Fin octobre 2021
« Oui, d’accord.... » ailleurs, à des lieux d’ici visiblement, le regard de Bae Min Ji, redevenue Yoon Sena… ou peu importe, s’était accrochée un instant sur le dos de l’homme qui s’éloignait.
Il revenait. Il ferait vite. Tu dois attendre ici.
C’était à peu près tout ce qu’elle avait retenu. Avait-elle besoin d’en retenir davantage ?
Sans doute que non.
Et lui n’avait pas besoin de se presser.
Elle n’avait pas hâte de rentrer à l’intérieur. Elle aurait pu rester des heures dans le parc de cet hôpital, c’était parfait…
Rentrer, ça lui faisait peur… ça faisait un truc bizarre à son coeur et… une sensation de… “pas normal” ?
Elle ne savait pas comment la définir.
Et pour être tout à fait franche, elle ne savait plus grand chose ces derniers temps.

Tu sais que tu ne peux pas rentrer et te faire appeler encore Min Ji.
Tu sais que ta vie d’avant est terminée et qu’il n’est pas question non plus de rentrer à l’hôpital.
Et tu sais qu’il ne viendra jamais finalement.
Est-ce qu’elle le savait vraiment ?
Est-ce que son petit ami avait vraiment disparu de la circulation sans même un mot. Sans un appel. Sans un sms. Sans rien d’autre que le vide….
Comment est-ce qu’elle faisait pour être aussi stupide ?
Du sol, son regard s’était levé vers l’endroit où l’homme qui l’avait tirée de la rue quelques jours plus tôt avait disparu.
Et lui ? Est-ce qu’il va revenir ? Ou est-ce qu’il faudra encore attendre des jours pour rien… ?

Il ne reviendra peut-être pas.
Et elle n’aurait aucune raison de lui en vouloir pour ça. En fait, il avait toutes les raisons du monde de l’abandonner seule sur ce banc… elle, la pauvre fugueuse enceinte qui ne savait même plus trop bien comment elle devait s’appeler.
La pauvre fille qui malgré l’évidence avait cédé à nouveau à sortir son téléphone de sa poche pour tenter d’appeler son “petit ami”.
Avait-on vu plus ridicule que celle qui rechargeait son téléphone à l’hôtel avec l’espoir de voir apparaître un message en le rallumant ?
Avait-on vu plus stupide que celle qui en rajoutait une couche en tentant un appel de plus pour tomber sur un répondeur ?

“Il faut vraiment qu’on se parle. J’ai quelque chose à te dire… c’est important.”
Qu’est-ce qu’elle attendait de ce sms ?
Qu’il le lise, se pointe et qu’elle puisse lui avouer qu’elle portait son enfant dans le ventre ?
Avoir une conversation calme avec lui, qu’il la rassure, qu’ils prennent une décision ensemble et que tout s’arrange ?
Sena, t’es vraiment une pauvre fille
Elle le savait. Et la première larme qui venait de rouler sur sa joue la rendait encore plus pathétique. La seconde qui s’était écrasée sur le sol qu’elle fixait à présent, les mains rivées dans ses poches, son téléphone serrée dans l’une d’entre elle, ne s’était pas sentie seule bien longtemps.
Ce n’était pourtant pas le moment de se laisser aller.
Non, c’était celui pour se secouer et trouver quelque chose à faire sur les ruines qu’il lui restait désormais.

Fin octobre 2021
L’automne était à présent bien entamé hors les températures restaient encore raisonnables, probablement grâce à ce soleil qui illuminait la ville de ses rayons. Un paysage qui avait motivé la psychologue à prendre sa pause à l’extérieur de l’hôpital, souhaitant s’aérer puis quitter quelque peu l’environnement dans lequel elle exerçait. Ô bien sûr, elle adorait son métier, elle ne regrettait jamais la voie qu’elle avait choisi néanmoins ce n’était malheureusement pas facile tous les jours. Il y avait des cas qui s’avéraient plus compliqués, plus douloureux que d’autres et dont elle éprouvait quelques difficultés à gérer ; certains lui rappelaient même sa propre histoire et à chaque fois qu’elle le constatait, elle ne pouvait empêcher son cœur de se compresser. Parce que même si elle était plus heureuse à présent, que sa vie semblait avoir enfin trouvé une stabilité, Da Won n’oubliait pas d’où elle venait ni ce qu’elle avait été contrainte de laisser derrière elle. Sans même le désirer. Sa fille, elle la souhaitait heureuse et ne cessait de prier pour elle, car c’était tout ce qu’elle pouvait pour son enfant. On lui avait assuré qu’elle avait été adoptée et qu’elle était bien mieux là où elle se trouvait, et quand elle regardait en arrière, la jeune femme ne pouvait qu’admettre que Sena était sûrement ailleurs. Oui, désormais, elle était en mesure de lui offrir une belle vie néanmoins c’était loin d’être le cas par le passé donc elle préférait sourire en pensant à elle, avec nostalgie, et ne lui souhaiter que le meilleur. Hors non, cela n’effaçait pas l’amour qu’elle éprouvait pour sa fille, cela n’effaçait pas le manque qu’elle ressentait au creux de son cœur et quand elle croisait des jeunes femmes qui avaient son âge aujourd’hui, elle ne pouvait s’empêcher de se sentir plus investie. Parce que si cela avait été Sena à leur place, elle aurait aimé qu’on prenne soin d’elle et qu’on lui donne toute l’attention dont elle méritait.

Probablement était-ce la raison pour laquelle avait été attiré par cette demoiselle assise sur un banc, à moins que cela ne soit la lueur qu’elle lisait dans ses iris, ce désespoir qui paraissait crier à l’aide. Peut-être était-ce un mélange d’un peu des deux en réalité, l’envie de se rapprocher de cette jeune fille, l’envie de l’aider à adoucir cette détresse qu’elle percevait, l’envie de se sentir utile et de simplement l’écouter. Da Won n’en connaissait pas les véritables raisons elle-même hors, machinalement, ses pas avaient avancé vers la mystérieuse inconnue et sans demander son reste, elle s’était installée à ses côtés dans la plus grande des délicatesses. Dans un premier temps, la psychologue était restée silencieuse, se contentant de perdre son regard sur le paysage autour d’elle, sur les différentes personnes présentes dans ce parc, avant de finalement porter son attention sur la demoiselle à ses côtés. « Qu’est-ce qu’une jeune fille fait là, toute seule ? » L’avait-elle interrogée d’une douce voix, une esquisse rassurante et compatissant bordant chaleureusement ses lèvres. « Tout va bien ? » Même si la concernée lui répondait que, oui, tout allait bien, Da Won n’y croirait pas un seul instant. Puisqu’elle le devinait dans les gestes de sa vis-à-vis, dans les expressions que cette dernière affichait et cette brillance qu’elle lisait dans ses yeux. La jeune fille était perdue, peut-être bien plus encore et c’était le pourquoi elle tenait à rester auprès d’elle, prête à l’écouter, prête à l’épauler.

Elle était stupide. Si stupide.
Comment est-ce qu’elle avait fait pour en arriver là ?
Comment est-ce qu’elle avait fait pour se tromper autant ?
Faire autant de faux pas… et trébucher lamentablement sur la fin de sa route ?
Qu’est-ce qu’il l’avait amené aujourd’hui à se retrouver à l’hôpital avec un homme qu’elle connaissait à peine pour…
… pour faire un truc dont elle n’osait même pas penser le nom à priori.
Ta vie est foutue Sena.
… est-ce qu’elle l’était vraiment ? Est-ce qu’elle avait commis l’erreur de trop ?
Qu’est-ce que tu vas faire maintenant ?
Elle n’en savait rien. Elle était paumée. Et la seule personne qu’elle pouvait blâmer pour ça, elle savait bien que c’était elle.

Lui, ne rappellerait pas.
Ses parents adoptifs… n’étaient pas une option envisageable.
L’orphelinat… c’était terminé pour elle.
Le lycée…
Comment est-ce qu’elle pouvait y retourner ? Comment est-ce qu’elle pouvait espérer terminer ses études ?
Elle avait tout gâché… parce qu’elle n’était qu’une idiote et les mots qui s’imposaient sans doute formaient la phrase bien cruelle “bien fait pour toi !”

Si elle n’avait pas prêté attention aux sons des pas qui se rapprochaient, la silhouette en face du banc lui avait fait prendre conscience d’une présence qu’elle avait rapidement identifié comme n’étant pas celle de l’homme qu’elle attendait sagement.
Sa main s’était empressée d’essuyer ses joues tandis que l’inconnue prenait place près d’elle.
La femme n’avait rien dit, alors elle n’avait rien dit non plus. Un instant, elle s’était sentie soulagée qu’elle l’ignore et son regard s’était bornée à regarder ailleurs pour ne surtout pas la regarder elle.
Et puis la voix s’était fait entendre et sa main s’en était resserrée sur son téléphone par angoisse… ou comme si elle tenait là un objet magique qui dissimulait la honte qu’elle ressentait.

« .... » Parler. Dire un mot ou deux. Maintenant qu’elle avait tourné la tête vers elle, il était évident qu’elle l’avait entendue. Plus évident encore quand l’inconnue ajoutait une question à laquelle elle s’était curieusement empressée de répondre … « ça va. » … un mensonge qui ne serait sans doute que le premier « j’attends quelqu’un. » au moins, ça c’était la vérité. Et comme pour le prouver, son regard s’était tourné vers le sentier sur lequel l’homme avait disparu.
De quoi est-ce qu’elle avait peur ? Cette femme n’avait pas l’air méchante… elle parlait avec une voix douce… une voix aux tons rassurants comme le sourire qui occupait ses lèvres.
Des ennuis. Encore et toujours des ennuis. Elle savait qu’ils arriveraient. C’était les autres qui n’étaient jamais punis de leurs bêtises. Alors qu’elle, clairement, elle n’était pas faite pour le crime.

Fin octobre 2021
Probablement que Da Won dirait qu’il s’agissait d’une déformation professionnelle, que c’était plus fort qu’elle de vouloir apporter un peu d’aide ou une simple oreille attentive à ceux qui l’entouraient, hors dans le fond, elle ne savait pas si c’était réellement cette raison qui l’avait conduite à s’asseoir à côté de cette demoiselle. Elle avait vu ce désespoir dans son regard et elle ne savait pas ce qui l’attirait chez cette jeune fille néanmoins il y avait ce petit quelque chose qui paraissait brisée chez elle. Comme nombreux de ses patients qui venaient la consulter, parce qu’ils avaient besoin d’être entendu, parce qu’ils espéraient peut-être obtenir quelques conseils, parce qu’ils se sentaient seuls et qu’ils n’avaient personne à qui se confier. Il y avait tant de cas et tous étaient uniques en leur genre alors, oui, même si elle ignorait pouvoir être utile à cette inconnue, elle espérait parvenir malgré tout à lui apporter un coup de main, un peu de chaleur dans sa journée visiblement compliquée. Aucun mot n’était sorti des lèvres de la demoiselle, toujours cette lueur perdue que la psychologue discernait et sans jamais trop insister, sans trop la brusquer, cette dernière ne s’était contentée que d’une seule question supplémentaire. Une simple question qui pouvait en sous-entendre beaucoup d’autre, une question dont elle connaissait la réponse car en vérité, ses patients se comportaient toujours de la même façon. Ils répondaient ce « ça va » qui ne correspondait pas à l’expression qu’elle lisait dans leur regard ou à leur attitude qu’elle observait. C’était pareil pour cette jeune fille, même si celle-ci déclarait que ça allait, tout chez elle clamait le contraire, un cri muet qui appelait à l’aide sans réussir à le lâcher à haute voix.

« Je vois. » Avait fini par rétorquer Da Won d’une voix toujours aussi douce, gardant cette tendre esquisse accrochée à son visage. Le plus difficile était bien souvent de lancer une conversation et de faire en sorte que celle-ci ne s’arrête pas trop tôt. « Je peux attendre avec toi ? » Lui avait-elle alors demandé calmement, non pas sans enchérir aussitôt « Je suis en pause pour le travail et je voulais prendre un peu l’air. » Parler d’elle était une façon de briser la glace doucement, de permettre à la demoiselle auprès d’elle de se détendre un peu ; il fallait beaucoup de temps avant de parvenir à apprivoiser quelqu’un et si pour certains, cela était rapide, pour d’autres cela prenait parfois des jours, des mois, voire même plus encore. « Il y a beaucoup de monde à l’hôpital en ce moment, je trouve qu’on est bien dans ce parc, ça permet de se couper un peu de la foule. » Ce qui n’était pas tout à fait faux hors en réalité, des endroits pour se reposer et fuir la population, il y en avait énormément ; si elle s’était installée sur ce banc, c’était avant toute chose parce qu’elle souhaitait offrir un peu de compagnie à une personne seule et sûrement en détresse. Elle ne lui demandait rien toutefois si la jeune fille finissait par en ressentir le besoin, l’envie, Da Won était là.

Attendre avec elle…
Son regard s’était posé sur l’inconnue entre l’étonnement et l’angoisse.
Calme toi Sena, c’est juste une adulte qui veut passer sa pause sur un banc avec quelqu'un
Aucune raison de paniquer. Oui, elle le savait.
Alors quoi ? Elle voulait rester avec ses sombres pensées ? Là… seule sur ce banc… à avoir peur et à se demander de quoi sa vie serait faite demain tout en sachant qu’elle n’aurait rien de très jolie ? Elle était fan du concept de se morfondre toute seule ?
…non…
« Si vous voulez… » une voix timide… hésitante… douce et polie… pour prononcer trois misérables mots avant d’avaler difficilement sa salive comme si ça lui avait pris bien trop de forces….

Elle était ridicule. Sociabiliser, elle savait le faire.
Là, elle n’était juste pas dans l’humeur. Elle ne s’en sentait pas vraiment capable et c’était pour cette raison que la jeune fille craintive sur un banc qu’elle incarnait avait ajouté « Mais je ne suis peut-être pas la meilleure compagnie… » oui, la liste était longue avant elle pour nommer la personne idéale pour égayer une pause…. Pour être plus honnête, elle aurait dû dire à l’inconnue de changer de banc et d’aller respirer ailleurs, c’était pour son bien.

Une inconnue qui devait travailler à l’hôpital.
Au moins, son cerveau marchait encore pour que la supposition vienne se glisser dans ses pensées.
« Vous êtes médecin ? » alors la question n’était pas venue dans le bon ordre. Ce qu’elle aurait dû demander avant de s’excuser pour sa piètre compagnie était sortie comme une réflexion qu’on prononce à haute voix.
La question suivante, elle l’avait gardé pour elle. Elle s’était demandée quand son bienfaiteur allait revenir… et si ça poserait problème qu’elle ne soit pas restée seule… s’il lui dirait que ce n’était pas prudent étant donné l’état de sa vie en ce moment.
Quand on avait des ennuis comme elle, on n’était pas supposé se faire un peu plus discrète ?
La boule dans son ventre, trahison de son angoisse, s’était faite plus pesante et son regard s’était à nouveau porté vers l’horizon comme si elle espérait que son sauveur revienne rapidement pour la guider….
Si elle avait su…. à quel point elle se trompait.

Fin octobre 2021
Da Won ignorait comment elle était censée la rassurer ; la jeune fille à ses côtés paraissait stressée et surprise de sa rétorque et elle, elle ne pouvait s’empêcher de se demander pourquoi. Des patients, la psychologue en voyait des tas, et tous avaient des raisons explicables sur leur comportement seulement jusqu’alors, elle n’était pas devin non plus. Bien sûr qu’elle pouvait tout à fait émettre plusieurs hypothèses cependant elle se permettait d’en faire quand elle en apprenait plus sur la personne et qu’elle parvenait petit à petit à la cerner. Cette demoiselle, elle venait de la rencontrer donc, évidemment que non, elle n’était pas en mesure de deviner quels genres de maux la touchaient actuellement. Mais rien que l’observer lui donnait mal au cœur. Elle aimerait être capable de lui dire que tout irait bien, qu’elle n’avait pas à s’inquiéter cependant elle ne pouvait pas faire de telles réflexions, pas en étant dans l’ignorance la plus totale… En cet instant, elle n’avait aucune idée de comment apporter son aide, alors c’était pour ça qu’elle avait cherché à entamer la conversation en la questionnant. « Merci. » Au moins, la jeune fille n’avait pas dit non et malgré cette lueur qu’elle avait pu lire dans ses prunelles, la demoiselle l’avait laissée emprunter la place d’à côté. « Pourquoi est-ce que tu dis ça ? » Avait naturellement ajouté ensuite Da Won, d’une voix toujours incroyablement douce alors que, malgré elle, elle essayait d’obtenir un semblant d’informations. Il ne s’agissait pas d’une curiosité mal placée mais plus d’une déformation professionnelle ; elle souhaitait simplement pouvoir lui prêter main forte puis assurer son cœur qui paraissait être tant troublé. « Je suis sûre qu’elle m’ira très bien ta compagnie. » En plus, c’était vrai, la psychologue n’était pas compliquée et arrivait à s’adapter à n’importe quelle situation.

Sans trop insister sur le sujet cependant, ne souhaitant pas la brusquer, Da Won avait tourné la conversation sur le parc, en dévoilant indirectement sur qui elle était. Evidemment qu’elle travaillait dans cet hôpital et si elle avait pris la parole au départ, ce n’était non pas pour faire parler d’elle, mais parce qu’elle voulait capter un peu l’attention de sa voisine. Ce qui avait l’air d’avoir fonctionné puisque celle-ci lui avait automatiquement posé une question. « Oui, je suis médecin. » Le sourire aux lèvres, elle avait aussitôt ajouté ensuite « Ca fait un petit moment maintenant. Parfois je vais à l’hôpital, parfois en cabinet. Mais c’est un métier passionnant, on rencontre plein de gens. » A nouveau, Da Won était celle qui faisait toute la discussion hors, c’était toujours une manière d’attirer l’intérêt de sa vis-à-vis « Moi c’est Da Won, enchantée. » S’était-elle alors présentée, espérant par cette rétorque que la jeune fille auprès d’elle en fasse de même. Cela ne serait pas grand-chose mais ça serait déjà un bon début.