Kain n'était habituellement aussi doux avec les gens. La vie lui avait montré que sa propre douceur ne lui avait jamais rendu service, et que pour survivre dans ce monde, il lui fallait souvent être cruel avec les autres.

Les années passants, le jeune homme s'était probablement adouci et ces gestes d'affection s'étaient multipliés malgré lui.

Les bars de strip tease et de gogo dancing n'était pas le genre de lieux qu'il fréquentait habituellement. Cela le replaçait dans son passé difficile, et il avait l'impression que la plupart des gens, voire la majorité des gens regardaient ses femmes, et ses hommes d'un oeil dépravé et pervers, dépourvu de tout bon sens et d'humanité. Et ça le met terriblement mal à l'aise, que la personne soit dénudée ou non.

Il avait rencontré une jeune fille, peut-être un peu égarée, et Kain n'avait pas pu s'empêcher de se voir en elle, quelques années plus tôt. C'était terrible de se projeter sur les autres, mais en même temps, c'est la seule chose qui le permettait de s'adoucir un peu, et ce n'est pas quelque chose qu'il avait l'habitude de faire.

Des mots échangés, une jeune femme qui semble être affamée, et Kain la convainc de lui faire à manger, qu'elle reprenne des forces, des couleurs. Le jeune homme ne savait que trop bien l'importance de manger à sa faim, de manger un bon plat. Et il ne savait que trop bien qu'il était difficile de faire confiance à un homme qui propose de l'inviter chez lui. Et même s'il tente de la rassurer, de lui faire comprendre, plus ou moins subtilement, qu'il sait ce dont elle a peur et qu'il comprend, ou du moins qu'il croit comprendre, Ahmya refuse de rentrer chez lui.

Il n'insiste pas. Il lui donne alors rendez-vous devant chez lui le lendemain pour un pique-nique dans un parc. Il fait beau et il serait bête de ne pas en profiter, et ça serait moins gênant que de rester dans le couloir amenant à son appartement pour manger, ou devant.

Certains plats sont entièrement froids, alors que d'autres viennent juste d'être préparé ; avec un peu de chance, ça sera encore tiède quand ils arriveront au parc, bien que la jeune femme ne sache pas encore quels sont ses plans.

Kain fait encore les derniers préparatifs pour ce pique-nique qu'il a préparé tout seul, partant tout seul dans son enthousiasme, quand la jeune femme fait sonner son interphone. Il se déplace platement vers l'appareil en question et décroche le téléphone.

— Ahmya ?... J'arrive dans 5 minutes. Ca te va ?... Ok. J'arrive.

Le temps pour lui de finir de ranger un peu ce qu'il doit emporter, de mettre ses chaussures et un gilet, le voilà devant son immeuble, chargé de nourriture.

— Je me suis dit que ça serait bien de profiter du soleil et d'aller manger dans un parc... si c'est ok pour toi...

Il est tellement parti dans son entrain, qu'il a oublié de lui demander si elle serait d'accord pour faire comme ça.

confiance, ce mot que tout le monde pensait qu'elle offrirait si gentiment, est-ce qu'aucun d'entre eux n'avait donc déjà été trahi de sa vie ? est-ce que personne d'autre que la japonaise avait été cruellement marchée dessus par les péripéties de la vie ? son corps entier, habitué à devoir bouger pour faire plaisir aux yeux pervers devant elle, un métier qui mêlait un dégoût pour l'humanité et son amour pour la danse, se sentant constamment salie par leurs regards incessants, leurs mots criés pour qu'elle retire quelque chose, pour qu'elle vienne leur faire un bonjour, tout ce qui était si dégradant qu'elle ne pouvait penser qu'à une chose, l'ombre de sa pauvre mère qu'elle détestait plus que tout au monde. on dit que le lien du sang est plus fort que tout, et si ce sang suffisait pour le briser, elle le ferait probablement un jour, jour où elle aurait décidé de la fin de sa vie, jour où elle aurait décidé qu'elle en avait eu assez. pour le moment seulement, elle continuait à endurer comme elle avait enduré toute sa vie, endurer jusqu'à que sa peau ne devienne dure comme une carapace, jusqu'à qu'aucune émotion ne soit jamais visible sur son petit visage.

au milieu de tous ces sous-êtres se qualifiant d'homme cette nuit, il y avait eu lui, un homme qui semblait presque perdu, comme s'il n'avait jamais voulu être dans ses lieux, et pourtant leurs yeux se sont croisés quelques secondes. rien. pas les mêmes réactions que les plus idiots s'étant même approché de la scène. un visage dont elle se souvint même une fois hors de la scène, rhabillée rapidement dans des habits plus confortables, prête à partir le plus loin possible de son lieu de travail. Cependant, sur le chemin de la sortie, elle le croisa à nouveau, l'homme perdu, ou tout simplement n'ayant rien à faire ici, et engagea une conversation. rien de grand, rien de trop ennuyant, rien qui ne demandait à ahmya de dire quelque chose sur elle, à une distance correcte, sans regards étranges. lui faire confiance pour autant était beaucoup demandé. elle acceptait qu'il veuille l'aider un minimum, sans pour autant avoir un accès à sa vie permanent, plus jamais elle ne donnera la possibilité d'être contrôlée par une personne à nouveau. son ventre cependant, c'était une autre histoire. elle tentait de refuser quand il lui offrit un repas, mais son estomac répondait avant sa bouche. malgré elle, entrer chez un inconnu, jamais. l'idée qu'il lui donna lui semblait bien plus agréable que ce qu'il avait prévu la nuit précédente, c'est ainsi qu'ahmya se retrouva à attendre devant la résidence de l'homme qu'elle connaissait toujours si peu, attendant son repas comme un enfant affamé. elle avait sonné, certes, il ne fallait pas l'imaginer patiente en plus de tout ça, il restait un pur inconnu. cependant, il ne l'avait pas laissé en plan, aussi surprenant que cela soit.

un regard qui fixa à droite, puis à gauche, avant de hausser les épaules quelques secondes, elle ne trouvait pas raison de refuser si c'était en lieu public. « j'ai rien contre. je vois pas souvent le soleil de toute façon. » il était simple à dire avec sa peau de porcelaine qu'elle ne mentait pas, n'ayant aucune utilité de mentir à ce moment-ci. les pas les dirigeant doucement vers le parc pour tout mettre en place, ahmya le laissa mettre en place l'image qu'il avait pu imaginer avec ce pique-nique. elle ne pensait pas avoir fait ça avant, un vrai pique-nique, non pas juste manger dans la rue. « je peux... savoir quelque chose ? » curiosité rare en elle, elle n'avait plus espoir en grand-chose après tout, mais le fait qu'il ait choisi elle parmi tous les autres à son travail, ceci lui trottait dans la tête depuis la veille. « je ne te vois pas du genre à traîner dans les bars comme là où je travaille... alors pourquoi... tu es venu ? » est-ce qu'une conversation comme celle-ci était agréable pour un repas ? est-ce qu'ahmya avait l'air d'une personne qui savait comment faire une conversation pendant un repas ?

Faire à manger est l'un des talents de Kain. Avec la danse. Le jeune homme est particulièrement habile dès lors qu'il s'agit de se sustenter. Il a déjà reçu de nombreux compliments sur sa cuisine. Il est plutôt confiant dessus. Il sait que ça plaira à la jeune femme. Il n'a pas peur de dire qu'Ahmya voudra à nouveau goûter à ses repas – comme sa manageure, qui insisterait presque pour venir manger chez lui une fois par semaine. Si ce n'est pas plus.

C'était peut-être étrange de voir un garçon comme lui traîner dans ce genre d'endroit – bien que même les gens respectables ne l'était pas tant que ça, en témoignait sa famille pourtant très bien rangée, mais aveuglée par l'argent et le paraître, au détriment du bien-être familial, de l'amour, de tout le reste de bien plus important.

Alors qu'elle finit par accepter d'aller prendre leur repas sous les rayons du soleil, dans l'idée de profiter des premiers rayons du soleil après la fin de l'hiver, alors qu'il fait enfin assez chaud pour envisager de sortir dans une tenue bien plus légère.

En marche, leurs pas les mènent rapidement vers le parc, où ils s'installent dans le calme. Il installe une grande nappe, avant d'ouvrir le sac et d'en sortir plusieurs boîtes, avec des plats tout aussi colorés les uns que les autres. Alors que la jeune femme semble être curieuse, veut poser une question, demander quelque chose.

— Oui ? il répond simplement, en attente de la suite.

Naturellement, elle lui demande pourquoi il était là hier. Il sourit légèrement.

— Est-ce que l'habit fait le moine ?

Non pas qu'il veuille particulièrement dire qu'il est du genre à traîner dans ce genre d'endroit, mais n'y voyait-on pas toutes sortes de personnes dans ce genre d'endroit, même les plus inattendus ? Kain, malgré lui, avait l'air du parfait petit bourgeois, et son expression lui donnait assez régulièrement un air de connard.

— Si j'avais su qu'on m'amenait dans ce genre d'endroit, je ne serais pas venu. J'ai suivi des collègues sans savoir.

Et par collègue, il évite de préciser "mannequin". Puis il tend des couverts et une assieste à la jeune femme, pour qu'elle puisse se servir.

— On a des kimbap, des ravioles, salade de pommes de terre et des tteokbokki. Le dessert je garde encore la surprise.

Il ouvre les boîtes une à une. Il a essentiellement amené des recettes faciles à transporter et facilement dégustables en extérieur.

— Sers-toi.

Il attend patiemment que la jeune femme goûte un peu les plats avant de se servir lui-même.

— Et toi, pourquoi tu es venue ?

Kain était curieux de savoir si c'était uniquement l'appel de la nourriture qui l'avait faite venir, ou s'il y avait autre chose. Et surtout, pourquoi elle avait décidé de lui faire confiance ?