La voiture noire se gara devant l'enseigne de la boutique, les employés se pressèrent afin de préparer un accueil convenable à la cliente qui se fit ouvrir la porte. Les mèches blondes surgirent du véhicule alors que les talons se posaient au sol. La femme se redressa, attendant patiemment que sa troupe soit fin prête avant de s'engager dans l'allée, n'accordant aucune importance aux salutations des employés qui se baissaient tous humblement à son passage. Son assistante se pressait derrière elle, le garde du corps fermait la marche, s'assurant qu'aucune menace ne les guette. La porte en verre lui fut ouverte également. Elle se glissa à l'intérieur sans même remercier le valet. L'assistante s'en chargea pour elle, se courbant à son passage pour le saluer. Rin avançait tout droit, elle connaissait l'endroit et la procédure par cœur. Une femme s'avança vers elle, sourire cordiale aux lèvres et salua la jeune femme d'un ton aimable et clair. Rin lui rendit d'un geste de la tête, retirant les lunettes de soleil qui étaient posées sur son nez et plongea son regard autoritaire dans celui de la vendeuse alors que son assistante prenait les devants. «Madame Jung va présider un nouvel événement, il lui faudrait quelque chose de chic, mais qui ne fasse pas trop rigide.» Exposa-t-elle à la vendeuse qui répondit aussitôt : «Bien sûr, nous étions préparés à la venue de mademoiselle Jung, nous avons donc mis de côté plusieurs tenues à lui présenter.» Rin contracta sa mâchoire et fronça les sourcils. «Madame Jung.» Lâcha-t-elle comme un reproche en foudroyant l'employée du regard qui ne comprit pas tout de suite. «Pardonnez-moi ?» Elle lui rendit un regard surpris, ce qui ne fit qu'agacer plus la blonde qui claqua sa langue. «C'est Madame, Jung. Pas mademoiselle, je vous prie.» La femme se baissa en angle droit en murmurant une excuse avant de les inviter à rejoindre l'autre côté de la boutique afin qu'Aerin puisse choisir sa tenue. La blonde soupira lourdement et se mit en marche. 

Tenues exposées de la plus simple à la plus compliquée, cinq au total que Rin prit le temps d'étudier minutieusement. Elle passait son regard sur les vêtements, jaugeant chaque pièce avec attention. Elle finit par se tourner vers la vendeuse pour décaler sur un ton las : «C'est quoi ça ? Vous avez rien de mieux à proposer ?» Elle se mit à les pointer une par une «Trop court, trop long, couleur hideuse, vous voulez que je tombe à chaque pas ? Ça, je n'en parle même pas.» Les respirations étaient retenues alors que la belle détruisait le travail de chacun. La blonde n'était pas d'une humeur charitable non, c'était le contraire, à vrai dire. Une vraie plaie pour ces pauvres employés qui tentaient de tout faire pour satisfaire cette cliente capricieuse. «P-pardonnez nous madame Jung, nous allons trouver autre chose. Désirez-vous un café ou un thé pour patienter ?» La blonde secoua la tête et vint prendre place sur un fauteuil avant de sortir son téléphone. «Ça ira.» Les vendeurs se remirent au travail, se pressant pour ressortir cinq nouvelles tenues à présenter à la jeune femme. Celle qui était chargée de la présentation lui exposa chaque vêtement un par un, sous l'œil arrogant de Rin qui osait répondre à ses messages en même temps. Exposé fini, la blonde se releva et glissa son portable dans sa poche avant de s'approcher de la vendeuse. Elle se permit de poser ses mains sur elle, venant redresser son badge qui s'était affaissé. « Mh, madame Park, c'est votre premier jour ici ? Je ne vous ai jamais vue avant... » Elle laissa planer un long silence, s'amusant de la tension qu'elle instaurait. Elle aimait, cette sensation de pouvoir, celle de tous les tenir dans sa main, prête à les manger un par un. La lionne refaisait surface, un portrait terrifiant pour ceux qui étaient à son service. «Je vous laisse une dernière chance. Tâchez de me surprendre.» Elle glissa ses doigts sur le badge et sourit à la vendeuse terrifiée, un sourire dissimulant une menace oppressante. Elle se recula alors, libérant la jeune femme tremblante de son emprise étouffante.

Mélodie épuisante des galeries qui accueillaient en son centre des visages inconnus et tous plus élégants les uns que les autres, c'était là, que la poupée de porcelaine à la peau brisée avait trouvé refuge en ses compétences qui dotaient ses fins doigts de la maîtrise des aiguilles. Pourtant, elle n'était pas de ceux qui composaient sur les tissus pour venir effleurer la peau des personnalités les plus hautes. Elle le pouvait, pourtant, mais préférait laisser parler ses talents sur de simples retouches à appliquer directement sur les mannequins qu'on lui offrait, de ses maigres allures de vendeuse tirée à quatre épingles. Car elle était de celle que les muses avaient doté de talent, tout comme de cauchemars. Celle dont les astres morts dans ses yeux nébuleux ne faisaient que la paralyser un peu plus dans une réalité beaucoup trop violente. Et elle était dans ses horaires, la jeune femme déjà habillée, parée à partir au travail qui arrivait déjà sur les lieux. Voix qui s'élevait, elle se faufila discrètement, pour éviter les regards, alors qu'elle écoutait pourtant les commentaires de la jeune femme qui semblait n'être là que pour critiquer tout ce qu'elle voyait sous ses pauvres yeux. Mais le client était roi, et encore plus dans ce genre de magasin de luxe qui offrait tous leurs services aux plus fortunés. Vestiaires rejoints, où elle rajusta ses longs cheveux noirs en un chignon haut, badge qu'elle épingla sur le haut de sa poitrine, elle savait qu'elle devait agir rapidement et professionnellement. Alors tout doucement, passant la porte qui la séparait de la pièce principale, elle observait le tout avant de venir choisir de ses propres choix deux pièces de tailleurs qui selon elle siérait parfaitement à la jeune femme.  

Talons qui claquèrent alors sur son passage tandis qu'elle se revêtit d'un sourire poli et délicat, elle observa vaguement sa collègue qui semblait terrifiée sous le regard de la blonde, lui faisant un léger geste de la tête pour lui dire de reculer avant de se positionner devant sa nouvelle cliente. Corps qui se plia en deux poliment, elle plissa légèrement les yeux sans perdre son sang froid. "Je vais m'occuper de vous. Et dans ce court laps de temps si vous pouviez éviter d'effrayer toute la boutique avec vos commentaires désobligeants...Je vous en remercierais." qu'elle prononça alors d'un ton poli et pourtant si froid, car c'était ce qu'elle était, elle, mirage des anges qui l'avaient abandonnée ici, elle n'était qu'une illusion que l'on avait voulu forger. Tenue qu'elle tenait entre ses mains, elle la lui présenta alors sous ses prunelles sans lui laisser le temps de répondre. "Je vous ai donc sélectionné l'un de nos modèles unique de tailleur. Blanc, qui mettra vos cheveux blonds en valeur et votre teint délicat en avant. Veste centrée que vous pouvez porter comme haut unique pour un effet plus efficace, et pantalon à ponts taille haute pour souligner votre taille, légèrement évasé au niveau du bas de vos mollets pour agrandir la silhouette. Je vous conseille d'y ajouter une belle paire d'escarpins pour allonger encore plus votre figure." Elle s'y connaissait, mais elle ne lui laissait pas non plus le choix, sûre d'elle, face à ce genre de clientes qui se pensaient supérieures à toute la populace qu'elles pouvaient croiser.

Non, elle ne se pliait pas. Elle restait tout de même professionnelle, de ses airs légèrement téméraires, celle qui à son habitude était d'un calme fracassant et livide. Restant alors bien droite, bien ancrée dans le sol, elle la fixait dans les yeux sans pour autant se montrer désobligeante, juste pour lui tenir tête et lui montrer qu'elle n'était pas aussi faible d'esprit face à des personnes comme elle. "Si vous n'aimez pas, nous pourrons très bien regarder ensemble ce qui vous plairait. Car je suis sûre que vous saurez décider bien mieux par vous même qu'en vous reposant sur les autres. Vos goûts ne sont sans doute pas à remettre en question." Car dans son métier, il fallait savoir valoriser ses clients, qu'importe son avis personnel, qu'importe ce qu'elle pourrait lui dire pour la faire se briser. Mais ce qu'elle ne savait pas, c'est qu'elle l'était déjà, elle, cet astre fêlée et réduit en cendre.

Talons qui résonnèrent contre le sol brillant de la boutique de luxe, Aerin redressa sont regard de braise vers la poupée qui venait de faire son entrée, afin de tirer sa collègue des griffes de la lionne enragée. La blonde laissa son regard parcourir le corps de celle qui s’interposa entre elle et sa proie, comportement audacieux qui aurait pu contrarier la cliente, mais qui pourtant sembla piquer son intérêt. Tête qui se redressa, petit sourire en coin elle fit un pas en avant, plongeant son regard sombre vers la créature qui avait oser intervenir. « Pretty. » Murmura-t-elle dans un souffle avant de poser ses yeux sur celle qui s'était faite remplacée. « Mh, je m'excuse pour mon comportement, c'était déplacé. » Paroles d'une fausse sincérité elle finit même par ajouter un clin d'œil avant de se concentrer de nouveau sur la beauté qui lui faisait face, afin d'écouter son charabia qu'elle ne comprenait pas. Rin et la mode, un duo compliqué. La jeune femme avait passé la plupart de sa jeunesse dans la tête dans les livres, autant dire que les joggings avaient été ses meilleurs amis durant un temps. Elle avait redressé la barre depuis, heureusement, mais elle restait absolument ignorante. Elle avait juste fait sa scène histoire de casser les pieds à tout le monde, pour qu'on concentre son attention sur elle, comme venait de faire cette charmante jeune femme que Rin ne pouvait s'empêcher de reluquer.

La tenue présentée, Rin tourna sa tête vers son assistante qui faisait la grimace, redoutant un autre caprice de sa supérieure. La lionne affichait pourtant un sourire tout à fait inhabituel. Elle tendit son doigt vers le costume et hocha la tête. « Je veux ça. » L'ensemble de la boutique semblait soulagé, comme si la tension redescendait d'un coup, soupire commun alors que le volcan redescendait en pression. Rin, pourtant, ne se relâcha pas, au contraire, elle se redressa un peu plus sur ses échasses, comme pour défier l'autre qui semblait vouloir lui prouver quelque chose. Elle croisa ses bras sur sa poitrine et s'avança d'avantage, les yeux ancrés dans les prunelles sombres de la vendeuse audacieuse. « Il y a autre chose, que je veux également.» Elle tendit sa main comme pour l'attraper, mais retint son bras à quelques centimètres d'elle. Son sourire s'élargit, elle s'autorisa à passer ses doigts dans les cheveux corbeau de la belle avant de glisser son index sur le badge. « Seon Jaehee. » Tout le monde observait d'un œil mi-intrigué mi-outrée, comme si la scène dont ils étaient témoin se déroulait dans un film. Rin ne s'était jamais retenue lorsqu'il s'agissait de se prononcer sur ses préférences et envies. Elle avait l'habitude qu'on lui apporte tout sur un plateau d'argent, et ce, depuis son plus jeune âge.

L'assistante de la blonde vint alors interrompre l'échange, tirant sur la manche de sa patronne avant de se baisser par respect. « Madame Jung, on devrait y aller, si la tenue vous convient. Vous avez une réunion dans une demie-heure... » Rin fit de nouveau claquer sa langue, avant d'adopter une mine boudeuse. « Mais je l'aime bien. Tellement que je risque de penser à elle toute la matinée et ça risque de me déconcentrer. Je serais inutile à la réunion. » Des paroles déplacées, Rin choqua toute l'assemblée, ses propres employés plus encore. La blonde n'était pas du genre à rater une réunion, encore moins à se laisser déconcentrer par quelqu'un. Le comportement de la jeune femme était une première. La lionne détourna le regard de son assistante pour le reporter sur l'objet de sa convoitise. « Comme vous allez faire pour régler ça madame Seon ? » Demanda-t-elle d'un ton innocent qu'elle accompagna d'un sourire sous-entendant le contraire. Elle prenait réellement plaisir à tourmenter tout le monde ce matin. Elle redressa alors son menton, attendant patiemment la réponse de son interlocutrice.

Prunelles divines qui la scrutèrent alors, tandis qu'elle gardait son sourire poli pour ne pas perdre son rôle de vendeuse. Car c'était tout ce qu'elle était, celles aux compétences qui se devaient moindre face aux marquises descendues des cieux. Mais ô combien elle ne se laisserait pourtant par marcher dessus, elle, ô combien elle n'était pas la poupée faible qui pouvait se refléter dans ces iris si élégants. Attention de la noiraude obtenue, pour celle qui ne demandait que cela, elle écouta ses excuses sonnant mélodiquement faux, alors qu'elle ne frémit aucunement sous ses mimiques esseulées. Car elle n'était pas du genre à faire de commentaire, ni même à entrer dans les jeux des autres, sauf pour faire vendre les œuvres cousues sur ces cintres. Regard plus gracieux alors qu'elle apposa sur ce visage si fier, elle n'hésita pas à lui présenter ses pièces, qui pour elle, était sans doute ce qui lui irait le mieux. Détails sur lesquels elle avait insister, comme pour la convaincre qu'elle serait ravissante dans ces tissus blancs qui n'allaient pas à tout le monde, elle plissa légèrement les yeux, tandis qu'elle fut ravie de son discours accrocheur.

Regards lancés, décision prise sous un sourire bien différent de cet air supérieur que la blonde avait pu afficher, elle fut en un sens soulagée, d'avoir pu combler les attentes de celle qui semblait si exigeante. "Bien...S'il vous plait vous pourrez passer en cabine pour les possibles retouches nécessaires." qu'elle s'efforça de prononcer, avant de voir sa cliente se redresser en sa direction et se rapprocher, tout en laissant son regard insolent se plonger dans le sien. A croire qu'elle n'en avait pas fini, celle qui semblait vouloir posséder le monde entre ses dix doigts. Visage calme qui attendait la suite, prête à lui donner tout ce qu'elle voudrait, elle se laissa pourtant faire, quand ses doigts s'entremêlèrent à quelques une de ses mèches pour ensuite venir effleurer son badge de la manière la plus possessive. Réponse des plus inattendues, pour celle à qui l'on avait jamais prononcés de mots aussi délirants sans doute. Paupières qui papillonnèrent, lèvres qui s'étirèrent plus finement comme pour ignorer ce que venait de dire la jeune femme, elle ne put cependant pas passer outre les commentaires ajoutés. Peut-être était-ce parce qu'elle avait l'impression que l'on se jouait d'elle, ou tout simplement que les regards aiguisés de sa clientes devaient être défaillants. "C-Comment...?"  Joues qu'elle s'empêchait de se laisser colorer d'une toucher rosée, elle soupira vaguement sous les caprices que semblait de nouveau de mise sous des idées complètement illogiques. Car pour elle, personne ne pourrait l'apprécier, quoi qu'il arrive. Personne ne pouvait poser les yeux, sur ces porcelaine ébréchée de partout, et si gelée, cette peau pale et livide.

Sourcil qui se haussa, elle pencha un peu la tête lorsque son regard se posa sur elle, avant de venir doucement plier les habits délicatement entre ses doigts. Sa cliente semblait la voir comment une proie aisée, un objet qu'elle pourrait obtenir avec facilité en jouant un peu de son regard de biche. "Et bien...De une je ne suis pas une chose que l'on peut posséder. De deux, veuillez faciliter la vie de votre assistante je vous prie. Vous risquez d'être en retard, et cela prime d'avant bord n'est-ce pas ?" Sourire malicieux collé au visage, comme si ce petit jeu l'amusait plus qu'autre chose, elle finit par venir de ses doigts fins, ces quelques mèches rebelles derrière son oreille, prunelles pourtant vides. "Et de trois vous devrez de toute manière revenir pour pouvoir convenir des retouches à effectuer, ou tout simplement essayer la tenue. Je m'occuperais personnellement de vous si cela vous fait plaisir, mais je ne pourrais rien convenir d'autre." Parce qu'elle était de ces personnes qui faisaient passer le professionnel avant tout, même si tout cela l'amusait particulièrement, il fallait le dire. Charmes qui auraient pu fonctionner, si elle n'avait pas eu ce cœur de glace depuis toujours, celle que l'on avait jamais réussi à faire succomber. "Nous pouvons de ce pas convenir d'un horaire si vous le souhaitez. Je ne sais pas si cela satisfera votre appétit débordant, mais vous pourrez toujours revenir après votre réunion." Proposition qu'elle lui fit comme un moyen de la motiver juste un peu, tandis qu'elle se retourna tout doucement pour mettre les pièces de côtés sous blister pour la jeune femme. "Dans tous les cas, je ferais de mon mieux pour arranger cela dans les moyens du possible, mais veillez à ne pas prendre pour acquis ce qui ne l'est pas." Mots légèrement murmurés, alors qu'elle se retenait tant bien que mal de se la jouer encore plus téméraire, de rentrer dans son jeu. Car les paroles, elle ne savait pourtant pas les exprimer, et elle, ne pourrait que l'inviter à la suivre jusqu'au comptoir, pour y noter des horaires, d'une prochaine tentative d'attaque.

Et les paroles se déversèrent, suffisant à ravir les oreilles de l’audacieuse dont le visage se peignit d’un sourire malicieux alors qu’elle oubliait presque le motif de sa présence en ces lieux trop sérieux. Suggestions délicieuses, la blonde aimait ce qu’elle entendait tout autant que ce qu’elle voyait. Rin aux griffes acérées, elle aimerait la posséder elle, poupée au regard brisé, d’une délicatesse rare dans ce monde de brutes. Elle voudrait l’exposer dans un musée, pouvoir l’admirer en toute liberté, mais les femmes ne sont pas des objets, elle était la première à le revendiquer. « Évidemment, je ne me permettrais pas de vous considérer comme un bien, madame, mais je dois avouer que je suis tombée sous votre charme. » Culot toujours plus assumé, elle ne mâchait pas ses mots, jamais, et se jouait de cette société qui n’osait pas dire les choses, qui se retrouvait choquée à la moindre preuve d’honnêteté. Aerin méprisait tous ceux qui se contentaient de satisfaire leur auditoire, hypocrisie collective qui se voyait des kilomètres, elle avait pris l’habitude de s’exprimer librement sans craindre le jugement de ceux qui l’entouraient, il y aurait longtemps qu’elle se serait faite bouffer autrement. Comme celle qui se tenait devant elle en ce moment-même, jeune femme abusée par la vie, qu’on a privé de sentiments. Coquille vide d’une perfection altérée, surface trop lisse, dangereusement tentatrice.

Les vêtements était oubliés depuis longtemps, mais l’autre les lui rappela en évoquant les cabines et les retouches, idées qui réveillèrent en elle des instincts primaires qu’elle ne pouvait refouler. Si elle le pouvait, Rin n’en ferait qu’une bouchée, mais elle restait quelqu’un de mesuré, bien qu’on puisse parfois la prendre pour une folle. Les yeux quittèrent finalement la figure délicate de la vendeuse pour se poser sur l’assistante dont la nervosité ressortait de manière trop flagrante. La blonde leva les yeux au ciel et secoua sa tête avant de répondre à celle qui ne perdait pas son sens du travail malgré l’énergumène qui se tenait devant elle. Aerin appréciait le professionnalisme de cette femme, car elle était pareille au travail, toujours focalisée sur ses objectifs, ne se laissant jamais déstabiliser par les imprévus. Inspirante, elle était inspirante. « Bien, faisons ça alors. Je n’ai rien de prévu après ma réunion. Une heure et demi ça vous conviendrait ? Le meeting prendra fin à dix-heures et demie, au pire, je déborderais sur mon déjeuner. » Elle ne lui laissa pas le temps de répondre et s’approcha plus encore, défiant les limites du correcte pour pouvoir se pencher à son oreille. « Veillez à ce que ça soit vous et personne d’autre, je n’accepterais aucun autre vendeur, aucun. » Elle plongea alors sa main dans la poche de son manteau pour en tirer une de ses cartes des visites, alors qu’elle reculait légèrement pour la regarder dans les yeux. « Je vous laisse vous occuper du reste, je suis déjà en retard. Appelez-moi si besoin. » Elle glissa alors la carte blanche dans la poche du tailleur de la jeune femme et lui accorda un dernier sourire avant de se tourner vers la sortie.

 « Les mails de mon filet sont robustes et vous y êtes déjà prisonnière. » Lâcha-t-elle finalement sans la regarder avant de faire signe à son assistante et son garde du corp. Elle se remit en marche, dépassant la vendeuse pour rejoindre la sortie de la boutique. La lionne avait terminé sa chasse, il était temps de rentrer au bercail, elle reviendrait plus tard pour achever sa proie. Les portes s’ouvrirent devant elle et la silhouette blonde se glissa dehors, suivie de près par les deux autres qui prirent le temps de saluer les employés avant de disparaître. 

Revendications faites, de celle qui était soi-disant tombée sous son charme, regard déstabilisé, qui essayait pourtant de comprendre ce qui se tramait, derrière la tête de celle qui lui faisait face. Paroles risibles quand on y pensait, venant des astres beaucoup plus illuminés qu'elle. Car elle n'était qu'une ombre parmi tant d'autres, elle n'était que celle, qui se faisait hanter par des démons de tout temps. Alors quand bien même, elle savait pertinemment que l'on risquait de ne faire que jouer avec elle. Elle n'était pas idiote, la noiraude, de son visage de marbre pourtant si facilement brisable, car elle ne céderait pas aux caprice d'une personne sans doute un peu trop joueuse. "Je vois...Et bien pour le coup de remettrait vos goûts en question..." Comme pour ne pas insinuer que ce n'était qu'une mauvaise idée de venir effleurer les flammes des enfers. Peut-être était-ce tentant, de pouvoir se brûler un peu les ailes, alors qu'il n'en restait déjà plus rien. Elle n'était pas ce que l'on pouvait appeler une demoiselle sage et docile, loin de là, car derrière ses airs de poupée de porcelaine fabriquée de toute pièce et sans émotion, elle était tout simplement une étoile douloureusement éteinte. Tentations auxquelles elle ne succombait jamais, pour ne pas sombrer un peu plus.

Vêtements rangés, alors qu'elle croisa de nouveau le regard de la jeune femme, elle plissa un peu les yeux, ne s'attardant pas à ces regards carnassiers qu'elle pouvait lui offrir. Elle savait se contrôler, elle savait faire passer le travail avant toute chose, car les gens, elle ne s'y intéressait pas. Rendez-vous énoncé, horaire en tête qu'elle mémorisa sans même le noter, elle hocha vaguement la tête avant de la voir se rapprocher d'elle. Proximité dont elle se fichait, qui ne la faisait à peine frémir car elle savait que tout n'était qu'illusion et façade, elle soutint son regard, avant de sentir son souffle effleurer ses tympans. Fin sourire au visage, soupire délicat, elle tourna la tête à son niveau pour affronter ses regards pleins de témérité. "Une heure et demie alors. Et je ne me permettrais pas de revenir sur mes paroles. Vous pouvez être assurée que je m'occuperais personnellement de vous." Mots soutenu d'une voix délicate, alors que sa cliente se recula et lui glissa sans même hésiter une carte de visite, dans ces poches qu'elle n'utilisait jamais et qui n'étaient là que pour décorer. Silhouette déjà en position de partir, elle se plia en deux pour saluer sa cliente, léger regard blasé en sa direction sous des mots qui lui importait peu, car pour elle, elle devait tout simplement avoir perdu le sens de la réalité pour avoir simplement posé son regard sur elle.

Créature mystérieuse disparue, elle observa ses collègues en retournant à ses airs glaciaux, visage brisé qu'elle conservait à ses habitudes. Et elle ne pouvait qu'être compréhensive de celles qui avaient dû subir les foudres d'un animal beaucoup trop affamé. Se remettant alors au travail, mettant de côté le tailleur, elle s'empara de la carte offerte par sa cliente avant de tout simplement la faire glisser dans un tiroir, et l'y oublier. Démons désastreux, à celle qui ressemblait par moment à une marionnette sans âme, les heures passaient, les minutes défilaient, et les commandes s'enchaînaient sans même qu'elle ne puisse voir la journée passer. Sans doute était-elle la seule ici à vouloir éviter les contacts humain le plus possibles, alors que ses collègues n'étaient elles, non pas des plus agréables. Il fallait dire qu'elle en était insupportable, de ses airs d'ange déguisés, qui pourtant camouflaient de bien étranges douleurs. Cabines d'essayages où elle avait installé son matériel pour les retouches en avance, elle était prête, elle, à faire face aux  regards malicieux d'une jeune femme en émoi charnel.

Et heures tapantes, présence qui dénota, elle, de ces allures de reine, la firent tout simplement la faire se redresser pour se positionner en face d'elle, sans déchanter une seule seconde, sans lui adresser une seule once de désir. Regard livide, d'une créature sans émotion. "Vous voilà. Nous pouvons donc reprendre j'imagine. Si vous voulez bien me suivre jusqu'à l'arrière boutique et les cabines. Je vais m'occuper de vous comme convenu" qu'elle commença en la guidant alors jusqu'aux lieux désirés, pour jouer de ses doigts sur un corps délicat, pour décorer de ses aiguilles fines, les courbes aux allures harmonieuses. Jambes mélodieuses qui se laissaient entrevoir sous ses pas, elle qui ne lui adressait aucun regard, et qui ne cherchait qu'à faire son travail correctement. "Installez-vous. Voulez-vous que l'on vous serve un café ? Un thé ? Je vous laisse aussi vous vêtir du tailleurs afin que je le taille sur vous, si bien sûr cela vous convient." Question délicate pour faire passer le temps, pour installer les vêtements sur des cintres afin qu'elle ne puisse les enfiler, et qu'elle, ne puisse tout simplement faire acte d'arts éphémères. Car il n'y avait que la sensation des tissus sous ses doigts qui la faisait frémir, même si le jeu des tentations l'amusait plus qu'elle ne pouvait l'imaginer, même si elle, ne s'attardait pas sur les envies incontrôlables qu'elle ne ressentait pas.

Et la matinée passa, se déroulant sans autre encombre, bénédiction pour l'assistante de Rin qui ne savait plus où donner de la tête depuis le cinéma de sa patronne plus tôt dans la boutique. Elle avait l'habitude d'être témoin de scènes originales avec la blonde, mais jamais elle n'avait eu une attitude aussi provocante, devant tout le personnel d'une boutique qui plus était. Autant dire qu'elle ne s'était jamais sentie aussi soulagée que lorsqu'elle passa la porte de la boutique, suivant la lionne dehors. Malheureusement, elle savait qu'il fallait y retourner, mais Rin ferait peut-être preuve de plus de retenue cette fois, du moins elle l'espérait. La blonde était d'ailleurs en train de sortir de ses locaux, rejoignant la voiture qui l'attendait dehors depuis quelques minutes. L'assistante se pressa de rejoindre ses côtés afin de l'escorter jusqu'au véhicule. Rin ne la remercia pas, mais elle avait l'habitude, ça ne la dérangeait plus. Une fois la jeune femme correctement installée, l'assistante rejoignit le siège passager avant de la voiture afin de s'y asseoir à son tour. Le garde du corps était là lui aussi, jamais loin de la blonde, lorsqu'elle était en déplacement. Depuis l'accident, la famille Jung avait redoublé sa vigilance, même si Rin ne semblait pas particulièrement inquiète pour sa sécurité.

Aerin n'avait pas passé la matinée à penser à sa vendeuse, comme elle avait put le dire non, elle avait d'ailleurs presque oublié la scène avant que son assistante ne lui rappelle son rendez-vous à la boutique de plus tôt. « Ah, oui, c'est vrai. » Avait-elle répondu d'un ton las, exténuée par la réunion qui venait de se terminer. Ces meetings lui demandaient trop d'énergie pour peu de choses. Posture toujours droite, attitude maîtrisée et débit de parole aberrant, elle devait en plus se farcir les regards de ces imbéciles qui travaillaient pour l'entreprise. La blonde rêvait secrètement de pouvoir s'avachir sur un canapé a regarder la télé, mais cette image elle l'avait abandonnée dès lors qu'elle avait intégré Python. Elle se consacrait désormais corps et âme pour son métier, sacrifice moindre d'après elle.

La voiture roula jusqu'à au centum city, relativement calme à cette heure-ci. Elle disposait d'une heure et demie pour faire ses fichues retouches, elle devrait ensuite aller manger, puis retourner chez elle pour préparer son déplacement de l'autre côté du globe. Voyage d'affaires à New York, elle ne s'arrêtait jamais. Une fois le véhicule garé, la porte fut ouverte à la blonde qui descendit pour rejoindre l'entrée de cette boutique qu'elle avait déjà traversé ce matin. Elle ne remarqua pas la tension qui s'installa dès lors qu'elle eut franchi le pas de la porte, la manière dont tout le personnel se raidit à sa vue, car elle avait les yeux rivés sur son téléphone, à lire un article qui parlait d'elle comme étant la "nouvelle menace du business coréen". Foutu pays misogyne de merde, elle avait envie de crier. La voix qui parvint alors aux oreilles de la blonde la décrocha instantanément de son appareil et lui tira même un sourire. Regard vide de crystal, elle se perdit une nouvelle fois dans ces prunelles sans fin, cet océan dangereux qu'il ne valait mieux pas explorer, mais Rin était une visionnaire, ce genre d'obstacle ne l'effrayait pas. « Comme on se retrouve. Je ne pensais pas que vous prendriez ma requête au sérieux. Je dois dire que le service client de votre boutique n'a rien à envier à ses concurrents. »   

Les yeux de la lionne pétillaient, comme ceux d'un gosse qui contemple sa sucrerie favorite à travers une vitrine, car c'est bien derrière cette vitrine que se trouvait l'objet de son désir, inatteignable, mais ô combien tentatrice. Rin ne se gêna point de laisser son regard glisser le long des courbes de la belle, attitude de prédateur qu'elle reprochait pourtant à ces hommes qu'elle ne voyait presque jamais. Mais si c'était elle alors ça passait, parce qu'elle avait tous les droits, ou du moins, c'est ce qu'elle s'imaginait. Cabine rejoint, Rin ôta sa veste pour la suspendre à un des crochet, tandis que l'autre s'occupait d'accrocher la tenue. « Ça ira, je vous remercie. » Répondit-elle simplement, sans trop en faire, réservant son grand jeu pour plus tard, si l'occasion venait à se présenter. Elle laissait toujours son regard plus ou moins traîner sur la silhouette de la brune, ah si elle pouvait juste la cueillir du bout des doigts, mais ça serait trop facile, et Rin se complaît dans les jeux de séduction, plus que dans l'assouvissement de ses désirs. Elle attendit d'être seule pour se vêtir du tailleur. L'habit était beau, elle le regardait vraiment pour la première fois. Elle avait fière allure comme ça, son côté félin ressortant plus encore que d'habitude. Elle les mangerait tous ainsi vêtue, ça ne faisait pas de doute. « C'est bon. » Signala-t-elle à la vendeuse, une fois habillée.

Cloches qui avaient répandu leur jugement astral en l'envoyant sans doute dans cette boutique où l'élégance était de mise. Car elle n'était que l'une de ces créatures tirées à quatre épingles pour satisfaire les demandes incessantes de personnages souvent publics. Onyx qui en avaient vu passer de nombreux, sous ses doigts si délicats, car elle était d'une pureté infaillible pour ceux qui la percevaient comme une poupée de cire qui se laissait contrôler. Mais ô personne ne la connaissait réellement, celle au double visage qui pouvait se permettre de ne ressembler qu'à elle-même, car si on venait à la découvrir, sans doute la fuirait-on, de ces divines illusions dont elle était dotée. Alors elle avait attendu, celle aux cheveux d'or, de venir à l'heure tapante, préparée à devoir supporter un caractère qu'elle savait combattre comparé aux autres de ses collègues qui se retrouvaient beaucoup trop vite dépassés. Téléphone entre des mains de déesse, attention vite captée, elle la fixa alors tout en s'inclinant finement, fin sourire poli qui s'étira sur ses lèvres immaculées.  "Un rendez-vous est un rendez-vous. A partir du moment où  vous réservez un horaire nous sommes priés d'être ponctuels." Car c'était tout ce dont on leur avait apprit, à ceux qui maniaient les ficelles des vitrines et des étalages. La guidant dans son repère à elle, là, où seul elle savait maîtriser toutes les coutumes d'actes beaucoup trop délicats.

Alors, lieux des rêves atteint, cabine bien plus grande que la plupart des boutiques, elle était surtout utiliser, pouvoir circuler autour de la personne et façonner la matière sur les courbes uniques de leurs clients. Présence qu'elle laissa seule pour se revêtir des tissus les plus tendres, voix qu'elle écouta attentivement alors qu'elle s'éloigna de cette intimité trop prenante, elle n'était pas du genre à s'attarder sur ces détails, qui pour elle n'était que d'une banalité sans nom. Car elle les offrait les détails à ajuster sur les tissus d'une beauté extravagante, car elle savait, qu'elle avait choisi pour la blonde une pièce de caractère qui ne pourrait que la mettre un peu plus en valeur. Rappelée, comme celle qui allait pouvoir de nouveau modeler ses envies sur une nouvelle création.Pieds qui revinrent auprès de la belle créature, visage calme qui n'exprimait aucune émotion, elle s'empara rapidement de quelques épingles entre ses doigts en venant analyser la silhouette de la jeune femme. "Comment vous sentez-vous dans ces vêtements ? Sont-ils à vos goûts ?" qu'elle commença alors en venant légèrement épingler la veste qui était sans doute un peu trop grande pour la taille de la blonde. "Selon vous y-a-t-il quelque chose, un détail, qui mériterait d'être retouché ?" qu'elle lui demanda tout de même, car l'avis du client primait sur ses envies de styliste dissimulée.

Arrangeant légèrement les problèmes de tailles que l'on pouvait retrouver également à la ceinture qui entourait vaguement la jeune femme, elle se mit à doucement réajuster le tissus blanc avant d'esquisser un faible sourire sous ses lippes inanimées. "Cet ensemble vous va à ravir. Je ne sais pas pour quelle occasion vous en aviez besoin, mais il devrait convenir à tout ce qui est officiel. Qu'en pensez-vous ? Il vous convient ?" Demande un peu obligatoire, pour pouvoir jauger de ce qui pourrait faire craquer ces envies de reine imaginaire. Alors elle tentait de jouer son rôle de commerciale, même si elle n'avait clairement pas choisi ces vêtements au hasard juste pour le plaisir du prix sur l'étiquette. C'était bien plus que cela pour elle qui aimait sentir les matières sous ses doigts, qui aimait pouvoir façonner sur des mannequins vivants. Certes elle n'avait fait que suivre les domaines qu'on lui avait forcé d'étudier, la marionnette d'une famille sans âme. "Si vous le voulez je pourrais effectuer quelques retouches mais le tout me semble plutôt bien en réalité." qu'elle lui dit alors que ses mains vinrent doucement retrousser les manches de la belle en effleurant inintentionnellement sa peau de porcelaine.

Cheveux noirs lui tombant légèrement sur le visage, alors qu'elle avait pourtant pris le temps de les réajuster avant toute action, elle se concentrait, pour ne rater aucun détail, pour tout simplement faire en sorte, que ces vêtements ne lui aille qu'à elle. Car en réalité, ce n'était pas réellement si compliqué que cela, d'embellir des vêtements, sur celle au caractère explosant. "Dans tous les cas vous pourrez revenir si jamais. Et je m'occuperais des retouches si besoin. A moins que vous ne désiriez essayer autre chose entre temps..." Car ne savait-on jamais, les exigences pouvaient changer, et elle semblait assez lunatique la demoiselle qui pouvait changer d'avis en à peine quelques secondes, en à peine un regard. Car il n'y avait que les choses précieuses qui pouvaient illuminer les regards délicats et si doux. Il n'y avait pas de question à se poser, elle, noiraude aux airs ténébreux ne faisait que son travail, et ce, jusqu'à satisfaire l'appétit grandissant d'une cliente qui n'avait pas perdu son tempérament d'une fureur élégante.

Les doigts tiraient sur le tissu, analyse rapide de sa liberté de mouvement, la belle n’y connaissait pas grand-chose, elle préférait laisser l’autre s’en charger. Les regards se rencontrèrent à travers la glace, Aerin retrouva son sourire insolent alors qu’elle vint passer sa langue sur ses lèvres pour les humecter. Dans son dos, la belle aux épingles se mit à l’œuvre, proximité enivrante accompagnée d’une question que la blonde trouvait presque osée. « Moins que vous. » Répondit-elle d’un air faussement innocent, se retenant de rire à ses propres âneries. Elle savait pourtant que la jeune femme ne se laisserait pas déstabiliser par ses paroles indécentes, elle n’en attendait pas moins d’elle. Intrépide l’audacieuse, elle aimait se prêter à ce jeu scandaleux, ne craignant point d’embarrasser la vendeuse aux doigts de fée. « C’est votre travail les retouches, je vous laisse vous occuper des détails, tout ce que je demande, c’est d’être présentable. » Répondit-elle plus formellement en reportant son regard sur sa propre silhouette. Elle passa ses mains dans ses cheveux afin de réarranger sa tignasse blonde qui descendait sur ses épaules, appréciant un peu trop son apparence sur le moment. Rin n’avait jamais été quelqu’un de complexée, au contraire. 

Elle laissa alors la noiraude réajuster correctement sa ceinture, profitant de cette étreinte illusoire avant de lui répondre d’une voix suave : « Si l’habit vous plaît, alors l’habit me plaît aussi. Je ne remettrais pas en cause votre expertise, vous me paraissez tout à fait compétente et bien mieux renseignée que moi dans ce domaine. » Dit celle qui ne s’était pas gênée de critiquer toute la boutique quelques heures plus tôt. Clin d’œil furtif, elle ne pouvait s’empêcher de saisir les perches que l’autre lui tendaient, inconsciemment ou pas. Rin s’amusait bien trop de cet échange pour vouloir qu’il s’écourte. Elle chercha donc un défaut, n’importe quoi, qui lui permettrait de retenir la délicieuse créature à ces côtés. Et puis les doigts effleurèrent l’épiderme, frisson qui parcourut son échine alors que ce contact électrisant réanimait ses sens. Les yeux se posèrent de nouveau sur le minois concentré de la belle à la chevelure corbeau, retenue si injustement dans ce chignon contraignant. Elle aurait aimé ôter ses épingles, déployer cette toison pour en apprécier la douceur sous ses doigts délicats. Les pensées devenues plus aventureuses, Rin se força à réprimer ses ardeurs pour ne pas manquer de dignité. 

Le geste s’exécuta de lui-même, la blonde s’en mordit la lèvre, mais c’était plus fort qu’elle. Elle attrapa la mèche de cheveux rebelle pour la replacer derrière l’oreille de la poupée. Elle aussi savait prêter attention aux détails, mais pour Rin, le tissu n’était pas ce qu’il y avait de plus inspirant. Elle se força à garder un visage neutre, légèrement coquin, pour ne pas trahir la panique qui s’emparait de son âme si faible face aux charmes des belles. Elle attendit que l’autre redresse son regard vers elle, pour retirer sa main qui s’arrima au pan de sa veste. « Je pense que ça fera l’affaire, je vous remercie. » La cabine devenait soudainement trop étroite, malgré la taille relativement grande de celle-ci. Ses vêtements lui paraissaient trop serrés, elle n’était plus si à l’aise, mais elle tenta de garder son calme, déboutonnant le blazer pour se libérer, révélation de ce corps dont elle n’avait pas honte. Rin porta alors sa main à sa nuque pour la masser alors qu’elle étirait cette dernière tout en soupirant lourdement. La belle était épuisée, et les douleurs commençaient à se faire ressentir. « Bien, je pense que ça ira. Je vous laisse donc la tenue le temps que vous puissiez arranger les derniers détails, je passerais la chercher dans quelques jours si c’est ok pour vous. » Conclut-elle avant de se tourner vers la jeune femme. « Je peux vous payer maintenant ou la prochaine fois, qu’est-ce que vous préférez ? » 

Provocations, ce celle qui de sa voix et sans retenue essayait de faire palpiter ce cœur sans avenir. Mais ô elle savait que la noiraude ne se plierait pas à ces faiblesses d'esprit, car elle ne succombait tout simplement pas sous les compliments d'une cliente qu'elle préférait ignorer et passer outre. Elle n'était là que pour sublimer un corps de ses aiguilles de coutures. Alors, demande d'être présentable faite, elle ne s'était pas imaginé à une simplicité aussi délicate, de celle qui aurait pu avoir les exigences d'une reine. "Vous le serez, présentable. Je vous l'assure." qu'elle murmura alors qu'elle était d'une concentration extrême, tandis qu'elle prenait au mieux les quelques mesures et détails à revoir sur ce tailleur qui selon elle, lui correspondait un peu trop. Du caractère, une couleur noble, qui la mettait en valeur dans tous les moyens possible. Regard se relevant doucement sur le visage de la jeune femme, confiance qui l'étonnait d'autant plus sous ces commentaires qui un sens, aurait pu la faire sourire. "Je vous en remercie alors. Il est rare les clients qui n'ont pas des revendications en tête sur notre travail. Alors je suis ravie d'entendre que vous vous plaisez à essayer nos vêtements." Et elle était sincère, celle qui aimait beaucoup trop pouvoir orner de ses doigts fins les corps délicats de tissus en tout genre.

Et alors qu'elle essayait de réajuster la veste de la blonde, peau venant discrètement effleurer la sienne sans aucune intention, sans doute cherchait-elle un peu au final, à entre dans ce jeu qu'elle lui avait offert. Ô mais la belle de porcelaine n'était pas insensible, loin de là, malgré ses façades qui n'exprimait qu'un visage sérieux et professionnel. Pourtant il y avait eu ces doigts, dans ses brindilles onyx, qui, d'un frisson lui fit relever légèrement ses opales pour observer d'un air froid le visage doux de sa cliente. Car elle ne pouvait que la considérer ainsi, sans s'imaginer d'autres choses. Se relevant alors tout doucement pour faire face à la jeune femme, d'un sourit plus discret encore sous ces précieuses qui ne faisaient que l'observer, elle la salua un peu pour lui montrer qu'elle en avait fini, de ces notes prises sous les courbes d'une femme tout en élégance. "Bien. Alors j'ai pris toutes les mesures nécessaires pour ma part. Je vous en remercie." qu'elle affirma alors tandis que ses yeux la détaillaient légèrement comme pour en apprécier un peu la saveur de ses traits. Perle irrégulière qui pourtant la satisfaisait par cette effrontée si prévisible. Mais elle savait, elle, que ce n'était sans doute pas la dernière fois qu'elle croiserait ces regards si audacieux.

"Dans quelques jours alors. C'est parfait. Ce sera prêt lorsque vous reviendrez. Puis vous pourrez payer dès que vous viendrez chercher la tenue finale et que vous vous serez assurée que les retouches faites vous conviennent parfaitement." qu'elle lui dit alors avec une voix calme et posée avant de reprendre. "Et je pense que ce sera tout. Bien évidemment si cela ne vous pose aucun problème. Vous pouvez vous rhabiller à présent." Paroles prononcées alors qu'elle sortit sagement de la cabine en un fin regard aiguisé en sa direction, avant d'esquisser un fin sourire poli sur ce visage de cristal. Et l'attendant alors, dos droit où elle essaya de réajuster un peu ses cheveux en arrière. Patience infinie de la revoir sortir celle au caractère bien trempé, elle observait tout doucement les alentours avant de la voir réapparaître devant ses yeux. "Bien...Alors n'hésitez pas à repasser dès que vous le pourrez pour récupérer vos habits...Puis vous pourrez les réessayer une fois retouchés évidemment." qu'elle affirma avant de venir reprendre les habits et les ranger correctement. "Je suis là aussi tous les jours de la semaine, alors je pourrais également m'occuper de vous si vous le désirez ce jour-ci." Yeux pétillants, alors qu'elle voulait en réalité s'occuper d'elle pour une raison inconnue. Sans doute pour ne pas refaire de scène dans sa boutique, ou alors tout simplement pouvoir rencontrer encore ce regard qui se montrait si déterminé, et pourtant qui ne lui faisait aucun effet. Et sans doute que la prochaine fois qu'elle la croiserait, cela signerait la fin d'un début bien aventureur.

Et les orbes se rencontrèrent à nouveau, lueur enfantine qui dansait dans le brillant de ses prunelles sombres, elle n’avait pas envie de finir là-dessus, la belle à la crinière de feu, mais elle allait devoir mettre ses désirs de côtés, retrouver un semblant de sérieux pour pouvoir mieux retrouver sa poupée la prochaine fois qu’elle passerait les portes de la boutique. Elle écouta les instructions, ôtant la veste cintrée sans même attendre que l’autre soit sortie, attrapant le chemisier blanc qu’elle avait laissé accroché sur un des cintres pour l’enfiler sans perdre le fil de la conversation. Elle répondit à la brune d’un geste de la tête accompagné d’un sourire en coin avant de reporter son regard intrépide sur le miroir à travers lequel elle suivit la silhouette de la vendeuse qui disparaissait de la cabine, sans rater le regard traînant qu’elle lui adressa. Rin en rit presque, s’amusant de cette réplique silencieuse. Magnifique, elle lui paraissait magnifique, dans sa retenue, son professionnalisme et l’insensibilité avec laquelle elle faisait face à ses avances. À vrai dire, Aerin ne rencontrait que rarement ce genre de créature au cœur de glace. Elle avait l’habitude qu’on lui tombe dans les bras, hommes, femmes, tous pliaient sous le charisme indéniable qu’elle dégageait. Son aura féline, dominance qu’elle imposait à tous ceux qu’elle croisait, il suffisait de quelques regards appuyés, des paroles audacieuses, et le tour était joué. La vendeuse faisait preuve de bien plus de résistance que ces âmes faibles, et Rin dans toute sa délicatesse et sensibilité, méprisait les faibles. Elle avait, par conséquent, bien plus d’estime pour ceux qui ne pliaient pas facilement. 

Pantalon et bottes à talon retrouvés, elle finit par enfiler sa veste et se glisser hors de la cabine à son tour, retrouvant, à sa grande surprise, la figure de la brune qui se tenait toujours devant. Il fallait avouer que la jeune femme était dévouée, cette pensée la fit sourire, et elle glissa tout bas, dans sa langue natale, ces quelques mots, dernière remarque qu’elle s’autorisait. « Can’t get enough of me already ? » Simples paroles chargées d’une ironie qu’elle se plaisait à employer de temps en temps. Elle la laissa parler, l’informant des derniers renseignements dont elle aurait besoin la prochaine fois qu’elle passerait. « Merci bien, je suis certaine que votre travail sera à la hauteur de votre dévotion. J’ai confiance en vous. Je serais de retour à Busan dans deux jours. Je passerais le jour suivant mon retour, en espérant que cela vous convienne. » Voyage qui se dessinait peu à peu, elle n’était pas particulièrement excitée par ce déplacement, mais elle n’avait pas vraiment le choix, le travail l’exigeait. « À bientôt dans ce cas, Madame Seon Jaehee. » Le nom de la vendeuse glissa sur ses lèvres comme une dernière provocation avant qu’elle ne quitte ses côtés, pour retrouver ceux qui travaillaient pour elle. Aerin n’accorda pas de dernier regard à la dame, elle emprunta la sortie avec la même détermination qu’elle avait eu à l’entrée, se déconnectant de cette parenthèse divertissante pour retrouver son masque de requin. Le téléphone dans sa poche n’avait pas cessé de vibrer durant l’entretient, on avait besoin d’elle.