Son heure venait de sonner. La notification rouge clignotait sur son téléphone, avide de lui détruire un peu plus la vie. S’il savait qu’il n’avait pas finement joué ces derniers jours, Noy ne s'était pas attendu à recevoir cette condamnation. Le mail était clair, il était convoqué par Mr. Park pour “discuter de ses absences à répétitions et de son comportement”. Quelle jolie prononciation pour dire qu’il allait le fumer. Parce qu’il savait, évidemment, qu’il n’allait pas s’en sortir aussi facilement que d’habitude. Ce n’était pas en battant des cils et en lui faisant un grand sourire que la situation allait soudainement se résoudre. Noy avait séché tous ses cours d’anglais depuis le rendez-vous au cinéma, ayant trop honte de le revoir, tout comme il décelait complètement ce qu’il était en train de se passer. Et ce n’était tout simplement pas possible. Alors l’idée avait été de s’éloigner pour supprimer ce qui devait l’être. C’est en fuyant ses problèmes qu’on s’en sort non ? C’est pas ça la morale de fin ? Alors il se sentait bien idiot, lorsqu’il relut une énième fois le message. Lorsqu’il avait décidé de s’expatrier pour étudier, l’université lui avait fait signer un contrat d’études et de discipline qui incluait : “aucun signalement vis-à-vis du comportement ou de toutes autres infractions à la vie étudiante”. Si ce n’était pas pour avoir voler l’un des coussins-sièges de la bibliothèque universitaire (ne demandez pas comment il avait fait, mais il l’avait fait), il allait totalement devoir repartir si Songki le dénonçait pour son insolence et son irrégularité de présence. C’était d’ailleurs étrange qu’il n'ait toujours pas reçu de signalement par rapport à cela. Ou alors le professeur ne l’avait pas encore fait remonter à la direction, ou alors l’administration était lente. Il espérait que ce soit la première option. Sinon, il était bon pour retourner dans son pays.

Ainsi, lorsque Noy se retrouva devant la porte du bureau, il n’arriva pas à toquer à la porte. Les mains accrochées aux hanses de son sac jaune, il tapotait la pointe de ses chaussures multicolores sur le sol dans l’espoir de se donner du courage. Il ne pouvait pas tout simplement entrer et agir comme il le faisait toujours, avec ses regards qui voulaient tout dire et ses paroles très souvent déplacées. C’était du sérieux. Et à la fois, une partie de lui se disait qu’il pouvait totalement le faire aussi. Qu’est-ce qu’il avait à perdre, hein  ? Ses études, c’était sa vie, et s’il se faisait renvoyer… Ouais non. Il y avait des limites à tout. Il avait passé son enfance et son adolescence à étudier, sans autre projet en tête que cette question qui ne voulait définitivement pas se résoudre. Il avait un projet, des rêves. Ce n’était pas la fainéantise qui le stoppait. Mais la honte. Et c’était nouveau pour lui. Il n’aurait jamais cru cela possible. C’était une nouvelle émotion qu’il découvrait. Parce que toutes les autres fois, il n’était pas celui qui était en tort lorsqu’il avait été dans une situation similaire. Là, le blâme n’était que sur ses épaules. Était-il capable de le supporter ? Peut-être pas, non. Dix-neuf ans d’insolence et de fausses rédemptions, il n’allait pas soudainement devenir un adorable mouton qui vivait paisiblement. Il allait s’en prendre plein la gueule et oui, il allait devoir assumer. Mais c’est comme ça que l’on grandit. Et même s’il n’y arrivait pas, ce n’était qu’une expérience de plus. Oui, voir le côté pratique de la chose, le côté logique.

Il resta encore cinq minutes devant la porte. Avant de tourner les talons pour faire trois pas… Et revenir en toquant un peu trop fort sur la porte. Okay, pas besoin de prendre de l’élan pour ça, normalement. A quoi il jouait ? Avec précaution, il tourna la poignet, glissant sa tête à l’intérieur du bureau. Bizarrement, ça ressemblait exactement à ce qu’il imaginait d’un bureau littéraire. En… plus rangé peut-être. (Parce qu’il avait une vision très détériorée de ceux qui font des lettres, ne lui en voulait pas, il a été élevé dans ce sens-là et les déconstruction éducatives sont longues et contraignantes, surtout quand on les fait seul.) Il tenta un sourire, qui en ressortit plus crispé qu’autre chose. Il aurait voulu disparaître. Faisant rentrer l'entièreté de son corps dans la pièce, il resta étrangement proche de la sortie, glissant ses mains sur les embouts de son sac (vous savez, ceux qui permettent de régler la taille des bretelles).  Et il n’avait rien à dire. Car il savait qu’il ne devait rien dire. Noy en arriva même à ce fameux geste, celui de redresser ses lunettes, déjà bien placées, sur son nez. Parce que oui, tant qu’à faire, autant s’enfoncer jusqu’au bout et mourir dans d'atroces souffrances en y voyant quelque chose.

c'est qu'il avait cherché,
sans ne jamais trouver.
erreur fatale : quand il avait laissé tomber.
c'est qu'il n'avait pas voulu lui courir après. à quoi bon ? quand les colères s'en étaient emprises de lui, alors qu'on ne l'avait jamais laissé sur place. à alors avoir préféré partir à son tour comme pour en laisser derrière lui quelques souvenirs vains : ô à ne plus l'avoir regardé, quand il avait voulu s'en faire gentil avec lui. essayer de lui montrer qu'ici aussi il pourrait s'amuser en liberté sans avoir à dépendre des autres. mais perdu ! à lui ne pas vouloir s'accrocher et forcer les choses ,, à être trop investi dans ces classes qui n'en rendaient aucun effort. dont lui ; à préférer en redevenir professeur classique pour en redresser les choses. plus d'amusement ,, plus de rires : quand il s'en était mis à sécher ses cours. et Songki n'était pas idiot. honte certaine, à l'éviter en permanence, insolence que lui avait préféré ignorer. quand plus rien n'en serait dans ses records pour pouvoir l'aider. à ne pas encore l'avoir signalé : quand il aurait sans doute dû déjà le faire. c'est qu'il en connaissait les conséquences, à ne rien vouloir provoquer ,, juste vouloir briser les silences et lui rappeler qu'il en jouait son année.

à l'avoir convoqué ,
seul : dans les pièces vides.

bureau toujours empli de livres, aux papiers facilement rangés, quand pourtant il n'en sourirait pas aujourd'hui. et peut-être aurait-il préféré le voir dans d'autres circonstances, au final. car tout se jouerait de ses quelques excuses inventées sur le coup pour en fuir les signalements ,, même si Songki n'irait sans doute jamais jusque là. car personne n'avait été mis au courant, et il doutait que ses camarades n'en disent mot à quiconque. car après tout se jouait là avenir prometteur ((sauf dans ses matières)). convoqué comme presque puni ! à devoir s'entretenir avec lui ,, il attendit patiemment, celui qui devrait en montrer son visage un jour ou un autre. car il en était obligé de venir le rejoindre : avant d'en mettre menaces au point. jambes croisées, coudes sur la table à fixer la porte comme pour attendre qu'elle ne s'ouvre un jour, il s'impatientait presque, à se demander même s'il viendrait réellement. car quand on était professeur, bien souvent les scènes en en étaient bien étranges. à se diversifier, à être différent selon chacun : quand pourtant il n'en demandait pas beaucoup d'efforts, Songki.
trop simple ,,
trop gentil :
pas assez strict.
alors il s'en montrerait plus grand encore : de cette porte à finir par s'ouvrir après quelques coups frappés ,, à lui ne faire que le jauger du regard sans une once de chaleur. car tout en avait été remplacé par les agacements. soupir lâché face aux sourires forcés, et il n'en était pas dupe, à bien connaître les stratagèmes qu'il voulait lui afficher là. "lâche ton sourire 5 minutes. ça sert à rien il va pas rester longtemps Noy, alors autant pas faire comme si t'étais sage devant moi.", à le connaître un peu depuis le temps : quand il en reconnaissait si facilement les mensonges tentés d'en être menés. car personne ne l'aurait de cette manière. "et donc tu sais pourquoi t'es là j'espère au moins.", quand il ne lui dirait pas tout d'un coup. mystère qu'il devait connaître sans en dire mot, à faire comme s'il l'interrogeait alors qu'il savait parfaitement pourquoi les pieds en avaient rejoints les sols encore jamais découverts ici.

à élucider :
le laisser argumenter ,,
comme quelconque intérêt.

"je t'écoute. c'est pas moi qui vais parler à ta place.", de ses doigts presque agacés à frapper tout doucement en rythme sur son bureau, à le laisser rester debout quand il en avait décidé de s'en montrer plus sérieux à présent. car les choses devaient être dites : et ce n'était pas lui qui en était en situation complexe. alors il ne le lâchait pas des yeux, comme pour le forcer à ouvrir un peu la bouche face à lui, qui comptait en restait silencieux. et peut-être que les menaces fébriles quand il n'aimait pas s'énerver. à ne pourtant pas en retenir les froideurs ,, s'en montrer professionnel plus que sentimental : car en réalité il ne faisait qu'à se moquer de tout. habitude de ceux qui se pensaient tout permis jusqu'à en heurter les murs enfin rebattis. "alors dit moi. quelle excuse tu vas m'inventer pour fuir mes cours ?", lâcheté ou bien simple désintérêt ? qu'importe. il pourrait lui inventer tout ce qu'il voulait pour se sortir de là. car tout cela ne ferait que mener à sa lente descente s'il ne coopérait pas avec lui. plus d'amitié ,, plus de sourire : simple professeur qui viendrait en réprimander son élève.
sans que celui-ci :
n'en comprenne grand chose,
à ces changements.

Sans mentir, il faisait froid dans ce bureau. Était-ce l'atmosphère générale ou juste que Songki aimait travailler dans une température polaire ? Noy passa d’un pied à l’autre, tentant de ne pas se faire submerger par la tension électrique qui s’épaississait un peu plus chaque seconde. Il n’y avait plus aucun sourire, plus aucune blague entre eux. Ne restait que les erreurs du plus jeune, ses décisions infantiles, qui se répercutaient maintenant sur sa vie scolaire. Ayant littéralement grandi dans l’enceinte d’une école, il ne savait pas ce qu’il pourrait faire s’il sortait du système. Être surdoué en maths ne menait pas très loin s’il ne savait pas où aller. Et puis, il avait un projet, un avenir qui l’attendait. Comment avait-il pu laisser ses sentiments prendre le dessus ? Il avait toujours privilégié ses études et maintenant, il se retrouvait dans le bureau du professeur qui le rendait dingue à en faire n’importe quoi. Difficile à dire, mais on dirait bien qu’il venait de perdre le pari qu’il s’était lancé à lui-même. Mr. Park ne touchait pas le fond, mais lui oui. C’était une situation inégale de toute façon. Noy n’aura jamais l’ascendant, même s’il voulait en avoir l’illusion. Songki possédait le pouvoir. D’un claquement de doigts, il pouvait tout foutre en l’air.

Le sourire de Noy s’évanouit presque aussitôt. Le regard fixé sur l’autre homme, il hocha la tête. Il percevait tout dans son comportement. L’acidité de sa voix avec son visage fermé, l’impatience et l'exaspération qu’exprimaient ses doigts tapotant la table. Noy n’allait pas sortir d’ici en un seul morceau, il le sentait. Quelque part, c’était peut-être mieux. Ainsi, ils pourraient s’effacer de la vie de l’autre et repartir vivre comme si rien n’était arrivé. Comme s’ils n’avaient pas sécher une sortie scolaire pour aller à la plage. Comme s’ils n’étaient pas allés au cinéma par simple distraction. Noy relâcha les lanières de son sac, laissant ses pupilles glissés sur le visage de son professeur pour passer sur le bureau rangé. Devait-il dire la vérité ou devait-il mentir ? Dans les deux cas, il n’était pas sûr que le professeur le croit. Il avait un passé d’arrivée avec une histoire à raconter pour chaque retard, pour chaque oubli de matériel ou de devoirs. Et elle tenait la route, la plupart du temps. Mais là, même la vérité semblait bancale.

« Je crois que vous savez très bien pourquoi je ne viens plus en cours. » répondit-il en revenant sur le visage de Songki.

A cause de vous. Noy soutint son regard, même si sa mâchoire se resserra. Il ne devait pas flancher. Ce n’était pas de la fierté - peut-être un peu d’égo - qui lui permettait de tenir tête. Il voulait seulement voir les réactions de l’autre. Ils étaient coincés tous les deux dans ce bureau, ils ne pouvaient pas s’enfuir. Et même si cela valait sans doute plus pour Noy, il était tout de même celui du côté de la porte. Une épée de Damoclès pendait au-dessus de sa tête, alors il ne sortira pas. Mais il bloquait aussi l’évasion du professeur.  Il voulait savoir pourquoi, alors il allait savoir pourquoi. Finalement, il s’était décidé, ce sera la vérité. Parce que d’un côté, il y avait cette chance que les réponses lui détruisent le cœur et ça lui allait bien. Ce n’était pas de l’amour, ce n’était que de l'attraction. Alors autant tuer le démon dans l'œuf au lieu de le laisser s’éparpiller plus loin.

« J’ai honte, avoua-t-il. Au cinéma, vous vous êtes endormis sur mon épaule, j’ai paniqué, je suis parti et j'ai eu honte. Vous pouvez dire ce que vous voulez, me juger autant que vous voulez, mais… (Sa voix vrilla, il tenta de se reprendre.) …mais j’ai dix-neuf ans, je suis gay et quand le professeur le plus หล่อ de l’université s’endort sur mon épaule, je panique. »

Peut-être s’était-il censuré. Ou simplement le mot ne lui était pas venu en coréen. Il sentait son cœur battre à toute vitesse, voulant presque sortir de son torse, alors que lui seul venait de comprendre ce qu’il disait. A part si Songki avait pris des cours de thaïlandais entre deux. Là, il était mal barré. A tout moment, il pouvait dépasser les bornes. Et si dans d’autres circonstances, il ne s’en serait pas privé, là, il y avait un très gros prix à perdre s’il jouait mal. Et déjà, il s’était trop avancé sans doute, ayant mal placé son cavalier, qui, a tout moment, pouvait se faire renverser par la reine de Songki. Mais il ne restait pas qu'un seul pion sur l'échiquier.

intelligence qui pouvait s'étendre loin ,, à ne parfois pas savoir l'utiliser correctement. car il en savait bien choses, Songki, quand pourtant face à lui il n'en restait qu'enfant cherchant à se faire remarquer. il ne savait plus réellement quoi en penser, à se dire que sans doute aurait-il espéré mieux de lui, quand il ne savait plus en faire la différence entre les cours et le privé. mais il n'y avait rien eu. simple fuite : qui l'avait irrité ,, pour finalement en fuir ses cours comme pour se faire remarquer un peu plus. c'était à n'y rien comprendre, quand lui ne voulait plus chercher les complications à ces attitudes bien trop fuyantes. il s'en moquait, Songki, il n'en ferait que son travail à essayer de le recadrer un instant pour ne pas être obligé de le signaler. à être sans doute bien trop tolérant encore : quand d'autres en auraient déjà signalé les comportements. alors il ne ferait que le fixer, comme en attente de ces réponses qui en étaient pourtant bien trop peu claires pour lui. faisait-il si peur que cela ? il n'avait pourtant jamais haussé la voix devant lui, le coréen, à se demander ce qui pouvait lui passer par la tête, quand les soupirs ne faisaient que s'enchaîner par dépit.

à ne plus rien attendre :
des gens
qui l'entouraient.

alors les mots étaient posés : il n'en voulait aucune comédie, le plus grand, à en attendre sincérités de sa part, quand la roue pouvait tourner si vite de quelques mots. dos qui redressé, il en secoua la tête en entendant ses premiers mots ,, à ne pas être devin, lui. "non, je ne sais pas. mais tu vas me faire un plaisir de m'expliquer.", chaleurs anéanties, quand il ne voulait pas lui en laisser d'occasion pour s'échapper d'ici. c'est qu'il avait bien réfléchi à la manière d'aborder la chose, et peut-être que les douceurs n'en étaient plus la bonne méthode pour l'approcher et le faire se mettre au travail. il n'était pas professeur de sciences, ni de maths : et pourtant il en maîtrisait certains aspects, celui aux langages bien trop lointain pour le thaïlandais. alors il écoutait, tentait de rester patient comme il l'était si souvent. soutenir les regards pour en attirer son attention ,, et c'était gagné ! car le plus vieux ne comprenait en rien ce qu'il lui passait par la tête.
à être bien trop rationnel :
honnête.
quand le plus jeune ,,
n'en était qu'émotion.
sourcil à se hausser, il ne pu s'empêcher d'en lâcher un léger rire. ô non pas pour se moquer de lui : en rien. mais bien car les rapports n'étaient pour lui aucunement évidents. "alors...tu me dis que tu ne viens plus à mes cours parce que tu ne sais pas différencier le privé de tes cours ?", qu'il se redressa un instant, à ne pas le lâcher des yeux, quand pourtant le visage s'en tournait légèrement comme pour en comprendre chacun des mots. "alors heureusement pour toi, je ne parle pas coréen. et je ne chercherai pas à comprendre. oui, je me suis endormi, et j'ai des raisons à cela.", démonter chacun des arguments, quand lui n'y voyait aucun problème. "et je ne sais pas ce que t'essaie de me dire là en m'apprenant que tu es gay. chose dont je me fiche légèrement, en étant ton professeur. t'es comme tu es et je m'en fiche. ce qui n'explique pas pourquoi tu ne viens plus en cours.", à ne jamais en reprendre : ces visages d'ami. "les histoires personnelles, on en parlera plus tard. ce n'est pas le lieu, ni le moment, quand tout ce que je te demande c'est de venir à mes cours. c'est si compliqué que ça ?"

question ouverte :
à attendre réponse.

comme si l'horloge en devenait encore plus lente, à leur laisser le temps de s'expliquer correctement, quand tout semblait enfin s'en délier. lui qui n'en aurait jamais imaginé l'avoir troublé par un simple geste, à presque en trouver cela mignon sans n'en prononcer mot. "y'a t-il un lien entre le fait d'avoir eu honte, ce que je peux comprendre vu comment tu m'as laissé en plan, et gâcher ta scolarité ?", qu'il viendrait presque à ne plus sourire, quand pourtant il en sortit papier d'une de ses pochettes pour les faire glisser sur son bureau. "un devoir maison. pour rattraper ton retard. si tu pensais t'en sortir si facilement.", qu'il se leva légèrement, pour venir s'appuyer contre son bureau. "premièrement tu me feras le plaisir de venir en cours, avant qu'on ne parle du reste. je pourrai pas continuer à ne rien faire si t'en rates encore un.", menace bien trop sérieuse, quand ce n'était pas ce qu'il voulait. "et maintenant dis moi. pourquoi ça t'a fait autant fuir, alors que j'ai presque rien fait du tout ?", car il y avait pire : sur quoi il pourrait jouer. Songki se fichait bien des regards, mais sans doute en préférait-il savoir au moins ce qui en avait provoqué,
chaos ,,
devant un film :
qu'il n'avait pas vu.

Vous connaissez ce moment, cet instant, cette seconde qui s’écoule avec la longueur d’une année, lorsque votre cerveau reçoit cette information qui chamboule tout. Il y a d’abord les mots, qui s’élèvent dans l’air, atteignant les récepteurs pour se faire comprendre. Cette communication, si lente pour certaines personnes, avec la pensée, qui laisse une longue attente de réponse. Malheureusement, Noy ne la connaît pas. “(...) tu ne sais pas différencier le privé de tes cours ?” Chaque nervure du plus jeune se froisse, son cœur s’arrêtant. Un bref instant, ce ne fut plus Songki derrière le bureau, mais un professeur de physique, aux mains toujours croisées, au regard toujours plissé de petites rides de sourire. Il avait quinze ans, un short bleu et une chemise à manches courtes. Puis il en avait dix-neuf, un sac jaune et des converses arc-en-ciel. “C’est si compliqué que ça ?” Oui. Ses doigts se rétractèrent plus fermement sur la lanière de son sac, ses phalanges blanches par l’effort, ses ongles formant des croissants dans le gras de sa paume. Il n’y avait rien de plus important que les études pour lui. Toute sa vie n’avait été que préoccupé par ses scores, sa place dans le classement, ses résultats. Et il excellait. Toujours. Alors qu’est-ce qui n’allait pas ? Pourquoi n’arrivait-il pas à soustraire l’inconnu qu’était son professeur de l’équation ? Noy avait une réponse : parce qu’il n’y a pas d’équivalence à cet homme.

Ses yeux le regardèrent sous ses cils, lunettes protégeant ses pupilles. Il y avait quelque chose dans sa voix qui indiquait clairement à Noy que le professeur ne comprenait pas. Soit il jouait les idiots, soit il n’était pas aussi institutionnel que cela. Étrangement, le plus jeune en ressentit un étirement entre ses poumons. Très bien. Il allait faire ce qu’il lui demandait. Seulement, il n’avait jamais été le bon petit élève qui se taisait et apprenait. Son silence se prolongea, ses iris plantés sur le visage de Monsieur Park. Ce n’était pas une vision dérangeante si l’on s’entendait bien sur la définition de la beauté. Et Noy se comprenait très bien sur le sujet. Il venait de se faire gronder par lui, et tout ce qu’il avait retenu était qu’il n’allait certainement pas devenir l’élève impeccable qu’on attendait de lui, et qu’il n’allait pas arrêter de le regarder jusqu’à ce qu’il puisse sortir de ce bureau. Pour cela, son attention fut à peine perturbée lorsqu’il vit la feuille de devoir apparaître sur la table. Oh… Cette chemise qui encadrait son torse, encerclant le ventre de Songki, dont Noy avait déjà eu un avant-goût. Il s’obligea à le regarder de nouveau à hauteur des yeux. Il voulait des réponses. Est-ce que Noy pouvait y répondre ? Bien sûr. Il le faisait toujours.

« Je viendrais dans vos cours, abdiqua-t-il enfin. Et à l’heure. »

Maintenant, il ne pouvait pas faire demi-tour. S’il disait qu’il allait venir en cours et qu’il allait en plus ne plus être en retard, cela voulait dire que sa vie était attachée à cette réussite. De plus, ce n’est pas comme si les horaires n’étaient pas convenables pour lui. Il passait la plupart de son temps à faire des maths et à travailler sur la préparation des concours. Il allait malheureusement devoir représenter l’université de Busan à un énième tournoi de mathématiques. Même si cela le dérangeait légèrement que ce soit lui, un thaïlandais, qui doive jouer ce rôle pour une université coréenne, qu’est-ce qu’il pouvait bien y faire ? Busan était une ville connue de tous maintenant, à la pointe de la technologie, littéralement le nouvel embryon du monde moderne. Dans un sens, son pays l’exposait aussi, en l’envoyant faire le génie dans un pays du Nord. Ils étaient coincés ensemble pour quelques temps encore. Que le veuille Songki ou non.

« Pourquoi ? Vous ne vous êtes pas remis que je vous laisse comme ça ? demanda-t-il en s’avançant vers le bureau. Je ne vais pas gâcher ma scolarité pour vous, monsieur. Ne vous croyez pas aussi important. »

Ses doigts se saisirent du devoir maison. Il jeta à peine un coup d'œil avant de le ranger dans son sac. Son cœur tambourinait toujours aussi fort, mais la perspective de ne plus repartir chez lui le rendait aussi heureux que triste. Ah, l’esprit tourmenté d’un jeune adulte… Il se tourna enfin vers le professeur, profitant des dernières secondes, lui offrant un sourire dénué de toute chaleur. Si la nervosité avait broyé son corps il y a quelques minutes, menacé par la lame de l’épée de pouvoir que possédait Songki, il n’était plus autant menacé actuellement. L’une de ses épaules se haussa alors, détournant les yeux pour observer un coin de bibliothèque.

« J’imagine que je ne peux pas vous en vouloir pour quelque chose que vous n’avez pas fait. » commenta-t-il.

Cette fois, il l’avait regardé dans les yeux. Ce n’était pas pour cela qu’il lui en voulait. Mais c’était toujours plus simple de faire comme si le film comptait vraiment à ses yeux, plutôt que d’expliquer ce que lui-même n’arrivait pas à définir clairement. Un nouveau sourire avait pris place sur son visage, beaucoup plus insolent que les précédents, alors qu’il posait les mains sur le bureau, se penchant en avant. Comme une impression de déjà vu. Sauf que cette fois, il n’allait pas sauter dessus pour discuter avec lui, mais il allait bien partir. Juste après…

« Je vais le faire, votre devoir. Et j’espère que vous allez enfin vous reposer. Ce serait dommage de vous endormir pour lors d’un prochain rendez-vous. »

Du bout des doigts, il tira un style au logo de l’université d’une des boîtes sur le bureau, avant de se redresser. Dans un dernier mouvement, il le remercia pour l’entrevue, avant de tourner les talons. Cela lui avait pris du temps avant de saluer correctement les coréens. Mais personne n’avait pris l’initiative de le faire pour lui. Ironie. Comme lorsqu’on le regardait de travers alors qu’il demandait du vocabulaire pour une langue qui n’était pas la sienne. Il ne sentait pas particulièrement plus léger. Et il ne voulait pas partir comme ça. Mais qu’est-ce qu’il ne ferait pas pour l’effet dramatique…

et peut-être était-il allé un peu trop loin, Songki : à ne faire que morale, quand tout venait à se jouer devant ses yeux. monde incolore, où tout avait perdu ses saveurs. car au final, où tout cela allait les mener ? quand face à lui en venait à se présenter gamin insolent qui ne faisait que jouer toujours plus avec ses nerfs. il savait, que le jeune en était doué , mais peut-être en avait-il oublié que face à lui ne se trouvait pas un réel ami. car même si Songki en semblait plus élève que professeur, il en était capable bien du pire, en réalité, sans pour autant ne jamais venir appliquer sanctions trop fortes. car il se reconnaissait, en eux : ceux qui voulaient s'amuser, ceux qui n'aimaient pas l'anglais, ceux qui ne voulaient pas aller à ses cours. et à quoi bon forcer, après tout ? égo simplement écorché, à essayer de mettre de côté ce qui avait pu se passer quand la scolarité du plus jeune en était sans doute bien plus importante. à n'être rien d'autre qu'un professeur comme tous les autres, à ne vouloir ressembler à rien d'autre. car il n'avait aucun espoir, lui, si ce n'était de le faire assister à ses cours. rien de plus.
à l'observer :
de ses doigts serrés ,
à se questionner :
sur ce qu'il pouvait penser.
à tout comprendre, en réalité, quand il en jouait avec les mots le professeur. c'est qu'il se doutait bien de ce qu'il se passait dans la tête du plus jeune. adolescent en pleine crise sans doute, ou simplement l'envie de s'épanouir toujours plus. mais que pouvait-il y faire ? jouer peut-être un peu plus de discrétion, quand de ses doigts il en remonta sagement ses manches sans ne plus en dire un mot, à simplement le jauger, croiser les bras comme s'il en attendait quelconque répondant à ses prémices d'insolences. observer ses regards qui ne savaient plus où se poser, tenter d'en déchiffrer là chacun de ces langages que les gens avaient à présent tant de mal à comprendre sans leurs téléphones. "Oooh. et bien je suppose que je suis censé te remercier de bien vouloir faire ce petit effort ?", amusement entre les lèvres ,quand les ironies en étaient telles que tout ce qu'il pourrait lui dire était encore heureux. car s'il ne le voyait pas arriver à son prochain cours, sans doute serait-il allé le chercher pour le soulever par le col et le ramener dans son amphithéâtre ,, pour l'afficher : et montrer ce qu'il se passerait quand on se moquait de lui.

et heureusement :
les promesses en avaient été faites.

car après tout, Noy en avait tout le potentiel pour réussir : s'il arrivait à mettre de côté ces quelques enfantillages. pourtant, Songki ne lui disait pas de tout abandonner ,, à préférer le cœur à la raison, sauf quand tout en semblait bien trop irrégulier. alors de ses pieds croisés, à s'appuyer toujours plus contre son bureau, il soupira légèrement, à en guetter chacun de ses mots quand tout en semblait si étrange, dans ce simple bureau. "mon égo ? c'est pas un enfant qui arrivera à érafler quoi que ce soit, Noy. j'ai vu bien pire, que quelqu'un fuit par panique.", et il pourrait en raconter tant d'histoire si absurde, Songki. mais là n'était pas le sujet, et sans doute en aurait-il pleins d'occasions de venir en conter ses péripéties. "mais je ne crois rien du tout, Noy. je ne fais que t'écouter.", à noter : qu'il n'en était toujours qu'oreilles si ouverte ,, à être si doué pour en écouter le monde quand lui en restait des plus bavards sans ne pourtant rien dévoiler. jamais. devoir pris entre les doigts, à l'avoir vu s'approcher , quand à présent il en défiait les regards.
à presque se demander ,,
s'il n'en jouait pas :
pour l'agacer un peu plus.
peut-être le trouvait-il que trop doux dans ses sanctions, à se croire protégé de tout : quand il pourrait pourtant Songki lui en briser ses espoirs si rapidement. mais les arrogances en avaient leurs défauts : et lui n'était aucunement aveugle, sous ses petits jeux d'enfants en recherche d'attention. "Effectivement. Et vu que tu n'es aucunement honnête, j'imagine que je n'aurai pas besoin de te rappeler que jouer à ce petit jeu là avec moi ne viendrait que t'amener à perdre, Noy.", qu'il le regarda alors, petit manège ! stylo attrapé, quand les mots le firent presque rire. audace nouvelle, quand il y a quelques minutes encore il en avait semblé si effrayé de lui tenir tête. "J'espère bien. Et ne t'inquiète pas pour moi, préoccupe toi plutôt de tes cours, et essaie de ne pas planter d'autres de tes rendez-vous. ça serait dommage de te voir re-disparaître de mes cours, non ?", répondant, quand il le regarda tourner les talons, sourire aux lèvres comme si tout ne faisait que l'amuser toujours plus.

à n'attendre rien :
de celui ,,
qui se pensait si fort.

"ah et évite de te retrouver de nouveau dans mon bureau. ma patience à des limites.", prononcé là : avant de ne plus le voir. simple menace ,, qui en serait pourtant effectuée si tout se reproduisait. c'est que Songki en avait une certaine autorité, sur ceux qui se voulaient rebelles aux lois. à ne rien laisser passer, derrière ses airs si agréables : car un jour, Noy viendrait sans doute venir le pousser à bout sans pouvoir faire machine arrière. et lui n'en aurait ,, qu'à en montrer son deuxième visage.