Cela fait plusieurs heures que Hyean est adossé à côté de la porte de la chambre d'hôpital de son ami Lei. Il était venu le retrouver chez lui pour qu'il le soigne après une altercation musclée. Cependant, en le voyant arriver chez lui, il comprend rapidement que quelque chose ne va pas. Malgré les propos de son propre ami, l'étudiant préfère contacter l'hôpital pour une admission d'urgence. Surtout qu'en plus, il commençait à perdre connaissance. Après de nombreux examens et de nombreux soins, on a enfin laissé son ami se reposer. Il s'est endormi tout de suite.

On lui a proposé à plusieurs reprises de rentrer chez lui, ou d'aller prendre une pause. Mais il a fait une promesse ; celle de ne pas laisser sa mère rentrer, alors il fera tout pour la tenir.

Être en dehors permet au policier de prendre le temps qui lui faut pour se reposer. De toute façon, il est inconscient pour le moment.

Hyean, assis sur le sol, les jambes recroquevillées contre son torse, regarde le fond d'écran de son téléphone avec insistance. Malgré les années, il a toujours Sieun en fond d'écran. Et malgré les années, il n'y a pas un jour où il arrive à ne pas penser à elle. Le jeune homme n'arrive pas à passer à autre chose, à tirer un trait sur ce qu'elle a représenté à ses yeux, ce qu'elle a réussi à éveiller en lui ; ses émotions. Cet incident lui a rappelé celle qu'il avait un jour aimée. Il aurait pu perdre Lei, aujourd'hui. En tout cas, il en avait eu peur, avec tout ce sang qui sortait de son crâne sans s'arrêter.

Absorbé par le passé et les évènements venant juste de se dérouler, le jeune homme ne remarque pas l'arrivée de sa voisine, qui semble le prendre en flagrant délit, presque caché derrière la chaise, plutôt qu'assis sur ladite chaise.

C'est un nouveau couroux qu'il risque de provoquer là, sans le vouloir, sans s'y attendre.

Les robinets ouverts à l'unisson, le bruit de l'eau qui frappe le lavabo, glisse sur les peaux maculées de vermeil tandis que le tic-tac de l'horloge devient oppressant. Elle a le regard perdu sur le mur blanc, les dextres maltraitées pour en extraire les souillures, elle n'offre aucune attention à celui qui se trouve à ses côtés, lui qui sous son masque impeccable, semble pourtant bouleversé. « C'était du bon travail, malgré tout Docteur Wu. » Elle tourne enfin son visage, arque un sourcil à ses mots. « Il est mort. En quoi cela est du bon travail ? » Elle n'a pas peur des vérités, ni des fatalités d'ailleurs, il la pense atteinte alors que  les pensées ne sont jamais tournées vers les autres, et ça la ferait presque sourire, de savoir qu'on la prend pour une demeurée, mais le moment serait mal choisi. « Ce n'est pas ta faute, le patient était dans un sale état. » Elle reporte son regard sur ses mains qu'elle continue de frotter vigoureusement. Bouleversée, non, frustrée, un peu. « Tu n'as pas besoin de me conforter, je sais ce que j'ai mal fait. Pour ce qui de la vie du patient, c'est regrettable, mais je pense que je tiendrais le choc. » Un sérieux manque d'empathie, dangereux pour un médecin, mais elle ne se mettra pas à prétendre qu'elle s'intéresse à la vie des gens, et sans rien dire de plus, elle ferme le robinet, arrache sa blouse de protection qu'elle jette dans la poubelle avant de s'incliner et de quitter la salle d'opération.

Une pause bien méritée, l'intervention était conséquente, stressante pour tout le monde. Au final, ils n'auront pas réussi à sauver le patient, mais les échecs arrivent, ils sont tristes, et parfois inévitables. Liya parcourt les couloirs, le nez collé à l'écran de son téléphone, elle répond partiellement aux autres blouses blanches, par politesses plus que par intérêt. Le service d'urgence est toujours bondé, elle essaye de se dépêcher afin de sortir de cet endroit trop agité. Son périple la conduit jusqu'aux chambres qu'elle parcourt sans regarder autour. Plus loin, il y a une porte qui mène sur un jardin, c'est là que Liya veut aller, afin de prendre l'air et de respirer.

Son inattention se paye lorsqu'elle entre en collision avec un homme qui se trouvait là. Liya panique, elle redresse enfin les yeux, son téléphone glisse de sa main et s'échoue au sol dans un bruit fracassant. « Pardon, excusez-moi, vous n'êtes pas blessé ? » Demande-t-elle précipitamment, par crainte d'avoir heurté un patient. Lorsqu'elle reconnaît le visage du jeune homme, la soignante est à la fois soulagée et abasourdie. « Na Hyean ? » Une ombre recouvre son visage fatigué, elle soupire, se baisse et ramasse son téléphone, vérifiant qu'il n'est pas cassé avant de le brandir devant son nez. « Tu cherches quoi maintenant, à ce que j'appelle la police ? »

Hyean se retrouve surpris et tiré de ses rêveries quand l'inconnue – il lui semble, se prend les pieds dans ses jambes, qu'il n'avait pourtant pas tant étendue que ça – il lui semble encore. Il fallait croire qu'il a les jambes plus longues qu'il ne l'avait cru. Heureusement pour lui, elle ne tombe pas à terre, en revanche, pour le téléphone, on ne peut pas en dire autant. Le jeune homme prie pour qu'il n'ait rien.

L'étudiant se redresse alors rapidement, perché sur ses deux jambes, n'a pas le temps de faire quoi que ce soit de plus avant de se rendre compte de qui il s'agit. Par réflexe ; il ne sait pas trop lequel, il s'appuie contre la porte de la chambre de Lei, toujours dans l'idée de le protéger de toute intrusion indésirée.

— Non.

Il dit simplement dans un long soupir. Ca recommence. Elle ne va pas le lâcher, maintenant. Puis il détourne le regard de la jeune femme, ne la regarde plus, l'air de dire "je n'ai pas envie de parler avec toi". Il n'a pas envie d'avoir à se justifier pendant de longues minutes, voire même une heure entière, si ce n'est pas plus, à expliquer son point de vue.

Il regarde une dernière fois son fond d'écran, Sieun, avant de le ranger dans la poche de son pantalon. Ce n'est pas comme s'il avait vraiment envie d'être là. Après tout, ces couloirs lui rappellent de nombreux mauvais souvenirs, où il a définitivement dû dire adieu à celle qu'il aimait.

De nombreuses années étaient passées, mais la peine semblait être toujours présente. Beaucoup plus présente qu'il ne veut bien l'admettre.

— Tu peux continuer ta vie, je ne te suis toujours pas, ajoute-t-il, pour l’encourager à partir.

Liya, tout comme la première fois, ne sait pas où situer la vérité. Elle reste plantée là, le téléphone brandit dans une main, l'autre glissée dans la poche de sa blouse, comme si cela allait forcer le garçon à avouer ses torts. Et sans se mouiller plus, Hyean ne la laisse qu'avec un "non", un non qu'elle aurait dû prendre au sérieux, mais qu'elle se contente de prendre pour une justification bancale due à la panique merci d'avoir été de nouveau découvert. Elle l'observe se caler un peu plus contre la porte, patientant calmement qu'il daigne lui donner plus d'informations. Les couloirs paraissent vides, pourtant la circulation est courante, que ce soit les patients ou le personnel, ces couloirs ne sont jamais vraiment déserts. La Chinoise se crispe à l'entente des paroles du jeune homme qui ne semble toujours pas réaliser les accusations qu'elle lui porte. Resserrant sa poigne sur son téléphone, la patience la quitte peu à peu. « Ça, je crois que c'est à moi d'en juger. » Répond-elle, cassante. « Et si tu ne me suis pas, je te prierai de me donner une explication plus claire de pourquoi est-ce que je te croise sur mon lieu de travail alors que tu n'as pas l'air du tout d'être malade ou blessé ? »

Les accusations de Liya ne sont pas pesées, mais encore une fois, la belle se sait observée. Le croiser ici aujourd'hui ne peut pas être une coïncidence, elle refuse d'y croire, car peut-être que cela l'arrange de rejeter les choses sur quelqu'un comme Hyean, qui n'a pas vraiment l'air d'un fou furieux. Ne pas pouvoir mettre de visage sur son stalker n'est pas une chose aisée lorsque l'on est atteint d'anxiété, et Liya a du mal à s'endormir paisiblement la nuit depuis trop longtemps. Hyean ne lui fait pas peur, lui, au moins. « Et puis de toute manière, que tu me suives ou pas, tu ne peux pas rester planter là, tu gênes le personnel et les autres patients. Les infirmiers doivent pouvoir circuler librement entre les chambres. » Une part de vérité, glissée sous beaucoup d'exagération, il ne gêne pas grand monde, mais ça l'irrite de le voir immobile, planté là.

Hyean ne se sent pas inquiété le moins du monde ; il est à l'aise dans ses baskets et avec lui-même. Il estime donc que si la jeune femme a un réel problème avec lui, elle n'a qu'à lui dire clairement les tenants et les aboutissants.

Et il fallait avouer que tomber sur elle à un tel moment n'était pas ce qu'il aurait préféré. Ca ne l'arrangeait pas pour de nombreuses choses, mais en tout cas, il sait qu'il ne doit surtout pas se faire éjecter de l'hôpital, sinon il ne pourra pas surveiller Lei et s'assurer qu'il va bien, tout en empêchant sa mère, qu'il déteste tant, de rentrer dans la pièce pour créer une comotion et déranger le repos du policier. Il avait besoin de calme, et Hyean était assez loyal pour se donner coeur et âme à cette mission, quitte à ne pas manger et ne pas boire pendant une durée indéfinie. Sa loyauté était à vrai dire, assez effrayante. Il n'avait donc que faire de sa voisine.

— Parce qu'on doit forcément être malade ou blessé pour être à l'hôpital ?

Son sourcil s'arque. Le raccourci est facile dans la bouche de la jeune femme, pourtant, elle est loin de la réalité ; et il lui manque l'empathie et la délicatesse d'un bon nombre d'infirmiers et infirmières en ces lieux, ce dont même Hyean arrive à juger. En même temps ce n'est pas difficile quand la personne est aussi hostile à son encontre.

— Ca t'est même pas venu à l'esprit que j'étais peut-être là pour un proche ?

Peut-être que Hyean est en train de perdre quelqu'un de cher à ses yeux, qui sait ? Et on ose lui demander pourquoi il est là ? Et on l'accuse de suivre quelqu'un délibérement, alors qu'il a encore de sang sous les ongles.

— Je ne peux pas bouger d'ici. J'ai fait une promesse. Si un infirmier veut rentrer, je me pousserais sans qu'il a demander quoi que ce soit.

Chaque nouvelle attaque de la part de Liya est magnifiquement parée, renvoyée, à croire que le garçon est assez confiant pour ne pas se sentir un tout petit peu gêné par toute cette histoire. Le médecin a l'impression de s'adresser à un mur de briques, mais elle-même n'est-elle pas aussi un mur finalement ? Incapable de voir la vérité dans les dires de l'autre, incapable d'avouer qu'elle puisse s'être trompée, et elle a toujours tendance à bien trop se méfier, alors que la plupart ne lui veulent pas du mal. Elle a vécu comme un fantôme Liya, toute sa vie, jusqu'à ce qu'une certaine personne décide de se joindre à ses côtés. Maintenant que cette personne n'est plus là, Liya se retrouve à nouveau seule, sans protection, et ça la terrifie, alors elle choisit de se laisser guider par ses angoisses, ce qui en fait une personne très peu fréquentable.

Si elle reste de marbre devant les justifications du gamin, Liya n'est pas sourde, ni idiote, elle réfléchit activement, cherche une faille, mais au final, il a raison, on n'a pas besoin d'être malade pour être dans un hôpital. Elle soupire et baisse son regard. « Je ne comprends juste pas pourquoi tu es planté là comme une plante en pot attendant que le temps passe... » Elle se masse les yeux avec ses doigts avant de redresser un regard fatigué vers son voisin. « Très bien, laisse-moi passer alors. Je ne suis pas infirmière, je suis médecin. » Et il peut probablement déduire ça lui-même de par la blouse blanche qu'elle porte. « C'est qui derrière cette porte ? Un membre de ta famille ? Un ami ? » Et elle devient intrusive, mais elle veut être sûre, elle n'en peut plus.  

Et Hyean reste immobile. Bloque le passage. Refuse de laisser passer la jeune femme malgré tout, malgré ses propos précédents. Hyean a beau ignorer beaucoup de choses vis-à-vis de la société, il a appris de la manière brute. C'est en se brûlant qu'il a compris qu'il ne fallait pas toucher aux flammes.

— Tu n'es pas devant cette chambre en tant que médecin. Ne sois pas hypocrite.

Il regarde la jeune femme droit dans les yeux, l'air grave. L'étudiant en cybersécurité aurait pu se montrer bien plus naïf – car il l'était, les trois quarts du temps. Mais là, c'était différent. Il avait confronté sa voisine assez de fois pour savoir que ses intentions étaient loin d'être innocentes. Sachant qu'elle n'a aucun scrupule à empiéter sur sa vie privée pour satisfaire ses envies.

Elle ne comprend pas pourquoi il reste là. Hyean hausse les épaules. Liya n'a pas besoin de comprendre, ses raisons ne la regardent pas après tout.

— Son médecin a dit qu'il a besoin de repos. Il dort pour le moment. Ne l'importune pas pour satisfaire ton ego.

Il soupire, croise les bras contre son torse avant d'ajouter :

— Que tu m'accuses sans cesse de te stalker ou autre, ça peut encore passer. Que tu piétines ma vie privée pour satisfaire tes envies, c'est déjà très limite. Mais laisse mes proches tranquille. Je n'hésiterais pas à dénoncer ton comportement à tes supérieurs si tu déranges son repos. Tu dépasses les bornes, tu n'es même pas son mèdecin attitré. Pourquoi aurais-tu besoin de le voir maintenant ? Pour te prouver que je ne mens pas peut-être ?

Il reste évasif sur la nature de sa relation avec Lei. Ils sont amis, certes, mais le policier avait indiqué qu'ils étaient plus que ça – une famille. Et le coréano-japonais, ça le perturbe. C'est bizarre de dire aux autres que Lei est son frère, par exemple. Après tout, il n'a jamais vraiment eu de famille. C'est un concept un peu surfait à ses yeux si on peut dire. Hyean finit par ajouter :

— Et puis tu ne m’intéresses même pas, je ne comprends pas pourquoi tu t’évertues à penser que j’en ai après toi alors que j’ai déjà quelqu’un que j’aime.

Le jeune homme s'abstient de préciser que la personne en question est décédée. Après tout, elle n'avait pas besoin de le savoir, ça n'en restait pas moins vrai.

— Je finis par me demander qui harcèle qui...

C'est sans grande surprise que Liya se heurte à un refus de la part du garçon. La porte bloquée, elle hausse un sourcil et redresse son regard vers le jeune homme. « Je te demande pardon ? » Répond-elle, indignée. Elle savait que les choses ne serait pas si simples, mais elle ne pensait pas qu'il oserait lui tenir tête de la sorte. Elle recule, ne cherche pas non plus la violence. Si un patient se trouve effectivement derrière cette porte, elle donnera raison à Hyean. Liya est capricieuse, aigrie et têtue, mais elle n'est pas complétement idiote, elle sait reconnaître ses torts. L'autre n'a vraisemblablement toujours pas saisi le fond du problème, et ça l'irrite énormément Liya, car elle a l'impression d'être impuissante, et elle déteste ne pas avoir le contrôle de la situation, que cela soit à propos de son stalker ou de la non-coopération de son voisin.

« Excuse-moi Hyean, mais pour qui me prends-tu au juste ? Tu penses que je vais débarquer dans sa chambre en hurlant, pour le secouer ? Tu viens me dire, sur mon lieu de travail, ce que je peux ou ne peux pas faire ? Tu as, en plus, le toupet de me menacer ainsi ? Que tu m'empêches d'entrer comme ça ne prouve qu'une seule chose : tu mens, il n'y a personne derrière cette porte et donc tu n'as rien à faire là, que ça soit pour me stalker ou non. Je ne sais pas ce que tu penses accomplir en parlant à mes supérieurs, mais moi, j'ai le pouvoir d'ordonner qu'on te sorte d'ici rapidement, alors je serais toi, si je voulais absolument rester ici, je laisserai le médecin entrer sans faire de caprices. » Elle ne force pas le passage, mais ses yeux lancent des éclairs, Liya est furieuse, elle ne se laissera pas faire de la sorte.

« À qui penses-tu qu'on va donner raison dans cette histoire, l'inconnu qui clame haut et fort qu'un médecin veuille s'introduire dans une chambre, ou le médecin qui dit qu'il est suspicieux sur la présence d'une personne qui ne devrait pas être ici ? Bien évidemment que c'est pour me prouver que tu ne mens pas. J'ai besoin d'une autre raison ? » Elle fait un pas en avant, lève un doigt menaçant vers son voisin. « Dis-moi ce qui me retient, là maintenant, de ne pas ordonner ton expulsion ? Je travaille ici depuis plusieurs années, j'ai une très bonne réputation, alors n'essaye pas de jouer aux petits malins, tu vas perdre. Un coup d'œil, je vérifie que le patient est comme tu le décris, je m'excuse et je te laisse tranquille, promis. » Elle recule, respire un coup afin de faire descendre la pression. « C'est peu cher payé pour avoir la paix. » Et elle aimerait pouvoir en dire autant pour elle.

Elle glisse ses mains dans ses poches et plante une nouvelle fois son regard dans celui du garçon. « Je me fiche royalement de ta vie sentimentale, je ne pense pas que tu comprennes bien la situation. Quelqu'un, toi ou qui sais-je, me suis, et m'observe, pour des raisons que je ne connais pas. Mes soupçons sont actuellement portés sur toi, ce que je te demande, c'est une preuve que tu n'y es pour rien, avant que je me décide à appeler la police. En quoi, c'est compliqué au juste ? » Elle soupire à nouveau. Au fond, Liya sait qu'elle est juste en train de perdre son temps, mais elle veut juste qu'on lui foute la paix, histoire de pouvoir à nouveau dormir sur ses deux oreilles.

Evidemment, la jeune femme est indignée. Et il lui paraît peu probable que Liya se laisse faire sans rien dire. Pour autant, elle recule, et il pense un instant qu'elle va capituler.

— Ecoute, on ne se connaît pas tant que ça, donc quand je subis tes crises de parano parce que selon toi, je te suis constamment, alors que je suis ton voisin de pallier, alors il est normal qu'on se retrouve à faire les mêmes trajets et à aller aux mêmes endroits. Tu m'agresses constamment, et tu me demandes de me justifier dès que j'ai le malheur de croiser ton chemin. Donc excuse-moi douter de ta capacité à offrir du calme à cette personne.

Il soupire.

— Et non, je ne mens pas. Je ne vois pas pourquoi je mentirais dans une situation comme ça. Mentir c'est mal après tout.

Et c'était vrai, en principe, mentir était quelque chose de mal. Les gens le savaient, mais certaines personnes choisissait simplement de l'ignorer et de faire à leur guise. Ce n'est pas le cas de Hyean, qui apprend toujours à vivre en société et qui a parfois la naïveté de croire que personne ne ment.
Hyean se masse soudainement l'arête de son nez, fatigué, dépité. Il aimerait simplement qu'on lui fiche la paix ; il n'a rien demandé après tout.

— A quel moment je pourrais être suspicieux puisque j'ai appelé une ambulance pour cette personne, je suis également monté dans ladite ambulance et je n'ai pas bougé d'ici depuis qu'il lui ont attribué cette chambre. Bien sûr que j'ai le droit d'être ici. D'ailleurs...

Il pivote légèrement, lève le bras pour designer le petit encart près de la porte, indiquant le nom du patient, "Cheng Lei", qui est policier.

— Ca ne te suffit pas de voir le nom pour savoir que la chambre est occupée ?

Hyean se saisit doucement du doigt qui le pointe, le regard noir. Puis il impose le poids de son propre bras pour l'obliger à baisser la sienne. Après tout, ce n'est pas poli de pointer les gens du doigt, non ? Après quoi, il laisse sa main retomber près de son corps mollement.

— Et parce que tu n'es pas en train de me menacer depuis le début ? Parce que si je ne te donnes pas ce que tu veux, tu ne vas pas finir par appeler la police dans tous les cas ? Et parce que si je me justifie, tu vas vraiment t'excuser de m'avoir accusé à tort ? Qui me dit que tu ne recommenceras pas à m'accuser à tout bout de champ ?

L'expression de Hyean ne change même pas lorsqu'elle explique que quelqu'un l'importune ; manque d'empathie cruelle dont l'étudiant fait preuve tout à coup, mais en même temps, difficile de comprendre quelqu'un d'agressif à son endroit. Ca ne l'émeut pas, et il ne se sent même pas désolé pour elle.

— J'essaye simplement de te faire comprendre que tu n'es pas le centre du monde, en tout cas, pas le mien. Et ne t'en fais pas, je ne comptais pas te faire un exposé de ma vie sentimentale. Ca ne te regarde pas. Et je n'y suis pour rien si quelqu'un te suit et t'observe. Tu as juste décidé que c'était moi, sans preuves, mais je dois quand même me justifier.

Agacé, il sort juste son porte-feuille de sa poche, l'ouvre pour en sortir sa carte étudiante, qu'il tend à Liya. Il perd son temps et son énergie pour rien, alors autant y mettre fin rapidement.

— Ca c'est pour l'autre jour.

Son visage se tourne à nouveau vers son porte-feuille, attrape une carte de visite qu'il tend également à la jeune femme. Une carte de la Cyber Task Force – la police de la cybersécurité. Puis il ouvre la porte en grand, laisse apercevoir un Lei en piteux état, la tête bandée, les yeux clos, visiblement endormi.

— C'est bon pour toi maintenant ? Je peux avoir la paix ou c'est trop demandé ?

Le ton n'est pas méprisant, mais visiblement à bout de patience. En fin de compte, il est tout de même obligé de se justifier. Il tend la main, souhaitant récupérer ses affaires, refermant la porte de l'autre.