Au tout début, c’est une histoire heureuse. Qui devient triste. En si peu de temps que l’impression de bonheur n’a jamais existé. Des pieds baignés dans le sable chaud d’une plage paradisiaque, Noy passe à une école fermée. Entièrement. Vendu à l’état pour son cerveau hors-pair, deuxième garçon d’une famille où chaque sous compte. Son plus vieux souvenir est idiot. Sa petite sœur, perchée sur ses genoux de gamin, les doigts dans la bouche, qui regardait l’océan. Elle avait des perles dans les cheveux. Des rayons de soleil tombaient sur ses mèches sombres, les faisant apparaître chocolat. Souvenir d’enfant. Unique. Car le reste, il s’agit d’une chambre à deux. Avec un garçon de deux plus vieux. Et il n’y a plus de soleil. Mais des ombres oui. Il en a encore. Mais elles n'ont plus le goût de sel des embruns.
Dix ans. C’est le nombre d’année qu’il passa cloîtrer derrière les murs de l’école de surdoués. Ils pouvaient sortir, aller se balader en forêt, ou piquer une tête dans le lac. Mais toujours encadrés. On ne sait jamais, ses petits génies pourraient avoir la soudaine idée de s’enfuir. Des professeurs, ils en avaient quelques-uns. Tous des hommes. Chaque ayant sa spécialité à honorer. Noy, c’était les maths. En à peine trois ans, il réussit à terminer l’équivalent d’une générale lycéenne scientifique en mathématique. Dans les autres matières, il était simplement bon. Appliquer ce qu’il arrivait à conceptualiser était difficile pour lui. La physique allait encore. Mais les sciences de la terre lui étaient une étrangeté merveilleuse. Qu’il ne voulait absolument pas expérimenter.
Tout aurait pu être simple. Mais il faut toujours que les histoires d’enfant se dramatisent. Déjà abandonné, vendu en excuse pour qu’il ait une « meilleure vie ». Maintenant, ce sont ses lèvres qui le rendent si attirant. Et non plus son esprit. Trop jeune. Mais la jeunesse, c’est un tabou que chaque homme désire. Et ses airs angéliques furent tâchés par les mains peu tendres de ce professeur de physique-chimie. Il l’aurait cherché d’après ses dires. De sa faute. Trop joli, trop mignon. Trop petit, trop adorable. Trop intelligent, trop énervant. Et ses yeux, qui, apparemment, seraient aussi aguicheurs que ses hanches fines. Il ne savait pas vraiment, n’avait pas vraiment compris. A peine entré dans l’adolescence et déjà, il découvre ce que les hommes désirent. Et puis, cela ne le dérange pas vraiment. Pas complètement. Et il se dit qu’il s’agit réellement de sa faute. Et il laisse faire. Cela durera tant qu’il restera à l’école. Puis il part, démarrant l’université à peine âgé de seize ans. Prodige oui. Mais ayant perdu son auréole.
Et pourtant, encore, ce n’est pas tout. Les rumeurs courent vite dans les internats pour garçons. Et la sienne, même si elle fut rapidement perdue, s’avéra être cachée pour à un autre projet. Son colocataire de chambre, bien au courant de la situation, joua de tout son pouvoir pour lui faire faire n’importe quoi. Enfin, non. Pas vraiment n’importe quoi. Plutôt, tout ce qu’il voulait. Les corvées, les devoirs. Les desserts donnés sous la table, les quelques pulsions parfois exigées. Mais jamais de trop pour se faire découvrir. Son enfance paradisiaque, dont il n’avait pas eu le temps de profiter, avait laissé place à un enfer. Dont il s’était accommodé. Même si, on aurait dû lui dire de ne pas le faire. Parce que c’était mal. Et que ce n’était pas de sa faute. Et toutes ses rengaines qui lui font mal aux oreilles. Il n’avait certes rien demandé. Mais, il ne pouvait que se rendre à l’évidence de quelque de primordiale : il n’avait jamais cherché à s’en sortir. Il n’avait jamais cherché à fuir.
Donc, logiquement, ce n’est pas lui qui a mis fin à tout cette histoire. Mais bien l’école. Devenue trop petite. Il lui fallait une université. Alors Bangkok était une évidence. L’une des plus grandes du pays, des plus influentes et des plus célèbres. Il s’ouvrit alors au monde, découvrant la culture qui, jusque-là, lui était complètement étrangère. On lui parla beaucoup de la Corée, devenue ultra-compétitive. Plus particulièrement de Busan. Elle était devenue la ville des nouvelles technologies. « Et son université sera plus adaptée. » Ils y croyaient. Ils voulaient récoltés la gloire d’avoir un étudiant mathématicien d’un problème irrésolu à ce jour. Alors, deux ans à peine après son entré, on lui donna une valise, un appartement étudiant et un billet d’avion. Mais, ce qu’ils n’avaient pas compris, fut que, loin de ce pays où séjournait côte à côté son passé et son futur, Noy allait enfin pouvoir vivre son présent.