Saturday Night Fever (( Sung Min Tae

25/07/2022

❝ Saturday Night Fever

« For real mate, that’s some sick shit you got there ! »

Chin Ho l’ignora, les doigts et les yeux occupés à compter les billets de wons qui se pliaient dans sa main. Les mecs piaillaient devant lui, heureux comme des poules autour d’un sachet de graines. Et certes, il s’agissait bien d’un sachet, mais on était bien loin de l’innocence d’un maïs ou du blé. La nuit pouvait tenter de camoufler le tout avec dévouement, il n’en était pas moins toujours plus lugubre de voir ses hommes se jeter sur ces petits trésors, comme autant d’addictes. Mais il pouvait bien parler Chin Ho, il était comme eux. Seulement, ce n’était jamais “toujours plus” avec lui. Il se contentait des quelques minutes d’euphorie qui lui coulaient dans les vaines quand il allumait son joint. Depuis le temps, fumer avait perdu de son pouvoir sur lui, comme on passe de mode en une saison. Ce n’est pas faute d’avoir été tenté par pire encore, mais il ne le faisait qu’à de rares occasions, et quand les moyens y étaient aussi. Il flinguait certaines de ses paies à la commission pour s’arracher une bonne partie de la nuit, mais c’était tellement peu souvent, qu’il pouvait les compter sur les deux mains en une année. Pour habiller son propre style, il avait coincé sur son oreille une cigarette vierge de toute flamme, qui complétait son look sombre. L’automne se rapprochait à grand pas de Busan, amenant avec la chute des feuilles carmins et le vent de la mer. Il n’avait pas encore sortit sa veste en faux cuire, mais cela ne saurait tarder. Pour ce soir, il avait enfilé l’un de ses monstrueux jeans noirs rapiécés de vieilles chemises à carreaux de sa mère, assortie à ses chaussures sales de travail et un t-shirt à manches longues de sport qui embrassaient les muscles de ses bras plus que les dessinaient. Il faisait décalé avec les beaux gosses à la pointe des pieds polis sans éclaboussures et au polo repassé.

A son plus grand déplaisir, le groupe ne parut pas vouloir se décaler, changer d’endroits pour profiter plus au calme de leurs achats. Ils se pressaient les uns contre les autres, allumant leur briquet avec l’agitation des collégiens qui découvraient une image dénudée. Peut-être que c’était la première fois qu’ils se rebellaient assez pour venir acheter quelque chose d’aussi extravagant. Mais lui n’avait pas de temps à perdre pour eux. Il avait rendez-vous avec son groupe de petits dealer de bas d’immeubles riches. Tournant les talons, les billets dans sa poche de la sacoche lui barrant le torse, il se dirigea vers le bout du parc, quittant calmement les lieux. Tout puait le luxe, ici. Il faisait bonne figure pourtant. Il devait être assez propre sur lui pour que même la vieille qui promenait son chihuahua ne lui jette pas un second coup d'œil. Sa petite marche le mena entre les jolis immeubles des beaux quartiers, descendant quelques marches intelligentes qui s’allumaient sous ses pieds, ou encore passant sous une série de panneaux publicitaires d’où des hologrammes parlaient avec entrain de la nouvelle marque de dentifrice à la mode. Toujours plus blanc, toujours plus propre, toujours plus écoresponsable. Le temps qu’il atteigne sa destination, il était en retard d’une dizaine de minutes. Déjà, il pouvait les entendre parler en frimant, à peine dépasser le lycée, fermé à cette heure. Pour une raison ou une autre, ils avaient décidé de se voir sur l’une des tables autour de l’établissement scolaire. En arrivant, il reçut un regard empli de mépris d’une jeune fille assise sur les genoux d’un des mecs qui parlaient le plus fort. Un autre lui tendit le poing pour qu’il le salue, ce qu’il fit avec une certaine habitude, presque un réflexe.

« Yo, Pyo Chin Ho ! You’re late, asshole !
-Mianhabnida… » répondit-il sans aucune émotion.

Cela provoqua quelques ricanements de ceux qui avaient entendu et un roulement d’yeux de la part d’autres. Mais dans l’ensemble, on l’ignora bien rapidement. Il déposa son dû dans le bocal, gardant le reste pour lui. Cela faisait un petit moment qu’il n’y avait pas eu autant de monde à leur rendez-vous hebdomadaire. C’était surprenant, surtout en sachant que la saison refroidissant, les moins téméraires allaient se cacher dans leur tour avant de ressortir autour de la période des examens finaux. La folie des discussions continua, il se prit même à participer par moment, critiquant certains moins devenus plus difficiles d’accès à cause de nouvelles installations de la police. Il avait allumé sa cigarette entre-temps, fumant, assis sur le dossier du banc, un mec entre ses jambes. Il s’agissait du plus jeune du groupe, un gamin comme eux, qui avait des oreilles décollés et une affinité grandissante pour les poudres. Il venait à peine de quitter le lycée et était le petit frère de l’un des producteurs du groupe. “Autant l’avoir dans sa poche” comme on disait. Mais ce n’était pas une raison pour qu’il le laisse poser sa tête sur ses genoux. A chaque fois qu’il essayait, le Pyo le décalait avec une main. La soirée se poursuivit avec autant de chamailleries que de discussions plus légères. Jusqu’à ce que l’une des jeunes filles - dont il ignorait tout d’ailleurs - ne se lève en pleurer, lançant la canette de son homme - il supposait - en arrière en l’insultant. Bad call. La canette arriva au pied d’un groupe qui passait par là. Aussitôt, tout le monde se redressa, même Chin Ho, le regard acéré sur les nouveaux arrivants. C’était une première qu’ils se retrouvent ici. Et ses débils n’avaient sans doute pas vérifié les gangs du coin. Chin Ho lui-même n’avait pas capté qu’ils se trouvaient proches du Quartz. Il quitta sa place et fut le premier debout, jetant sa cigarette par terre et l’écrasant du pied. Il savait que ça allait partir. Et bien sûr, ça ne manqua pas. Cela faisait longtemps qu’il ne s’était pas battu. Il ne lui fallut qu’une insulte bien placée en réponse pour que les hostilités ne soient lancées.

20/09/2022

Testosterone

À l'intérieur des murs, ils faisaient tous parti du décor. Les dealers de Sung Beom-Su se devaient de pouvoir passer inaperçu dans ses clubs et donc s'habillaient en conséquence. Haut propre, montre de qualité, chaussures qui mimiquaient les marques importantes et les poches remplies de vos désirs les plus fous. VIP secrets. Travailleurs aux habits de clients. Certains suivaient des hommes dans la salle de bain pour faire leur échange, d'autres passaient par les portes arrières pour donner sur la petite allée derrière le Quartz, leur bureaux improvisé. Le reste des employés du club reconnaissant leur visage, ils pouvaient même faire de rapide jeu de mains directement sur le plancher caché par la foule.

Comme certaines cassières qui avaient perfectionné leur sourire faux et leur ton de voix accueillant, Sung Min Tae s'était développé une personnalité seconde lorsqu'il était au travail. Peu importe ce qu'il voyait ou entendait, il n'en était pas affecté. Rien ne le touchait ou froissait son visage. Tout les soirs, il rencontrait des habitués endettés qui ne cessaient jamais de revenir et il leur vendait ce qu'ils voulaient. Sans coeur. Cruel. Il entendait comment les hommes parlaient des femmes et il ne ralentissait pas le pas. Il vendait de la merde forte à ce qu'il croyait des mineurs avec des fausses cartes sans leur demander quoi que ce soit. T'as l'argent, j'ai la drogue. Point. Sa logique ? Il n'était qu'une resource et si les gens prenaient de mauvaises décisions, cela ne le regardait pas.

Sauf que, comme n'importe qui, garder cette persona fonctionnelle brûlait son énergie et lorsqu'il croisa le regard d'un collègue qui apporta index et majeur à sa bouche avec un regard interrogatif, Min Tae hocha la tête et ils sortirent. La nuit était fraîche à comparer à l'humidité du club et ses oreilles étaient heureuses d'être libérées de la musique trop forte. Quelques autres de la bande étaient déjà dehors et ils se joignirent sortant joint des poches ou partageant celui d'un autre. Il se commençait à faire tard ou tôt. La plupart de leur clientèle était déjà défoncé ou sur le point de s'envoler alors ils pouvaient prendre une pause qui allait s'en doute s'étirer sur la fin de leur travail. Ne supportant pas son uniforme, Min Tae souffla la fumée et passa la drogue douce à son voisin disant qu'il allait se changer. À son retour dehors, vêtu d'un simple jogging et d'un sweatshirt troué ici et là, il entendit que la bande se déplaçait. Faire un tour du territoire pour trouver quelques derniers clients avant que certains de rentrent. Suiveur et n'ayant nul part où se rendre, le rebelle suivit roulant sur son skate qu'il avait reprit de derrière le bar. Mains dans les poches, gardant la vitesse des autres, il écouta à moitié les autres discuter sans se mêler, préférant porter son attention sur l'écouteur qu'il avait coincé dans son oreille gauche.

Time to dig up your grave
Make you lower your voice
I told you not to play with the misfit toys
We running this gang
Getting sick of your noise
You stranded with a bad bunch of misfit toys

Sa tête se permettait de danser un peu au rythme de la chanson portant à peine attention aux nouvelles voix qui s'élevaient au loin. Sa bande semblait s'en approcher, curieuse, sans plus, mais après quelques pas, l'ambiance changea. Son regard se fit plus attentif. Lentement, il se prépara. À quoi ? Il ignorait. Mais il voyait les autres mettre un à un leur masque intimideur.

Don't play with the misfits, qu'il entendit comme un avertissement alors qu'il retirait l'écouteur de son oreille.

Bad luck. Pour eux ? Pour les autres ? Ça restait à voir. En s'arrêtant avec ses frères de travail, Min Tae compris enfin la situation. Un autre groupe. Un autre gang. Oops. Aussitôt que les regards se coisèrent, la tension monta. Min Tae soupira à l'arrière. Il ne voulait pas se battre. Pas ce soir. Il était fatigué et il voulait se trouver un coin pour s'endormir pour quelques heures. Il ne voulait pas prendre le risque de passer la nuit à l'urgence. Sauf qu'il était le seul à ne pas préférer la douleur. Les siens... les siens n'étaient pas dans l'ombre par lien familiale, mais par besoin. Tous et chaque avait leur histoire à trembler ou pleurer. Des hommes qui n'avaient rien à perdre, qui s'étaient battus toute leur vie par obligation ou par plaisir. Ça s'annonçait pas bien.

- Let's not do this tonight guys..., souffla-t-il, toujours la voix de la raison, paresseux.

Sauf qu'un sourit, puis un autre et le reste suivit au grand désespoir de Min Tae. Le plus agressif d'entre eux repoussa ses mots d'un balayage de la main. Chill, boss, I'm sure they not dumb, qu'il lança assez fort pour qu'on l'entende.

- But I doubt they know how to read or they would know where the fuck they are. Are you litte dogs lost ? You wanna play with the big guys, now ?

Min Tae lança ses mains en l'air, exaspéré. Here we go, qu'il pensa. Pas une soirée ne pouvait passer sans une situation. Il n'avait pas le choix non plus. Par des lois non-écrites, celles du respect de la rue, il se devait de s'y mêler et de protéger ses frères, car ils le feraient pour lui. Et bien sûr, leurs adversaires avaient la langue aussi fourchue. La tension monta, les voix s'élevèrent et il descendit de son skate se préparant au pire. Et le pire arriva plus vite qu'il ne le cru. Il releva à peine la tête qu'il voyait des poings se lancer.

- Shit.

Il se mit à courir aussi et entra dans la foule violente à son tour. En rentrant de pleine vitesse dans la taille d'un autre, il arriva à les faire tomber au sol sauf qu'il n'envoya pas de coups et se releva aussitôt. Il s'occupa à défendre le dos de sa bande. Il en attrapa un autre qui voulait s'en prendre au dos d'un de ses frères et il tira vers l'arrière. Après s'être retourné, il reçu un poing qu'il ne vit pas venir en pleine figure ce qui termina de l'irrité. Alright, no more. Il commença officiellement à se mêler aux coups ignorant les voix criardes des jeunes femmes de l'équipe adverse. Soit elles encourageaient leurs hommes, soit elles les traitaient d'idiots et demandaient qu'ils arrêtent. Et comme si la mauvaise chance n'arrive pas qu'une fois, un bruit de sirène se fit entendre bien trop près d'eux. Presque dans le même mouvement, tout le monde s'arrêta avant de prendre les jambes à leur cou en voyant la voiture de police s'arrêter à quelques mètres. Sauve qui peu. Dans la foule qui se séparait dans tout les sens, Min Tae cru voir un des siens au sol et il le releva brusquement avant de le pousser dans une direction.

- Ppali ! Gaja !

Et ils s'enfuirent, tournèrent plusieurs coins de rue. Ils coururent jusqu'à ce que le silence leur fut accueillant. Min Tae s'arrêta en premier, essoufflé, s'accroupissant même pour reprendre son air. En levant la tête, il observa l'autre s'arrêter à son tour et il comprit son erreur. Oh fuck me...

- You're.. you're not one of mine... Fuck...

codé pour Busan Vibe

25/07/2022

❝ Saturday Night Fever

< @Sung Min Tae >

Ce n’était pas dans les rues de Seo-gu qu’il avait appris à se battre. A vrai dire, dans ce quartier paisible des hauteurs, il était quasiment impossible de créer du grabuge de la sorte. Les personnes âgées se faisaient toujours un malin plaisir à avoir la main dominante et, souvent prises d’une paresse et d’une oisiveté qui n’étaient que de leurs âges, il fallait mieux se tenir à carreaux en tant que petit.e.s-enfants sous peine d’un bout coup de sandales en plastique. Chin Ho en avait déjà reçu plusieurs, de plein monde, mais il n’avait jamais répondu parce qu’il n’allait certainement pas frapper un ou une membre de la communauté du district. Non, c’était au lycée qu’il avait appris. Coincé dans son pensionnat, les places étaient souvent chères, et si on ne voulait pas se faire bouffer, il fallait savoir manger. Heureusement qu’il ne rentrait même pas chez lui pendant les week-ends à cette époque ; sa gueule de voyou ensanglanté aurait fait fumer sa mère de rage (contre lui). Il n’y avait pas de techniques, pas d’années à faire d’un art martial quelconque. A lui s’appliquer les lois de la rue, des dortoirs pour mecs, des cours de récréations et des derrières de bâtiments. Alors, lorsque tout le monde se jeta dans une mêlée plus que déséquilibrée, il en fut dans les premiers. Son premier réflexe fut de frapper aux côtés celui qui se devait d’être la langue la plus pendue du groupe. Evidemment, les coups n’hésitèrent pas à arriver à leurs tours, bousculant ses sens par moments, faisant saigner son nez et transformer son dos en petit jardin de bleuets.

Du coin de sa vision, il aperçut le petit moineaux de la bande, pas vraiment apeuré, mais clairement trop peu expérimenté à prendre des mandales pour rester ici. Le poussant de la trajectoire d’un poing très bien calibré, il se le prit dans la pommette, l’assommant assez pour qu’il se retrouve à terre. Chin Ho ne savait pas vraiment pourquoi il avait fait cela. Il devait bien y avoir une raison derrière, comme une idée des profondes qu’il a agit comme il aurait aimé que quelqu’un le fasse pour lui quand il avait l’âge du gamin, mais pour qu’il s’en rende compte, il aurait fallu qu’il ne soit pas avachi sur le sol de bitume, à goûter son propre sang et à entendre les gyrophares de polices se rapprocher. Bien sûr, il n’avait pas fallu longtemps avant qu’ils ne rappliquent. Parce qu’il y avait des putains de caméras partout dans cette ville. Alors qu’il se redressait avec difficulté, il sentit une main forte, une poigne dure et précise, le relever et le forcer à courir. Sans savoir s’il s’agissait d’un équipier connu ou non, il fit ce que son instinct lui disait toujours de faire en présence des flics : fuir. La course fit sécher le carmin sur ses lèvres. Se songeant à l'abri, ils s’arrêtèrent. Malgré plusieurs heures d’entraînements quotidien, Chin Ho prit quelques secondes avant de retrouver une respiration calme. D’un rapide coup d'œil derrière eux, il remarqua que personne ne les avait suivis. Pour le moment en tout cas, ils étaient hors de danger. Tournant le regard vers l’autre, il haussa les sourcils, l’air de dire “does it really matter, dude ?”. A la place, il utilisa la manche de son t-shirt pour essuyer son visage, grimaçant sous la douleur.

« Don’t worry, dude… I’m not gonna bit you up in an alleyway, just for fun. » résonna-t-il en tentant de renifler.

S’il rentrait avec la gueule cassée, il allait s’en prendre un en plus. Le plan s’avéra donc de passer par la fenêtre pour que personne ne puisse le prendre sur le fait. Heureusement, la sienne était toujours ouverte pour raison d’orphelinat de chats. Les doigts tachés, il se saisit de sa sacoche pour l’ouvrir, s’en saisissant d’une cigarette qu’il aurait bien allumée à l’instant, si ce n’était pour les cris qui retentirent non loin d’eux. Aussitôt, et sans raison apparente encore une fois (si on omet le fait qu’il portait toujours secours à tout le monde, même s’il ne les aime pas (la faute à Munseo ça, encore)), il se saisit de l’autre homme par le col pour l’obliger de s’accroupir dans l’obscurité. Dos plaqués contre le mus, l’un à côté de l’autre, ils ne pipèrent mot en entendant des bruits de courses au bout de leur ruelle. Après plusieurs secondes de silence, Chin Ho s’autorisa enfin à allumer sa cigarette qu’il avait gardé entre ses doigts. Il était bien là. C’était pas si mal comme spot pour rester un peu avant de faire face à l’extérieur qui demandait toujours à ce qu’on le retrouve. En bon fumeur qui connaît les politesses, il tendit son briquet à son désormais camarade de planque. Il faisait partie du groupe adversaire, mais, à quoi bon se battre maintenant ? De toute façon, cela ne fera qu’appeler encore plus d’attention sur eux, et Chin Ho avait déjà le visage trop abîmé pour se permettre pire. S’il avait souri, l’une de ses dents aurait pu révéler une teinte plus rose que les autres. Mais ça, c’est s’il s’était donné la peine d’avoir l’air un tant soit peu gentil. Il ne l’était qu’avec une minorité de gens. Et pour le moment, il ne le connaissait pas assez pour lui faire l’honneur d’une de ses grimaces en biais qui lui donnait un air heureux.

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