▬ LOVE ALARM : OFF

Sortie culturelle qui ne lui plaisait pas plus que cela, sa classe avait été la première a être mise sur la liste. Pourquoi ? Parce qu'en plus d'être professeur d'anglais, il était professeur de littérature anglaise, le Park. Alors oui, ses élèves avaient la chance de pouvoir rater une matinée de cours pour aller au cinéma. Parce qu'il les connaissait, les gamins. Moins ils travaillaient, mieux ils étaient. Des feignasses, même si l'on pouvait dire que les jeunes coréens n'étaient pas les plus inefficaces dans le milieu scolaire. Pour lui, même, ils travaillaient trop, et c'était bien pour cela qu'il ne leur donnait que très peu de devoir pour chez eux. Il les comprenait en soit. Lui aussi avait été élève,  et il ne pouvait qu'essayer de leur faciliter la vie avec sa matière, dans laquelle il privilégiait l'oral et la communication. L'écrit, il en faisait bien évidemment, mais après l'oral. C'était tout aussi important en soi. Mais aujourd'hui, c'était le cinéma qui les attendait. Et avec une classe pas forcément intéressée. Elle regroupait des élèves provenant de plusieurs sections scientifiques, et qui constituaient une grande partie de ses classes. Assez complexe quand on voulait intéresser des scientifiques, même si certains appréciaient particulièrement cela.

Et ils étaient là, en face de lui, attendant plus ou moins silencieusement devant l'école. Son petit groupe d'élèves adorés. C'est qu'il les aimait particulièrement ses petits, même si par moment il pouvait se transformer en petit démon. Et oui, cela peut même arriver au prof' le plus gentil du bahut, ce qu'il était évidemment. Saluant alors les plus jeunes en souriant, il vit une bouille qu'il pouvait reconnaître d'assez loin. Pour le voir dans les rangs avec lui, c'est qu'il avait dû se forcer. Noy. Petit, mignon, mais complètement insupportable. Ah non vraiment, il pouvait l'assurer. Un étudiant en mathématique, qui pourtant bien doué d'après ses professeurs, était partiellement passable en anglais. Matière qui ne l'intéressait pas beaucoup. Pourtant, à chaque fois qu'il le voyait, il avait ce petit amusement à le provoquer depuis le début de leur rencontre. Il espérait juste qu'il n'aille pas se perdre aujourd'hui comme la dernière fois. Le coréen préférait éviter de lui courir après si possible. Alors, sans plus tarder, il se mit en route en entraînant la classe entière, accompagné de deux autres professeurs de littérature. Joie parmi tant d'autres. Observant un peu les alentours de la ville, il ralentit légèrement pour arriver au même niveau que son nouvel élève, avant de le regarder un peu discrètement.

Bien silencieux le plus jeune. Alors sans hésiter, il pencha un peu la tête vers lui, lui souriant un peu. "Bonjour toi. Comment-ça va ?" qu'il demanda banalement comme pour prendre des nouvelles d'un élève juste transféré. Il avait l'habitude de parler à ses élèves comme s'il les connaissait, ce qui pouvait en déranger dans la longue liste de professeur qui s'étalait dans leur établissement. Alors il en profitait, parce que pour lui c'était important de faire attention à ses élèves, même les petits idiots insupportables. Et puis, c'est qu'il les aimait bien sa bande de thaïlandais, puis Noy venait tout juste d'arriver, et il se demandait s'il parvenait à bien s’intégrer. Il était jeune, plus que la moyenne de sa classe, et c'était pour lui une préoccupation en réalité. Alors, dans un coréen simple pour voir ce qu'il avait pu apprendre depuis son arrivée ici, il enchaîna. "Comment ça se passe avec le cours ? Tu t'en sors ?" qu'il demanda alors légèrement, tout content de pouvoir l'embêter lui en particuliers. Il ne savait pas trop pourquoi, peut-être parce que le chercher lui, le plus jeune, l'amusait en un certains sens. S'il avait pu se la jouer plus décontractée avec lui, il l'aurait fait, mais au milieu de tant d'autres personnes, il préférait se retenir un peu. Les manières disaient-on. Se reconcentrant par moment sur le chemin à suivre. Le film qu'ils allaient voir ? Une adaptation d'une pièce anglaise en film, parce que oui, il fallait que cela reste dans le thème de son cours évidemment, sinon cela n'aurait pas été accepté par le directeur sûrement. Enfin, il n'en savait trop rien à vrai dire. C'était un peu au bon désir de ce dernier s'il comprenait bien lui, parce que bon, il n'avait pas vraiment son mot à dire dans tout ça, ni même l’autorisation de faire ce qu'il voulait même s'il en faisait tout de même souvent à sa tête.

D'ailleurs, il les avait prévenu qu'après le film, il devrait lui faire un compte rendu de ce dernier en anglais pour exprimer ce qu'ils en avaient pensé mais aussi connaître un peu leurs opinions. Puis, ça leur permettait d'écrire aussi, et il ne mettrait ce travail qu'en note bonus. Il avait été clair là-dessus, et ne leur cachait pas la manière dont il notait. C'est bien pour cela qu'il ne leur faisait jamais de contrôle surprise à ses élèves, déjà parce que pour lui ça ne servait à rien à part emmerder les élèves, et de deux, parce que ça n'analysait pas vraiment les compétences acquises, juste la maîtrise du stress. Et encore. Alors lui n'était qu'un prof sympa, qui prévenait à l'avance. Observant alors doucement le thaïlandais, il éspérait intérieurement que ça lui plaise quand même un minimum, même s'il ne s'agissait pas d'une de ses plus grandes passions sans doute. Quoi qu'il n'en savait trop rien. Autant ses autres élèves, il les connaissait à peu près au bout d'une presque-année, autant le plus jeune, il avait encore plein de chose à apprendre sur lui, et cela viendrait sûrement avec les mois qui allaient suivre. Des semaines entières pour découvrir son mauvais caractère.

▬ love alarm : on

Heureusement que les téléphones existent. Depuis qu’il était arrivé ici, en plus d’avoir découvert que l’on pouvait avoir internet partout sans avoir à attendre une décennie que sa page charge, Noy avait compris que ce petit boitier numérique le sauvait de l’ennui. Ses neurones avaient toujours besoin d’être en mouvement, de chercher des activités à faire. En Thaïlande, l’ennui l’avait souvent fait souffrir. Toutes ses heures à attendre patiemment, le bus, le cours, son passage pour la salle de bain. Il en avait passé du temps à laisser ses neurones mourir dans son esprit. Certains diront « mais tu te reposes ». Lui, il dit qu’il perd son temps. Il pourrait faire mille et une choses durant tout ce laps de seconds composants la minute puis l’heure, au lieu de simplement se laisser décéder. Il y avait aussi les livres bien sûr. Sauf que, et surtout lorsqu’il était en interna, Noy ne pouvait pas écrire dessus. Et lui, lorsqu’il réfléchissait, qu’il aimait détruire les pages et gribouiller dessus. Le livre qu’il avait emprunté, la dernière fois, était couvert de son écriture. Livre qu’il étudiait toujours d’ailleurs. Forcément, il effacera ses traces une fois qu’il aura terminé. S’il termine un jour.

Mais donc ! Merci les téléphones ! Ainsi, il pourra survivre à la sortie culturelle organisé par son professeur d’anglais. Oh, pas qu’il n’aime pas son prof. En fait, il s’était lancé un petit défi. Comme le faire craquer avant la fin de l’année. Pour le moment, cela semblait plutôt bien marcher. Les petits piques, les petites remarques, le travail moyen qu’il rendait et pourtant, toujours de jolies remarques constructives sur sa copie. Il fallait dire, la première impression avait été complexe et amusante. Après tout, le Park l’avait perdu dans l’université même pas quinze minutes dans la visite des locaux. Avait-on jamais vu un prof pareil ? Mais finalement, cela l’amusait maintenant. Surtout parce que le professeur avait en quelque sorte cerné Noy. Même s’il devait manquer beaucoup de choses au tableau. Lamon était entier, vrai, et les relations sociales avec lui devenaient complexe. Problème de communication ou juste qu’il n’en avait pas envie, il était rapidement devenu une petite souris à éviter. Seul Sorn le supportait encore. Et inversement. Mais l’amitié était réciproque. Ah ! Et quand on parle du prof ! Ce dernier s’était rapproché de lui. Sauf que, bien sûr, Noy avait les yeux vissés sur son téléphone. Il regardait Vice, tentant de voir combien de fois sa cloche avait sonnée. En entendant la voix du professeur, il releva la tête, l’observant en plissant un œil à cause du soleil.

« ขอโทษนะเรารู้จักกันมั้ย » (Excusez-moi, on se connait ?) demanda-t-il en souriant.

Puis il rit, de son rire léger, amusé par le visage de son professeur autant que par ce qu’il venait de dire. Habilement, pour cacher ce qu’il faisait, il éteignit son téléphone, le rangeant dans sa poche avant d’aller serrer les hanses de son gros sac. Pas qu’il est vraiment honte d’utiliser Vice, ni même la Love Alarm. Mais il n’avait pas envie de son professeur d’anglais sache combien de fois une personne qui l’aimait potentiellement s’était retrouvé autour de lui. Noy, en tout cas, était sûr qu’il n’avait jamais fait l’alarme de personne pour le moment. Parce que personne ne l’intéressait. Enfin… Si. Mais justement, il ne voulait pas qu’il voit cela. Lui souriant alors, il rassembla ses quelques connaissances apprises depuis le début de son séjour ici, avant de lui répondre.

« Je… Je vais bien, articula-t-il, un accent un peu pesant transperçant sa voix. C’est… lourd ? lourd. Mais ça va. »

Une épreuve. Il n’y avait pas d’autre mot pour décrire ce qu’il venait de faire. Posant alors une main sur son torse, il poussa un profond soupire. Heureux d’avoir pu sortir quelques mots cohérents et sans faute. Sorn l’avait aidé à apprendre les bases de l’écriture, mais parler avec lui était compliqué. Parce que tous les deux avaient un accent et cela, à l’oreille, rendait tout terriblement difficile. Le plus jeune reprenait difficilement son souffle. Il avait l’impression d’avoir couru un marathon. Alors qu’il n’avait dit que deux petites phrases, niveau école primaire, en coréen. Il aurait pu simuler un évanouissement à cause de cela, mais il avait peur que Monsieur Park n’y voit un vrai accident et se mette à paniquer. Quoi que… Cela pourrait être marrant. Mais il n’osa pas. Tirant légèrement sur les lanières de son sac, Noy fixa un instant ses pieds, se mordillant la lèvre. Il savait que Songki était proche des autres élèves. Alors, si il lui posait la question, peut-être qu’il aura une réponse. Parce que cela lui tournait un peu en tête depuis quelques jours. A vrai dire, il commençait à en avoir un peu assez des remarques. Sur sa taille, son âge ou sa qualification. Après tout, il aurait peut-être dû rester dans son pays de pauvres et de trans. Mais à la place, il lui sourit légèrement de nouveau. Parce que c’était la meilleure chose à faire. Noy n’était plus un gamin quoi qu’en dise les autres. Alors, il ne cédera pas avec ça.

« Pourquoi venir me parler, monsieur ? répliqua-t-il alors. Je vous… fais pitié ? »

Et de nouveau, il ria, se moquant bien d’attirer les regards des autres. Il était bien seul dans le groupe. Silencieux, sur son téléphone, à vivre une vie connectée. Mais tout le monde avait son petit appareil dans la main ou la poche. Sauf peut-être le professeur. Parce qu’il ne l’utilisait quasiment jamais. Quelque chose que Noy avait pu remarquer depuis quelques temps. Son sourire ne quitta pas ses lèvres. Leurs pas continuant toujours de se guider dans les rues, jusqu’au cinéma. Noy savait qu’une fois sur place, il n’aura plus beaucoup de chance de pouvoir parler avec le professeur. Peut-être qu’il pourra même s’échapper, pour ne pas avoir à subir. Après tout, le compte rendu était facultatif et ne comptait pas vraiment. Même si cela pourrait peut-être l’aider à passer cette matière qui battait un peu de l’aile de son côté. Ouais… il verra sur place. Et puis… Peut-être que comme ça, Monsieur Park fera attention à lui. Encore un peu plus.

▬ LOVE ALARM : OFF

Pas à côté du plus jeune de sa bande de gamin, regard un peu amusé en observant autour de lui à ses mots thaïlandais, il ne comprit pas grand chose, ce qu'il lui rappela qu'il devrait sans doute s'y mettre. Après tout, Noy pouvait dire tout et n'importe quoi dans son dos sans même qu'il ne comprenne. Pour un professeur, c'était assez rageant tout de même. Et toujours dans une plus grande interrogation, il le regarda rire, finissant par se frotter un peu la nuque, un peu perdu dans ce qu'il se passait, il soupira. Il l'avait bien vu, ranger son téléphone à son passage. Sans doute n'était-ce qu'un moyen de cacher ce qu'il faisait vraiment, et à vrai dire, il s'en fichait, il ne voulait pas savoir ce que traficotait son étudiant avec son téléphone. Alors il préféra écouter ses nouveaux mots un peu maladroits mais tout aussi sympathiques. Il avait du mal, compréhensible. Pourtant le noiraud trouvait qu'il se débrouillait plutôt bien, et même s'il ne comprenait pas forcément ce qu'il voulait dire littéralement parlant, cela restait tout à fait appréhendable.

"Lourd...? Oh...Je vois....Mais tu te débrouilles très bien tu sais ?" rectifia-t-il en hochant vivement la tête.

Et il était sérieux. Même si cela n'intéressait probablement pas le plus jeune finalement, il pouvait dire que c'était assez important de parler la langue du pays. Ne savait-on jamais, cela ouvrait de réelles portes à tout et n'importe quoi. Le regardant un peu être essoufflé après ce léger effort mental, il se retint de rire, esquissant un simple sourire sans pouvoir s'en empêcher. Alors il marchait, surveillant toujours ses étudiants même s'ils étaient suffisamment grands pour savoir se gérer tout seul. Direction le cinéma, alors qu'il continuait de tenir compagnie au thaïlandais qui allait sans doute le trouver agaçant à force. Mais tant pis, c'était son rôle d'être comme cela. Et surtout son rôle d'emmerder ses petites bouilles. Il pouvait comprendre que cela était sans doute dur de s'intégrer, lui même en ayant aussi fait les frais, alors oui, il s'inquiétait, même si cela pouvait paraître être un geste complètement désintéressé auprès du jeune mathématicien. Et vivement, sans aucune contrainte, il secoua rapidement la tête, la penchant d'ailleurs un peu vers lui.

"N'importe quoi. Je veux juste que tu t'intègres bien avec les autres. ,lui dit-il en le fixant cette fois-ci dans les yeux sans ciller,
Et puis pourquoi je ne viendrais pas te parler hmm ? T'es un de mes élèves, et j'aime communiquer, surtout avec ceux scotchés sur leurs portables." sourit-il un peu.

Une légère pique amusée, pour celui qui ne l'utilisait jamais. Et même s'il l'avait voulu, il n'aurait sans doute réussi à rien n'en tirer. Il fallait le voir pour y croire, sûrement que ses élèves se foutraient se lui si cela venait à s'apprendre, Noy le premier. Après tout il était jeune, il devait s'y connaître en matière de technologie, alors que lui avait l'impression de redécouvrir le monde à chaque fois qu'il osait toucher à son téléphone. Complètement idiot sur ce plan là, et personne qui ne voulait l'aider à s'améliorer. Tant pis. Et alors qu'ils arrivèrent enfin au cinéma, et que lui commença calmement à distribuer les tickets, il sourit doucement à Noy, comme pour le rassurer de sa réponses précédente. Passant de personne en personne, sortant de sa pochette les tickets au fur et à mesure tout en laissant à ses élèves la possibilité d'aller acheter de quoi se nourrir un peu, il les avertit tout de même un peu avant. Le début étant dans un petit quart d'heure, ils ne devaient absolument pas être en retard, et n'avaient pour conséquent que dix bonnes minutes de libres. Et sans trop attendre, il vit tout le monde se disperser, tandis que lui et ses collègues allèrent s'acheter des paquets de popcorn individuels. Un film au cinéma sans ces pépites croustillantes de maïs était selon lui nu sacrilège, même si cela pouvait mener à de bien nombreux conflits. Qu'importe. Alors les minutes passaient, et lui gardait dans son viseur un peu tout le monde, comme pour essayer de faire attention à chacun d'entre eux. Et en y repensant, il trouvait cela assez triste de voir que le plus jeune du groupe doute tout de même de ses attentions. Il n'avait pas pitié de lui, il était vraiment intrigué. Personne ne lui avait encore fait signifier comme cela, ce qu'il avait pu trouver vexant. Mais de toute manière, que cela lui plaise ou non, il essaierait de faire en sorte que ses années ici se passent bien. Car il était comme ça, le professeur d'anglais, un peu trop attentif à ses élèves. Minutes passées qui le ramenèrent un peu à la raison, il finit par légèrement hausser la voix.

"Allez vous installer le film va bientôt commencer !" articula-t-il suffisamment haut et fort pour que tout le monde l'entende.

Et restant alors à la porte de la salle pour inviter les élèves à entrer dans la grande pièce sombre, il en profitait pour vérifier que personne ne manquait. Ne savait-on jamais, un petit malin pouvait avoir décidé de se faire la malle par manque d'intérêt, ce qu'il n’espérait pas il fallait se le dire. Et pourtant dans sa tête, il se sentait étrangement touché par la situation de son nouvel élève, tellement qu'il y pensait sans doute un peu trop. En Corée, il y avait encore pas mal de discrimination, et ne parlons pas des avis néfastes qui pouvaient arriver de n'importer où. Heureusement qu'il existait encore des professeurs corrects et passionnés. Ce qu'il était lui, et cela pouvait se voir. Yeux qui brillaient à chaque fois qu'il exerçait, toujours ravi de pouvoir aider les autres. Sans doute qu'à force, il finissait par s'oublier lui même, à toujours se préoccuper des autres. Et tandis qu'il guettait les visages comme le fruit de son imagination, il avait l'impression que quelqu'un manquait, que quelque chose n'allait pas. Et si seulement il avait su plutôt dans quoi il s'engageait en participant à cette sortie un peu hasardeuse. Soupir acharné, visage blasé, il sentait qu'il allait devoir s'absenter du film.

▬ love alarm : on

Ah ! Ça il avait compris ! Parce que lorsqu’on lui disait de jolies choses, il comprenait. Oui, Noy avait un cerveau très sélectif. Surtout durant les discussions. C’est sans doute pour cela aussi qu’il a du mal avec les relations sociales. Mais donc, sous le coup, ses joues se colorèrent légèrement alors qu’il pinça discrètement des lèvres, hochant la tête, fier de lui. Si Monsieur Park considérait qu’il s’en sortait bien, c’est qu’il devait être bien en quelque sorte. Ses yeux fixés droits devant lui, il continuait de marcher en suivant la troupe. Il ne savait pas pourquoi le professeur d’anglais était venu lui parler. Mais en tout cas, il ne pouvait qu’en être flatter. Tout en évitant de le montrer bien sûr. Noy se disait avoir un cœur de pierre. Mais il s’avérait que la moindre trace d’affection lui faisait un bien fou. C’était peut-être pour ça aussi qu’il crevait de recevoir de l’attention. Il en manquait cruellement. Depuis toujours. Reprenant un sourire, il ne le quitta pas alors que le professeur répondit à sa question au premier degré. Ce qui lui attira un nouveau rire.

« S’intégrer est plus compliqué que ça, monsieur, dit-il en le regardant aussi dans les yeux. Et je ne suis pas le seul élève sur son téléphone. »

Puis il pointa tout un groupe de grands garçons occupés à rire dans un coin, le nez accroché à leur portable. Noy venait de sortir un effort inhumain pour parler coréen, mais il avait réussi sans ciller. Peut-être qu’avec encore un peu plus de travail, il pourra s’en sortir. Certes ce n’était pas la matière qui l’intéressait le plus et il ne lui consacrera pas plus ne temps que cela, mais il devait tout de même avouer que la petite fierté qu’il en ressortait était tout à fait agréable. Ses doigts se serrèrent de nouveau sur les lanières de son sac. Il observa toujours le groupe de jeunes hommes, songeant un instant qu’eux avaient de la chance de pouvoir ainsi s’esclaffer. Les universités thaïlandaises, en plus d’imposer un code vestimentaire qui ne semblait pas de rigueur ici, avaient une politique de la discrétion assez étrange. Les étudiants étaient souvent encouragés à rejoindre des clubs, mais il était extrêmement compliqué de monter le sien. Ils devaient obligatoirement en avoir un, mais ne devait pas non plus trop y consacrer de temps. Malgré tout, il fallait participer aux activités scolaires. En plus de connaître l’hymne et de la chanter tous les jours à la même heure de l’après-midi. En plus de respecter des traditions religieuses. Oui, les jeunes coréens avaient de la chance. Peut-être que leur éducation était rigoureuse. Mais vivre dans un pays démocratique n’était pas comparable.

Son ticket de cinéma dans les mains, Noy observa Songki les distribuer à tout le monde. Et de ce qu’il comprit, il avait du temps de libre. Parfait, il va pouvoir s’échapper de là. Il sentit les regards sur lui, petit être solitaire encore, qui dénotait toujours. Un visage comme le sien, il est si facilement discernable. Se faufilant dans la foule, à l’opposé de là où les professeurs se trouvaient, Noy réussi à se glisser dans les toilettes. Une fois à l’intérieur, il sortie son téléphone, l’allumant pour voir combien de temps il avait à passé ici avant de pouvoir quitter le cinéma sans que personne ne le remarque. Entrant dans une des cabines, il s’assit sur la cuvette, remontant les pieds pour que personne ne puisse le voir. Et tranquillement, il sortie son livre, recommençant son étude, google traduction à porter de main au cas où. Il sait que les minutes sont bientôt passées. Et il peut même entendre que les autres se rassemblent. Mais il ne bouge pas, restant concentré sur son bouquin, notant tout un tas de petites choses dans un carnet annexe, n’ayant plus la place de faire ses calcules sur les bordures de pages. Assis en tailleur sur la porcelaine blanche, il finit par relever la tête lorsqu’il n’entend plus le bruit de la classe dans le hall. Alors, dans un mouvement rapide, mais sachant aussi très bien qu’il a tout son temps maintenant, il range ses affaires, quittant en jetant un coup d’œil d’un côté puis de l’autre sa cabine. Puis, il tente de rejoindre la sortie des toilettes, se permettant tout de même de regarder dans le hall du cinéma. Mais ses yeux s’arrêtent sur une silhouette familière, qui le fait jurer doucement sous son souffle. Monsieur Park est sa putain de grande taille.

Guettant le moindre de ses mouvements, Noy tente tout de même, lorsque le plus grand et plus âgé a le dos tourné, de se faufiler hors des toilettes. Il y a un peu de monde et bénis soit sa petite taille à ce moment-là. Il arrive à se glisser derrière un groupe de personnes, faisant mine d’être sur son téléphone, en se cachant le plus possible de la vue de Monsieur Park. Il se serait cru dans un jeu vidéo à deux balles. Mais lorsque le groupe bouge, Noy est obligé de se remettre en mouvement, attendant une autre opportunité de cachette pour atteindre la sortie. Il finit enfin par, plus ou moins sans utiliser de gens comme bouclier humain, à rejoindre la sortie. Il espère réellement que le regard de son professeur ne soit pas si aiguiser que ça et qu’il ne le repère pas alors qu’il pousse la porte de la sortie. Mais bien sûr, c’est impossible. Bien sûr que oui, il s’est fait repérer. Et bordel, il était à deux doigts de la liberté là. La prochaine fois, il n’hésitera pas avant de fuir directement en arrivant. Ou même, il ne viendra carrément pas. Parce que là, il sentait très clairement qu’il allait souffrir.

▬ LOVE ALARM : OFF

Il allait rater son film, il le savait. Tant pis. Il aurait sans doute dû s'en douter au final. Rien ne se passait comme il voulait. Déjà que cette sortie organisée réjouissait plus les gamins parce qu'ils pouvaient rater des cours, que de pouvoir se cultiver un peu. Une catastrophe en outre. Il fallait dire qu'être professeur d'étudiants qui avaient sans doute son âge n'était pas mince affaire. Devoir gagner leur respect sans pour autant perdre en sévérité, ce n'était pas quelque chose de si facile. Surtout que certains se permettaient des libertés avec lui à cause de son jeune âge. Mais il ne fallait pas s'y prendre au jeu, car malgré tout, il était du genre à leur lancer des craies dessus quand l'un d'entre eux faisait trop de bruit. Un professeur à double facette comme on pourrait si bien le croire. Alors il avait laissez tout ce beau monde se préparer un peu avant la séance. Popcorn, bonbons, boissons, tout et n'importe quoi, du moment qu'ils étaient là dans le quart d'heure qui suivait. Et pourtant, pourtant, il l'avait senti cette arnaque, en comptant chacun d'entre qui étaient rentrés dans cette salle. Parce que rien allait parfaitement bien de toute manière.

Alors qu'un de ces garnements manquaient à l'appel, il observa les bras croisés la pièce remplie de monde, tentant de voir qui avait voulu jouer au petit malin. Et il savait très bien de qu'il s'agissait. Noy. Il allait lui causer des ennuis à n'en faire qu'à sa tête, et cette fois-ci ce n'était pas de faute. Alors, il recherchait son visage devant cette grande porte clause où il ne pouvait plus pénétrer par peur de déranger le film. Regard aiguisé qui naviguait attentivement parmi la foule, il observait attentivement la sortie, du moins jusqu'à y voir quelque chose - ou plutôt quelqu'un - se faufiler entre les groupes comme une petite souris. Et il vadrouillait, entre les gens, jusqu'à rejoindre l'ombre suspecte qui se fit repérée par les déplacement d'un groupe tout entier. Pas qu'il n'était pas assez astucieux, mais surtout que la discrétion ne lui allait pas tant que cela.

"N.o.y. Tu crois aller où là ? Hein ?  " qu'il l'interpella alors d'un coup pour l'arrêter dans ses mouvements.

L'attrapant alors par le col pour sortir du bâtiment avant d'éviter de faire trop d'esclandre à l'intérieur devant tous les gens. Soupir énérvé alors qu'il le relâcha dans un coin tranquille, il croisa les bras et le fixa alors d'un regard noir. Vraiment il n'arrivait pas à comprendre ce qu'il était venu faire là si c'était pour se retrouver à partir en douce par la suite. Il avait l'impression d'avoir affaire à un gamin. Mais c'était sans doute parce qu'il en était un en réalité, et qu'il devait le surveiller encore plus. Il comprenait que de débarquer dans un autre pays ainsi n'était pas la meilleure des choses qu'il soit. Après tout, il n'avait sans doute pas demandé à se retrouver ici le thaïlandais, mais personne ne l'y avait non plus obligé. Et c'était bien là le problème. Passant alors sa main dans ses cheveux noir ébène en tournant un peu sur lui même pour se détendre, il le fixa encore une fois en secouant la tête.

"Je comprends que cette sortie ne t'intéresse pas. Tu n'étais pas obligé de venir si c'était pour sécher. Mes cours ne sont pas à la carte Noy., qu'il lui dit alors en essayant de garder son calme,
C'est quoi le problème hein ? " qu'il finit par lui demander sérieusement, tapant pratiquement du pied au sol.

La question, il se la posait clairement. C'était une histoire de confiance. Cela ne le dérangeait pas, lui, de le laisser filer en réalité, même s'il l'avait sous sa garde et que c'était à lui qu'on s'en prendrait s'il lui arrivait quoi que ce soit. Et c'était bien pour cela qu'il était intervenu. Sans doute était-ce assez étrange de se soucier de ses élèves comme il le faisait, mais au moins il s'assurait du bon suivi de son cours, et quand on le cherchait comme le faisait le plus jeune, on le trouvait. Il ne s'était jamais vraiment énervé contre qui que se soit, lui habituellement était particulièrement calme. Maintenant il était trop tard pour revenir en salle, alors il allait l'obliger à rester avec lui jusque là. Et de toute manière, il ne lui laissait pas le choix. Alors il jaugeait, il voulait voir son excuse, celle qui lui sortirait pour éviter qu'il ne s’énerve contre lui en élevant sa voix. Il fallait le faire tout de même pour que cela n'arrive. Dépasser ses limites, ses bornes. Sans doute que le plus jeune ne se rendait pas trop du problème, sachant qu'il avait voulu sécher son heure si l'on pouvait dire cela ainsi.

"Donne moi une bonne excuse pour que j'évite de m'énerver. Et elle a intérêt à être cohérente." qu'il prononça plus doucement, attendant réellement de l'entendre.

Le noiraud savait pourtant que peu de choses passeraient avec lui. Il avait signé un papier, il fallait qu'il s'y respecte. C'était la seule règle qu'il imposait pour sa part, le respect. Le jeune thaïlandais avait peut-être progressé dans sa matière et celle des autres, mais il devait pas pour autant oublier où il était. Songki l'appréciait plutôt bien, sans doute parce qu'il avait envie de l'embêter à chaque fois, où alors parce qu'il le cherchait aussi de son côté. Dans tous les cas, il n'allait pas se montrer indulgent pour autant. Quoi qu'il en dise.

▬ love alarm : on

Il fallait tout de même avouer que c’était plutôt sexy. Le fait que Songki puisse le soulever sans aucun effort par le col pour le sortir du cinéma, wouah ! C’était vraiment impressionnant ! En même temps, Noy ne pesait quasiment rien. Il n’avait même pas où le temps de répondre à l’interrogation du professeur. D’ailleurs, il l’avait décrypté en décaler. Son cerveau n’était pas encore totalement calibré pour comprendre le coréen dans la seconde et il lui fallait toujours un petit temps d’adaptation. En plus, Monsieur Park l’avait complètement distrait. Ce regard noir de colère, cette main sur ferme sur son vêtement pour l’amener à l’extérieur. Le plus jeune aurait pu en sentir sa peau frémir. Il n’avait pas peur, loin de là. L’autorité n’avait jamais fonctionné sur lui. Que ce soit les coups de règles sur la paume de la main (véridique) ou encore les remontrances dans le bureau du directeur de son école, il avait toujours recommencé. Sortir en cachette pour aller se baigner dans le lac prêt de l’établissement isolé, rejoindre la bibliothèque pour fuir sa chambre afin de ne pas avoir à affronter son camarade, mener la vie dure à ses professeurs de langues. Il savait que la pire chose qui pouvait lui arriver était la mort. D’ici là, de quoi aurait-il peur ? Il savait qu’il pouvait réaliser son rêve, qu’il résoudrait ce problème infernal. Mais pourquoi se sentirait-il coupable de quoique ce soit ? Que pouvait-on réellement lui reprocher ?

Pourtant, il ne lui fallut pas longtemps pour faire monter ses fausses larmes à ses yeux. Se mordant la lèvre inférieure, il regarda le professeur d’anglais avec ses pupilles brillantes d’humidité. Quel bon jeu d’acteur ! On aurait pu y croire tellement il en avait l’habitude ! C’était comme ça qu’il avait réussi à obtenir son voyage ici d’ailleurs. Une petite larme pour un gamin qui voulait plus que tout au monde réussir dans la vie, et le voilà dans un avion pour Busan. Et puis, ils n’auraient jamais pu le refuser. Jamais. Il était le meilleur. Et s’il réussissait, ce serait un nouveau pion dans la sphère internationale pour la Thaïlande, toujours montré du doigt pour les mauvaises choses. Il avait étudié l’histoire de son pays. Il savait qu’ils avaient été surnommés comme « bordel des Etats-Unis » à une certaine époque, tout comme Cuba. Mais alors que Cuba s’en sortait sereinement, la Thaïlande sombrait toujours plus. Lui-même avait été vendu contre une aide de l’état pour aider sa famille à survivre. Qui pourrait ainsi offrir son enfant contre un peu de pain ? Il avait, en réalité, beaucoup de raisons de pleurer. Mais pour rien au monde il ne le fera. Oh, il préfère jouer les acteurs déplorables plutôt que de réellement se morfondre. Essuyant ses joues pour effacer ses larmes simulées qui étaient pourtant bien tombées sur ses pommettes, il inspira doucement avant de répondre :

« J-Je me sentais pas bien, qu’il arriva à articuler, la voix tremblante de ses sanglots. Je-Je pouvais p-pas dire non… Je d-dois être présent à tous les cours. »

Bon, il n’y avait qu’une seule partie de fausse. Oui, Noy se devait d’être toujours en cours, sauf s’il avait une bonne excuse. Soit d’être malade ou d’avoir un autre rendez-vous plus important. Mais autrement, il ne pouvait pas ne pas être là. Par contre, il était totalement bien. Il allait très bien. Il ne voulait juste pas être là, dans une salle de cinéma à regarder un film qui ne comprendrait pas, pour faire un devoir qui ne lui apportera rien du tout. Non, il avait préféré annoter la suite de son livre, pour travailler ensuite dans un café ou quelque part ailleurs. Loin de cette salle sombre, où il aurait dû voir il ne sait pas quoi, avec tel acteur qui mastique la bouche de telle actrice sur la musique de tel compositeur célèbre. Il voulait écrire ses formules et les apprendre, réfléchir sur le sens de cette question, de ces quelques lettres qui remuaient la tête d’un bon nombre de mathématiciens. Noy serra alors la hanse de son sac à dos, les yeux baisser, pour éviter d’avoir à regarder son professeur. Même si, d’un côté, il mourrait d’envie de voir son visage. Cela l’avait toujours amusé, toujours rendu un peu narquois aussi, et totalement excité. Même s’il ne devait pas tout de suite le montrer. Park Songki était devenu sa cible dès le premier jour. Quelque chose d’inavouable. Il risquait beaucoup. Mais comme dit précédemment, il ne craignait que la mort. (Et Sorn, mais ça, c’est parce qu’il sait qu’il est un démon sous un visage d’ange.)

« Désolé. » dit-il enfin, comme un enfant.

Et délicatement, il lui prit doucement la manche entre ses doigts, tirant dessus. Il voulait lui attirer de la pitié. Mais comme il simulait complètement, il s’en moquait. Il voulait provoquer ce sentiment. Le petit être fragile, pleurnichard, qui n’arrivait pas à s’intégrer, subissant sa vie. Il n’en avait absolument pas le profil. Il cachait tout autant son jeu, que son meilleur ami. Il fallait dire qu’ils avaient un potentiel assez intéressant tous les deux. Ils s’étaient bien trouvés. Relevant enfin les yeux vers Songki, il se retint très clairement de sourire, pour ne pas totalement casser tout ce qu’il venait de créer. Il calma l’étincelle dans ses yeux. Il n’était pas du tout désolé, il n’était pas du tout pitoyable. Mais voilà. Cela ne se verra que si l’homme en face de lui a assez de jugeote pour comprendre que Noy n’était pas en détresse et qu’il se jouait complètement de lui.

▬ LOVE ALARM : OFF


Énervé, il l'était, celui qui avait pensé avoir pu avoir un minimum de  confiance à poser sur les belles mirettes d'un gamin étranger. Evidemment qu'en y pensant, sans doute lui avait-il fait confiance trop vite, car il était à surveiller les étudiants étrangers, et que malgré tout ce qu'il pouvait dire, il lui fallait un minimum d'assurance pour pouvoir les gérer. Mais celui là était un vrai cas qui avait juste dépassé les bornes, parce qu'il avait sans doute beaucoup trop espéré, comme à son habitude. Alors il l'avait agrippé pour le sortir dehors, pour pouvoir s'exprimer tranquillement et dans un coin sans avoir à ne gérer les regards sur eux. Sans avoir à se retenir. Parce qu'il avait beau être sympathique le coréen, il avait tout de même son caractère, que le thaïlandais allait sans doute remarquer juste à l'instant en l'ayant autant énervé. Car il avait beau avoir l'air d'être le professeur le plus adorable au monde, il avait des limites qu'il ne fallait pas dépasser. Un papier signé, c'est ce qu'il lui avait donné, et il n'avait qu'à s'en prendre pour lui même s'il n'avait pas voulu venir ici. Alors il observa ce gamin qui semblait paré à effectuer son jeu d'acteur, qui semblait des plus déterminés à lui sentir son grand jeu d'acteur. Lui, ne comptait que le fixait, de ces yeux blasés alors qu'il soupirait d'avance.

Regard fixé sur lui et ces fausses larmes qu'il reconnaîtrait entre des milliers, il ne put s'empêcher de pencher un peu la tête en la secouant. Car il savait ce que cela faisait, de réellement pleurer, et ce n'était pas ces larmes de crocodiles qui allaient l’appâter ainsi. Si au moins son jeu de comédie était assez bon pour le duper, mais il l'avait bien cerné, le petit thaïlandais. Si ce n'était pas des maths, rien ne l'intéressait, et il avait bien compris que sa matière en faisait partie. C'était bien pour cela qu'il le surveillait autant, et en particuliers parce qu'il était encore assez jeune par rapport à tous les autres. Lui, les larmes, il ne pouvait que les connaître, et là, ce n'était que des illusions pour lui donner envie d'avoir pitié. Ce qui ne lui arrivait que rarement, mais le plus jeune ne le savait sûrement pas. Alors il le regardait s'amuser devant lui, avant de simplement lui répondre sur un ton plus froid.

"Te sentir pas bien hmm ? Comme c'est dommage. On devrait peut-être t'emmener aux urgences alors qu'en penses-tu ? qu'il commença alors sous un faux air compréhensif, Ou alors peut-être que je devrais demander à ce qu'on prévienne le directeur que l'un de mes élèves veut se faire la malle de mon cours ?" qu'il soupira encore une fois.

Il était désespéré, et cela se voyait sûrement, car le gamin devait savoir qu'avec sa bourse il ne pouvait tout simplement pas se permettre de rater les cours, et en particuliers les siens. Surtout que lui appréciait faire cours, et qu'il n'était sans doute pas le pire de ses professeurs. Oui, il jugeait ses autres collègues, mais il fallait dire que certains étaient assez désagréables. Sans doute était-il l'un des rares à être aussi chill et appréciable, et Noy devrait s'en réjouir en réalité d'être tombé sur lui. Mais pour autant, il parvenait à l'irriter, et c'était bien rare. Levant la tête dans les airs en préférant ignorer ses excuses ridicules et qui sonnaient si faux. Doigts qui s'accrocha à sa manche comme pour accentuer la chose, comme s'il ne paraissait pas assez ridicule. Non pas que le plus vieux n'avait pas de cœur, il n'était juste pas dupe, et savait très bien différencier la réalité des mensonges qu'on lui offrait. Manque d'attention qu'il essayait de combler en le cherchant, il avait au moins réussi à le faire s'intéresser un minimum à lui. Geste de la main qu'il dégagea assez rapidement, il laissa sa mâchoire claquer légèrement avant de se reprendre pour se calmer.

"On va remettre les choses au clair Noy. Je suis ton prof, pas ton pote. Alors tes excuses tu te les gardes pour eux hmm ? C'est peut-être une matinée plus tranquille que d'habitude mais elle fait partie de ton contrat, et tu es obligé d'y assister. Sinon je serais obligé de noter ce genre d'incidents et crois moi ce n'est pas ce que nous voulons." qu'il lui dit alors clairement et strictement.

Il n'était pas ce genre de personne qui allait le balancer, ni même faire celui qui était des plus chiant, mais il se devait de le lui rappeler, ces limites entre eux. Peut-être que cela amusait le plus jeune d'essayer de se jouer de lui en jouant avec le feu. Ce qu'il faisait, il l'avait bien compris, il le cherchait, et en permanence. Le noiraud ne savait pas vraiment ce qu'il voulait en faisant cela, en essayant d'attirer son attention, mais lui, ne comptait pas rentrer dans cette tournante là, il ne voulait tout simplement pas de dérive hors des cadres. Et même s'il avait beau être un imbécile mignon, lui, savait rester à sa place. Pourtant, il ne voulait pas non plus avoir à devenir plus stricte qu'il ne l’était, alors que ce n'était pas son genre, et s'il devait pousser un peu plus Noy aux extrêmes, et bien il ne se retiendrait pas.

"Pour la peine je te donnerais un devoir supplémentaire et obligatoire. Et vu que tu as gâché ma séance je vais rester à te surveiller. Et ne pense même pas à partir ou bouger.", qu'il insista plus particulièrement avant de soupirer. "Je me demande vraiment pourquoi t'es comme ça à chaque fois hein ? Y'a qu'avec moi que t'essaie de faire ton malin ?"

Question posée comme une suppliante, alors qu'il se demandait déjà ce qu'il allait lui sortir la prochaine fois. Un peu effrayé, il ne le cachait pas, car il ne comptait pas lui courir après à chaque fois qu'il essayait de fuir loin ou d'attirer son attention. Même si en réalité il savait qu'il n'allait pas abandonner un élève comme ça, et que s'il fallait le remettre dans le droit chemin il le ferait. C'était son rôle en quelque sorte, ce qu'il devait faire, et il n'hésiterait pas à venir lui saisir de nouveau saisir col pour pouvoir le gérer. Car oui, il était compliqué celui là, beaucoup trop, mais il n'était pas du genre à laisser tomber, et encore moins succomber aux charme d'un gamin têtu et insupportable.

▬ love alarm : on

Pour la première fois depuis un moment maintenant, Noy se sentie comme une petite sourie coincée dans un coin de mur. Son jeu d’acteur n’avait pas marché, et pire encore, le professeur avait de la répartie. Ses larmes se séchèrent d’elles-mêmes, arrêtant de dévaler ses joues au moment où il comprit qu’il était foutu. Bon… Il lui fallait un autre plan. Parce que certes, il n’avait rien d’autre à perdre que la vie. Mais niquer son année pour une séance de cinéma ratée, cela lui restait un peu au travers de la gorge. Oh, il pourrait tout de même aller pleurer auprès d’autres personnes et arrivait à ses fins. Mais c’était fatiguant, cela allait lui demander de l’énergie et du temps, et il ne voulait clairement pas les dépenser dans quelque chose autre que les mathématiques. Les mots avaient été soufflés de lui, comme s’il ne pouvait pas répondre sans finir par totalement tout faire foirer. Même s’il était déjà bien enfoncer dans cette histoire. Ici, ce n’était pas lui qui avait la position dominante. Mais bien le professeur. Il pouvait le faire plonger avec un mot à la direction et personne ne se fera prier pour le renvoyer dans son pays. Ses pupilles étaient redevenues sèches, mais elles étaient tout de même loin de supplier Songki de l’épargner. Cela faisait longtemps qu’il avait perdu sa dignité avec un professeur, alors cela ne lui faisait pas peur de jouer avec les braises. Il le laissa parler. Il savait qu’il était celui en faute, mais son esprit d’adolescent qui a toujours eu raison, lui soufflait de lui répondre et de le provoquer encore plus. Comme une colère sourde et passagère. Il n’aimait pas être pris ainsi, capturer entre les mains de quelqu’un comme d’un objet que l’on pouvait jeter. Il en avait déjà assez fait les frais.

Gardant le silence, il soutint son regard tout du long. Comme un effronté. Mais il n’était rien d’autre que cela. Si son jeu d’acteur ne lui avait pas plu, alors il sera lui-même et cela allait sans doute être encore plus explosif. Si monsieur le professeur avait aussi bien percé son jeu et l’avait sortie de ses gongs, c’est qu’il voulait avoir à faire avec le vrai Noy. Celui qui n’avait pas honte d’insulter ou même de provoquer. Même si ce n’était jamais la bonne manière de régler les situations délicates. Noy est un surdoué. Mais il ne connait rien de la vie à part ce qu’on lui a montré. Et la violence semble être souvent beaucoup plus simple que la diplomatie. Essuyant rageusement ses joues pour éliminer complètement la fausse tristesse pitoyable si facilement découverte, il se rapprocha de Songki, la tête levée vers lui. Bordel, pourquoi fallait-il qu’il soit si grand ? Ne pouvait-il pas être dans la moyenne sérieusement ?! Ce n’est pas la taille qui compte, on le sait. Mais là, c’était un minuscule jeune étudiant face à un très grand professeur et il fallait s’avouer que Noy était très clairement très mal placé pour jouer les caïds. Or… Il s’agit de Noy. Si on ne se met pas en danger, la vie n’a plus aucun amusement.

« Je vais le faire votre devoir à la con, mais je ne retourne surement pas dans ce cinéma et je ne reste surement pas avec vous. (Etrangement, lorsqu’il ne réfléchissait pas, son anglais passait très bien.) Ne vous croyez pas si important, Monsieur. Je ne suis pas comme ça qu’avec vous. »

Alors, mettons les choses au clair : si, il l’était. Mais il n’allait pas faire croire à Songki qu’il avait une place particulière attitrée dans son cœur avec marquer « à faire chier » dessus. Donc, il fallait bien mentir un petit peu sur les bords. Mais en soit, Noy n’était pas particulièrement appréciable dans les autres cours. Il était obligé de suivre des cours d’histoire de la Corée du Sud et il passait son temps sur son téléphone à parler sur le groupe des étudiants thaï à l’étranger. Ses notes étaient dans la moyenne pourtant, et cela lui permettait de passer son année sans trop de problème. Mais en même temps, n’était-ce pas hyper mégalo de faire apprendre aux étudiants étrangers l’histoire de la Corée du Sud ? Noy savait qu’il y avait des étudiants étrangers dans son université à Bangkok et il était sûr qu’aucun d’eux n’avait suivi de cours historique si ce n’était pas dans leur cursus. Enfin bref. S’écartant alors du professeur, il ne le quitta pas des yeux. Son cœur pleurait de voir à quel point Songki était beau comme ça, et son cerveau lui indiquait que ce serait peut-être encore plus provocateur de l’embrasser là, comme ça. Mais bien sûr, ses pensées s’évanouir lorsqu’il claqua de la langue pour les faire fuir. En plus de mépriser un peu plus l’homme en face de lui de la même manière.

« Allez donc retrouver vos si chers élèves, vous devez déjà leur manquer ! »

Pourquoi est-ce qu’il venait de dire ça ? Sa propre phrase l’avait surpris. Mais il ne le montra pas. Parce que s’il le faisait une vérité lui frapperait le visage et il n’avait aucune envie d’y faire face. Il voulait s’amuser de lui, le faire tourner en bourrique, parce qu’il trouvait cela marrant qu’un homme aussi grand puisse avoir la vie dure avec un petit énergumène comme lui. Tournant alors des talons, il rejoignit rapidement l’autre côté de la rue. Il préférait disparaître et revenir à la fin pour rentrer avec tout le monde plutôt que de retourner et entrer dans le cinéma après tout le monde. Songki lui avait dit qu’il ne devait pas songer à bouger. Pourtant, il était réellement en train de partir. Il savait pertinemment que le professeur n’allait pas le laisser vagabonder ainsi et encore pire, qu’il allait sans doute le récupérer par la peau du cou (ou des fesses) pour ramener son cul dans la salle de visionnage. Peut-être que Songki avait jeté son dévolu sur la mauvaise personne. Il avait bien essayé d’être gentil avec lui, mais Noy n’était pas une personne avec laquelle on était gentil justement. Il ne connaissait pas cela et avait horreur de croire que cette douceur pouvait être de la pitié. Il ne savait même pas où est-ce qu’il pourrait aller et il allait surement se perdre tout seul, mais qu’en avait-il à faire ? Quelque chose d’étrange lui grimpait entre les côtes et il détestait cette sensation. Etait-ce de la colère ? De la frustration ? Un peu des deux ? Dans tous les cas, il savait que c’était toxique. Et que s’il ne voulait pas cracher des pétales noirs de ses sentiments, il se devait de les étouffer avant même qu’ils ne prennent de l’ampleur.

▬ LOVE ALARM : OFF


Regard effronté qui affrontait le sien comme s'il ne savait pas rester à sa place, c'était bien cela qui l'énervait, celui qui allait encore devoir hausser la voix contre un gamin qui ne voulait tout simplement qu'en faire à sa tête. Car il avait percer son petit jeu qui avec lui ne prenait pas. Ô non, lui n'était pas du genre à s'apitoyer sur ceux qui voulaient jouer la comédie, car il ne savait que trop bien ce que cela faisait, d'intimider les autres, d'essayer de faire comme si tout n'était qu'un film de fiction. Alors cela ne prendrait jamais avec lui, bien qu'il soit gentil avec tout le monde. Mais Noy avait ce talent de réussir à l'énerver, de réussir à le mettre hors de lui. Il ne comprenait pas pourquoi il voulait que cela se finisse ainsi, mais il avait réussi, et si c'était ce qu'il voulait pendant tout le restant de l'année, alors il avait gagné. C'était donnant-donnant, et en ce moment même il voulait juste lui en mettre une. Yeux qui roulèrent sous sa remarque condescendante, alors qu'il ne lui avait de toute manière pas demandé de choisir. C'était une obligation, et s'il pensait pouvoir s'éclipser comme cela, même pas en rêve. Le ramener de force, il le ferait s'il le fallait, car cela en restait de ses responsabilités. Baissant les yeux sur son visage insupportable, il le fixait, de ses commissures légèrement tremblantes d'énervement.

"De toute manière gamin je te laissais pas le choix. Et tu vas me parler autrement parce que ça va mal se passer autrement.", qu'il commença en avançant un peu vers lui de sa grande taille,
"Oh et ne t'en fais pas. Je ne crois rien. Je vois juste que t'es un petit con qui essaie de te la jouer à la grande. Sauf que t'as pas le choix. T'es dans mon cours, t'as signé pour ça, alors tu vas suivre ce que je t'ai dit. C'est pas à la carte Noy."

Il se laissait un peu emporter, mais on ne lui en tiendrait pas rigueur, car si les politesses étaient de mises et qu'il ne voulait pas les lui comprendre, alors il deviendrait plus autoritaire encore sur le seul môme qui avait osé lui tenir tête. Il savait qu'il ne pouvait pas plaire à tout le monde, même si la plupart de ses étudiants l'appréciaient plus fortement. Alors il reviendrait aux bases. Il reviendrait aux échanges normaux. Ceux qui le faisaient passer pour le méchant de l'histoire. Enfin il l'avait toujours été, en réalité, que ce soit quand il était plus jeune, dans cette famille tyrannique, ou alors dans les yeux de ces collègues qui pour la plupart dans leurs pensées ne le voyaient pas comme l'un des leurs. Alors il voulait tout simplement pouvoir s'affirmer parmi tout ce monde, et pourtant être un ange avec ses élèves. Car c'était sans doute ce qu'il aurait voulu avoir. Alors son regard s'était planté dans celui plus rageux du jeune homme, comme pour essayer de le faire rester à sa place. Mais au lieu de cela, il s'était retrouvé avec le pire des étrangers de tous, celui qui, de ses commentaires déplacés laissait entrouvrir des choses mêmes impensables.

"Hein ? Tu crois que c'est ce qui compte là de suite ? Non mais grâce à toi je peux plus retourner dans la salle, alors je vais devoir rester là avec toi, que tu le veuilles ou non. Puisque apparemment tu sembles en manque d'attention on va y remédier.", commentaire lancé comme si de rien était alors qu'il soupira encore plus sous son caractère idiot.

Cette phrase, il ne l'avait pas vraiment comprise. Était-ce une crise de jalousie complètement ridicule alors qu'en ce moment même il avait réussi à l'énerver à un point où on ne le voyait presque jamais ? Ou alors était-ce juste cette envie de le mettre encore plus hors de lui pour tout simplement le faire garder ses yeux sur lui ? Dans les deux cas, il avait tout gagné, et lui perdait son temps à devoir gérer un gamin qui lui sortait par les yeux. Après tout c'était ces étranges sensations qu'il lui provoquait et qui réussissait à faire ressortir une autre de ses facettes. Le voyant alors se retourner pour s'en aller de devant lui contre ce qu'il lui avait recommandé avec plus ou moins de politesse, il lâcha un soupir de désolation avant de venir en grandes enjambées le suivre, pour tout simplement venir attraper son bras plus vigoureusement et l'emmener dans un coin. S'il avait réussi à lui gâcher son film, il lui gâcherait sa journée. Et pour cela il le suivrait jusqu'à pouvoir encore l'emmerder.

"Si tu penses vraiment que je vais te laisser te barrer alors que t'es sous ma garde tu peux toujours rêver. Ta crise d'adolescent à deux balles tu te la gardes pour les autres mais avec moi ça va pas le faire. Tu veux de l'attention ? Très bien. Tu l'as. Tu peux être content.", qu'il prononça alors plus énervé encore sans lui adresser un regard.

Paume qui s'était refermé sur ce pauvre poignet bien fin alors qu'il le tirait calmement dans un coin, juste sur un banc quelconque où il pourrait guetter la fin du film. Message envoyé au second surveillant qui l'accompagnait, il le força à s'asseoir là sans plus bouger, venant déposer son sac et ses affaires juste à côté. Main libre qui passa dans ses cheveux noirs alors que son regard se faisait plus sévère encore, il n'en revenait toujours pas, et s'il tentait de nouveau de s'enfuir, il deviendrait sans doute plus agressif encore même si e n'était clairement pas son genre. Et il ne pouvait plus que l'observer, ce gamin si ridicule au point de le mettre dans tous ses états. Pourtant il aurait voulu que tout se passe en tranquillité, que rien ne laisse prédire des catastrophes aussi incomprises, aussi énervantes. Car c'était ce qu'il se passait, et lui, ne voulait tout simplement pas l'avoir en grippe pendant des mois entiers. N'arrivant tout simplement pas à le lâcher des yeux, il s'agenouilla devant lui juste pour pouvoir croiser son regard, visage fermé alors qu'il secouait la tête désespérément.

"Qu'est-ce que tu cherches avec tout ça ? A te faire renvoyer ? Tous les profs seront pas comme moi Noy. Ils te laisseront pas d'autres chances. Alors à quoi tu joues hein ? Tu veux tout foutres en l'air simplement parce que t'as envie de gueuler sur tout le monde ou que tu m'apprécies pas ? Ca marche pas comme ça la vie." qu'il lui dit alors calmement, avant de venir lui ébouriffer calmement les cheveux dans un geste rapide. "Tu veux que j'arrête de te considérer comme un gamin qu'on doit surveiller ? Alors montre moi que je peux te faire un minimum confiance comme les autres et arrête d'agir comme un gamin qui pense qu'à soi."

Il ne savait pas trop ce qu'il voulait, mais Songki avait une capacité à redescendre de ses colères plus rapidement que ne pourrait le penser le plus jeune. Sans doute parce qu'il restait l'un de ses élèves, mais cela ne changeait en rien le fait qu'il était l'un des rares à l'avoir vu s'énerver. En réalité, malgré son jeune âge, il ne le voyait pas comme un enfant. Loin de là. Car il avait le droit comme tout le monde d'avoir des rêves, ou bien d'être respecté. Alors oui il le cherchait un peu, mais c'était plus affectueux qu'autre chose, et il fallait voir derrière ses haussements de voix de l'inquiétude, et rien d'autre que cela. Veiller sur ses élèves et sur les têtes de nœuds comme celui qu'il avait en face des yeux.

"Bon. Maintenant que t'as gâché deux heures entières. Tu veux faire quoi à part m'énerver et piquer des crises de nerfs hmm ?" qu'il lui demanda alors sans réellement réfléchir.

Sans doute ne voulait-il pas simplement rester assis sur un banc à le fixer des blancs des yeux pour le surveiller. Lui, ça ne le tentait pas en tout cas, et il était hors de question d'interrompre la séance pour y retourner. Alors il resterait là à tout simplement devoir le supporter. Son boulot quoi. Puis il ne pouvait pas être jaloux des autres alors qu'il allait se coltiner son professeur d'anglais pendant deux heures. Si ce n'était pas la joie. Puis même s'il ne l'appréciait pas, il n'avait qu'à s'en vouloir qu'à lui même, car maintenant, ses yeux étaient complètement posés sur lui. Et seulement lui.

▬ love alarm : on

C’était traitre. C’était comme s’il savait qu’il pouvait avoir une prise plus forte sur lui en le surplombant ainsi de toute sa taille. Le visage levé vers lui, sans bouger, ne voulant pas lui donner le plaisir de reculer, Noy défiait son regard qui relevait le sien. La tension entre eux était palpable. Le plus jeune ressentait sur sa peau les prémices de quelque chose qu’il n’avait pas ressenti depuis un moment. Un souvenir lointain qui n’avait duré qu’une nuit à cette époque. Les souvenirs étaient flous, surtout qu’il s’était réveillé tellement mal qu’il n’avait pas pu assister à sa rentrée. Sauf que cette fois-ci, avec son professeur, c’était quelque chose de beaucoup plus sinueux. Quelque chose de fougueux mais à l’intérieur d’eux. Noy serra les dents en l’entendant. Il savait pertinemment qu’un tout petit plus et Songki faisait tomber son masque de professeur et lui donnait la gifle de sa vie. Mais à ce moment-là, Noy sera le vainqueur. Dans tous les cas, il l’était. Sauf si monsieur Park arrivait à retourner la situation à son propre avantage. A ce moment-là, Noy sera sans doute la plus grosse blague de l’année. Ne perdant pas son courage, malgré la pointe de peur qui commençait à naître dans le creux de ses côtes, il avait réussi à répliquer. Pour se faire quasiment immédiatement remballer. Si c’était obligatoire, il serait, par définition, dans l’obligation de le faire. Sauf que l’envie n’était clairement pas là. Et puis franchement, à quoi s’attendait-il ? Le plus jeune n’allait jamais rendre un devoir en plus pour une sortie comme celle-là. Même si cela mettait en danger son semestre à cause d’une tâche noire sur son bulletin, il s’en fichait bien. Son but était d’étudier assez les maths pour pouvoir atteindre un niveau lui permettant de publier ses recherches. Et il lui fallait trouver quelqu’un de confiance pour l’aider à les rédiger. Mais, il n’y était pas encore. Cela se verra en temps voulu.

Se mettant alors à imiter la voix du professeur en chuchotant, mimant avec un visage grave et sérieux l’air furieux de ce dernier, le fameux « petit con » poussa un « mpfff » peu discret. Bien sûr qu’il allait le faire son travail. Franchement. Il ne préférait même pas répondre, tellement c’était stupide. Cela n’avait réellement aucun intérêt. Par contre, la suite du monologue heurta Noy de plein fouet. Lui ? En manque d’attention ? Complètement. Il n’avait pas ses amis avec lui, même si Sorn s’incrustait dans sa vie et lui donnait du baume au cœur. Il n’arrivait pas à s’inclure dans la masse, il ne parlait quasiment pas à ses voisins et le seul qui venait le voir était le mec qui voulait absolument lui montrer ses talents en thaï, parce qu’apparemment, il est le seul à qui il peut en parler. Comme quoi, la culture thaïlandaise reste étrangement mal vue ici. Et là, Songki relevait ce fait ? Comme s’il ne lui avait pas dit quelques minutes plutôt, lorsqu’ils marchaient côte à côte pour venir au cinéma. Noy est esseulé. Sorn a d’autres histoires et ils ne peuvent pas toujours se voir, en plus de ne pas être dans la même filière et année. Non, vraiment, il ne doit pas comprendre ce que cela fait d’être aussi seul, autant moralement que physiquement. Après tout, qui pouvait se venter de s’être fait vendre enfant contre un revenu mensuel ? Qui pouvait se venter d’avoir cherché son identité entre les mains d’un homme qui ne voulait que son corps ? Oh, peu de monde… Alors oui, il s’était soudainement écarté de Songki, partant pour éviter de trop monter en pression. Ou pour étouffer ses sentiments fleurissant salement dans son cœur.

Mais lorsque son bras fut attrapé furieusement et qu’il fut emmené plus loin par l’homme, il ne dit absolument rien. Un peu comme s’il avait voulu, au fond de lui, qu’il le rattrape pour l’empêcher d’aller faire une bêtise. Qu’aurait-il pu faire ? Se perdre, rencontrer des gens mal intentionnés ? Ou pire encore ? Savait-on jamais… Il s’agit d’un petit jeune homme de dix-huit ans encore un peu naïf et totalement insupportable. Tout pouvait arriver en réalité. Suivant donc son professeur, un léger sourire se forma sur son visage alors qu’il lui disait avoir toute son attention. Néanmoins, lorsqu’ils arrivèrent au banc, son visage redevint inexpressif, quasiment ennuyé d’être là. C’est vrai, il pouvait faire tout autre chose non ? Comme travailler dans un joli café et apprendre à démonter complètement son professeur de mathématique qui commençait à lui taper sur le système à le traiter comme un gamin de primaire sous développer en lui faisant réciter mollement les formules de calcul des complexes. Noy allait lui faire bouffer sa tablette électronique un jour, sans aucune blague. Il en était complètement capable. Son cœur rata un battement en voyant monsieur Park s’agenouiller devant lui. Sa voix n’avait rien à voir avec tout à l’heure. Elle en était même tendre. Quelque chose qui résonna en Noy comme un mauvais souvenir.

« Comme si ce n’était pas me voir comme un gamin de m’ébouriffer les cheveux, fut tout ce qu’il pu lui répondre, contenant comme il pouvait les vibrations malsaines qui grimpaient dans son être. Je ne cherche rien du tout, je veux juste faire ce que j’aime. »

Il était sérieux. Il voulait juste faire ce qui lui plaisait, apprendre ce qui lui tenait à cœur et non ce qu’on l’obligeait à travailler. Pour lui, la faculté représentait une échappatoire à des années d’internat de cours forcés. Mais finalement, il se retrouvait toujours coincé dans les mêmes histoires. « Il faut s’ouvrir » qu’on lui avait dit « ne pas rester cantonné à tes idées ». Mais lui, il était très bien dans sa bulle. Il se sentait très bien lorsqu’il travaillait pour lui-même. Pourquoi avoir besoin de découvrir plus qu’on ne connait déjà alors qu’on possède un endroit pour soi dans sa tête qui nous protège de la souffrance ? Il aurait aimé pouvoir lui répondre, lui dire à quel point il n’aimait pas être pris pour un idiot, qu’il agissait ainsi pour ne pas avoir mal, que même s’il se faisait menacé, rien ne le toucherait plus que de lui dire qu’on l’a abandonné. Oh non, rien ne fait plus mal que de savoir qu’il ne vaut en réalité pas mieux que quelques billets. La soudaine proposition de son professeur lui fit relever la tête. Il avait soudainement l’air plus intéressé, son visage illuminé par la perceptive de ne pas seulement rester sans rien faire à regarder un film. Mais, il savait que la simple idée de faire des maths ne plairait pas forcément au monsieur. Alors, il songea à tout autre chose.

« Allons-nous balader ! s’exclama-t-il en se relevant soudainement. J’ai envie de visiter ! On peut aller voir la mer aussi ! »

Sur ses mots, il se saisit franchement du bras de son supérieur, l’entraînant alors sans même lui demander la permission. Vu qu’il ne voulait pas le laisser tout seul, il allait bien devoir supporter les sautes d’humeur de l’adolescent qui se trouvait à ses côtés. C’était bien fait ! Nah ! Avec entrain, il le tira avec lui dans les rues, se préparant pour de nouvelles aventures. Comme se perdre dans un parc, ou alors trouver un café bibliothèque sympathique. Eviter à tout prix les animaux et surtout les chats errants qui foutaient une frousse sans pareil à Noy. Non, en fait, ce n’est pas qu’il en a peur. Mais c’est que les animaux ne l’aiment pas. Et c’est réciproque. Ils pourraient aussi aller au bord de la plage et observer le soleil se reflétait sur l’eau, aller un peu détendre leurs pieds sur la plage. Oh que oui, la journée pouvait encore être rayonnante ! Même si l’élève et le professeur étaient coincé l’un avec l’autre pour encore deux heures. Busan est une ville romantique non ?

▬ LOVE ALARM : OFF

Vérité qu'il avait énoncé, qu'il avait affecté complètement à celui qui semblait être en pleine crise. Sans doute ne savait-il pas vraiment comment gérer cela, comment faire en sorte de faire redescendre  la pression du plus jeune qui semblait s'énerver facilement pour rien. Non pas que lui n'arriverait pas à le recadrer, mais s'énerver n'était pas son truc. La dernière fois qu'il avait dû le faire, et bien il ne s'en souvenait plus, et ce n'était sans doute pas envers l'un de ses élèves. De toute manière, personne n'avait jamais osé essayer le défier et élever la voix contre lui, sauf ce gamin qui l'insupportait. Et étrangement, cela lui provoquait un sentiment de satisfaction, car il était content que le plus jeune ait son caractère, mais beaucoup moins qu'il foute sa vie en l'air par un comportement aussi puéril. Peut-être qu'il ne comprendrait pas pourquoi il l'obligeait à faire cela dans son cursus, et pour la plupart de ses camarades, eux étaient contents de ne pas avoir à travailler autant dans une journée. Alors il ne comprenait pas forcément ce qui pouvait l'agacer autant au point de vouloir risquer sa bourse. Peut-être était-ce aussi parce qu'il y tenait à ce qu'il soit un minimum rigoureux dans leurs apprentissages même s'ils s'amusaient par moment en classe. Cela ne faisait pas tout, et pour lui le travail personnel était bien plus important.

Alors quand il l'attrapa pour venir le faire se poser sur un banc un peu au hasard, faisant comme s'il savait ce qu'il faisait, il comprenait parfaitement à quoi jouait le plus petit, de son caractère beaucoup trop énervant. Et c'était sans doute pour cela qu'il y pensait beaucoup au gamin, alors qu'il n'en était plus un malgré son âge. Pour le chercher un peu sans doute, ou tout simplement le faire réagir, qu'il se comportait ainsi. Petit jeu auquel il se prenait parfaitement, comme pour s'échapper un peu tout en faisant attention. Car il n'était pas du genre à s'attacher à ceux qui lui cherchaient des problèmes. Soit le thaïlandais en avait après lui, soit il cherchait à attirer son attention. Sans doute préférait-il la seconde option, le noiraud, car il n'avait pas vraiment envie de devoir faire attention à ce qu'il faisait, et encore moins avec des gens qui avaient en majorité presque son âge. Alors imitation qu'il avait fait avant de se retrouver là, air qu'il se donnait comme pour se montrer fort, ça ne marchait jamais avec lui. Il n'était pas prof pour rien après tout. Puis le voir bouder comme un enfant que l'on avait puni injustement, alors qu'il en avait toutes les raisons du monde. Paroles qui le fit lâcher un léger sourire alors qu'il avait abandonné la colère derrière lui, sans pour autant ne pas se méfier de cette petite souris qui était capable du pire.

"Comme si bouder comme tu le fais allait me prouver le contraire hmm ?", parce que lui ne demandait que cela de pouvoir le traiter comme un jeune homme à part entière,  
"Faire ce que tu veux hmm ? Alors que tu t'engages dans des choses ? Grandir c'est aussi faire des choses qu'on aime pas hmm ? Dont participer à mes cours et voir ma sale tête. Alors va falloir t'y faire si tu veux remonter dans mon estime et que je te vois autrement que comme un gamin compris ?" qu'il articula vaguement en lui faisant un léger sourire qui pourtant se voulait un peu plus joueur.

Le chercher un peu, le titiller, comme cette envie de lui lancer un défi qu'il ne comprenait sans doute pas. Celui de lui montrer qu'il n'était pas seulement ce qu'il lui montrait. Et peut-être qu'ainsi parviendrait-il à comprendre qu'il était tout aussi important de respecter ses engagements pris. Car lui, ce n'était pas son genre d'abandonner ses élèves, même les plus plus insupportables. Puis, c'était en quelque sorte son rôle. Rôle de professeur auquel il tenait et auquel il comptait s'adonner complètement. Car c'était lui, et il se frapperait les mains s'il n'arrivait pas à faire quelque chose de correcte avec cet étudiant qu'il avait en face de lui. Pourtant il sembla s'éclairer sous la simple évocation de bouger de là comme pour s'occuper un peu. Et sans doute n'avaient-ils que cela à faire en réalité.  Mais pour autant il ne fallait pas que le plus jeune ne prenne cela pour une sortie de bon gré. Juste de la coopération, simple affaire non ? Alors réaction sans doute un peu amusante pour lui sous ses yeux, il pencha doucement la tête en un discret rire avant de se relever et de soupirer un peu.

"Et bien tu changes vite d'avis hmm ? Tu te crois en vacances Noy ? Non mais franchement...Une visite... J'ai que ça a faire moi ?" qu'il tenta de prononcer avant de se faire tirer d'un coup sans comprendre.

Bras empoigné, yeux qui roulèrent alors qu'il essaya de le suivre. Car si c'était le seul moyen de le garder sous les yeux alors il ne pouvait pas faire autrement que de se laisser emporter avec celui qui pensait avoir raison sur tout. Ils avaient deux heures devant eux. Deux heures complètes, où ils pourraient faire quelques marches et découvertes même si lui n'en était pas particulièrement friand. Le fixant alors lui et son dos, il l'obligea à ralentir un peu en plissant doucement des yeux, le détaillant calmement avant de rire plus franchement.

"T'es vraiment incroyable...! Insupportable !, qu'il plaisanta vaguement, avant de se laisser un peu guider, Je te préviens. C'est moi qui dit quand on revient à la classe compris ? Alors tu veux visiter quoi en particuliers hein ?" qu'il le questionna, car tout cela s'imposait après tout.

Peut-être ne connaissait-il pas le quartier, mais il ne voyait pas ce qu'il y avait à voir de son côté. Alors il chercherait quelque chose à lui montrer, lui, de ses yeux pourtant inconnus. Un parc ? Une statue ? La mer ? Ils pouvaient y faire un détour, mais le plus jeune allait devoir lui démontrer ses centres d'intérêts autres que les maths. Venant alors plier son bras au creux du coude du plus petit, comme pour le garder sous les yeux, il le tira un peu avec lui sans trop savoir où aller, se laissant aller un peu dans les méandres incompréhensibles de ces lieux ancestraux. Car l'histoire était passée par là, elle, elle ne les avait pas attendu. Et pourtant ils se portaient ici à arpenter les rues comme un couple un peu étrange. M'enfin il espérait que cela ne se passerait pas ainsi, car bon, il s'agissait d'un idiot et de son élève, et que son envie de recevoir les regards d'une personne - lui - ne fasse chavirer les choses. Lui ne tombait pas, lui, ne faisait qu'essayer d'égayer la vie des autres.

"Donc. Pour aujourd'hui les cours c'est mort. Alors qu'est-ce qui te tente le plus ? De faire quelques magasins ? Nourriture ? Plage ? On peut finir par la plage si tu veux. Elle est belle ici. Y'a pas mal de petites boutiques aussi si tu veux où tu pourras regarder un peu de tout." qu'il commença un peu plus gaiement, avant de reprendre en souriant plus franchement, "T'as déjà visité des trucs depuis que t'es arrivé ? Autant faire des trucs que t'as pas encore fait. Puis t'avais l'air tenté par la mer." qu'il proposa alors en le guidant calmement sans lâcher son bras.

Touchers des plus légers, qui pour lui ne signifiaient pas grand chose, même si sans doute n'avait-il jamais été aussi proche de l'un de ses élèves au point de sécher une séance de cinéma pour ne pas gâcher celle de toute une classe. Ou était-ce plutôt pour surveiller celui qui semblait pouvoir se perdre en une fraction de seconde sans qu'on ne puisse le rattraper ? Aider les gens, il le voulait, mais au point de se laisser emporter, il n'en avait aucune idée. Pourtant tout était déjà en route, et bien qu'il le trouvait insupportablement attachant, il ne devait pas se laisser aller aux caprices d'un gamin qui semblait avoir posé son dévolu sur lui. Et à peine avaient-ils commencé à marcher, à peine avaient-ils commencer à découvrir les rues, que la mer déjà en vue l'appelait; celui qui n'y était allé que très peu de fois, trop peu de fois. Envie de sentir le sable sous ses pieds, de courir comme pour rattraper le temps, comme pour faire passer ces heures où il était forcé de surveiller l'un de ses petits étudiants. Ô oui, lui voulait pouvoir arrêter de se préoccuper des choses futiles, pour finalement se laisser emporter par les choses les plus éphémères de la vie. Car tout était d'une tranquillité beaucoup trop présente là-bas, car la douceur du sel sur leurs peaux basanées ne pouvait faire qu'imploser des sentiments beaucoup trop délicats.

"On y est.", faible murmure prononcé comme des poésies, aux délicates myriades des Zéphyrs qui eux, appréciaient ces présences beaucoup trop futile, de celui qui allait devoir veiller à ce que l'autre ne s'égare pas, quitte à se perdre lui même.

▬ love alarm : on

« Cela ne servirait à rien. Tu me verras toujours comme un gosse. » songea-t-il en l’observant, ses yeux sombres naviguant sur le visage propre de son professeur. Que Noy agisse en homme adulte ou en adolescent téméraire, il ne sera jamais à la hauteur des autres. Son visage est trop doux, sa voix trop chevrotante, son corps trop petit. Comment même imaginer qu’il puisse être un jour quelqu’un de respectable ? Sa vie n’est qu’un bordel qui ne finira sans doute jamais. Mourir jeune, cela semblait être une belle option. Finir son défi, remporter le million, et mourir dans l’indifférence totale, pour ne pas avoir à subir à tout jamais les regards en biais. « Ta sale tête… Je vais l’embrasser pour te faire taire, oui. » Park Songki croyait être drôle en lui sortant cela. Comme si personne ici n’était beau, tout frais, tout parfait. Noy connait les défauts de son visage. Ses joues un peu trop bouffies, ses yeux aux paupières légèrement tombantes. Seule la courbe de sa bouche pouvait épater un peu. Mais ici, alors que tout le monde semblait lorgner sur les lèvres pulpeuses, les siennes ne récoltaient qu’une attention minime. Pourquoi ? Parce qu’il n’était pas coréen. Et cela se voyait sur son faciès.

« Vous vous faîtes de fausses idées monsieur, dit-il enfin. Mais c’est votre rôle d’adulte. J’ai compris. »

Noy ne respectera jamais un adulte. Il ne leur montrera jamais la moindre marque de politesse demandée. Encore moins baisser la tête et s’agenouiller pour faire plaisir. Les adultes, les professeurs, les parents. Tout le monde l’avait déjà trahi une fois. Ils l’avaient tous bafoué, souillé, renié. Il ne croyait pas aux beaux discours des adultes, à leur charade toutes construites, à leur soi-disante bonne parole. Même si Songki tente de lui inculquer l’idée de ne pas rater sa vie en jouant les têtus, il ne l’écoutera pas. C’était ce fourvoyer de croire que l’on pouvait s’en sortir en étant respectable et dans les cases. Noy ne rentre dans rien du tout. Depuis toujours. Pourtant, cette fois, rien que cette fois, il abdiqua. Il abandonna un court instant son esprit révolté, pour ne pas avoir à se battre encore plus. Pas qu’il soit fatigué. Mais Songki, même s’il l’appelait ainsi, n’était pas si vieux que cela. Il comprenait les jeunes, il était proche de ses élèves. Peut-être un peu trop. Dans son regard, le plus jeune l’avait vu, il y avait quelque chose d’ailleurs. Comme s’il connaissait un autre monde, au-delà de celui dans lequel il baigne. Quelque chose qui réveillait en Lamon l’envie de découvrir les batailles qui vagabondaient dans le cœur de son professeur. Un regard pouvait cacher énormément de choses. Une douleur, une perte, une joie. Une aventure, une trahison, un amour. Celui de Noy camoufle une enfance détruite, une virginité arrachée, une innocence piétinée. Mais aussi un défi. Et une envie profonde et viscérale de toujours obtenir ce qu’il veut.

Son humeur changea alors, se transformant en une expression plus joyeuse, souriant alors comme si de rien n’était. Après tout, faire l’acteur était en quelque sorte l’une de ses qualités. Avec un rire, il écouta son professeur baragouiner comme un vieil homme aigri devant s’occuper d’un enfant insupportable. Ce qui, en un sens, devait être le cas. Toujours accroché à son bras, il trottina à ses côtés, devant doubler ses pas pour suivre ses grandes enjambées. Même s’il faisait tout pour aller lentement, son petit mètre soixante-neuf ne pouvait pas rivaliser, clairement. C’était lui qui avait proposé la sortie, alors, il allait assumer. Ils avaient du temps, rien que tous les deux. Quasiment comme un rendez-vous galant, ce qui faisait rire intérieurement le plus jeune. Imaginer la tête de monsieur Park lorsque ce dernier se retrouve en date l’amusait étrangement. Tout beau, dans une chemise blanche ou crème, bien coiffé, le pantalon impeccable, deux boutons de colle défaits, les manches retroussés, les chaussures brillantes. N’importe qui pourrait succomber, pour sûr. Mais, malheureusement, Noy préférait les sweat à capuche dans lequel il pouvait se réfugier pour un peu de chaleur. Dommage.

« Incroyable ! Vous avez dit incroyable, je vous ai entendu ! chantonna-t-il, fier de lui. Compris ! »

Il commençait déjà à faire son professeur. Bien sûr qu’ils allaient retourner en classe. Cela ferait trop de bruit autrement. Visez un peu la rumeur : un professeur et un élève s’échappe lors d’une sortie pour passer l’après-midi ensemble. Ce n’était pas vraiment un problème pour Noy. Les rumeurs, il les mangeait au petit-déjeuner. Mais cela l’embêter pour Songki. Evidemment, l’homme ne méritait pas de perdre son travail par sa faute (même si cela le démangeait tout de même). Il avait déjà réussi à faire virer quelqu’un. Et les vieilles histoires restent souvent ancrées dans les esprits. Les techniques, les démarches. Mais comme dit précédemment, il n’avait aucune envie de faire vivre cela au professeur. Alors, il la jouerait plus fine et profiterait du temps qu’ils ont. Pour ensuite, en demander toujours plus.

« On pourrait aller se prendre une gaufre et aller à la plage après ? qu’il demanda en faisant mine de réfléchir. J’ai visité un peu oui ! Avec Sorn ! C’était vraiment bien, il connait plein de choses ! »

La mer apparut pourtant devant eux, et Noy oublia instinctivement la sucrerie. Ses yeux se connectèrent à l’entendue miroitante, un flot incertain de souvenir lui revenant. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas posé les pieds sur le sable. Depuis… Il ne savait même plus. Tout son temps avait toujours été consacré à une chose et il en avait oublié la sensation dans le creux de son ventre. Une présence se fit manquant à ses côtés, un rire d’enfant qui étincela dans ses oreilles, des reflets de soleil au travers des branchages. Sa gorge se serra, tristesse sourde qui se répandit en lui comme les vagues s’écrasant sur le sable sous eux. Ses pieds agirent d’eux-mêmes, son bras relâchant celui du professeur pour qu’il se mette à courir dans les petites dunes. Son sac finit sur le sol, abandonné avec ses chaussures. Son bracelet à sa cheville rayonnait presque sous le soleil illuminant l’endroit. Atterrissant dans l’écume, son rire éclata vers le ciel. Des éclaboussures mouillèrent le bas de son pantalon. Mais il s’en moquait bien. Seule la sensation agréable de ce souvenir sans visage lui donnait envie de rester. Elle était un peu froid, comparée à celle qu’il connaissait. Le sable n’était pas le même aussi. Plus artificiel ici. Il manquait des coquillages. Mais peu importe. Ce qu’il avait devant les yeux ne mentait pas. La mer, belle, splendide, immense. Se retournant vers son professeur, un réel sourire aux lèvres, il lui envoya un bisou volant avant de rire de nouveau. Ses pieds bousculèrent les vagues, soulevant les sédiments au passage. Comme un enfant.

Finalement, il retroussa le bas de son pantalon, voulant s’enfoncer un peu plus dans l’étendue, ses mains fouillant pour tenter de trouver des souvenirs. Un caillou, même minuscule, pouvait être bien plus révélateur qu’une babiole achetée n’importe où. Ses lèvres roulèrent en un énième sourire alors qu’il remonta à la surface une petite pierre blanche, quasiment translucide avec l’humidité. La levant pour la faire se refléter au soleil, il prit son temps pour tenter de trouver la moindre petite imperfection. Elle en avait, bien évidemment. Même les perles en possèdent. Mais il voulait absolument pouvoir la reconnaître parmi toutes les autres. Satisfait, il la glissa dans sa poche, se remettant en quête d’une seconde. Ses doigts, cette fois, se refermèrent sur un caillou rugueux. Lui ne possédaient que des imperfections à première vue. Mais en se penchant un peu plus dessus, il remarqua des éclats brillants. De petits diamants incrustés, révélant tout un monde précieux sous une carapace ingrate. Là aussi, il fut satisfait. Revenant alors sur le bord de plage, il s’approche de Songki, présentant dans chacune de ses mains ses deux trouvailles.

« Laquelle vous voulez ? demanda-t-il, ses yeux illuminés par l’air rayonnant. C’est un souvenir ! Un souvenir de cette journée ! »

Deux opposées dans ses mains, qu’il présentait comme une énigme. Il n’y avait pas de mauvaises réponses. Et de toute manière, Noy aura celle qui ne fut pas retenue par les avis du jury. Ses plantes de pieds étaient collantes de sables, son bracelet à trois perles qui ricochaient les unes contre les autres semblait heureux de retrouver un endroit qu’il connaissait. Ce bracelet offert à la naissance, que rien n’avait pu encore rompre, malgré des années à le porter, à le martyriser, à lui faire vivre des aventures intrépides. Il n’avait jamais lâché. S’il se rompait, cela pouvait signifiait que quelque chose se passait. Un évènement assez important dans sa vie pour détruite la dernière attache à sa famille.

▬ LOVE ALARM : OFF

Fausses idées ou non, incompréhensions ou réalité, le noiraud ne cherchait pas lui, il ne voulait pas savoir ce qu'il avait derrière la tête, le plus petit d'entre eux. Peut-être que les choses n'allaient pas comme il l'aurait désiré, mais la vie était remplie d'imprévu et de non-souhaits, pour tout simplement faire de celle-ci une aventure vers l'inconnu. C'était aussi simple que cela pour lui, et c'était ainsi qu'il la voyait. Ne pas se retenir, vivre comme il le désirait, sans faire attention aux règles établies. Ce qu'il voulait lui, était oublier le passer, pour quelque chose de nouveau, pour une nouvelle vie. Pour des souvenirs à effacer, pour d'autres à contempler. Toute une panoplie de couleurs que lui voulait ne plus voir en gris, voulait ne plus avoir à décolorer. Alors il se jouait, de ce changement d'humeur qu'il avait pu provoquer par cette simple proposition. Un peu fier, oui, mais il fallait dire que taquiner ses élèves était l'un de ses passe-temps préféré, surtout quand ces derniers réagissaient comme petites boules de feu en surcharge. Comme Noy, comme ce gamin qui ne cherchait qu'un peu d'attention de la part des autres. Mais en donner faisait parti de son boulot, de ce qu'il devait faire, pour faire réussir certains en manque de confiance.

"Ne soit pas si fier de toi. Incroyable dans le sens où tu en tiens une couche gamin., qu'il rigola doucement avant de rouler un peu des yeux en l'observant.

Un vrai enfant. Plan qu'il s'était fait dans sa tête, alors que lui était pratiquement à bout de devoir le supporter. S'il pensait qu'il allait passer un instant agréable, à faire une sortie divertissante tout en profitant de sucrerie, il rêvait complètement. Un peu douteuse, comme stratégie d'occupation, mais que pouvait-il faire ? Une heure de retenue en plus d'un travail à faire et à lui rendre ? Cela lui arrivait peu en réalité, d'attribuer des retenues, et quand il le faisait, c'était sans doute pour leur faire retenir quelque chose. Ici : la discipline. Pour autant, leurs pieds parvinrent assez rapidement sur le sable brun de ces plages d'une ville qu'il affectionnait beaucoup trop. Car c'était ici que sa vie avait officiellement commencée, ici, qu'elle terminerait sans doute. Non pas qu'il ne se plaisait pas à voir cette vue symbolique qu'on pouvait leur offrir. Et ses prunelles se stoppèrent sur ce visage si doux qui, illuminé, rayonnait encore et encore comme l'eau scintillant au large des côtes. Et il semblait plus innocent ainsi, plus doux, comme un gamin que l'on avait retenu trop longtemps de l'air frais.

Affaires que le plus jeune laissait tomber au sol, que lui ramassa au passage, sac, chaussures, qui entre ses mains semblaient beaucoup plus petites. Sourires éclatants qu'on lui offrait sous un jeu qui le fit finement sourire, il secoua la tête en faisant mine d'éviter son visou volant, alors qu'il se rapprochait plus doucement, et moins enjoué. Car il ne comptait pas se décontracter et s'afficher d'une quelconque façon avec celui qui n'était que son élève. Pieds qu'il se retint de se mettre dans l'eau pour l'imiter, il l'observa calmement la fine silhouette fouiller dans l'eau, comme un enfant émerveillé par ce qu'il pouvait apercevoir dans les fonds marins. Sourire si beau qui lui en ferait perdre ses moyens, s'il n'était pas si calme. Et une fois qu'il le vit revenir, tenant entre ses doigts deux petites pierres adorables, il pencha vaguement la tête, celui qui avait l'impression de surveiller le plus petits.

"Un souvenir hmm ? Alors que tu as gâché ma séance cinéma ? Je dois considérer ça comme un cadeau d'excuse ? Soit. Je vais le prendre comme ça." qu'il se mit à sourire plus doucement que le plus jeune, observant alors les deux cailloux. "Je choisirais pas. Laquelle me correspond le mieux selon toi ?" qu'il demanda vaguement.

Affaires qu'il posa sur le sol, pour venir de ses grandes mains refermer les petits poings du jeune homme, il les fit se rejoindre ensemble pour mélanger les pierres, et lui faire tendre de nouveau ses bras. Le hasard restait sans doute la meilleures des options selon lui, car au final, peut-être ne méritait-il aucune des deux. Il n'était aucunement parfait, et sans doute que les deux présents du plus jeune l'amusaient plutôt bien. Il fallait dire qu'il aurait sans doute préféré se trouver ailleurs qu'ici, lui, même si au final, il se retrouvait à plutôt bien s'amuser à surveiller un effronté comme Noy. Un cinéma complet sur lequel ils pourraient en tirer un roman.

"Choisis la main que tu veux, je m'en fiche. Si tu veux me l'offrir me fait pas choisir compris ?", qu'il articula, car pour lui ce n'était que l'intention qui comptait, "Et donc...Tu es venu ici juste pour pouvoir mettre les pieds dans l'eau ? J'aimerais bien t'y balancer mais pas sûr que tu puisses revenir en classe après ça." qu'il avoua alors avant de rire sincèrement, s'imaginant déjà un peu un Noy tout mouillé pris au dépourvu.

Puis l'idée de s'amuser un peu avec lui lui avait traversé l'esprit, à celui qui pourtant devait rester des plus sérieux. Les cours n'étaient qu'une excuse en réalité, car il savait que dans cette journée l'emploi du temps était des plus léger, et c'était bien pour cela qu'il l'avait choisie, elle et pas une autre. Mais il ne s'était pas douté une seule fois qu'il se retrouverait en un pratiquement rendez-vous arrangé, avec l'un de ses élèves. Et même s'il l'appréciait, il ne devait pas se laisser avoir aux pièges de celui dont le sourire les plus sincères pouvaient en faire frémir plus d'un. Yeux qui se plissèrent légèrement, fixant doucement ses pieds, il s'étira d'un coup en venant observer un peu les alentours.

"Tu veux te poser ici ? Ou alors tu veux gambader dans l'eau à la recherche de trouvailles ? Enfin. Je sais pas trop ce que tu pourrais y trouver mais évite de boire la tasse. Je suis pas un très bon nageur." qu'il rigola vaguement, venant remonter ses manches de chemises pour laisser apparaître ses avant-bras.

Et c'était bien vrai, il savait nager mais il n'était pas non plus des plus excellents, et si Noy souhait faire une baignade, il ne pourrait pas l'en empêcher. Après tout ils se devaient de le surveiller, mais pas non plus de contrôler sa vie. Alors le paysage des plus doux le fit s'asseoir sur le sol tandis que ses pieds se libérèrent se leurs emprises pour effleurer la chaleur du sable. Regard apposé sur le plus jeune, il se mit à pencher la tête en plissant des yeux, sourire des plus doux sur ces lèvres qu'il n'osait pas fixer sur son vis-à-vis. Des questions, il en avait, pleins, mais pas forcément posables, ni même adéquates, car il ne voulait pas l'embêter, le thaïlandais, même s'il voulait le connaître mieux, même s'il voulait le faire se sentir à l'aise, parmi ce monde nouveau qu'il devait découvrir comme son nouveau chez lui.

"Et du coup tu n'étais jamais venu à la plage alors ? Même pas avec Sorn ? Vous avez l'air de bien vous entendre non ?" qu'il demanda vaguement, regard pétillant sur la vue qu'il pouvait avoir.

Car il voulait s'assurer en quelque sorte que tout allait bien, car il voulait lui montrer qu'il pouvait compter sur lui, même s'il voulait lui pourrir la vie, même s'il voulait ne faire que son chieur avec lui. Songki en était à un point, où dans tous les cas, il ne le laisserait pas couler. Son rôle, bien plus, un vague souvenir en tête, il se l'était déjà mis en tête. Trop tard.

▬ love alarm : on

Pris au dépourvu par sa réponse, Noy baissa les mains, l’observant totalement perdu. Il lui en voulait ? Vraiment ? Songki ne l’avait pas réellement caché de toute manière. Mais là, la manière dont il l’avait dit, avait bien faire comprendre au plus jeune qu’il lui avait faire foirer son après-midi. Et est-ce qu’il s’en voulait pour ça ? Absolument pas. Ses yeux se posèrent alors sur les deux pierres qu’il avait trouvé, se demandant bien laquelle des deux pouvait lui correspondre. Immaculé à l’extérieur mais couvert de petites imperfections qui ruinaient le charme lisse de son caractère. Ou alors brute et sans douceur, mais avec un diamant en son sein, attendant seulement de rayonner. Noy ne savait pas. Il avait dans les paumes les deux opposés, les deux faces d’une pièce de monnaie. Soudainement, il sursauta en sentant les mains de son professeur entourer les siennes, rougissant contre son grès en se rendant compte de la différence de taille. Ses doigts disparaissaient presque complètement entre les siens. Sa peau sentant les éraflures des cailloux alors que Songki les faisait se mélanger. Puis, retendant les mains devant lui, il serra les poings, essayant de discerner laquelle était laquelle. Il hocha alors la tête en l’entendant, essayant de se décider entre les deux choix. Puis finalement, il choisit, dépliant ses phalanges pour dévoiler la pierre imparfaite et brute. Son cœur fit un léger soubresaut. Parce que cette pierre, elle ne représentait pas Songki. Le professeur de langue n’était pas détestable à première vue. Bien au contraire. Son visage était rassurant, calme. Il aurait dû avoir l’autre. Le hasard avait mal fait son choix. Très mal. Mais il se plia au sort. Et donna le souvenir à l’adulte, essayant de cacher sa déception par un sourire.

L’idée de se mettre à l’eau n’était pas totalement à écarter. Il aurait bien aimé le faire, le plus jeune. Mais voilà que la journée n’était pas fini. Et personne ne se baignait. En plus de ça, de ce qu’il avait pu observer, on ne se baignait pas en maillot de bain à la plage en Corée. De tous les dramas qu’il avait étudiés, on remarquait rapidement que les abdos montrés à l’écran n’étaient que très rarement pour une baignade à la plage. Ou alors, il fallait être tombé sur le bon. En Thaïlande, il s’était baigné à plusieurs reprises dans le lac à côté de son internat, en caleçon, parce que personne n’avait de maillot, bien entendu. C’était totalement interdit de le faire. Mais pendant les vacances, qui pouvait empêcher des garçons si jeunes de se délecter de la fraicheur de l’eau tandis que l’air est aussi humide qu’un sauna ? Noy savait donc très bien nager, même s’il n’avait que très peu de fois réellement mis les pieds dans l’océan. En fait, il n’avait que des souvenirs éparpillés de cette période lointaine et oubliée. Riant alors, il haussa les épaules en glissant la pierre lisse dans la poche de son sac à dos.

« Vous pouvez toujours essayer de me mettre à l’eau, s’amusa-t-il. Mais si vous le faites, je vous emmène avec moi ! »

Tirant alors la langue en fronçant du nez dans sa direction, Noy se pencha pour prendre son téléphone, se tournant vers la mer pour la prendre en photo. Il voulait immortaliser ce moment. Mais il ne sera que le sien. Il n’avait pas besoin de le partager avec des gens. Parce que ce qu’il vivait maintenant, c’était le souffle de liberté qu’il avait attendu depuis un moment. La tête toujours dans les bouquins ou à ne pas perdre la face devant le monde qui s’acharnait sur lui, il avait enfin le droit à une pause. Une pause douce et légère. Avec son téléphone qui n’était jamais très loin. Accro, oui, depuis qu’il avait découvert en très peu de temps tout ce que l’on pouvait faire avec tout cette technologie. Lui qui avait tout appris sur une feuille avec un crayon à papier, sans calculatrice et sans raccourcis, tout lui avait explosé à la figure une fois arrivé à l’université. Et maintenant, il en était devenu le maître, fier même de faire partie de cet univers virtuel qu’il dominait. Puis son attention fut attirée par son professeur qui s’assit à côté se posant là comme une vieille personne fatiguée de toutes ses émotions. Retenant un sourire, Noy s’accroupit à côté de lui, penchant la tête sur le côté pour l’observer, se délectant de la vue comme il en avait pourtant tellement l’occasion. Oh que oui, Park Songki était beau. De quoi attiser tous les défis. Et tous les sentiments.

« Pourquoi ? Vous êtes jaloux ? rit-il doucement. En fait… Avec Sorn, on parle beaucoup de la Thaïlande et il m’aide à me repérer dans la ville et à l’université. (Il lui jeta une œillade.) Vu qu’un professeur m’a perdu le premier jour. »

De cette histoire, il ne lui en voulait pas du tout. C’était plus devenu une blague pour lui. Il s’amusait à taquiner l’homme de la première altercation qu’ils avaient eu. Et Noy restaient bien sûr sur ses  positions. Songki était un vieux à ses yeux. La preuve ! Il n’arrivait même pas éteindre son téléphone en cours ! Ahah ! S’en était presque devenu attendrissant à vrai dire. Noy et lui avaient quelques années d’écart, mais c’était comme toute une éternité maintenant. Une génération qui ne se connaissait même pas. Les pupilles de Noy dessinèrent le profil de son professeur, qui évitait son regard. Si les yeux pouvaient brûler, Songki serait en feu. Sentant quelque chose de chaud et de dérangeant grimper en lui, la petite souris se redressa, abandonnant alors son téléphone sur son sac, puis il se mit à retirer son pantalon, se moquant bien de se déshabiller devant son professeur d’anglais. Il fit attention lorsqu’il glissa sa cheville portant son bracelet à hors du vêtement, avant de le mettre sur son sac aussi, dans le vain espoir de ne pas le voir recouvert de sable.

« Je vais me baigner, dit-il, comme si ce n’était pas évident. A tout à l’heure ! »

Noy était sauvage, intrépide, insaisissable, indescriptible. On ne savait jamais réellement ce qu’il avait en tête. Il faisait toujours ce qu’il voulait sans réellement réfléchir aux conséquences. Un surdoué, oui, il en était un, sans aucun doute. Mais il ne s’accommodait pas des règles communes de bienséances qui n’étaient pour lui qu’une perte de temps. S’il voulait aller se baigner dans la mer, en caleçon et t-shirt, un jour de sortie scolaire au cinéma, devant son professeur d’anglais, il le ferait. Il n’hésiterait même pas. Et c’est donc bien ce qu’il fit. Ses pieds, déjà habitué au froid de l’eau, pénétrèrent la surface. Puis il s’enfonça, encore un peu et toujours plus. Au bout d’un moment, il se mit à nager, ne touchant déjà plus le fond. Il était sûr que Songki aurait encore pied à ce niveau-là. Mais la différence de taille ne trompait pas. Prenant une inspiration, se moquant bien de mouiller ses cheveux, il plongea, ses jambes ressortant un court instant d’entre les vagues pour rentrer à leur tour. Il navigua un instant comme ça, en apnée, profitant de quelques brasses dans le silence apaisant de l’océan, avant de remonter à la surface pour reprendre de l’air. Il se mit alors à barboter, comme le gamin qu’il était. Seul, il s’en moquait bien. Noy n’avait pas besoin de quelqu’un pour être heureux. Même si ses yeux revenaient continuellement vers la silhouette de la plage. Deux images se superposant. Une du passée, une du présent. Et de nouveau, il plongea, pour effacer de sa rétine l’image masculine de celui qui l’avait abandonné à côté de celui qui ne l’avait pas lâché.

▬ LOVE ALARM : OFF

Et peut-être qu'il ne s'était pas réellement attendu à se retrouver avec une pierre entre les mains. Mais le choix s'en était rendu au hasard, alors qu'il l'avait fait d'une douceur qui le dépassait un peu. Peut-être n'était-ce pas là juste un cailloux qu'il n'avait que ramasser dans l'eau. Imperfections notables, sur cette petite pierre qu'on lui avait confiée. Mais elle lui allait, dans les deux cas, car après tout qu'y avait-il de plus beau que des imperfections si douces et délicates ? Lui ne savait pas. Il ne saurait sans doute jamais, car qu'importe ce que pourrait en penser le plus jeune, lui l'appréciait, ce petit porte bonheur fait à la va-vite. Sourire qu'il lui offrit alors, tandis qu'il emporta la petite pierre pour la ranger précieusement dans ses affaires. Car oui, le noiraud faisait attention à tout ce qu'on lui offrait, même si cette merveille semblait particulièrement décrire ce que la petite tête en face de lui semblait être. Et il en était comblé, alors il ne pouvait que venir protéger les lueurs trouvées, tandis qu'il se retourna vers le jeune homme en un sourire délicat. Idiot et casse-pieds, mais tout de même adorable, il fallait le dire et il ne pouvait pas le nier lui. Contemplation des esprits, alors que les propositions fusaient. Et lui n'avait jamais réellement appris à nager en réalité : tout seul, dans ces lacs sans grandes légalités. Et ô il s'était fait frappé pour cela, ô combien il avait dû rapidement retenir, car après tout, il n'avait jamais rien pu faire dans sa famille.

"Et si tu l'oses je te noie. Alors je serais toi je resterais sur mes gardes., qu'il ne put faire que renchérir en souriant.

Humour bien amusant, alors qu'il appréciait pouvoir jouer avec celui qui le cherchait petit à petit, toujours plus, comme pour attiser doucement ses flammes alors qu'il n'était qu'au final qu'un professeur, que celui qui devait surveiller un gamin un peu trop esseulé. Sans doute sortait-il de ses rôles instaurés, qu'il n'avait pas à faire tout cela, mais il ne voulait pas le voir disparaître sans n'avoir essayé de le rattraper. Téléphone en mains de celui qui lui tournait le dos pour immortaliser les paysages, lui n'y comprenait toujours rien à cet engouement pour la technologie. A croire qu'il était beaucoup trop vieux jeu pour se mettre à ne plus rien regarder à travers ses propres yeux. Mais pour lui les écrans n'étaient que trop peu utiles, alors il préférait pouvoir s'amuser à tout observer de lui même, à tout découvrir par ses propres vitrines. Plus beau, plus délicat, mais il ne pouvait rien en dire, car sans doute personne ne pourrait comprendre son point de vue, celui où pour lui le traditionnel était bien plus intéressant que le digital.

"Non non...Jaloux de rien du tout., qu'il s'amusa avant de reprendre calmement,J'imagine bien et j'en suis bien contente que vous vous entraidiez. Puis qu'est-ce que j'ai à faire là-dedans hein
? J'y peux rien si t'as un caractère insupportable." qu'il lui lança gentiment, se redressant un peu pour simplement s'approcher calmement.

Et sans doute ne s'était-il pas attendu, lui, à le voir commencer à ôter ses vêtements sous ses yeux, tandis qu'il se mit tout doucement à rire, n'y croyant pratiquement pas. Amusé, car il fallait dire qu'il avait du culot pour agir ainsi avec l'un de ses professeurs, et il ne pouvait même pas imaginer quelle aurait été la réaction de ses collègues face à lui. Sans doute l'auraient-ils viré depuis un bon moment déjà. Catastrophe sur pattes qui ne savait pas se retenir. Haussant simplement les épaules d'un regard pourtant chaleureux, il se retrouva un peu penaud sur le bord de plage, à simplement observer la silhouette disparaître sous l'eau en quelques secondes. Qu'il aimerait lui aussi pouvoir se laisser aller ainsi, alors qu'il ne pouvait pas se le permettre. Mais il préférait le regarder de loin, tandis qu'ik se posa doucement sur le sol en un soupir, de ses prunelles qui ne lâchaient pas une seconde. Poisson qui semblait être dans son élément tandis qu'il se retrouva à sourire lui, comme attendrit sous ce gamin qui le cherchait en permanence. Petite flamme en ce disant qu'il était appréciable en réalité, et que ses nerfs ne tiendraient sûrement pas très longtemps s'il devait lui courir en permanence derrière pour le rattraper. Et d'une main, quand les regards se croisèrent pour tout simplement attendre de capter enfin son attention, il lui fit un léger geste comme lui faire un coucou amical, de ses yeux pétillants encore et encore.

"T'éloignes pas trop j'aimerais pas à gueuler pour que tu reviennes quand ce sera l'heure !" qu'il haussa la voix pour se faire entendre dans ce silence si doux pourtant, "Puis si tu remontes t'approches pas de moi ! J'ai pas envie de finir trempé !"

Sérieux il l'était, car il voulait retourner en classe un peu présentable tout de même. Ce n'était pas parce qu'ils avaient une escapade sur la plage qu'il devait en revenir débraillé....Tout comme le plus jeune d'ailleurs. Il ne saura pas expliquer cela aux autres élèves mais qu'importe. Ô pourtant il ne craignait pas les regards lui, mais il voulait juste garder un peu de crédibilité sous les regards de ses élèves, rien de plus. Beaucoup trop sérieux, la tête toujours droite, il n'allait jamais de travers quand cela concernait son travail : car il n'avait que cela de toute manière lui. Ô mais il aimerait ne pas tout perdre pour des idioties, car il avait aussi son caractère bien trop fort qu'il mettait par moment en jeu pour se faire entendre. Et c'était sans doute cela qui l'avait fait s'en sortir, garder la tête bien haute pour pouvoir garder le cap. Il s'en sortait, le noiraud, même si les douleurs étaient toujours là, même si son dos le faisait toujours souffrir. Peut-être devrait-il un jour essayer d'oublier, mais qu'importe. Alors mains dans le sable, sourire léger aux lippes écarlates, il ne pouvait qu'observer le plus jeune aux horizons, il ne pouvait qu'espérer, que tout ne se passe que trop bien, et que rien ne vienne entacher ces prunelles si remplies d'étoiles.

▬ love alarm : on

Etait-ce réellement une menace ? Noy n’y croyait pas trop, mais il aimerait bien voir son professeur l’a mettre en application. Déjà que le voir en colère tout à l’heure lui avait fait quelque chose, savoir que sa vie ne tenait qu’à un fil sous ses mains l’électrifia plus qu’il ne le pensait. Mais, ravalant ses pensées, il ne fit que sourire, dérivant le sujet sur autre chose. Même s’il annota dans son esprit que désormais, il énerverait encore plus M. Park. Rien que pour pouvoir ressentir de nouveau cette virulente sensation dans ses veines. Quelque chose entre l’excitation et l’envie. Se mordillant alors la lèvre en l’écoutant se défendre face à sa petite accusation de jalousie, le plus jeune ne se sentait absolument pas toucher par l’insulte légère qu’il reçut. Lui ? Un caractère insupportable ? Bien plus que Songki ne pouvait le croire. Après tout, s’il n’était pas aussi intrépide, ils ne seraient pas là à ce moment précis, profitant de la plage pour eux, du soleil, et de l’après-midi, loin d’une salle sombre, enfermant un groupe d’étudiants qui étaient beaucoup plus concentrer par la bouffe pour par les scènes explicites que par le plot du film. Les adolescents sont tous les mêmes après tout. Mais alors que la plupart se délectait des plaisirs qu’ils considéraient comme « interdis », Noy ne prenait pas la peine de s’attarder sur ce genre de choses. Une perte de temps, pour lui. Il avait bien plus à faire que de fantasmer sur des personnes inatteignables. Parce que oui, il considérait son professeur comme à sa portée. Après tout, ce ne serait pas le premier à être tombé pour ses jolies lèvres.

« Même pas un tout petit peu ? questionna-t-il en se rapprochant, mimant la quantité entre son index et son pouce. Voyons ! Vous avez tout à faire là-dedans ! Un élève "insupportable" a besoin de correction ! »

C’est sur ses mots qu’il s’était déshabillé pour rejoindre les roulis des vagues devant eux. Les pieds, les genoux, les hanches, le torse et puis la tête. Tout sous l’eau et on en parle plus. Sa peau frissonna de ce petit rafraichissement. Il barbotait, plongeant pour se divertir, flottant pour se détendre. La mer lui avait manqué. Même si ici, elle n’était pas aussi exceptionnelle que dans ses quelques souvenirs. S’il fermait les yeux, il pourrait peut-être imaginer une surface turquoise à perte de vue, une plage de sable fin et blanc, le bruit des arbres aux branches feuillues qui s’effleuraient. Faire abstraction des bruits de la ville un petit instant, pour se rappeler de ses beaux jours, où le monde n’était qu’un grand air de jeu pour enfant, et qu’il n’était pas encore devenu un adulte.

Ses pensées furent coupées lorsque ses yeux rencontrèrent ceux de son professeur, qui lui offrit même un signe. Et ses paroles, il les avait très bien entendues. Et une idée malicieuse alluma alors son regard. Oh, il n’allait pas faire le cliché de la noyade. C’était vu et revu ce genre de cliché. (Même si l’idée que M. Park vienne le chercher dans l’eau l’amusait un peu tout de même, il ne lui fera pas ça.) Non, il allait être encore plus fourbe. Et sans doute très prévisible. Parce qu’il n’avait pas envie de faire celui qui réfléchissait beaucoup aujourd’hui. Après tout, s’il avait voulu échapper à Songki réellement, il serait rentrer dans la salle de cinéma, pour bien faire partie du compte, puis il sera sortie en s’excusant de vouloir aller aux toilettes et pouf ! disparu le Noy ! Mais il ne l’avait pas fait. Pourquoi ? Peut-être parce qu’il avait voulu se faire repérer par le professeur. Alors, il sortit de l’eau, pour le rejoindre, ne prenant même pas la peine d’essorer son t-shirt complètement imbibé.

« Pardon ? Vous avez dit quoi ? Je ne vous ai pas entendu ? s’excusa-t-il faussement, se rapprochant dangereusement de lui. Vous voulez me faire un câlin, c’est ça ? Oh monsieur ! »

Bien sûr, on n’interdisait pas quelque chose d’aussi simple. Cela n’était même pas venu à l’esprit du plus jeune. Mais si c’était que voulait l’homme. Noy alla alors s’accrocher à son cou (non sans avoir batailler un peu avant tout de même), lui souriant, rayonnant de l’idiotie qu’il avait faite. Il plus, il pouvait sentir le corps de plus grand contre le sien. Agréable, il ne fallait pas se mentir.

« Si vous ne me l’aviez pas dit, je n’y aurais pas pensé. » ajouta-t-il avec malice.

Ses cheveux trempés coulaient sur son visage, se collant à son front et à ses joues, son t-shirt au plus prêt de son corps, sa peau plus fraiche que jamais. Il s’amusait vraiment beaucoup avec lui. C’était indéniable. Il n’avait fallu que d’une phrase pour le réveiller. Et faire tout le contraire de ce qu’on lui avait dit de faire. Il était sûr que dans quelques secondes, il sera renverser sur le côté, dans le sable, et qu’il ne pourra s’en prendre qu’à lui-même pour l’avoir ainsi provoqué, en sachant pertinemment les conséquences. Mais que voulez-vous ? Noy aimait plutôt bien être punis après s’être fait plaisir.

« Vous aimez les hommes mouillés, monsieur ? » qu’il demanda, presque innocemment, son visage d’ange cachant le démon qui riait en lui.