pourquoi avait-elle essayé de trouver un autre métier encore ? elle, une pauvre vulgaire petite japonaise sans études, grande éducation, sans réelle politesse, sans compétence encore plus. et qu'est-ce qui n'allait pas chez lui, le propriétaire du salon de thé, d'essayer de lui dire qu'il y avait une possibilité qu'elle soit prise, sans un cv très fourni ou même un cv tout court ? confusion et doute envahissant sa pensée, des questions qui ne cessaient de tourner autour d'elle, sans la moindre réponse. ahmya avait tout essayé, et même plus tôt dans sa vie elle avait tenté d'avoir un métier qui n'était pas dans le milieu de la soirée et tout ce qui pouvait être subjectif. mais à chaque demande, chaque essai, des refus, elle s'y attendait également ici, à un refus évident, et non pas à quelqu'un qui réfléchissait si elle était une bonne employée à suivre ou non ! alors elle avait fui, derrière son dos, bien que toujours dans le même quartier, fuit jusqu'à qu'elle soit hors de sa possible vue, loin du stress que tout ceci mettait sur ses épaules. elle ne comprenait tout simplement pas, pourquoi cela avait probablement marché ? et les idées plus grotesques et sombres vinrent à sa pensée, l'idée qu'il pouvait être comme lui, ou encore celui qu'elle n'osait même pas se rappeler de son image. si ahmya avait bien appris quelque chose après tant de temps, c'était qu'il ne fallait jamais juger une personne aux premiers abords, que sous les airs de douceur et attention pouvait être un prédateur, peu importe son genre également. elle avait vu ceci plus qu'une fois, au travail, ou même dans le passé, yeona, lui qui avait fut une fois gagnée sa confiance. aujourd'hui, tous autant qu'ils étaient, elle leur souhaitait une mort douloureuse.

dos posé contre un mur, ses yeux portés sur son téléphone ancien, elle cherchait à avoir une possibilité de chercher, en incognito, des choses sur ce salon de thé qu'elle ne connaissait pas auparavant, des commentaires sur les lieux, des idées de ce qu'elle pouvait attendre si jamais elle y retournait un jour, si jamais elle prenait son courage entre ses mains et décidait de faire ce qu'elle pensait incapable, travailler dans un métier simple, normal, plus humble que ce qu'elle avait fait auparavant. mais rien, comme si la chose était vraiment bien nouvelle, les commentaires vus étant seulement positifs, mais ahmya ne croyait pas tout ce qu'elle voyait sur ce support du démon, sur internet. une ombre s'approchant doucement de sa personne, la japonaise releva les yeux pour sursauter légèrement, avant de reprendre son manque d'émotion habituel sur son visage. « quoi... qu'est-ce que tu me veux ? » une jeune femme devant elle, qu'elle n'avait jamais vue de sa vie, la japonaise allait toujours rester sur ses gardes. rangeant son portable dans ses poches, le protégeant comme s'il était dernier cri, elle ne faisait confiance à réellement personne sur cette terre.

Nora connaissait bien Serim depuis le temps. C'était quelqu'un d'admirable, d'assez courageux malgré ce qu'il avait vécu. Elle l'avait vu dans ses pires moments avant de le voir se relever, petit à petit. C'était quelqu'un de profondément gentil, qui lui avait tendu lorsqu'elle en avait eu besoin et que son ancien petit boulot ne se passait pas bien. Alors ça ne l'étonnait pas quand Seim avait dit vouloir ajouter du personnel à leurs rangs, qu'elle rencontre Ahmya, ou du moins, l'entreperçoive à quelques reprises, entre deux vents. Après tout, elle n'était pas toujours au salon de thé, étudiant à côté. Serim lui avait bien fait promettre de ne pas négliger ses études.

Mais elle avait fui. Serim n'avait rien dit de tout ça, parce qu'il comprenait peut-être mieux que Nora, d'où elle venait. Nora avait compris, elle, d'une certaine manière, en observant la scène de dehors. Enfin, elle pensait avoir peut-être compris. Alors elle a suivi la jeune femme, en silence, jusqu'à qu'elle s'arrête. La maquilleuse n'avait pas l'intention de se cacher. Elle n'avait pas dans l'idée de faire quoi que ce soit de bizarre après tout.

— Je ne voulais pas t’effrayer, dit-elle. Désolée.

Malgré un interlocutrice agressive, la jeune femme préfère la voie de la douceur. Elle s’approche un peu plus pour s’appuyer elle aussi contre le mur, avant de se laisser glisser contre ce dernier, s’asseyant. Elle ne voulait pas se mettre dans une position de menace.

— Tu ne vois pas qui je suis je suppose. Elle soupire. Je travaille au salon de thé de Serim. On s'est croisée, tu n'as pas du me voir puisque je travaille seulement à mi-temps.

Elle dit cela posément, observant ses ongles qu'elle a refait il y a peu. Nora est toujours hyper apprêtée, parfois presque superficielle, mais elle s'en fiche. Elle fait ce qu'elle aime et c'est tout ce qui lui importe.

— Serim avait l'air contrarié de te voir partir... même s'il n'a rien dit... Ca s'est mal passé ?

Nora relève la tête vers son auditrice, qu'elle regarde plus attentivement, avant de lui sourire doucement.

est-ce que certaines personnes n'avaient donc aucune idée de ce que d'autres détestaient l'idée même d'être sociable ? il fallait le croire en voyant la jeune femme qui venait de se poser devant elle. elle était inconnue aux yeux de la japonaise, une personne venant de nulle part qu'elle n'avait jamais vu, entendu, mais qui essayait de lui parler malgré tout. est-ce qu'elle avait fait quelque chose pour avoir le droit de subir une conversation avec une inconnue ? est-ce que c'était ça le karma dont on lui parlait, celui qui serait toujours de retour pour payer contre les horreurs qu'elle aurait un jour faites ? ou alors ce n'était qu'une personne comme tout le monde essayant de comprendre un sens sur une scène étrange, en l'entendant lui parler, avec le peu d'intérêt qu'ahmya pouvait avoir, c'était ce qu'elle avait pourtant compris. une excuse facilement dite, bien que "effrayer" semblait un peu fort à ses yeux, ce n'était pas quelque chose sur laquelle elle allait blablater. malgré tout, une voix qui ne semblait pas désagréable ou voulant l'embêter volontairement, un nom qui sortit de ses lèvres aida la japonaise à comprendre la situation, et la voilà de nouveau sur ses défenses, le dos bien appuyé contre le mur. un soupir s'échappa de ses lèvres alors qu'elle détourna le regard pour le perdre dans un vide proche, comment elle allait expliquer la raison de sa fuite maintenant ?

« je n'ai jamais été y passer du temps, alors non, je ne t'ai jamais vu avant. » ce n'était pas vraiment un mensonge, son visage ne lui disait rien, et ahmya n'était pas le genre de jeune femme à aller dans un salon de thé pour se détendre. ceci signifiait qu'elle devrait voir du peuple, et donc le danger tout autour d'elle. elle avait connu le salon de thé par curiosité, en voyant cette affiche de recrutement sur la vitrine qui avait disparu en un seul jour, mais elle-même n'avait jamais mis les pieds dans le salon de thé avant aujourd'hui. le fait qu'on vienne pourtant la retrouver alors qu'elle avait fui le plus rapidement possible quand elle pouvait pour comprendre cette fuite, la japonaise ne put s'empêcher de soupirer à nouveau. elle détestait s'expliquer, devoir mettre des mots sur ses actions, car c'était tout simplement avouer une peur, une faiblesse. elle qui avait été si faible pendant tant d'années, elle ne voulait plus avoir à subir ce sentiment à nouveau. « l'affiche n'était plus là... alors j'ai assumé que le poste était pris... même s'il m'a dit le contraire. » elle roula des yeux pour ressortir son portable de sa poche, regardant à nouveau les notes des clients sur le salon de thé sans comprendre pourquoi elle n'arrivait juste pas à se sentir bien à l'idée d'avoir essayé de trouver un métier simple, correct auprès d'un inconnu. « puis j'avais aucune confiance en lui... il est juste... comment on peut accepter la candidature de quelqu'un sans cv, sans preuve, sans rien ? soit il est suspect, soit il lui manque un boulon. » et encore une fois, ahmya n'était jamais très polie avec n'importe quelle personne, en face ou pas d'elle.

Nora n’avait pas l'intention de se montrer intrusive, ou de se mêler de ce qui ne la regardait pas. Elle ne voulait pas non plus forcer la jeune femme à travailler au salon de thé. Mais elle avait tendance à parfois oublier que les gens ne voyaient pas les choses comme elle, un peu malgré elle. Dans tous les cas, elle n'avait aucune mauvaise intention, mais ça... comme le faire comprendre à tout le monde de manière simple et efficace ? Sacré mystère.

La jeune femme n'a pas l'air très ouverte à la conversation, Nora s'en rend bien compte. Pour autant, elle n'est pas du genre à abandonner ainsi sans avoir même essayé.

L'inconnue détourne le regard quand elle mentionne Serim, son ami, avant de confirmer qu'elle ne l'a jamais vu. Nora ne se vexe pas pour autant. Elle n'a pas du faire attention.

Nora étend ses jambes devant elle lentement, fini presque affalée contre le mur, écoute attentivement son interlocutrice dans le plus grand silence.

Puis elle rit sincèrement quand elle énonce la possibilité que Serim ne soit pas tout à fait net. Elle rit un peu trop longtemps peut-être.


— Peut-être qu'il lui manque un boulon, qui sait ? Blague-t-elle en retour.

Elle finit par se calmer, avant de dire.

— C'est surtout quelqu'un de gentil. Il m'a aussi aidée quand j'en avais besoin... même si je ne voulais pas qu'il m'aide.

Elle sourit en se rappelant de leur conversation – même si elle commence un peu à dater maintenant et qu'elle ne se souvient plus de tous les tenants et les aboutissants.

— Tu sais... On te demande pas de nous faire confiance. Un travail c'est simplement un échange de bon procédé. Tu donnes de ton temps pour faire une ou plusieurs tâches, et en échange on te donne de l'argent pour payer ton loyer, ta nourriture, etc...

Elle prend une nouvelle pause, avant d'ajouter :

— Tu peux simplement faire un essai. Si tu n'aimes pas ou que tu ne te sens pas bien au salon, tu peux t'en aller, personne ne t'en voudra pour ça.

Nora se veut rassurante.

est-ce qu'ahmya était réellement d'humeur après avoir filé à l'anglaise ? elle n'aimait pas fuir, elle n'aimait pas se sentir coincée, encore moins aux côtés d'une personne qu'elle ne connaissait pas et dont elle ne se sentait pas en sécurité. ce n'était probablement pas dans les habitudes des deux inconnus qu'elle avait croisé en ce foutu jour de lâcher le morceau, d'accepter qu'ils étaient bizarres et qu'il l'inquiétait plus qu'autre chose, non pas que ceci soit compliqué en réalité. elle écoutait malgré tout, la japonaise, alors que l'inconnue alla rire de sa proposition disant que son ami avait un boulon manquant. certes cela pouvait être pris comme une blague, mais ahmya le pensait réellement, à cent pour-cent, sans le moindre doute, il y avait quelque chose qui n'allait pas avec lui sinon il aurait dit non à partir d'un moment. mais non. il complimentait son franc parlé ? il aimait qu'elle ne mente pas même pour avoir l'air meilleur, chose qu'elle avait cru comprendre marchait extrêmement bien normalement lors des entretiens d'embauche. mais lui ? non, elle avait affiché qu'elle n'avait pas d'étude, pas d'expérience autre que chez elle, et qu'elle ne mangeait même pas ses propres gâteaux... « je n'ai jamais demandé à ce qu'on m'aide. si j'ai un métier c'est parce que je le mérite, pas par pitié. » réponse toute aussi froide, bien que la brune disait toute sa pensée sans se stopper. si elle devait être prise par pitié, parce qu'ils avaient besoin d'une personne en urgence et prenaient tout ce qu'ils pouvaient, ou parce qu'elle avait l'air manipulable, elle préférait partir avant de leur montrer pourquoi elle ne montre pas son cv.

elle comprenait pourtant que la jeune femme devant elle essayait de la rassurer, de lui montrer que ses doutes, bien que juste, n'était pas la vérité, mais en quelques mots, ahmya était sur ses gardes, prête à rebattre chaque commentaire, son portable de nouveau dans sa poche, son regard vint se poser directement sur elle, sans jamais la lâcher des yeux. elle ne se voulait pas dangereuse, ou apparaître comme, mais elle cherchait à comprendre qu'est-ce qu'elle gagnait à tenter de la faire retourner dans ce salon de thé, alors qu'elle aurait pu juste hausser les épaules et chercher quelqu'un d'autres pour le poste. « dans ce cas, si vous savez très bien que je ne vous donnerai jamais ma confiance, pourquoi essayer de me recruter ? pourquoi essayer d'être tout doux, tout gentil, compréhensif alors que pour tout autre personne qui ose essayer de se prouver aux niveaux, vous les virez rapidement ? enfin c'est ce que j'ai compris de ce qu'il m'a dit, vu comment il parlait de celle étant passée avant moi. » elle jouait un peu avec ceci, certes, elle avait très bien compris que la personne avant elle avait l'air tout simplement insupportable, égoïste, égocentrique, narcissique et tout le dossier qui allait avec. mais de là à vouloir tenter une pauvre fille comme elle, qui était à peine présentable par moment... « je suis sûre que vous voudrez quelqu'un qui sait se tenir en public, qui sait accueillir, parler avec les clients, sourire à n'importe qui. et si je ne sais pas faire ça ? » la japonaise tentait tout, essayant réellement de comprendre s'ils étaient un gros danger, ou juste des idiots. pour le moment les deux étaient possibles, l'un était plus agréable que l'autre cependant.

Nora pourrait presque mal le prendre. Parce que ça sous-entendait que Serim l'avait aidée par pitié et pas parce qu'elle méritait qu'on la sorte de cette situation merdique qu'elle vivait à l'époque. Elle savait qu'il n'était pas comme ça et qu'il l'avait fait parce qu'il lui faisait confiance. Ils se connaissaient depuis longtemps et savait comment elle était. S'il avait accepté de recruter cette femme, c'est qu'il avait un bon feeling à son propos.

— Ca ne veut pas autant dire que tu ne le mérites pas. Tout le monde mérite une chance. Et pour ton information, Serim n'est pas du genre à faire les choses uniquement par pitié.

Les sourcils de Nora sont froncés, contrariée, mais elle essaie de ne pas le laisser transparaître. C'est surtout cette froideur constante qui est un peu contrariante. Après elle ne prétend pas comprendre la jeune femme...

— Qui a dit qu'il fallait que tu nous donnes ta confiance ? Ca se mérite, ça. Et dis-moi à quoi ça nous servirait d'être méchant par défaut ? Je sais pas ce que tu crois, mais le monde n'est pas peuplé de connards. Excuse-moi de déduire cela alors qu'on ne se connait pas, mais c'est ce que tu as l'air de croire...


Elle soupire un peu. Avant de renchérir :

— Ca s'apprend. Je suis étudiante et ça ne fait pas moi quelqu'un d'incompétente et incapable d'apprendre. Et la personne précédente n'avait pas envie d'apprendre, c'est ça la différence. Pourquoi garder quelqu'un qui n'a pas envie de faire ça ? Et qui en plus tire le salon vers le bas.

Nouveau soupir.

— On ne te demande pas de venir travailler en étant tirée à quatre épingles... je sais que je suis maquillée comme une voiture volée, mais ça veut pas dire que tu dois faire la même chose... c'est juste parce que j'aime bien... Je sais que Serim a l'air sévère mais c'est pas un tyran non plus.

Elle comprend qu'elle a peur. C'est ce que ses dernières paroles laissent transparaître.

— Après si tu me dis que ça ne te plaît pas vraiment et que tu préférerais faire autre chose, je ne te forcerais pas. Je veux juste m'assurer que tu ne le regretteras pas.

Elle tente un nouveau sourire, plus doux. Parce qu’elle sait pertinemment ce que c’est, d’avoir des regrets. Et elle aimerait sincèrement qu’elle comprenne qu’elle n’est pas son ennemie, même si elle ne lui fait pas confiance tout de suite. Elle avait surtout l’air de ne pas avoir confiance en elle, au fond. Nora ne peut comprendre ; pour elle aussi c’est un combat de tous les jours. Ce n’est pas si simple d’avoir confiance en soi.