La petite alarme lumineuse sur le bord droit de l’écran de téléphone se mit en marche. La légère luminosité qu’elle provoquât dans la pièce sombre, suffit à Kyung Chul pour se redresser du canapé où il était affalé, loin dans ses pensées attendant patiemment que quelque chose lui tombe du ciel, ou du plafond.
La notification affichait le nom de Chin Ho et le garagiste l’ouvrit quasiment immédiatement en replaçant sa longue franche de cheveux gris bleu afin de ne plus l’avoir dans les yeux.
Le message mentionnait un district proche, des sacs de croquettes et Chin Ho qui l’attendait visiblement. Les idées de Kyung Chul étaient brumeuses, il avait passé sa journée noyée dans son aquarium après avoir réceptionné deux superbes décapotables Porsche et promis à son propriétaire qu’il en aurait pour 48h grand max afin d’effacer les fichiers conduits et de rétablir la suspension. A l’heure ou tout était monitorisé, il ne fallait pas qu’un homme haut placé se retrouve à être fouillé via ses cartes de conduites prouvant qu’il avait quelques affaires à droite et à gauche. Le hacker devenu garagiste ne se faisait pas prier pour faire payer plein pot ce genre de toutes petites choses qui ne lui prenaient pas plus d’une heure en réalité.
Les deux voitures étaient d’une beauté esthétique rare, propres comme des sous neuf et surtout de couleurs voyantes. Aucun doute que l’homme qui les avaient apportées n’avait rien à cacher d’autres que des affaires de tromperies, on n’achète pas des voitures aussi visibles quand on a aujourd’hui chose à se reproché. D’après les très rapides recherches que KC avait effectué après le départ de l’homme dans une Audi grise était venu le chercher au pied du garage, il n’avait pas grand-chose d’autres à se reprocher que d’être riche et visiblement peu porter sur la sobriété.
Après un rapide échange de messages, KC se releva, enfila un t-shirt à manche long beige et un t-shirt plus large noir avant d’enfiler une paire de chaussette et les baskets sombres qui se trouvaient à portée de main.
Son pantalon était assez large pour y mettre son prote feuille et ses clefs. Il attrapa en plus la petite sacoche bandoulière grise qu’il emmenait partout et y chercha les clefs du garage.
Avant de descendre au parking qui servait d’entrée et de sortie de son propre appartement à l’étage de ce dernier, Kyung Chul fouilla dans un placard et se saisit d’une plaque d’immatriculation fictive.
Allongeant le pas il passât devant son bureau et la réserve où se trouvait à la fois les casiers, la douche (qui servait autant aux employés que de salle de bain pour lui) et s’avança dans l’espace rangée approximativement où se trouvait à la fois des boites à outils et des filles de branchement dans tous les sens.
La Porsche bleue était celle qui se trouvait la plus proche de la sortie. Il ne faudrait pas grand-chose pour y mettre la place. Pas besoin de plaque à l’avant, il suffisait d’allumer plein pot les phares pour que personne ne puisse la lire. L’enlever était tout de même plus prudent, il vaut mieux ne rien avoir que d’avoir deux plaques différentes, c’est donc ce qu’il fit avant d’installer l’autre plaque.
Maintenant il pouvait se mettre en route pour l’aventure.
La porte du garage s’ouvrit grâce à la connectique entre la clef et l’entrée. KC l’avait paramétré avec une centaine de pare-feu, seuls deux commandes pouvaient activer l’entrée, et il se garderai bien de les partager avec qui que ce soit.
En un crissement de pneus, le coréen se retrouvaient à longer les rues de Busan. La porte du garage se referma derrière lui et la nuit s’offrit devant ses yeux. Comme tous bon codeur et tous bon fumeur il avait pensé à mettre ses lunettes eux verres teintés sur les yeux. La moindre petite étoile pouvait faire bruler ses rétines. Et quitte à pleurer autant que ce soit pour de véritables émotions.
Arrivé à destination, KC le vit, ce gaillard de quelques années plus jeunes avec ses yeux ronds de surprise de voir arrivé une Porsche en guise de carrosse.
« Allez Cendrillon monte avant les douze coups de minuit ! » lança le plus âgé ;
Chin Ho sauta par-dessus la portière, toujours plus de frime ce gosse. Cela fit rire KC qui passa une vitesse faisant crisser les pneu sur le bitume.
« Mets ta ceinture, faudrait pas que tu passes par-dessus bord. »
La voiture démarra comme une bombe et s’enfila les ruelles, les unes après les autres. Le code de la route était à peine respecté, seuls quelques feux furent retenus afin d’être sûr de ne pas se prendre la circulation perpendiculaire de plein fouet. KC branchât son téléphone en deux clics au tableau de bord de la bagnole et le tendis à Chin Ho.
« Vas-y, mets-nous un truc qui bouge. » demandât-il en doublant deux camions de livraisons à froids en zigzaguant entre eux.
La vitesse c’était grisant et ça donnait les idées claires. Ce serait dangereux qu’il soit trop sobre non plus… alors autant arrivé le plus vite possible à la plage histoire de se rendre les idées plus brumeuses.
Le panneau de la plage Haeundae indiquât de prendre à gauche, KC s’exécuta et lança un regard au plus jeune.
« Tu veux manger un morceau avant d’aller faire des châteaux de sable ? »
Le véganisme de Kyung Chul ne l’empêchait jamais de s’en mettre plein la lampe quand il le pouvait, et puis, la fumette de l’après midi lui avait donné un creux qu’il n’avait pas pensé à combler, trop occupé à regarder les nébuleuses fictives de son plafond. Alors il était peut-être temps d’y remédier.

Busan la nuit était loin d’être sombre. Constellation au lieu du néant, toutes ces lumières, ces lampadaires, ces miroirs de la vie urbaine et moderne qui défilaient comme des étoiles dans une galaxie surpeuplée. C’était ainsi que derrière ses lunettes teintées KC voyait le monde, son monde, celui auquel il participait tout en détestant profondément son fonctionnement. Il rêvait de nouvelles nuits, plus sombres, plus intimes, d’une nouvelle galaxie en devenir. Sur le siège à côté de lui Chin Ho passait de la bonne musique, un peu daté mais ça envoyait suffisamment pour qu’il bouge ses longs doigts sur le volant et sa tête en rythme. La différence d’âge ne les gênait pas, ils ne se connaissaient pas depuis bien longtemps au fond, mais l’amitié parfois c’est comme une évidence.
KC mit un coup d’accélérateur alors qu’ils longeaient la côte. Il ne fallait pas lui dire deux fois, il était l’heure de manger. La fumette lui avait ouvert l’appétit, il voulait reboucher ce trou qui se faisait dans son estomac. Il pouvait passer plusieurs jours en oubliant de manger, courbé devant ses petits écrans à coder et à oublier le temps, mais là il n’était pas l’heure d’être un ermite mais plutôt de se réfugier dans les plaisirs enfantins.
« Je connais pleins d’endroits très cool. » assura-t-il en hochant la tête devant Chin Ho. Un vieil adage ne disait ‘pas besoin de demander à quelqu’un s’il est vegan, il vous le dira de toute façon sans que vous l’ayez demandé’, peut-être était-ce que KC faisait inconsciemment, ou consciemment, avec ses auto-collant antispécistes sur ses tablettes et son téléphone.
« Je me ferais bien un burger. » le garagiste se gara devant une petite enseigne. Un logo vert portant un v bien reconnaissable sur le coin d’une des vitres. Il connaissait les serveurs et le gérant, c’était un des rares endroits un peu en dehors du centre-ville où on pouvait trouver à la fois de la nourriture vegan et des places assises, nombre de pôles de restauration ayant été remplacé par des bars à distributions pour les livreurs d’applications. Une dérive qui avait réussi à s’inscrire dans un mode de vie en une vingtaine d’année et qui avait signé la mort de la diversité de proposition sur le marché de la restauration. La Corée du Sud, comme tous les pays était entrée dedans, tête la première, pourtant quelques pôles de résistances existaient.
Les deux garçons commandèrent, KC prit un supplément frit et une limonade, et ils repartir vers la mer.
KC cette fois-ci se gara sur la place. Ils ouvrirent les portières de la Porsche, et laissèrent les lumières allumées. Fouillant dans sa sacoche, Kyung Chul en sorti une pochette en plastique, remplit d’ustensiles indispensables à une bonne soirée, il en tira un pochon et le tendit à Chin Ho.
« Chacun sa came, toi ce sont les croquettes pour chat, moi c’est l’herbe de la prairie. » KC se mit à rire, son visage rond et large s’étirant et laissant son piercing à la lèvre brillé à la lumière des phares de la voiture.
Retournant à la voiture, KC mit à son tour sa playlist en route, il fallait une chanson qui allait avec le mood, un truc qui ne mange pas l’espace. Le jeune homme laissa 'Fish' se rependre à travers les baffles de la voir. Un flow impeccable d’une artiste qui parlait ouvertement de son sexe et des attentes des hommes vis-à-vis de ce dernier. Il avait un don pour ça, trouver les sons qui faisaient vibrer, ces petites perles qui donnent envie de s’allonger dans le sable et de se laisser porter. Mais le garagiste ne s’attardait pas vraiment sur les paroles et commençait déjà à ouvrir ses bras en suivant le rythme de la musique. La liberté au bout des doigts.

Les tracas du monde, ils ne les avaient que trop essuyé. Kwan Kyung Chul et sa décontraction à toute épreuve. Toujours défoncé, toujours passif, attendant que le monde s’effondre sur lui-même. Il aurait pu faire tourner l’univers autour de son petit doigt de gosse doué pour tout, bricoler, réfléchir, inventer. Mais comme tous les gosses à qui on promet qu’ils peuvent devenir ce qu’ils veulent, ils finissent par devenir n’importe quoi et n’importe qui surtout. Kyung Chul était devenu KC, de gamin utilisé par le système il était devenu un rouage grippé avant de se déboulonner lui-même. On ne pouvait pas vraiment le juger, ni même lui en vouloir, il gagnait très bien sa vie à chouchouter les égos des plus riches en leurs arrangeant leurs petites histoires de voiture. C’était parfois fou quand il y réfléchissait, à quel point plus on a de l’argent plus tout semble dérisoire.
Kyung Chul avait monté ses propres magouilles, il avait fini par se créer des rêves aussi, pas forcément les bons et pas forcément dans le bon ordre. Mais ça lui permettait d’avancer.
L’odeur de la nourriture et du joint lui piquait les narines, il massacra ses portions, affamé par la fumette de l’après-midi avant de se rouler un bout de carton entre les lèvres, le coinçant sous sa canine tendit qu’il répartissait de manière homogène les petites découpes de feuille avant d’introduire le toncar et de rouler.
Avec un sourire, il écouta son jeune compagnon évoquer les animaux qu’il hébergeait. Petites choses qui avaient la chance d’avoir trouvé un repère, bien que KC se doutait que Chin Ho n’ait jamais connu le grand luxe, il se disait qu’au fond, les chats eux ne devaient pas bien faire la différence tant qu’on prenait soin d’eux. Il aimait bien ça chez le Pyo, cette sorte de douceur qu’il avait pour les êtres les plus faibles. Ce n’était pas forcément visible aux premiers abords, mais si on observait suffisamment, ça se remarquait. Il était plus gentil qu’il ne voulait bien le montrer le gamin aux épaules presque trop large pour sa taille.
« Ouai je vais certainement y passer. On me doit encore un quart de pari de la dernière fois, je verrais avec Gold s’il peut nous réserver un spot de pari si tu veux. » Gold c’était un bookmakeur connu pour avoir toujours les bons plans dans sa poche et l’arnaque au bout des doigts. Il portait toujours des lunettes aux verres teintés, et des vêtements trois fois trop larges pour sa carrure petite et étroite de gars qui ne mange pas assez et qui tient debout grâce à autre chose. Il était du genre nerveux et pas très aimable. KC l’aimait bien et Gold le lui rendait, surtout avec toute la thune que le garagiste mettait dans les courses. De temps en temps Gold arrivait avec une voiture en sale état et Kyung Chul la lui réparait, il ne demandait jamais d’où venaient ces bagnoles, il n’avait pas besoin de savoir au fond. Peu de gens aimaient Gold.
Tirant sur son pet, KC s’allongeant sur le sable de la plage. Il n’y avait rien à faire à part profiter et ça suffisait largement.
« T’as toujours pas trouvé de plan boulot ? » Depuis qu’ils s’étaient rencontrés KC n’avait jamais vu Chin Ho verser dans quoi que ce soit de légale, il avait l’air de plus tenté de passer le temps en faisant des choses plus ou moins légales que vraiment chercher à sortir de ce quartier qui semblait lui taper sur le système. Parfois Kyung Chul se demandait s’il cherchait vraiment, sil il voulait vraiment faire quatre choses de sa vie que des petits larcins et s’occuper de ses chats.
« Tu veux faire quoi de ta vie ? » vaste question. KC se la posait à lui-même au moment où ses mots atteignaient Chin Ho, plissant les yeux en observant la lumière d’une étoile vaciller dans l’immensité de l’encre noire de la nuit.