l'avoir face à lui ; être pourtant incapable de l'approcher. du moins, pas de la manière qu'il voudrait. milan est silencieux depuis qu'il s'est posé sur le cette banquette, il n'a qu'à tendre le bras pour que ses doigts effleurent ceux de son ancien amant, mais il ne peut s'y oser. il ne veut pas qu'il le fuit, ou pire, que le regard qui se pose sur lui soit hostile ou teinté d'indifférence.
pourtant, sieon en avait tous les droits, et lui aucun de se plaindre ou s'en sentir mal.

il baisse les yeux sur son verre, son troisième ou son quatrième de la soirée, il ne compte pas vraiment et ses idées lui semblent toujours aussi claires. sa tolérance a atteint des summums ces dernières années et ça ne lui donne l'impression que de n'être une énième moquerie de l'univers. il ne peut même pas se bourrer la gueule et oublier.  

le soupire qui s'échappe d'entre ses lèvres à un moment est discret, il dissimule toute la jalousie qu'il ressent en voyant sieon offrir un sourire à l'un de leurs amis assis à ses côtés et accepter qu'il s'impose dans son espace vital alors qu'il lui raconte un je ne sais quoi que milan aimerait bien ignorer. il fait jouer le verre de whisky coco entre ses longs doigts, toujours aussi silencieux parce que malgré les nombreuses invitations du groupe qu'il a accepté ces dernières semaines, le garçon a toujours du mal à se sentir à sa place entre eux. tout le quartier aux alentours de l'université le dépayse étrangement.

il lui est impossible de réprimer l'envie de revenir poser les yeux sur sieon et il y cède de nouveau, lève le regard en sa direction, cette fois-ci pour retrouver le sien. milan essaie de ne pas penser à son cœur qui rate un battement, il ne veut pas penser à quel point il continue de le trouver beau. et le sourire qu'il lui offre est maladroit, un peu crispé.

les voix et les rires bourdonnent autour de la table, maintenant un rythme constant tant le groupe refuse d'arrêter les bavardages et plaisanteries. sieon s'y laisse aller agréablement, l'ambiance l'enivre encore plus que les quelques verres déjà présents dans son système et qui ne tarderont sans doute pas à se multiplier. sieon participe vivement aux futilités de ses amis et sa voix s'ajoute aux leurs sans jamais hésiter, même s'il trouve mieux son aise à occuper le rôle d'observateur. il a toujours aimé prendre part à ces moments sans réellement en faire partie, en préserver la candeur pour que leur souvenir reste aussi pur que possible dans sa mémoire. et sieon est le plus en paix lorsqu'il laisse son regard vagabonder sur sa compagnie sans un mot, malgré les tremblements dont est pris son coeur chaque fois qu'il pose les yeux sur lui.

à quelques sièges à peine de lui, milan semble passer une soirée contraire à la sienne. même à travers sa vision déjà embrumée sieon parvient à déceler son malaise et il se demande s'il est venu par réelle envie de se trouver ici ou par simple désir d'être en sa compagnie — pensée arrogante qu'il rejette aussitôt. il n'a plus de place à occuper dans la vie de milan, pourtant il ne cherche plus à l'éviter ; chaque effort qu'il fait pour le tenir au loin semble lui rappeler l'emprise qu'il continue d'avoir sur lui et, dans l'espoir de s'en défaire enfin, sieon se laisse aller vers lui. telle est l'excuse élaborée pour ne pas avoir à s'admettre à quel point il tient encore à lui. hey, souffle-t-il en se penchant vers milan, les pulpes de ses doigts effleurant doucement son avant-bras pour attirer son attention, you okay?

les verres se suivent, bientôt milan ne les comptera plus. il n’est pas certain de les avoir jamais comptés réellement, sa tolérance a l’alcool à atteint ses summums ces dernières années et parfois l’ivresse devient difficile à atteindre même quand il ne cesse de s’oublier dans ces verres pour ne plus penser à l’être aimé, aussi proche que lointain. sieon est là ; à un toucher de main, à un battement de cils. il est là et il peut distinguer sa voix et son parfum parmi tous les autres, pourtant il reste amèrement inaccessible.
plusieurs fois ses yeux dérivent sur la silhouette de sieon, il est discret, trouve toujours une excuse pour que son regard se retrouve sur lui. mais les excuses manquent et son envie persiste, jusqu’au moment où leurs iris se rencontrent. sieon s’approche de lui, il se fait plus proche et son cœur tremble aux centimètres qu’il franchit.
sieon est trop proche et son cœur étouffe.

mais de l’extérieur, milan préserve la même allume, un peu mal à l’aise mais tout aussi détachée. il ne l’entend déjà plus quand sa voix résonne, trop pris par son parfum qui le submerge et la sensation délicate de ses doigts contre sa peau. les secondes passent jusqu’à devenir gênantes et ce n’est qu’à ce moment qu’il le réalise et revient à la réalité, ce n’est pas si grave, l’alcool rend les réactions plus lentes après. « yeah, yeah, i’m good. don’t worry, i’m just a bit tired. » son sourire se fait un peu plus léger. « i didn’t mean to spoil the mood. » le rire un peu gêné, peu désireux de rendre l’ambiance lourde.

ça fait si longtemps qu'ils ne se sont pas retrouvés si près l'un de l'autre. les rencontres se multiplient récemment mais le malaise subsiste, jusqu'à ce que l'ébriété s'installe et le chasse. puis, sieon repose les yeux sur lui et sent une vague de sentiments le submerger, si lointain qu'il ne parvient plus à les identifier. amour, affection, simple curiosité de ce qui se passe derrière ces yeux distants et déconcentrés. tout ce que sieon sait, c'est qu'il se retrouve à chaque fois aimanté vers lui, mué par une envie aussi insupportable qu'irrésistible d'avoir son attention. sa raison l'empêcherait d'initier le moindre contact, aussi innocent et simple soit-il, mais elle est introuvable sous les flots d'alcool déjà consommés et il ne peut s'empêcher de tendre la main pour effleurer le bras de milan du bout des doigts. it's gonna take a lot more than you spacing out to spoil it, souffle-t-il en un sourire, son regard se détournant légèrement de lui pour s'amuser de leurs compagnons dont l'enthousiasme ne semble pas près de s'épuiser, l'un d'eux tentant désespérément de provoquer un tourbillon dans sa bouteille de soju avant de finalement s'en asperger. just wanted to check. le sourire s'étire, rassurant et sincère. stupide, pense-t-il avant de réprimer la pensée, même si elle reste terrée dans son esprit. il est incapable de respecter ces limites qu'il s'est promis d'instaurer, incapable de rappeler à milan à chaque souffle qu'il occupe ses pensées et compte toujours pour lui. sieon a honte de son manque de subtilité, même si milan ne décèle probablement pas ses sentiments aussi intensément que lui les ressent.

il s'efforce de retrouver sa place, de prêter son attention à leurs camarades autant que possible pour se distraire du seul qui l'intéresse, mais il se retrouve rapidement incapable de tenir en place et sans y réfléchir, il se lève d'un coup, la main enfouie au fond d'une de ses poches.i'm going for a smoke, déclare-t-il à l'attention de la table entière bien que son regard ne se pose que sur milan, comme s'il est le seul concerné. sieon ne prend même pas la peine de le cacher car en quittant la table, il se penche vers lui pour l'inviter à le rejoindre. wanna come? inconscient de ce qu'il cherche à accomplir en quémandant sa compagnie ou de ce qu'il fera quand il l'aura enfin, sa requête est simplement muée par un instinct irrépressible.