Tous les éléments étaient présents pour faire de cette histoire d'amour une histoire absolument extraordinaire à raconter plus tard. Un amour dépassant toutes les frontières et inspirant l'admiration de tous.

Cette histoire avait donné naissance à un enfant que l'on appella Hyean, soit lumière tranquille. Ils espéraient avoir un enfant insouciant, solaire qui saurait profiter de tous les petits bonheurs de la vie, et qui ménerait la vie qu'il aurait choisi.

Cet idéal s'est brisé aussi rapidement qu'il s'est construit.

Hyean a été arraché à sa mère. Il ne la plus jamais revue après ça, renvoyée dans son pays d'origine, le Japon, à cause de son père, un père à l'égocentrisme omniprésent. Il avait aimé l'idée de faire du mal à sa mère.

Âgé de trois ans, il se retrouve enfermé dans sa chambre, sans occupations, sans tendresse. Il n'a pas non plus été amené à l'école. Il ne sortait absolument jamais de sa chambre. Il perdra tout lien avec sa mère et sa seconde culture. Son père n'a jamais endossé son rôle de père. Il a simplement voulu garder l'enfant par fierté.  

***

Ca a duré quatre ans. Quatre ans enfermé et malgré les suppliques du petit garçon, rien ne pouvait attirer l'attention de son géniteur.

La lumière s'est vite éteinte pour laisser un enfant des plus calmes.

Ca a duré seulement quatre ans, parce que soudainement on a plus entendu le petit Hyean dans le voisinnage, cet enfant terrible qui passait son temps à pleurer pour un oui ou pour un non, trouvant n'importe quel prétexte pour faire un caprice, selon la présentation que son père en faisait à l'époque.

Les services sociaux visitent alors le père. Ils ne peuvent que constater l'état amorphe du petit garçon, constater qu'il n'y a pas d'affaires d'école, pas de jouets. Rien.

Hyean est immédiatement enlevé à son père. Enfant qui se laisse faire sans rien dire, qui ne se doute pas de ce que l'avenir lui réserve.

Si un premier enfer s'était achevé, c'était un autre qui allait commencer.

***

On lui avait promis de retrouver sa maman, à Hyean. Qu'il pourrait vivre avec elle. Et ils l'avaient fait en partie. Mais sa mère n'avait pas voulu de lui. Elle n'avait pas voulu le reprendre auprès d'elle.

C'est que quatre ans plus tard, elle avait refait sa vie avec un homme japonais. Elle était mère d'un bambin. Et ils n'étaient pas au courant de l'existence de Hyean.

Elle était tout de même venue le voir, avait fait le déplacement de Kyoto jusqu'à Busan pour voir son fils. Quand elle l'a vu, elle a pris peur. Il ressemblait trop à son père. Elle avait été mise au courant de ce qui était arrivé à son fils et elle avait peur qu'il fasse du mal à sa fille.

Alors elle est partie, a renoncé à élever son fils.

Puis l'orphelinat a menti. Ces gens ont promis un enfant merveilleux à cette famille ; calme comme tout, respectueux, qui ne fait pas de bétises et qui a de bon résultats à l'école... Un mensonge plus gros que la taille de ce pays mais les parents tombent malgré tout dans le panneau. Hyean est loin d'être un enfant si facile à vivre. Début de vie traumatisant, il n'est pas normal, et ça, ils s'en rendent compte rapidement, les parents.

L'orphelinat voulaient juste le faire adopter rapidement ; il commençait à être trop vieux et cela réduisait ses chances d'être adopté.

***

Hyean n'a aucune notion du bien et du mal. Il n'a aucune notion lui permettant de juger si oui ou non il fait du mal aux gens.

Les parents sont terrifiés par l'enfant et le délaisse quelques peu. Ils décident de le montrer à un psychiatre afin d'obtenir un diagnostique. Ils ont peur pour leur fille.

Hyean la fait pleurer parfois.

Les différents entretiens avec le psychologue révele le passé traumatique du petit garçon, que les parents apprennent avec effarement.

Il explique que plusieurs pistes sont envisegeable, comme un trouble sur le spectre de l'autisme, mais ne peut pour l'instant pas poser de diagnostique définitif car il ignore si son comportement est d'origine traumatique ou non. Pour autant, les parents décident qu'il n'est pas nécéssaire qu'il consulte davantage et constate avec effroi qu'ils ont bel et bien adopté un sociopathe.

Ils ont peur de le laisser avec leur fille, mais en même temps, celle-ci réclame continuellement la présence de son frère. Finalement, c'est elle qui lui apprendra beaucoup de choses. Elle avait peut-être mieux compris ce qui se passait que les adultes.

***

Le jeune adolescent était le garçon un peu bizarre de la classe, voire même de son lycée : il ne parlait pas beaucoup, il avait une mentalité un peu bizarre, des difficultés avec les relations humaines en général.

Forcément, il avait fini par être la proie de ce qui avait besoin de se défouler sur autrui pour se sentir exister. C'était une proie facile après tout. Alors il prenait des coups, on lui renversait régulièrement du soda ou autre sur son uniforme. Il finissait la journée collant et poisseux. C'était comme ça, tous les jours. Et personne ne faisait rien.

Jusqu'à elle.

Elle s'était levée, avait renversé sa chaise, et avait pris son bol de soupe pour jeter le liquide bouillant au visage de l'opresseur, puis le bruit du bol avait retenti contre le carrelage, alors qu'un silence de mort avait rempli la cafétéria, tous les regards dirigés vers eux, osant à peine murmurer.

Hyean lève le regard, le pose sur la silhouette de l'étudiante. En faisant ça, elle avait perdu la chance de se faire oublier et de passer ses années lycées de manière paisible. 

L'autre s'est retourné, hurlant comme un hystérique sur la jeune femme qui ne bouge pas d'un iota. Elle ne semble pas impressionnée le moins du monde. L'étudiante lui adresse un regard noir.

Hyean n'a pas particulièrement peur de lui non plus ; c'est juste qu'il laisse faire – peut-être par peur de taper plus fort que lui, de peur de blesser, même par légitime défense. L'autre a des mots dégoûtants à l'égard de la jeune femme. L'étudiant ne comprend pas comment on peut dire de telles choses de manière aussi éhontée.

Il se relève et suit les pas de son tortionnaire, avant de tirer sur son col pour s'interposer entre les deux. Rien ne s'est vraiment passé pendant plusieurs secondes, assez longues pour que l'atmosphère devienne pesante.

Il ne posera pas un doigt sur elle. Il ne voulait pas qu'elle se fasse harceler alors qu'elle l'avait aidé.

C'est pourtant ce qu'il s'est passé.

***

Ils ont continué à se faire harceler ; des fois séparement, des fois ensemble. L'oppresseur a rassemblé ses sbires pour s'assurer d'avoir l'ascendant sur les deux. Ils venaient en aide de l'un et de l'autre dès que c'était possible. Ils avaient essayé de se plaindre aux professeurs, mais ceux-ci n'avaient jamais rien fait. Ils n'avaient rien voulu faire. Ils ne voulaient pas salir la réputation de l'établissement. Il en était hors de question.

Hyean et Sieun, l'étudiante qui lui était venue en aide, avait fini par trouver un échappatoire, un endroit où ils pouvaient trouver la paix, un espace qui leur avait permis d'éviter de prendre le chemin emprunté par les étudiants, un chemin trop fréquenté pour qu'il puisse leur arriver quoi que ce soit.

La patinoire.

Le jeune homme avait découvert qu'elle se vouait à une carrière de patineuse professionnelle. Il l'a longtemps observée patiner, avant de la rejoindre sur la glace.

Leurs mains se sont jointes, Hyean a placé toute sa confiance en Sieun pour le déplacer sur la glace sans le faire tomber.

Des rires.
Beaucoup de chutes.
Quelques ecchymoses.
Et la sincère sensation d'être normal.
Hyean va mieux.

Et il le ressent, cette tendresse grandissante à l'égard de la jeune femme.

***

Ca avait été de longues minutes d'humiliation. Hyean avait tenté de se défendre, mais ils avaient compris que Sieun comptait beaucoup plus à ses yeux qu'il ne voulait bien l'admettre. Alors ils le menaçaient de lui faire du mal s'il se défendait. Et il a peur Hyean. Pour elle.

Ils s'étaient dirigés vers le lavabo, en grande partie parce que le jeune homme était couvert de nourriture et qu'il avait encore plein de soda dans les cheveux. Ils étaient déjà poisseux.

Sieun avait déjà des bleus qui commençaient à apparaître au niveau de ses poignets tant ils avaient serré fort.

Elle l'aide à laver ses cheveux, passe ses doigts dedans pour essayer de les décoller, essayant de ne pas trop lui tirer les cheveux, puis les secoue pour évacuer un maximum d'eau pour éviter que ça coule dans sa nuque le temps qu'ils séchent et qu'il finisse par attraper froid.

Hyean se redresse et l'étudiante prend le temps d'essuyer l'eau qu'il y a sur son visage, qui manque de lui tomber dans les yeux.

Puis le temps se suspend un instant.

Sieun s'empare de ses lèvres, sans contexte ni avertissement. Il est surpris, Hyean, pourtant il ne la repousse pas. Au contraire, il la presse doucement mais fermement contre lui tandis que les bras de la jeune femme s'enroule autour de son cou.

Et tout à coup ils sursautent, interrompus par la sonnerie indiquant la fin de la pause déjeuner. Elle se met à rire puis dépose un baiser sur sa joue avant de se hâter dans un des toilettes de vide. Le jeune homme fait la même chose. Ils se hâtent à enfiler leurs joggings et être dans une tenue plus confortable jusqu'à la fin de la journée. Malgré ce qu'il venait de se passer, leur coeur était léger.

***

Hyean a relevé sa main pour l'observer ; une main poisseuse, pourpre. A l'image de tout le sang qui se répandait autour de lui. Comment en étaient-ils arrivé là ? Comment pouvait-on être aussi cruel ?

Sieun avait voulu s'interposer, encore une fois, même s'il a dit qu'il ne voulait pas qu'elle le fasse, qu'il pouvait survivre, qu'il pouvait le supporter, tant qu'elle était là. Et elle s'était blessée pour le protéger. Il aurait dû prendre le coup fatal. Il n'aurait peut-être pu survivre si ça avait été lui.

Il aurait préféré que ça soit lui quand il l'a vu s'effondrer sur le sol. Hyean s'est précipité pour la retenir dans sa chute. Il a vu le couteau, couvert de sang. Celui-ci est tombé sur le sol, le son métallique retentissant.

Tout ça parce qu'ils avaient décidé de mettre fin à ce harcèlement, de ne plus se laisser faire.

Il n’a pas crié Hyean. Il aurait pu, il ne l’a pas fait. Il est resté immobile, celle qu’il aimait dans ses bras, inanimée. Les larmes ont roulé doucement sur ses joues. Hyean est resté silencieux alors que les larmes ont commencé à dévaler ses joues les unes après les autres, toujours de plus en plus nombreuses. Il est confus.

— Tu saignes, il murmure. Ca ne s'arrête pas...

Il observe autour de lui un instant, la serrant toujours contre lui, son dos appuyé confortablement contre son torse, les mains faisait pression sur la blessure pour empêcher le sang de s'échapper davantage.

— Dis... Réveille-toi.

Il la secoue doucement. Sa tête bascule contre son bras où elle prend appui.

Une des amis de Sieun, présente sur la scène, était en train d'apeller à l'aide, téléphone contre son oreille, les ongles coincés entre les dents, nerveuse.

Le temps s'est arrêté pour Hyean, figé dans ce moment alors que tout le monde s'affaire autour de lui, il aide, partiellement, absent mentalement de ce qui était en train de se passer.  

Et elle est morte, tout simplement, sans que le jeune homme ne s'en rende compte. Quand il l'a laissé au secours, c'était déjà trop tard.

Il ne l'a pas supporté, Hyean. C'était trop innacceptable à ses yeux. Il s'est levé, toujours en larmes, mais également rempli de rage, et il s'est dirigé vers son harceleur. La tête pensante de ce groupe ; l'étudiant n'était pas assez idiot pour l'ignorer. Il avait aussi harcelé celle qu'il avait aimé. Il se jette sur lui, lui assène un coup de point sans se préoccuper des conséquences aucune ; sans s'embarasser de la présence de la police, des secours. Il est en colère.

— C'est de ta faute.

Un autre coup de poing.

— Elle est morte à cause de toi et de tes amis.

Il tente de lui en mettre un autre, mais il est retenu.

— Tu aurais dû mourir à sa place !

Il crie, il hurle. Hyean ne s'est jamais montré ainsi, aussi humain, aussi vulnérable que ça, les yeux gonflés et rougis par les larmes.

Le jeune homme est maitrisé jusqu'à qu'il se calme.  On l'amène ensuite à l'hôpital, où ses blessures sont soignées.

Il l'avait aimée, sans aucun doute possible.
Plus que n'importe qui au monde.
Il y tenait peut-être même plus que sa propre vie.

***

Il se tient là, silencieux. 
Il aimerait lui dire quelque chose, mais la seule chose dont il est capable c'est de regarder la plaque de granit portant son nom.

Celui qui a fait ça a été emprisonné pour répondre de ses crimes. Il a été jugé coupable. Tout le monde a témoigné contre lui, y compris ceux qui l'avait aidé à le brimer. Ils avaient échappé au pire en faisant porter le chapeau à d'autres.

Le harcèlement avait cessé depuis, l'histoire avait pris une ampleur beaucoup plus importante depuis que Sieun avait perdu la vie. Il avait fallu que quelqu'un perde la vie pour que l'on s'intéresse enfin à ce qui leur arrivait. Les professeurs qui était au courant de ce qu'il se passait et qui avait volontairement choisi d'ignorer le problème plutôt que de le traiter avait été renvoyés. Le reste du groupe d'oppresseur avait également été renvoyé. Ses parents avaient décidé de le faire changer de lycée directement après l'incident.

C'était donc comme ça que Hyean risquait de finir ? Blessant involontairement les gens autour de lui et  à leur retirer la vie ? Cette éventualité le hantait depuis. Il était terrifié à l'idée de montrer son vrai visage et de se comporter de la sorte.

Alors il était de nouveau incapable de pleurer. Il se l'était interdit. Et pourtant, malgré les années sans la jeune femme, elle semble toujours lui manquer autant.

Il dépose les fleurs près de la pierre délicatement, de manière également à ce que son nom ne soit pas caché pour son cadeau.