✦ contrariété.

bague passée au doigt depuis quelques mois, bijou au poids bien trop signifiant. bien trop lourd, si lourd que sa masse semble sans cesse s'accrocher aux commissures pour toujours tirer sa moue vers le bas et exprimer mécontentement. depuis vingt ans qu'elle n'a de cesse de parler de lui, celui qu'elle veut plus que tout retrouver, elle aurait espéré que son père l'aide dans ses recherches, et non pas la force à passer à autre chose, en la promettant à un autre de manière forcée. lui imposant un mariage dont elle n'a jamais voulu, avec un homme qu'elle ne connait pas et ne veut pas connaître plus que ça. un homme qu'elle prévoit d'évincer et de remplacer dès qu'elle aura retrouvé son petit prince et avec lequel elle compte bien repousser ce mariage, jusqu'à l'annuler complètement. un total désaccord avec les décisions des deux patriarches donc, qu'elle ne manque pas de manifester en permanence dès qu'elle en a l'occasion.

un désaccord qui n'a vraisemblablement pas échapper à monsieur ahn, père de son fiancée, puisqu'il l'a convoquée aujourd'hui elle et son fils afin de leur parler d'affaire urgentes. s'attendant à ce qu'il insiste une nouvelle fois pour obtenir une date pour leur union, doah a préparé en avance une nouvelle fois son plaidoyer. prétextera une fois de plus que sa carrière est en plein essort et qu'elle préfère attendre d'être à la tête de l'entreprise de son père pour songer à se marier, que ce n'est plus qu'une question de mois avant qu'elle ne fasse suffisemment ses preuves pour qu'il puisse prendre sa retraite et lui laisser les rennes de la firme familiale. d'aucun diraient que c'est scandaleux de confier une affaire de cette importance à une femme, elle ne fait que répondre qu'elle ne se voit pas reprendre une entreprise en tant que jeune épouse - et possiblement jeune mère, si l'on s'en tient aux moeurs de ce pays, et qu'elle préfère bien s'installer sur ce poste avant d'y songer.

cependant alors qu'elle arrive sur place et écoute ce que son futur beau-père a à leur dire, il n'y a rien de tout ça qui ressort ; simplement un regret que ces deux enfants ne se connaissent sans doute pas assez pour passer le cap du mariage, qu'il faut qu'ils apprennent à s'apprivoiser et se découvrir avant de se promettre l'un à l'autre. et avant qu'aucun des deux n'aie eu le temps de dire quoi que ce soit, il leur annonce subitement que leurs bagages ont été préparés et qu'ils partent immédiatement dans un vol privé pour le week end, à destination de l'île de jeju, pour se ressourcer et apprendre à se connaitre. et à peine ont-il le temps de comprendre que les voilà à bord d'un avion privatisé pour eux, planant au dessus de la mer pour se rendre sur cette île atrocement touristique, surtout en plein été.

doah n'a pas décroché un mot de tout le vol, bras et jambe croisées, mine boudeuse, regard rivé sur le hublot. elle trouve scandaleux d'avoir été embarquée dans un trip qu'elle n'a jamais voulu avec un homme à qui elle ne veut pas parler, pas connaitre. et lorsqu'ils arrivent à la villa luxueuse réservée pour eux pour ce wekk end, elle ne prend même pas la peine d'admirer le cadre paradisiaque dans lequel ils se trouvent. retirant son grand chapeau pour directement entrer dans la sompteuse demeurre, elle fait claquer ses talons sur le parquet immaculé, ses yeux se rivant vers l'étage. "j'espère au moins qu'ils ne nous ont pas fait l'affront de ne nous donner qu'une seule chambre." s'indigne-t-elle avant même d'avoir été visiter l'étage. elle prend la peine néanmoins de lui jeter un oeil ; se demandant s'il sera d'accord avec elle, ou si il aurait au contraire, préféré profiter de la situation pour partager la couche. ce qu'elle refusera catégoriquement ; plutôt dormir sur le divan que s'abaisser à s'offrir à un homme avant son mariage. encore moins un homme qui n'est pas celui qu'elle cherche.

✦ appréhension.

Les mots du patriarche résonnent encore et encore. Les reproches fondés et la déception d’un fils qui ne parvient pas même à décrocher un regard de sa fiancée. L’avenir d’un groupe et de milliers de collaborateurs reposent sur tes épaules… et tu es incapable de gérer ta vie personnelle… Les paroles aiguisées plantées en plein cœur, une réalité et une vérité douloureuse à laquelle j’espérais une issue favorable. Les sentiments qui autrefois n’avaient jamais fait vibrer le myocarde endormi le secouaient désormais. Une tornade, un pincement, un poids qui l’écrasait parfois… Aussi lorsque l’homme de fer réquisitionna ma présence, je cherchais la meilleure réponse à lui offrir. Les arguments qui sauraient faire reculer la tempête d’une nouvelle déception.

La silhouette frêle aux longues mèches d’ébènes juste à côté de moi, je tentais de masquer la surprise et de mettre en sourdine le cœur qui tambourinait déjà contre mes côtes. J’attendais silencieusement la sentence, redoutant même jusqu’à la fin prématurée d’un mariage qui n’avait pas encore prononcé. N’était-ce pas ridicule ? Espérer sans pourtant oser l’approcher. Anxieux, j’écoutais attentivement le discours du patriarche en sachant pertinemment que quelle que soit sa décision, je n’avais aucun pouvoir si ce n’était subir avec le sourire. Mais ce fut le soulagement qui m’étreignit alors que le verdict tombait : un weekend loin de tout, dans une villa paradisiaque de Jeju. Si l’idée me fit sourire timidement, je savais pourtant que si officiellement personne ne nous chaperonnerait, les gardes du corps ne manqueraient pas de relater le séjour dans les moindres détails à leur commandant.

Les mains moites, le muscle battant frémissant à chaque son, je fis couler mon regard vers la brune sans que jamais nos yeux ne se croisent. Avoir un semblant de son attention relevait d’un combat épique que je perdais constamment. Sur le chemin de l’aéroport, dans l’avion aux sièges luxueux, dans la voiture qui nous menait tout droit sur notre lieu de villégiature, et même devant les lourdes portes en acajou… les mots ne filtraient la barrière de chair tremblante. Et elle fut la première à briser le silence. Une réplique qui me noua l’estomac déjà retourné. L’idée de partager mon lit la répugnait, et instinctivement mes yeux chutèrent. Je m’analysais toujours sans un mot et cherchais ce qui pouvait la repousser à ce point. Mais sans que je n’ai le temps de réfléchir davantage, elle ouvrit la marche et s’engouffra dans la villa.

Le soupire m’échappa en même temps que je retournais à la voiture récupérer nos bagages. Un sac chacun, une besace si légère que je me demandais si nous aurions suffisamment de quoi nous changer. Les mains chargée, je la retrouvais dans le grand salon. Une pièce de vie habillée de velours et de marbre, des nuances de beige du sol au plafond, des coussins, des tapis, une villa digne des spots publicitaires qui placardaient la capitale. L’opulence dans laquelle j’avais grandi sans même me poser de question. Rapidement, j’inspectais le contenu de mon sac en quête d’un emploi du temps ou de directives laissées comme il aimait le faire… mais rien. Un maillot de bain, un pantalon en lin, une chemise… rien de plus. Aussitôt, je posais mon regard sur l’homme en noir le plus proche, mais lui non plus ne laissait rien transparaître. « Je…  Tu veux faire quoi ce weekend ? » tentais-je. Vu la mine peu réjouie et le regard ténébreux de Doah, j’imaginais sans mal qu’une seule et unique chambre était disponible, et je comprenais alors l’enjeu de ce séjour…

✦ soupirs.

ils sont bien nombreux à sortir de ses lèvres délicatement maquillées, alors qu'elle inspecte du regard la grande demeurre vide. tout y est fade et impersonnel, tout transpire l'argent et le luxe, et une fois n'est pas coutume, toute cette oppulence l'agace et l'ennuie. pourtant doah ne s'est jamais montrée mécontente de vivre dans le luxe, bien au contraire, c'est avec fierté qu'elle se pavane dans ses robes de grands créateurs, et qu'elle expose les bijoux et sac à main de sa marque comme un mannequin ambulant qui en fait la promotion partout où elle va. mais aujourd'hui tout ceci ne laisse que transparaitre cette obligation qu'elle a si longtemps repoussée, et à laquelle elle est désormais enchainée. ces fiançailles qu'elle n'a jamais voulues. et leurs deux pères semblent bien pressés de les marier ; aussi faut-elle qu'elle se dépêche de retrouver celui qu'elle cherche, si elle ne veut pas passer le restant de sa vie aux bras d'un inconnu.

au fond d'elle doah est bien consciente qu'elle est cruelle envers cet homme auquel elle est liée ; il n'a pas choisi cette situation plus qu'elle, et il tente malgré tout de toujours être avenant et respectueux, et de se faire bien voir. mais elle est en colère, doah ; elle est en colère contre cette situation, contre ce qu'on lui impose qui ne lui convient pas, et inévitablement, elle se venge sur lui, qui est le premier concerné au final. elle veut qu'il comprenne qu'elle ne sera jamais sienne, jamais complètement. elle veut qu'il comprenne qu'il y en a un autre dans son esprit, depuis près de vingt ans. et peut-être qu'un jour elle lui parlera de lui, lui expliquera pourquoi elle se refuse ainsi.

un jour, peut-être.

en attendant elle fait claquer ses talons à travers le grand salon pour aller déposer son sac à main et son grand sur la table à manger. un nouveau soupire la traverse lorsqu'il s'adresse à elle en lui demandant ce qu'elle veut faire, et elle ne peut que lever les yeux au ciel un instant. "et bien, il n'y a rien que j'ai réellement envie de faire, puisque je n'ai pas envie d'être ici en premier lieu." lance-t-elle comme si c'était une évidence.

il va pourtant bien falloir qu'elle trouve quelque chose à faire, si elle ne veut pas passer ces deux jours à mourir d'ennui. elle pourrait, en soi, se poser sur le canapé et bouder pendant deux jours sans manger ni parler ; c'est tout à fait dans ses cordes. mais l'optique de s'ennuyer indéfiniment tout en s'agaçant de tout ce qui pourrait interrompre sa bouderie ne la fait pas rêver. aussi finit-elle par hausser ses fines épaules. "mais puisqu'on est là, autant en profiter. je vais aller à la plage." activité annoncée seule, sans l'inviter à l'accompagner mais sans non plus l'en empêcher. après tout, c'est ce pourquoi les gens viennent à jeju en général, aller à la plage.

décidée, elle saisit ses affaires et s'empresse de monter à l'étage pour se changer. entrant dans la première chambre qu'elle trouve sans pour le moment aller inspecter s'il y en a d'autres ou non, car elle n'a pas envie d'être encore plus contrariée pour l'instant, elle enfile son joli maillot de bain, et le recouvre d'une robe blanche légère, car or de question d'exposer les parties les plus secrètes de son corps. un nouveau chapeau tout aussi immaculé, des lunettes de soleil et des bijoux en tous genres pour parfaire le tout, et doah redescend dans sa tenue qui n'est faite que pour être vue et admirée. et ainsi passe-t-elle devant son fiancé pour sortir de la villa accompagnée d'un garde du corps, pour se diriger vers la plage la plus proche, juste en bas d'un chemin qui contourne la villa. et elle ne regarde même pas derrière elle, ne se soucie pas de savoir si il est là on non ; après tout il l'a probablement suivie.