▬ LOVE ALARM : OFF

Tenue ~ Quelques clignements d'œil, et voilà qu'un gros mal de crâne le prend. Un petit gémissement sort de la bouche de Sorn. Il frotte vivement ses cheveux avant de tenter de se relever convenablement. Pour l'une de ses rares gueule de bois, il a fallut que ce soit durant la semaine de cours. Ça lui apprendra à suivre ses amis dans des délires pas possible. Mais pour le moment, il tente veinement de s'habiller comme il peut, enfilant son pantalon et sa chemise, ne faisant pas attention au fait que sa cravate est mal nouée. Tant pis. Descendant doucement les escaliers avec un mal de crâne pas possible, il ne se souvient même plus de la soirée. Cest le comble... D'autant plus qu'arrivé dans le salon de la maison, il se rend compte que ce n'est pas sa maison. Le thaïlandais cligne des yeux, et vient se poser dans la cuisine pour se préparer au moins un petit café qu'il boit lentement en tentant malgré tout de retrouver ses souvenirs. Mais rien.. A part son mal de crâne qui lui vrille le cerveau, rien du tout. Il secoue alors la tête et attrape son sac de cours avec difficulté et s'apprête à sortir de la maison lorsqu'il sent une présence derrière lui. Et une tape sur son épaule. Tressautant alors, il aperçoit son ami Jae qui a l'air tout à fait en pleine gueule de bois aussi, au vu de sa tête défoncée du matin. "Bah alors... On s'est bien amuser hier soir hein ! Tu aurais vu la tête de Noa... Dommage que tu te sois éclipsé trop vite !" que dit son ami avant de le tirer hors de là en prenant la direction de l'université. La maison de son ami se trouve à même pas cinq minutes à pied. Cinq minutes où il prend le temps de se claquer les joues et de s'aérer la tête. Clairement il est dans la merde. S'il se souvient plus de rien d'hier soir, c'est qu'il y a un truc qui cloche. Génial... Accélérant le pas pour éviter de se faire embêter par les autre en arrivant devant le bâtiment de l'université, il ne fait pas spécialement attention à là où il va.

Sorn monte les escaliers pour se diriger vers sa salle de classe, traînant presque des pieds et se faisant remonter les bretelles par un prof qui passait à côté de lui. Mais il n'y fait pas attention. Il continue d'avancer tel un zombie, pestant contre lui-même pour avoir fait n'importe quoi la veille. Il espère sincèrement retrouver ses souvenirs au plus vite... Quoique. D'un côté peut-être pas. On sait jamais. Bref. Après avoir cligner des yeux une énième fois, il bifurque dans un couloir. Et boum ! Collision ! L'étudiant qu'il vient de percuter fait tomber ses cours au sol, les feuilles s'éparpillant n'importe comment. Le Suppapong commence à paniquer un peu et se baisse alors pour l'aider à tout ramasser, faisant un tas comme il le peut malgré sa faiblesse. « ขออภัย ... คุณไม่มีอะไรเลย​ ? (Désolé... Tu n'a rien ?) » dit-il sans même se rendre compte qu'il parle actuellement thaïlandais et non coréen. Son état physique et mental ne lui permette pas ça. Alors au contraire, il continue comme si de rien était en se redressant et se frottant la nuque nerveusement. « วันเริ่มไม่ดีฮะ... (Journée qui commence mal, hein...) »

▬ love alarm : on

C’est donc après une nuit blanche que Noy se retrouva à tenter de déchiffrer le plan de l’université. Pestant contre Monsieur Park qui l’avait perdu pendant les trois quarts de la visite, le petit jeune homme prit une grande inspiration. Bon. Vous voulez savoir pourquoi est-ce qu’il n’a pas dormi cette nuit ? Et bien, c’est très simple. Il avait eu la brillante idée de lire toute le programme de maths avancées de son année. Génial, super, bravo Lamon ! Maintenant, il se retrouvait avec une tête encore plus à l’ouest que d’habitude. Resserrant contre lui le classeur qui contenait toute sa vie actuellement, soit : toutes les notes qu’il avait prises cette nuit, Noy se mit en marche. Il devait trouver la classe de Monsieur Park. Bien évidemment ! Il fallait qu’il commence avec lui ! Se retenant de grogner, il s’aventura alors dans le dédale de couloirs. Bon dieu ! C’était beaucoup trop grand pour une souris aussi petite que lui ! Il ne sait pas exactement par où il passait. Il n’en avait aucune idée en fait. Et s’il arrivait en retard ? Pfff, pas grave. Il n’aura qu’à lui faire les yeux doux. Même s’il n’était pas sûr que cela réussisse réellement. Il avait bien compris que quelque chose se passait. Seul un aveugle, sourd, avec perte de mémoire immédiate n’aurait pas remarqué. Mais il ne fallait pas mettre commencer à monter de trop grands plans maintenant. Il fallait voir avant, tâter le terrain. Même s’il aimerait bien tâter Monsieur Park, quand même.

Au détour d’un couloir, ce ne fut pourtant pas son professeur d’anglais qu’il percuta, mais bien un autre étudiant. Le contenu de son classe se répandit alors sur le sol, tandis que l’objet chutait lamentablement par terre. Avec le stress, le léger énervement et la fatigue qui l’habitait, Noy fut à deux doigts d’envoyer son coude dans l’estomac de l’autre garçon. Mais finalement, il préféra se jeter par terre à tenter de ramasser le plus rapidement possible ses feuilles qui valaient de l’or. L’autre semblait aussi fébrile que lui d’ailleurs. Et puis, il était gentil de l’aider à ramasser. D’autres qui passaient dans le couloir à cet instant-là leur jetaient des regards curieux avant de passer leur chemin. Genre, comme s’ils ne pouvaient pas donner un petit coup de main, nan ? Se serait trop demander à ses mesdames et messieurs les coréen.nes hyper beaux et friqué.e.s ? Beuh… Noy finit par réarranger ses feuilles un peu au hasard. De toute façon, à l’heure suivante, il aurait tout le temps qu’il voudrait pour les réorganiser complètement. Ce n’était pas comme si l’anglais était la matière la plus passionnante du monde. Sans même se rendre compte que l’autre ne lui parlait pas en coréen, Noy répondit avec un léger rire nerveux, entre la frustration de voir son travail par terre et la fatigue de devoir tout ramasser :

« ฉันไม่มีอะไร ... ทุกอย่างเรียบร้อยดี ... แต่ไม่ใช่สำหรับผ้าปูที่นอนของฉัน! » (Je n'ai rien... Tout va bien... Mais pas pour mes feuilles !)

Oui, il était un peu à cran avec son boulot. Surtout que celui-là lui avait coûté une nuit de sommeil. Et qu’il n’avait aucune envie de commencer une journée ainsi. Ce fut d’ailleurs ce que remarqua l’autre étudiant, ce qui arracha un nouveau petit rire au plus petit. Il se redressa alors à sa suite, tentant sans bien que mal de tout garder dans son classeur. Il était aussi épais que lui, ce truc. Noy pourrait succomber sous son poids à ce niveau-là. La recherche était vraiment une épreuve de tous les instants. Relevant alors les yeux vers l’autre individu, celui qui l’avait percuté, il constata une nouvelle fois qu’il était plus grand que lui. Le monde est vraiment trop grand dans cet univers là. Franchement, pourquoi est-ce qu’il ne pouvait pas rencontrer quelqu’un de son gabarie ? Ce serait plus sympa pour son cou. Soudain, quelque chose tiqua dans son esprit. Ouvrant quand les yeux, il regarda l’autre jeune homme comme s’il venait de la même planète que lui, et que cela faisait dix milles ans qu’il n’avait pas entendu sa langue. Ce qui, de son point de vue, était vrai.

« คุณพูดไทยได้ไหม ?! » (Tu parles thaï ?!)

Alors là, pour une claque du matin, Noy venait de s’en prendre une belle. Une très belle même.

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Tenue ~ Être la tête dans les nuages, ce n'est pas le genre de Sorn. Pourtant, voilà qu'il a réussi à bousculer quelqu'un sans le faire exprès, qui plus est un étudiant qui a une tonne de feuilles dans ses bras. Des feuilles qui se sont écroulées comme un château de cartes sur le sol. Jurant doucement dans sa barbe en se traitant encore et toujours d'idiot, il l'aide tout de même pour récupérer la totalité de ses cours. Des cours d'anglais tiens... Les sourcils froncés, il pense directement à monsieur Park. Son professeur d'anglais préféré. Peut-être -a-t-il le même. Après tout, il ne doit pas y en avoir beaucoup, des profs d'anglais. Une langue bien difficile à maîtriser il faut dire quand on est asiatique. Quoique. Ça dépend de certains. Du côté de Sorn, il a eu bien plus de facilité comparé à ses camarades. Et c'est donc souvent lui qui se retrouve à se faire attaquer de partout pour les aider. Ce qu'il fait bien évidemment, vu que c'est un thaïlandais sympathique. A l'exception près où il rembarre ceux qui ont le culot de lui demander de faire leurs exos à leur place où jenesaisquoi d'autres. C'est pas en faisant ça qu'ils vont progresser en anglais, ça c'est sûr. M'enfin, passons. Perdu dans ses pensées plus idiotes les unes que les autres, le Suppapong ne fait pas non plus attention au départ, que son interlocuteur semble lui répondre en thaï. Alors il lui tend simplement ses papiers, avant de passer de nouveau une main sur sa nuque, nerveusement. «  ใบของคุณยังไม่ตายใช่มั้ย ... (Tes feuilles ne sont pas mouru non plus eh...) » dit-il avec une voix toute petite. Avant de relever d'un coup la tête et ouvrir grand les yeux vers lui.

En même temps que le jeune homme devant lui, il vient s'exclamer : « คุณพูดไทยได้ไหม ?! (Tu parles thaï ?! ) » Il faut croire que oui. Waouh... Sorn en est encore tout retourné. S'il s'attendait à croiser un thaïlandais, autre que son aimé, dans les couloirs ? Non non. Non non non. Pas du tout. Son visage surpris laisse place à un grand sourire, et il vient tapoter l'épaule de ce monsieur debout en face de lui. « ในที่สุดฉันก็พบเพื่อนคนไทย ! ฉันรักคุณ ! (J'ai enfin trouvé un ami Thaï ! Je t'aime !) » lance-t-il à tout va, se fichant de savoir si les autres étudiants les regarde bizarrement. Il est tout simplement content à l'idée de pouvoir se faire un ami thaïlandais et parler avec lui en thaï. Ainsi, il est sûr de ne pas perdre cet amour de la langue. Ah lala... Retenez-le, il est capable d'aller l'annoncer au micro de l'université. Ce serait marrant tiens. Mais nope.. On va oublier, sinon ils vont se faire taper dessus par le proviseur. Et leurs profs principaux aussi. S'assurant donc qu'il a tout dans ses mains, Sorn vient entraîner l'autre thaïlandais dans un coin plus tranquille. Il leur reste un peu de temps avant la dernière sonnerie définitive. Se plaçant donc sur un petit banc à l'extérieur, il force le plus jeune à faire de même. « ฉันชื่อ Sorn แล้วคุณล่ะ ? (Je m'appelle Sorn, et toi ?) »

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Quoi ? Comment ça ses feuilles ne sont pas mortes ?! Mais hé ! Ça va lui prendre tout le court pour les remettre en place ! Quoi que, ce n’est pas si mal finalement. Il aura une bonne excuse au moins, pour ne pas suivre. Oui, il faisait tout pour ne pas avoir à suivre un tant soit peu du cours d’anglais. Mais il fallait le comprendre aussi. Il n’avait que deux classes de langues : coréen et anglais. Et il n’excellait dans aucune des deux. Par contre, ses trente-deux heures de maths par semaine, ça, il pensait pouvoir totalement gérer. Et d’ailleurs, c’était en partie ce qu’il était en train de ramasser, entrecoupés avec les feuilles de langues et les polycopiés de début d’année qu’il avait réussi à récupérer hier soir. Il avait très clairement rentabilisé l’imprimante du dortoir hier. Mais comme tout le monde prenait ses cours sur internet, ou sur ce qui ressemblait à des applications d’ordinateur, il s’était dit que ce n’était pas trop grave. Il devait sans doute faire parti de ses rares élèves qui aimaient encore écrire. Et lui, son kiff, c’était le crayon à papier. Il pouvait tout faire avec un crayon à papier. D’ailleurs, c’est au crayon à papier qu’il avait passé ses examens. Et même si on avait failli le recaler, en voyant le travail, on n’avait pu que l’accepter. Un petit génie comme lui, on n’en croise pas deux fois dans une vie.

Les deux exclamations en thaïlandais dans deux élèves firent tourner quelques têtes dans leur direction. Mais ils étaient tous les deux trop abasourdis pour réellement se rendre compte de ce qu’il se passait autour d’eux. Noy ouvrit de grands yeux en l’observant. C’est vrai qu’il n’avait pas le même visage que les autres. Il semblait plus naturel. Moins plastique. Et puis, il était mignon aussi. Une bouille rayonnante et légèrement bronzé, comme la sienne. Même si Noy, débarquant du sud, semblait encore plus doré. Et même toutes ses heures passées dans une salle de classe à apprendre des choses toujours plus complexe ne l’avaient pas blanchi. De plus, Noy ne se blanchirait jamais la peau. C’était quelque chose de formel pour lui. Il était comme ça. Et il le sera toujours. Il senti alors son épaule se faire tapoter. Et un sourire lui échappa en l’entendant.

«ฉันก็มีความสุขเช่นกัน ! ฉันรู้สึกโดดเดี่ยวน้อยลง ! » (Moi aussi je suis content ! Je me sens moins seul !)

Puis il se sentit entraîné par son nouvel ami. Parce que oui, il le considérait comme son ami. Les liens se font vite dans le coin. Jetant un coup d’œil à sa montre, il se dit tout de même qu’il n’allait pas rater son premier cours avec Monsieur Park pour parler avec quelqu’un. Puis, il se rendit compte qu’il allait peut-être pouvoir être sociable et avoir une relation amicale avec un autre individu. Et bizarrement, cela le séduit un peu plus que le cours d’anglais. Même si le jeune homme n’était pas non plus très heureux en sociabilité. Alors, il pouvait toujours essayé. Il ne voulait pas avoir un nouvel échec d’amitié. Mais les gens sont toujours si complexes ! Les équations, il les comprend. Les cerveaux, il a dû mal à les suivre. Se laissant donc entraîner, il s’assit à côté de lui, restant au bord du banc pour avoir l’air de pouvoir toucher le sol comme tout le monde. Il déposa son classeur plein sur ses genoux avant de relever les yeux vers lui, lui offrant un nouveau sourire.

« ฉันชื่อ Noy. » (Je m’appelle Noy.)

Il avait préféré utilisé son surnom. Après tout, c’était comme ça que tout le monde l’appelait. Pas besoin de plus. Et puis, Noy, ça lui allait bien. Petit et rapide à prononcer. Prenant son courage à deux mains, il composa une phrase dans sa tête avant de la prononcer. C’était un peu idiot dit comme ça. Mais voilà, il lui fallu cette prévention pour qu’il ne se retrouve pas complètement idiot.

« คุณ... คุณเคยไปเกาหลีมานานแล้วเหรอ ? » (Tu… Cela fait longtemps que tu es en Corée ?)

Du grand art, n’est-ce pas ?

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Tenue ~ Noy, c'est bien mignon comme nom. Un surnom sûrement, même. C'est souvent ça en Thaïlande. Les prénoms sont tellement longs qu'on est obligé de trouver un petit surnom qui peut aller. Pour ce qui est de Sorn, il a eu de la chance tout de même. Lui qui avait un prénom simple et efficace. Bien qu'il sait que ses parents ont dû changer son prénom suite à une diseuse de bonne aventure. Pour apporter le bonheur avec lui et lui donner plus de chance à ce qu'il paraît. Quelque chose de traditionnel dans son pays natal, mais dont il n'arrive pas trop à croire au final. M'enfin... Secouant un peu la tête pour éviter de penser de trop et de partir trop loin, il sourit doucement. « เพียงหกเดือน ภายใต้คำสั่งของพ่อแม่ของฉันอย่างตรงไปตรงมา แต่ฉันชอบมัน ... และคุณ ? (Seulement depuis six mois. Sous les ordres de mes parents. Mais je m'y plais bien... Et toi ?) » demande-t-il tout doucement, un peu curieux. Ce n'est pas tous les jours qu'il peut rencontrer des personnes qui viennent du même pays que lui. Et le plus jeune aime ça. « คุณคุ้นเคยกับมันได้ไหม ? หากคุณต้องการอะไรฉันสามารถใส่ตัวเองในการกำจัดของคุณ ! (Tu arrives à t'y faire ? Si tu as besoin de quoi que ce soit, je peux me mettre à ta disposition !) » qu'il lance tout joyeux. Se sentir utile, c'est bien l'une des choses qui le fait se sentir bien dans sa peau. Aider les gens, ou simplement passer du temps avec eux. Un petit ange, comme on le dit si bien. Seulement quand on ne le connaît pas réellement. Car malgré son visage angélique, il cache une partie sombre en lui-même.

D'ailleurs, il est prêt à montrer cette facette de lui dans quelques instants. Il a repéré des jeunes étudiants au loin. Un groupe qui les regard du coin de l’œil. Ça n'a pas échappé à Sorn, ce dernier ayant eu l'habitude de ce genre de comportement dès son arrivée. Dès que ces coréens voient une tête étrangère, ils viennent parler sur leur dos. Très moche et mesquin. Il les suit du regard lorsqu'ils bougent, passant à leurs côtés, tout en venant oser dire une insulte envers Noy. Formuler avec un bon coréen, le Suppapong est sûr que son tout récent et frais ami n'a rien compris. Pourtant lui, il a bien entendu. Il se relève donc et vient tapoter l'épaule dudit mec qui vient de dire cette insulte, le fixant sérieusement. « Retire ce que tu as dis. » Le plus vieux arque un sourcil, et se penche vers lui, souriant en coin. Sinon quoi ? Tu crois vraiment que j'ai peur de toi ? Retourne dans ton pays, avec ton pote. Une phrase de trop. Gardant un sourire, plutôt froid au vu de l'extérieur, il attrape son poignet et retourne d'un coup sa main, le faisant plier en deux. Sorn vient ensuite lui murmurer au creux de l'oreille. « Sinon je m'assurerais de réduire tes dix doigts en bouillie. Et te castrer possiblement. Les plus petits mordent le plus souvent, non ? Dégage de ma vue ! » lance-t-il sèchement, se fichant de les entendre grommeler. Il va peut-être avoir des ennuis s'ils osent aller le répéter à un surveillant. Mais bon... C'est pour la bonne cause. Réajustant sa cravate, Sorn retourne s'asseoir à côté de Noy, reprenant un sourire plus angélique. « On en était où ? » V'la qu'il en perd son thaïlandais.

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« สองสามวัน, avoua Noy en haussant les épaules. ฉันจัดการ. แต่ขอบคุณ. » (Depuis quelques jours … je me débrouille. Mais merci.)

C’était vraiment très gentil de sa part de faire autant attention à lui. Lui offrant un léger sourire, Noy hoche la tête. Sorn est le premier à être réellement (et il faut bien appuyer dessus au cas où quelqu’un d’autre, sans viser personne, ne voit cela) gentil avec lui. Le plus jeune se sent bien, confortable, à parler sa langue avec lui. Il était tellement perdu, tellement hors de sa zone dite de confort, si tant qu’il en ait déjà eu une, qu’il se sentait particulièrement minuscule. En plus, tout le monde semblait grand ici. On le regardait souvent de haut, se demandant ce qu’un gamin à la peau cuivre venait faire dans les locaux si blancs de l’université de Busan. Sauf que lui, en plus de ne pas forcément les voir, ne comprenait pas quand on lui parlait en coréen. En anglais, il se débrouillait (même s’il fallait tout de même éviter les accents, parce que sinon, il n’était plus du tout dans la conversation), mais les coréens ne semblaient pas trop aimé cette langue. Sauf un. Monsieur Park. Toujours et encore lui.

Soudainement, sortis de nulle part, un coréen vint à leur rencontre, commençant à parler dans sa langue étrange. Noy fronça des sourcils, ne comprenant pas un traître mot de ce qu’il venait de dire. Se tournant vers Sorn, il tenta de voir pour une quelconque traduction, mais trop tard, son ami était debout, le visage fermé, comme s’il était prêt à frapper l’individu. Le plus petit ne bougea pas, ne comprenant même pas l’échange. Et pourtant, il ne sursauta pas à en voyant l’autre thaïlandais se saisir d’une des mains du garçon, la lui tordant méchamment. A vrai dire, Lamon avait vu tellement de choses lorsqu’il était en internat, des bagarres, des disputes, des règlements de comptes, qu’il n’était plus vraiment émoustillé par ce genre de choses. Bien sûr, il aimerait bien savoir pourquoi donc tant de violence d’un coup. Si ça se trouve, il en était le coupable. Mais il ne savait même pas pourquoi. Alors, bon. Observant Sorn se rassoir à côté de lui, il fronça des sourcils, ne comprenant pas sa dernière phrase.

« ฉันไม่เข้าใจ. » (Je n’ai pas compris.)

Il le sait, il va devoir sérieusement se mettre au coréen. Mais voilà, déjà, il était quelque peu feignant pour ça, et en plus, les maths étaient beaucoup trop de temps et d’énergie pour qu’il se perde dans la littérature. Même s’il devra aussi se mettre à l’anglais. Quelle perte de temps sérieusement. Tout serait tellement plus simple si le monde discutait par formule mathématique. Il n’y aurait plus de barrière, plus de frontières. Et un savoir infini pour tout le de monde. N’est-ce pas merveilleux ? Seulement, il faudra se donner la peine d’apprendre un peu plus et de sortir des sentiers battus. Ce que la masse ne semblait pas prête à faire pour le moment. Noy voyait loin. Peut-être un peu trop pour son âge. Mais un surdoué est toujours marginalisé après tout.

« เขากำลังพูดถึงเรื่องอะไรก่อนหน้านี้ ? » (De quoi parlait-il tout à l’heure ?) demanda-t-il, réellement intrigué.

Une autre chose qu’il savait : il n’était déjà pas très aimé dans sa classe. Et même dans l’établissement en général. Des élèves transférés aussi jeunes, dans une classe aussi haute, dans une des matières les plus difficiles, cela passait difficilement inaperçu. En plus, il s’agissait du milieu d’année. Si Noy avait voulu faire une année fracassante, il y était. Sauf que lui, tout ce qu’il voulait, c’était faire des maths. Et résoudre son problème à un million.

▬ LOVE ALARM : OFF

Tenue ~ Il n'aime pas qu'on puisse faire du mal à ses amis, oui. Et même s'il ne connaît Noy que depuis quelques minutes seulement, il fait partie de ses amis. Sorn a le don de sentir ceux en qui il peut avoir le plus confiance. Et sentir ceux en qui il ne devrait pas s'approcher. Comme ces deux gars qui ont fait les malins en l'insultant dans une langue qu'il ne comprendrait pas. Malheureusement pour eux, le Suppapong a eu le temps d'apprendre une grande partie du coréen. Il n'est pas encore parfait, il est vrai, mais il saurait très bien reconnaître ce genre de tournure de phrases. Avec tout les dramas qu'il regarde aussi, ça aide énormément... Un petit soupir s'échappe de sa bouche, et il vient frotter sa nuque avant de lancer un regard vers Noy qui a l'air complètement perdu. Un petit sourire rassurant s'esquisse sur ses lèvres, et il vient secouer la tête. «  แค่งี่เง่า. (Juste des cons). » Des cons qui ne savent pas faire autre chose que de critiquer les autres, et de les mettre à mal. Sorn ne les comprendra jamais, ce genre de personnes. Et encore, personne ne pourra les comprendre. Rabaisser les autres, les pousser à bout, au suicide même... Il a connu ça, avec l'un de ses amis qui a faillit commettre l'irréparable. Il est arrivé à temps pour le sauver, et il l'a aidé à aller mieux. Cet ami, c'est Jae. Celui avec qui il partage tous ses bons moments comme ses mauvais. Son meilleur ami.

S'apprêtant à se relever pour aller à leurs cours, il finit par se stopper dans sa lancer, fixant longuement le jeune garçon assis à côté de lui. C'est qu'il est borné, dis donc. Sorn se retient de lui dire la vérité, sachant que ça peut faire mal. Même s'il pense que Noy a l'habitude de ce genre de comportement, ça reste difficile à supporter. Lui tapotant doucement l'épaule, il réfléchit un peu avant d'ouvrir sa bouche. «  ผู้ชายที่ชอบทำให้คนอื่นผิดหวังเพราะไม่รู้จะทำอย่างไรกับชีวิต และโดยเฉพาะอย่างยิ่งเพราะลึก ๆ แล้วพวกเขารู้ว่าคุณดีกว่าพวกเขา. ( Des gars qui aiment rabaisser les autres, parce qu'ils ne savent pas quoi faire de leur vie. Et surtout parce qu'au fond d'eux, ils savent que tu es meilleur qu'eux). » Attrapant doucement son bras comme une fille le ferait avec sa meilleure amie de toujours, il l'attire avec lui dans les longs couloirs de l'université. «  ลืมพวกเขาซะ. ( Oublie-les). » lance-t-il ensuite, avant de se concentrer sur sa marche. L'heure de se séparer est arrivé, mais Sorn pense qu'ils vont sûrement bientôt se recroiser à l'occasion. Il lui demande alors là où il a cours, et le guide doucement pour s'assurer que les mecs d'avant ne viennent pas le déranger après s'être fait humilier. Ils sont capable de tout, après tout. Et une fois arrivé devant ladite salle de classe, le Suppapong lui relâche le bras et se poste face à lui, un sourire plus radieux accroché à son visage. «  หากคุณต้องการอะไรอย่าลังเลที่จะโทรหาฉัน. ( Si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas à m'appeler). » dit-il doucement, tout en venant glisser un bout de papier dans la poche arrière du pantalon de Noy. Un bout de papier où est griffonné son numéro de portable. Entre jeunes étrangers, il faut s'entraider. Et surtout, montrer à ces tyrans qu'ils ne sont que des poubelles qui puent.

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Sorn avait l’air de s’inquiéter pour lui. Comme si cela l’avait particulièrement touché. En réalité, Noy avait une philosophie de vie plutôt simple : si les gens n’ont pas les gonades de venir lui parler en face, alors leur parole ne vaut rien. Et encore mieux lorsqu’il ne pouvait même pas comprendre la langue de l’insulte. Mais c’était gentil, vraiment, de la part de l’autre thaïlandais. Autant pour avoir pris sa défense que pour lui avoir traduit juste après, glissant même un compliment dans la foulée. Le plus petit sourit légèrement, hochant la tête en acceptant avec politesse. Il n’avait pas réellement l’habitude d’être traité avec autant de gentillesse. On l’avait toujours vu comme un pion bien placé, en plus d’être quelqu’un de malléable. Pourtant, il ne fallait pas se méprendre. Derrière ce visage doux et ses lèvres pulpeuses, c’était plus un petit con qu’un ange qui attendait de sortir pour montrer au monde à quel point il mérite d’être en vie. Se sentant soudainement attirer par lui, il le laissa faire, serrant précautionneusement ses affaires contre son torse. Parce qu’après cette rencontre, si Sorn faisait encore tomber ses affaires, il allait sérieusement ce dire qu’il manigançait quelque chose.

« ดีแค่ไหน... (C’est gentil), dit-il enfin. และอย่างไรก็ตามฉันลืมพวกเขาไปแล้ว. » (Et de toute façon, je les ai déjà oubliés.)

Il n’avait vraiment aucune raison de se souvenir de ce genre de personnages grossiers. Il avait trop de choses dans la tête pour s’attarder sur des idiots qui ne méritaient même pas un brin de son attention. Tous ses neurones étaient concentrés sur son travail et sur la raison de sa venue ici. (Et sur un professeur en particulier, mais ça, c’est pour une autre histoire.) Il ne voulait pas pourrir les cases de travail de son cerveau avec des visages qui se ressemblaient tous et qui ne l’intéressaient pas plus que cela. Le chemin jusqu’à sa classe se fit dans le silence, comme s’ils n’avaient plus rien à se dire. Déjà ? Non, pas vraiment. Mais ils venaient de se rencontrer et ils n’avaient pas beaucoup de temps devant eux avant le début des cours, alors il valait mieux ne pas commencer à s’éparpiller. Sa première classe était, évidemment, des mathématiques, avec des élèves bien plus âgés que lui, mais avec sans doute un niveau bien inférieur. Il avait passé sa nuit à préparer son cours et son travail à faire. Heureusement qu’il était exempté de certain cours magistraux, sinon, il serait mort d’ennui. Mais il ne pouvait pas échapper aux classes de td. Dommage. Arrivé devant sa classe, il se fit éblouir par le sourire de son nouveau camarade, clignant des yeux en l’observant. Puis, plus calmement, il répondit à son expression faciale. Un petit effort… Aller, tu peux le faire !

Il allait lui répondre, jusqu’à sentir une main sur son postérieur. Il se doutait bien qu’il venait de lui glisser son numéro ou un truc du genre, mais, pour tout avouer, sur le coup, son cerveau s’arrêta. Un problème, surtout pour lui, si faible lorsqu’on lui montrait le moindre signe d’affection. Or, il n’avait que deux reparties : taper ou s’enfuir. Dans le cas de Sorn (celui où il ne voulait pas abimer le visage de l’autre la plupart du temps pour le simple fait qu’il est trop beau pour être touché), il opta donc pour la deuxième option. Ne montrant absolument rien de la légère panique qu’il avait ressenti, il hocha la tête, le remerciant une nouvelle fois avant de disparaitre en flèche dans sa classe, allant s’asseoir le plus loin possible de l’entrée, comme s’il voulait mettre le plus de distance possible entre lui et l’autre individu. Puis, il alla récupérer le morceau de papier, entrant le numéro dans son téléphone rapidement, pour ne pas l’oublier. Son nom de contact fut tout simplement le prénom de ce dernier, l’originalité, il la trouvera plus tard. Puis il lui envoya un message, alors que la professeure entrait dans la classe : « มันนัว ! ฉันมีคำขอสำหรับคุณ (ฉันไม่มีเวลาก่อนหน้านี้...) คุณช่วยพาฉันไปเที่ยวปูซานได้ไหม ? » (C’est Noy ! J’aurais une demande à te faire (j’ai pas eu le temps tout à l’heure…) Est-ce que tu pourrais me faire visiter Busan ?) Ce n’était que le début d’une amitié. Et Noy ne s’attendait certainement pas à ce qu’elle devienne ce qu’elle sera.