain. « Tu n'es pas un problème pour moi. Et tu n'en seras jamais un, Kain. J-Je... Je ne suis pas la personne la plus affectueuse. Ni la plus gentille. Mais si je suis capable de t'offrir du réconfort, de t'aider ne serait-ce qu'un tout petit peu... Je saurais que j'ai fait quelque chose de bien de ma vie. » Sa voix est tremblante, suivant les mouvements de son corps, mais son ton est sincère. « Ne pense pas que tu es un problème. Tu n'en seras jamais un. Et je... je serais toujours là quand tu en auras besoin. » marmonne-t-il doucement en détournant les yeux. Ce n'était pas le genre de chose que Yun Hee disait facilement, encore moins sans peser ses mots. Ces paroles n'étaient pas choisie à la légère.

À nouveau, Yun Hee inspire profondément pour tenter de se calmer encore d'un cran, puis se remet enfin sur pied, lentement, prenant appuie sur le mur. Il se sentait plutôt épuisé, ce qui était assez rare pour lui qui avait normalement du mal à sentir la fatigue. Une fois stable, il tend la main vers Kain pour l'aider à faire de même. « Okay...Allons cuisiner ensemble. » dit-il en réponse. Autant Kain l'aidait à aller mieux, autant Yun Hee mettrait toujours un point d'honneur à être là pour Kain à se relever quand il en aurait besoin.

outfit ⬩ Le mannequin ne sait pas vraiment ce qui travaillait Yun Hee. Il n'avait jamais demandé, et après tout, il ne voulait lui-même pas parler de son passé. Il était donc naturel qu'il s'abstienne de poser des questions à ce sujet. Pour autant, leurs façons d'aborder leur passé sont très différentes.

Kain n'est pas la personne la plus gentille, bien au contraire. Il faisait du mal aux autres, il les rejettait, parfois de manière justifiée, mais la plupart du temps, on pouvait dire que c'était gratuit. Le mannequin a besoin de cette distance avec les autres, parce qu'en réalité, il souffre terriblement. Sa méchanceté est un mécanisme de défense bien présent dans sa personnalité. Et surtout, il ne veut pas que les autres sachent ce qu'il vit.

Il ne se sent pas coupable, mais il a honte. Il a de la peine pour lui-même, et se demande constamment ce qu'il a fait pour mériter tout ça. Il n'a pas – n'a plus une situation à plaindre, pour autant, il survit plus qu'il ne vit, même en ayant un toit, de la nourriture et assez d'argent pour vivre décemment. Il vit avec des traumatismes qu'il aurait souhaité ne jamais avoir.

La vérité était que peu de gens arrivaient à supporter le mannequin.

— Ne pense pas que je porte l'auréole.

Les mots de Yun Hee sont chaleureux, mais ayant été trahi par sa propre famille, Kain ne sait pas les prendre, ne sait pas les intégrer, et finalement, n'y crois pas réellement. Même s'il le pense sincèrement, les gens changent et finissent par oublier leurs promesses. Il aspire plus aux gestes qu'aux mots. Et ça le gênait un peu, d'être un prétexte pour se dire qu'il aurait fait une bonne action dans sa vie, d'être un prétexte, finalement.

Pour autant, il saisit la main de son vis-à-vis qui l'aide à se relever.

— Tu veux manger quoi ?

outfit ⬩ L'éloquence n'était pas une qualité que possédait le hacker. Ses mots étaient souvent jetés un peu n'importe comment et son discours décousu, perdant rapidement son sens quand il essayait d'expirmer ses pensées. Il avait toujours du mal à mettre en mot ses sentiments, parfois par simple crainte de se faire juger par les gens l'entourant, ou juste parce qu'il n'avait jamais eu l'habitude - et encore moins l'opportunité - de le faire sans que quelqu'un s'empresse aussitôt de le faire taire. Avoir une voix, chez les Nam, était un privilège. Et avec son ex, c'était une impossibilité. Alors lui-même était le premier surpris de ces mots, de ces choses qu'il disait à Kain. Il les pensait, bien sur, ce n'était pas un discours qui c'était fait coomme ça, sans sentiments. Mais justement, c'était des mots si lourd de sens pour lui, qu'il ne s'attendait pas à ce qu'ils quittent ses lèvres d'une telle façon. Mais ce qui le surprend surtout, au fond de lui, c'est que Kain n,ait pas tenté de le faire taire, comme bon nombre avant lui avait fait. Il a un léger sourire en coin. « Ça va, nos cornes nous vont à ravir, de toute façon. » lance-t-il sur un ton plus léger cette fois, signe qu'il était réellement plus calme. Après tout, Yun Hee aimait se définir comme un connard.

Il aide son ami à se relever et, sans complètement lâcher sa main, va vers sa petite cuisine, un air pensif sur le visage. « Hm... Bibimbap? » propose-t-il avant de tourner la tête vers Kain. Il avait décidément beaucoup de chance d'avoir cette personne dans sa vie, et ne croyait pas vraiment qu'il le méritait. Mais il allait au moins en profiter le temps que cette amitié était encore là et que Kain n,avait pas fuit, après se rendre compte que rien de bon ne venait à ceux qui restait dans l'entourage de Yun Hee.

outfit ⬩ Kain n'a jamais eu la prétention de vouloir faire taire qui que ce soit. Déjà, il ne savait que trop bien ce que c'était de ne pas être écouté, et il en avait payé le prix fort. Il avait tout perdu. Il avait même failli le payer de sa vie.

— Des cornes, hein...

Le mannequin ne peut empêcher un sourire en coin de se former. Kain avait plutôt l'impression qu'on lui avait arraché ses ailes, et qu'il peinait à voler, à s'épanouir maintenant qu'il ne les avait plus. Des âmes brisées, voilà ce qu'ils étaient, à essayer vainement de recoller les bouts de même — probablement sans colle, alors ça allait être une tâche longue, difficile, et fastidieuse.

Une fois debout, les deux comparses se dirigent vers la cuisine. Un bibimbap, son ami propose. Le mannequin se dirige alors vers le frigo, l'ouvrant comme s'il était chez lui.

— On a pas de viande, il fait remarquer.

Difficile de faire un bibimbap sans boeuf. Le jeune homme réfléchit, toujours le nez dans le réfrigirateur.

— On peut faire des beignets de courgettes déjà. Tu aimes ?

Il continue à analyser le frigo, tout en tendant la courgette d’une main, l’agitant légèrement.

— On peut faire une omurice avec ce qu’il y a comme légumes. Tu as de la viande au congélateur ?

outfit ⬩ Une fois tous les deux debout, Yun Hee a un profond soupire, comme s'il terminait d'accumuler son courage. Il suit Kain jusqu'à la cuisine, ravit de voir que le monde avait cessé de tourner et de tanguer incontrôlablement. Il se sentait plus calme, enfin, en suivait plus facilement ce que son ami lui disait. Un fin sourire se forme sur ses lèvres alors que l'autre lui demande s'il avait de la viande. « Végétarien. » lance-t-il sur un ton assez amusé. « J'ai une tonne de légume et de tofu. » assure-t-il cependant, pointant à Kain chaque ingrédients.

Yun Hee cuisinait beaucoup, heureusement. Il savait comment apprêter pratiquement n'importe quelle recette qui nécéssitait de la viande en remplaçant la protéine. Un vrai chef. Mais il semble totalement d'accord avec la seconde idée aussi, commencant aussitôt à sortir ce qu'il leur fallait pour cuisiner un vrai festin. Comme s'occuper lui changerait aussi les idées, il s'empresse de prendre les devant et de couper les ingrédients, glissant aussi quelque trucs à Kain pour que ce dernier puisse l'aider. Quoi de plus agréable que de cuisiner avec quelqu'un, en plus? Lui qui avait l'habitude d'être constamment seul, un peu de présence humaine ne pouvait que lui faire du bien. Pendant la préparation, cependant, il devient silencieux pendant quelques minutes. Le genre de chose qui lui arrivait parfois, comme si Yun Hee prenait le temps de réfléchir à ses actions, à ce qui venait de se passer. C'était encore un sentiment étrange d'émerger de ces situations d'angoisses. Et c'était terrifiant de savoir que cela pouvait arriver de nouveau, n'importe quand. « Tu crois qu'un jour on sera capable de vivre normalement? » demande-t-il enfin, d'une toute petite voix.

outfit ⬩ — Ah oui.

Ca lui avait échappé. Non pas parce qu'il avait oublié, mais plus que son esprit était ailleurs. Venir en aide à Yun Hee a aussi un impact sur lui, après tout. Mais à côté de cela, Kain n'est pas plus déphasé que ça. Ca ne le perturbe pas plus que ça que de devoir faire une omurice végétarienne. Il sait s'adapter, depuis le temps qu'il cuisine. Depuis qu'il est livré à lui-même, il a toujours pris le temps de cuisiner, au moins pour se rassurer, se consoler lui-même. Il n'y avait rien de mieux que s'endormir le ventre bien plein après tout.

Ils se mettent rapidement à découper, préparer pour pouvoir ensuite faire cuire et déguster. Kain sort les différents ingrédients, pèse, reparti dans différents recipients. Nécéssairement, ça va beaucoup plus vite à préparer. Les deux compères restent cependant bien silencieux. Jusqu'à que Yun Hee le rompe. Kain s'arrête brutalement. Est-ce qu'il pourra vivre normalement ? Il pense sincèrement à la question.

— Je ne sais pas...

Il marque une pause, avant de continuer :

— J'espère qu'un jour j'irais mieux, mais je pense que je porterais toujours de lourdes séquelles de ce que j'ai vécu...

Vécu qu'il avait toujours tut, de peur de ne pas être pris au sérieux, de peur d'être pris pour un menteur, parce que ce qu'il a vécu, c'est "trop" dans une vie. Donc si c'est trop, ce n'est pas possible. Ne rien dire était une manière de ne voir son ressenti invalidé par autrui, mais c'était également un moyen de faire en sorte que rien de tout cela ne semble réel.

— Je suis trop cassé pour être "normal"...

Le ton est froid envers lui-même, alors qu'il reprend ce qu'il était en train de faire ; c'est-à-dire tremper les rondelles de courgettes dans la panure puis les disposer dans un plat.

Il aurait aimé avoir des parents aimants, des parents qui ne le méprisait pas. Il aurait préféré ne pas savoir ce que cela fait d'être abusé sexuellement à un si jeune âge, se retrouver à la rue du jour au lendemain, être passé à tabac par sa propre famille car il a eu des relations avec une personne du même sexe — bien qu'elles ne fussent pas consenties. Il a bien plus souvent survécu que vécu, Kain. Il ne connait pas le sentiment de sécurité, ni l'amour inconditionnel.