Ain't no fun ft*  @Pyo Chin Ho

Le téléphone affichait 3 :02. L’air était saturé par l’humidité et la chaleur. Un simple message suffisait à déclencher une alarme sur le téléphone toujours oublié dans un coin de la pièce dans la chambre de Munseo.

Le message était simple « maison 32, Monsieur Kim ». Le son alarmant et familier qui le prévenait des problèmes du quartier le réveilla de son demi-sommeil en sursaut. Il attrapât le t-shirt kaki à manche courte qui se trouvait négligemment posé sur la chaise près de son lit, enfila un short noir, ses slippers et parti en fourrant son téléphone dans une de ses poches. Monsieur Kim habitait un peu plus haut sur la colline. Il fallait monter trois volées de marches et longer le parc. Entre l’appartement au-dessus du magasin de la famille Park et la maison de monsieur Kim, il y avait un arrêt important à faire. Sortir seul la nuit n’était pas un problème dans le quartier pour quelqu’un comme Park Munseo, en revanche une urgence à et heure-là nécessitait de se faire accompagner, et il se trouvait que l’un des membres du comité de nettoyage et surveillance du quartier habitait exactement entre la maison de monsieur Kim et le magasin. Il faut dire que le quartier n’était pas très grand non plus.
Prenant un léger détour en s’enfonçant dans l’une des plus petites ruelles de Seo-gu nord, Munseo avançait confient et complétement réveillé malgré l’inquiétude et la fatigue qui tirait les traits de son visage.

S’arrêtant devant une devanture de maison à la porte et l’entrée étroite il observa un instant les petites fenêtres cherchant le moindre signe de vie. A cette heure-ci il aurait été étonnant que qui que e soit dans la maison ne soit réveillé. Mais il n’avait pas vraiment le choix. Contournant l’entrée, Munseo se posta devant une fenêtre entre-ouverte. Aucun bruit. Tant pis il devait faire ce qu’il avait à faire. Surtout qu’il ne pouvait décemment réveiller personne d’autre à une heure pareil. Tous le monde avait quelque chose à faire dans ce quartier. Et puis, quoi qu’il se passe ce soir, il valait mieux avoir à ses côtés un gamin costaud.

« Chin-Ho-ah ! » Cria Munseo dans la rue. La fenêtre qui donnait sur la chambre de Pyo Chin Ho était toujours ouverte à cause de cet orphelina pour chat qu’il avait fini par se constitué au fur et à mesure des années.
Sans grand étonnement, ce ne fut pas le visage de Chin Ho qui se glissa par l’interstice de la fenêtre mais celui d’une vieille chatte grise aux oreilles tombantes. Elle émit un miaulement de mécontentement et disparut de nouveau dans la chambre du jeune garçon que Munseo était venu chercher.

« Hé ! Chin-Ho-ah ! » cria t-il un peu plus fort en s’assurant de couvrir suffisamment le côté de ses lèvres pour ne pas créer d’écho dans la ruelle et réveiller plus de monde que nécessaire. Un autre chat, plus petit apparut alors à la fenêtre, plus curieux il resta plus longtemps à observer l’intru que devait représenter Munseo à ses yeux. Toujours pas de Chin Ho … Munseo commençait à perdre patience. Il prit une grande inspiration et cria un peu plus fort.

« BAMBI CHIN HO AH ! »

Cette fois, s’il ne répondait pas, il monterait à la fenêtre et entrerait pour le réveiller de force si il le fallait. Ils n’avaient pas de temps à perdre tous les deux, surtout à une heure pareille.

Ain't no fun ft. @Park Munseo

Dormir avec des chats lui avait appris à ne plus se soucier des bruits qui pouvaient se produire au cours de la nuit. Un objet qui tombe, une porte qui s’ouvre, les pattes peu discrètes d’Abba lorsqu’elle se laissait tomber sur le sol, un miaulement à la fenêtre, un grattement sur sa couette. Chin Ho vivait avec ce chuchotement constant l’entourant de vie nocturne. Ainsi, il ne perçut même pas le mouvement de ses deux compagnons les plus proches, sortant pour voir le grabuge dans l’allée. Taiji était de nature moins réactive, attendant toujours que la plus vieille n’aille voir avant de se risquer à faire la même chose. Mais même ici, Chin Ho continua de voyager dans son rêve, totalement inconscient de ce qu’il pouvait bien se passer sous sa fenêtre. Jusqu’à ce qu’une voix beaucoup trop familière et étonnement peu appréciable, ne se répercute dans son rêve, le bousculant vers le réveil. Chin Ho sursauta et se redressa sur son matelas, levant les yeux vers la fenêtre au-dessus de lui avec pour espoir minime que tout ceci ne soit qu’une pure invention de son esprit. Avec un grognement, néanmoins, il se leva, ne prenant même pas la peine de couvrir son torse, avant d’ouvrir la vitre en grand. Le chat se trouvait élégamment assis sur le rebord, regardant avec curiosité l’individu qui avait dû réveiller tous ses petits compagnons par son cri. Park Munseo, dans sa splendeur la plus commune, se trouvait là, le regardant avec cette expression qui voulait tout dire. “On a dû travail.”

« YAH ! Qu’est-ce que tu veux encore ?! Tu sais pas l’heure qu’il est, hyung ?! C’est mort, je sors pas ! »

Mais il le savait, pourtant, que s’il venait le voir, s’il venait le chercher jusqu’ici, sans s’annoncer, c’était que quelque chose d’important venait de se passer. Cela pouvait aller de la petite sourie retrouvée sous le buffet de l’un ou l’une des résident.e.s du quartier, jusqu’à une chute dans les marches conduisant à un départ précipité à l’hôpital. Chin Ho soupira et se saisit d’un t-shirt quelconque qui traînait sur le sol de sa chambre. Pour faire bonne mesure, il essaya de voir s’il avait des tâches ou de la sueur. Après une rapide inspection et déduction qu’à son goût, ça allait, il l’enfila. Ses chaussures étaient dans l’entrée, mal rangées sans doute, alors il allait devoir passer entre les chambres sans se faire repérer. Il était le seul de la maison à avoir sa propre chambre, son grand-père préférant dormir dans le salon, tandis que sa mère avait pris congé au meilleur spot de la baraque en été, le plus frais, le débarras. Le jeune homme rouvrit finalement la fenêtre pour regarder son hyung avec un mélange d’exaspération et de fatigue. Pourquoi lui, de tous les membres du gang ? Peut-être parce qu’il était celui qui avait le plus de temps à perdre.

« Y a intérêt à ce que ce soit important, grommela-t-il avant de soupirer. J’arrive… »

Puis il referma le battant - si refermer voulait dire le laisser ouvert pour laisser les chats entrer s’ils le désiraient, et surtout pour que TheWho puisse se mettre à l'abri si le groupe de chiens du parc venait encore le harceler. Son téléphone dans la poche, Chin Ho se glissa à l’extérieur de sa chambre, considérée plus comme une pièce avec un matelas, avant de silencieusement s'échapper jusqu’à l’entrée. Il récupéra ses clefs et ses baskets qu’il enfila à la va-vite, avant de sortir, se retrouvant l’air moins chaud de cet été 2042 à Busan. Seo-Gu était calme la nuit, ne connaissant que les valeureux tumultes des animaux et de quelques individus à la bouteille facile qui se baladaient un peu trop haut dans la ville. Se retenant de gonfler les joues en voyant le visage du vendeur de légumes se profiler à côté de lui, il enfonça ses mains dans les poches de son short de pyjama, plissant les yeux. Se balader dans ce genre de tenues dans le quartier était plus commun qu’on pourrait l’imaginer. Surtout en été, où chaque vêtement léger était réquisitionné pour supporter les températures. Chin Ho n’avait pas honte de se présenter ainsi, et personne ne lui en tiendra beaucoup rigueur de toute façon. C’était sans doute le côté le plus agréable de cette partie de la ville. Pour faire bonne mesure, il demanda ce qu’il se passait. Et, malheureusement, c’était “l’important” qu’il avait soupçonné.

Ain't no fun ft*  @Pyo Chin Ho

Les regards accusateurs des chats du quartier, Munseo en avait l’habitude. Le vendeur de légume ne les laissait pas vraiment trainer dans les rues, et s’il y en avait un dans sa boutique il prenait bien soin de le sortir après avoir vérifié que ce dernier n’était pas en train de chasser un rat ou une souris. Ce n’était pas que le jeune homme détesta ces animaux, mais d’une manière générale, il n’aimait pas particulièrement que les bestioles trainent entre ses jambes. Il passait déjà suffisamment de nuits à faire la police dans le quartier contre toutes les bestioles du sud de la Corée pour en plus avoir à gérer les rares bêtes pseudo-domestiques qu’étaient les chats de Seo-Gu. Oui pseudo-domestique, car s’il n’y avait pas de maître désigné tous le monde s’accordait à dire que celui qui se rapprochait le plus d’une figure d’autorité – si tant est que l’on puisse avoir de l’autorité sur ces choses – était Pyo Chin Ho. Munseo avait envie de tirer la langue au quelque regard qui le dardait de toute leur hauteur alors qu’un Chin Ho grommelant fermait doucement la vitre avant de venir le rejoindre. Mais le vendeur de fruits et légumes, défenseur de la nuit et nettoyeur expert des ruelles de Seo-Gu n’avait pas suffisamment d’énergie pour se préoccuper plus que cela d’une poignée d’animaux.

Attendant que Chin Ho ne le rejoigne Munseo alla tranquillement, les mains dans les poches et ballotant ses jambes vers l’avant, se positionner devant la porte de la maison des Pyo avec un timing impeccable tant la fermeture de l’entrée coïncida avec son apparition à l’angle de la demeure. Une gymnastique bien rôdée qui démontrait d’une certaine habitude à ce genre d’exercices.

« C’est Monsieur Kim. J’ai reçu le message d’alerte sur mon téléphone. »

Munseo n’était pas à proprement parlé un spécialiste de la technologie, mais il y avait certaines choses qui étaient pratiques, comme ces petites applications qui permettait de prévenir d’un problème en un clic, ou de celles qui permettait de savoir exactement combien de kilomètres vous avez marché dans la journée. C’était particulièrement utile quand ajumma prétendait qu’elle avait bien fait ses milles pas journaliers alors qu’elle était restée devant la télévision à regarder des dramas toute l’après-midi.

Jetant un regard à Chin Ho, le vendeur de fruits et légume remarquât que le jeune garçon avait encore prit du muscle, il n’était certes pas bien grand mais il avait des épaules et un cou large malgré son cabari, ce qui n’avait pas toujours été le cas. Il li fit un signe et ils se mirent en route. Ce n’étaient pas vraiment des causeurs tous les deux mais ils savaient faire équipe, c’était comme ça, pas une grande, belle et loyale amitié mais une habitude qui ne se perdait pas. Malgré tout Munseo remarquât la moue plus boudeuse qu’à son habitude de Chin Ho – à moins que ce ne fut la fatigue – et prenant sur son énergie, il se fendit d’une question.

« Dis-moi, c’est quoi ce délire avec tous tes chats ? Elle dit rien ta mère ? »

Le chef de l’équipe de protection et nettoyage de Seo-Gu n’était pas du genre à vraiment remarquer quand il mettait les pieds dans le plat – il ne cachait pas ses remarques non plus d’ailleurs-. Parfois on pouvait le considérer comme rude ou impolis et pourtant il savait bien des choses sur les gens du quartier et leurs habitudes. En ce qui concernait la famille de son acolyte, il y avait une certitude madame Pyo n’était pas la plus aimable des habitantes du quartier et ça ne devait pas non plus être la personne la plus facile à vivre au quotidien non plus. Heureusement Chin Ho ne vivait pas seul avec elle après tout.

La nuit était claire dans la ruelle, tous les vieux lampadaires éclairaient le chemin encore pendant quelques mètres. Des fils électriques se tenaient en suspension au-dessus de leurs têtes, signe d’un temps révolu, aujourd’hui tout passait par les ondes ou sous terre, mais pas ici, pas à Seo-Gu, il y avait encore et toujours ce sentiment nostalgique et ancien qui flottait dans l’air et qui faisait de ce quartier une perle de rareté dans le paysage de Busan.

Ain't no fun ft. @Park Munseo

Encore une preuve que Seo-Gu était bien un trou et un quartier sans fenêtre ; Chin Ho savait exactement qui était Monsieur Kim. S’il fallait savoir quelque chose dans le coin, c’est que tout le monde connaissait plus ou moins tout le monde. Des plus populaires à ceux qui ne venaient que dormir entre deux journées de travail, personne n’y faisait exception. Et pareil à savoir à qui correspondait quoi, les réputations suivaient les visages comme des panneaux à néons. Même si Chin Ho ignorait la sienne, n’y prêtant que peu d’attention, il était constamment rappelé à celle de sa mère. D’un faible hochement de tête, il acquiesça, emboîtant le pas à Munseo dans la montée. Taejin miaula dans un bâillement, avant de rentrer par la fenêtre ouverte. Sur le chemin, ils durent croiser deux chats qui se baladaient à leurs heures de routines. Le quartier comptabilisait une dizaine de chats, auxquels Chin Ho avait donné un nom à chacun. Il pouvait même les reconnaître, remarquant très bien l’un des frères de Taiji, Hyun-Suk courir rapidement entre deux poubelles, s’arrêtant simplement par curiosité pour regarder les deux humains gravir la rue. Puis il sauta par-dessus une balustrade et atterrit sur l’un des nombreux toits à hauteur de route qui parcouraient Seo-Gu, une particularité assez étrange, quand on y pensait. Chin Ho, toujours les mains dans les poches, songea au fait qu’il n’avait pas vu leur troisième frère depuis au moins une bonne semaine. Il devra sans doute se mettre à sa recherche un jour.

Réveillé au beau milieu de la nuit, il ne fallait pas attendre de lui qu’il fasse la conversation de son plein gré. Même sous l’obligation de la politesse, il ne tourna qu’un regard ennuyé vers le plus vieux. Munseo, il l’avait toujours connu. Le fils de la famille Park, les vendeurs de légumes et de fruits. Puis, le mec qui avait trouvé un taff à l’extérieur du quartier, tandis que sa famille quittait la région à son tour. Chin Ho l’avait toujours plutôt admiré, lui et les deux autres, qui formaient le trio infernal des ivrognes lorsqu’ils se faisaient une soirée. Pour une raison ou une autre, sans doute parce qu’ils étaient tout simplement plus vieux et que c’était suffisant pour qu’il les voit comme l’exemple à suivre, Chin Ho s’était accroché à l’idée qu’il puisse représenter son espoir d’un jour se tirer d’ici. Puis, tout s'était explosé sur le sol, lui donnant un goût amer dans la bouche. Munseo, qui était revenu de sa propre idée, reprendre le magasin de fruits, s’adonnant à cette stupide idée de protecteur de Seo-Gu pour combler ses nuits sans sommeil. Le pire, c’est qu’il était heureux comme ça, satisfait. Chin Ho sortait des hauteurs dès qu’il en avait l’occasion, mais lui y restait, son expression exagérément neutre et apathique sur le visage. De quoi lui donner envie de lui en foutre une sur le nez.

« Qu’est-ce que ça peut t’faire ? » répondit-il avec la même exaspération.

Sa mère était un sujet sensible. Les chats aussi. Et la relation entre les deux encore plus. Il enfonça un peu plus ses mains dans ses poches. Le souvenir de son briquet lui effleura les doigts dans son imagination. Il ne fumait quasiment jamais dans les rues de Seo-Gu. Si une fois, ajumma Park l’avait surpris s’en cramer une caché derrière le distributeur automatique à côté du restaurant chinois un soir d’hiver, elle n’en avait fait aucunement la pipelette. Depuis, il se montrait encore plus prudent, et encore plus avec cette fois unique où il avait vu sa mère tenter de rentrer dans sa chambre pour fouiller. Pourtant, l’envie restait sur sa langue, de faire passer le poids de cette discussion avortée gênante entre eux avec une petite clope dans le bec. Heureusement, le chemin jusqu’à la maison de Monsieur Kim se situait tout simplement au bout de la pente. Il faut dire qu'ici, tout le monde se marche un peu dessus, donnant envie à tout le monde de se connaître et de partager sa vie. Chin Ho ne voulait en aucun cas finir comme ça, coincé ici, comme son grand-père ou sa mère. Il voulait vivre ailleurs, voir autre chose. Malheureusement, ce n’était pas encore dans les projets, même si l’envie y était et que l’espoir faisait vivre.

Les pieds stoppés devant l’entrée de la maison Kim, Chin Ho dénia enfin sortir les mains de son short, se préparant mentalement à tout ce qui pouvait arriver d’ici les prochaines minutes. Vivre avec des personnages âgées menait à plusieurs situations dans la vie, plusieurs émotions aussi, et cette légère crainte, toujours à l’arrière de l’esprit, que cette paix ne tient qu’à un fil. Chin Ho le voyait bien, tous les jours, à rejoindre dès qu’il le pouvait son ajusshi au dos cassé qui souriait avec toutes ses dents dès que quelqu’un le saluait. Il avait beau se faire progressivement à l’idée, elle avait dû mal à s’ancrer en lui. “La vie est putain de courte et je me la ruine à mes désirs.” Avec politesse, ils toquèrent, pour que Chin Ho enfonce la porte sans la réponse qui devrait suivre. Enfin… “Défoncer” est un bien grand mot. Un petit coup d’épaule et ils se retrouvèrent dans l’entrée, qui donnait presque directement sur l’escalier et le couloir menant au salon. Monsieur Kim se trouvait ça, portable à quelques centimètres à peine et Chin Ho sentit une panique piquée son estomac. Ce n’était pas la première fois qu’il se retrouvait dans ce genre de situation. Mais à chaque fois, telle une lame d’épée, cette sensation mêlant impuissance et peur. Tout se retranscrit dans son regard et dans le tremblement de ses mains. Il faisait partie du comité de surveillance et nettoyage de Seo-Gu. Il devait se montrer plus fort que ça.  

Ain't no fun ft*  @Pyo Chin Ho

Les beaux jours prendraient bientôt fin, mais la chaleur était encore lourde le soir, les grandes pluies étaient enfin passées et dans quelques semaines les lourds sacs de feuilles mortes devraient être débarrassées de la route. C’est ainsi que tout cela se passait ici, suivant inlassablement les saisons.

Le regard que Chin Ho lança au vendeur de fruits et légumes alors qu’ils entamaient leur marche en disait long sur l’état d’esprit du plus jeune. Il n’était pas le plus joyeux du quartier. Munseo s’en fichait bien, c’était un garçon qui avait d’autres qualités, et tous le monde ne pouvait pas transpirer la joie de vivre. Mais si le Park savait pertinemment qu’il posait une question qui n’attendait pas de réponse, cherchant simplement à faire en sorte d’établir un lien, même fictif avec son compagnon d’une nuit, il ne se prit qu’une remarque sèche et amer qui provoquât un certain mutisme sur le reste du trajet.

Ici les lumières étaient éparses et les ruelles pouvaient s’assombrir brusquement, mais Chin Ho, tout comme Munseo, était bien habitué au lieu, ainsi le plus âgé des deux n’avait pas besoin de prévenir s’il y avait un nid de poule dans un coin ou bien un câble un peu trop bas dans un autre. Imitant son jeune collègue d’infortune dans cette nuit, il passât les mains dans ses poches et se tut jusqu’au numéro 32 de la rue.
Devant eux, s’élevant dans la pénombre une mince façade ne possédant que deux marches permettant d’arriver à la porte d’entrée, sur le côté gauche s’entassait un tas de pots à marinade tous fêlés. Madame Kim était décédée depuis environ deux ans et personne n’avait eu le courage de demander à son veuf de récupérer les pots, alors ils étaient restés là, à la vue de tous, ultime image de la présence de Madame Kim dans le quartier.

Laissant son regard trainer sur les pots de marinades, Munseo senti son cœur se resserrer quelque peu. Inspirant doucement il laissât son doigt frapper contre le montant de la porte se doutant qu’il n’aurait de réponse, il n’attendit pas beaucoup plus longtemps avant de faire un signe de tête à Chin Ho pour qu’il utilise à bon escient ce qu’il avait en largeur d’épaule pour leur ouvrir un passage.

Il ne fallut pas plus de deux pas pour retrouver le corps étendu de Monsieur Kim dans le passage, son portable qu’il avait eu le reflexe de dégainer à quelques centimètres du doigt qui avait appuyé sur la touche qui activait l’alarme.
Pas le temps de réfléchir, il fallait agir maintenant qu’ils étaient ici, Munseo se dépêchât près de l’homme et passa son doigt sur le coup de Monsieur Kim en fermant les yeux. Compter et sentir le pouls. Irrégulier mais encore présent. Il fallait agir vite. Une ambulance n’arriverait pas jusqu’ici, les ruelles étaient trop étroites, il fallait donc le déplacer mais avant cela il fallait vérifier qu’aucun membre n’était déplacé.

Munseo n’était pas médecin, loin de là, mais à force de vivre avec les personnes âgées de ce quartier il avait fini par connaître une ou deux choses importantes à savoir pour le bien de la communauté. Les prescriptions médicamenteuses de certaines personnes, et le passif médical en faisait partie.

« Il a dû faire une défaillance vagale, il faut l’emmener à l’hôpital. La camionnette n’arrivera pas jusqu’ici, tu peux m’aider à le porter jusqu’au magasin ? »

La question était plus rhétorique qu’autre chose. Munseo regardât avec sérieux le jeune homme qui se tenaient encore près de l’ouverture de la porte. Ainsi il paraissait si grand et si petit en même temps. Ce n’était pas quelque chose que tous les gamins de son page étaient habitués à voir, sauf lorsqu’ils habitaient Seo-gu nord.

Passant une main sous le bras de l’homme inconscient il attendit que Chin Ho ne le rejoigne pour se redresser. Les minutes étaient comptées et ils étaient les seuls à pouvoir vraiment faire quelque chose maintenant.

Ain't no fun ft. @Park Munseo

De toutes ses raisons de quitter le quartier, celle-ci n’en faisait pas partie. Il n’avait jamais réellement réfléchi à cela, trouvant un confort à ignorer la question avec assiduité et dévouement, dans le simple but de ne pas avoir à y faire face. Monsieur Kim était étendu à leurs pieds, inconscient, victime sans doute de son âge, et Chin Ho se rendait compte que les personnages âgées pouvaient mourir. Ce n’est pas que le mort lui était inconnu ; préféré ne pas avoir à y penser l’arrangeait beaucoup plus. Son grand-père traînait ses vieux os dans toutes les ruelles pour ramasser les cartons, et son visage marqué ne demandait que du repos, après toutes ses années à subir une retraite ingrate. Un jour, il rendra définitivement les armes, se laissant couler dans un sommeil d’où les songes n’existent pas, que le silence du vide entour, pour toujours. C’était tellement infini, tellement conceptuel, qu’il n’arrivait même pas à poser de mot dessus, tandis qu’une vague glacée déferlait dans son for intérieur. Il se songeait invincible, bien loin des tracas entre vie et mort, intouchable presque. Était-il le seul ? Munseo était tellement calme, tellement maître de ses émotions, tandis que lui plongeait la tête la première dans une spirale de pensées inutiles. Il aurait dû se montrer plus préparé, ne pas se fondre en sentiments et réflexions, pour être d’une réelle utilité. Si on avait besoin de lui, c’était qu’il avait un rôle à jouer dans cette histoire. Même s’il n’aime pas ce quartier, ce n’est pas la mort qu’il fuyait, parce qu’il n’avait jamais osé la regarder, préférant se dire qu’elle n’est qu’un vieux poème de vieille génération.

La voix du plus âgé le poussa à réagir pourtant. Ses jambes répondirent avant son cerveau, qui resta un instant prostré devant l’image, la repassant en boucle, dans l’espoir qu’elle finisse par s’effacer. Chin Ho s’accroupit, glissant le bras sous Monsieur Kim pour le soulever avec Munseo. Il était un homme qui, fut un temps, devait avoir une musculature avantageuse. Maintenant, sous les muscles du plus jeune, ce n’était que porter un poids mort de sport. Au début, cela n’avait été que pour évacuer une certaine colère et frustration, se sentant relativement plus calme une fois la sueur lavée. Puis, il s’était découvert une vraie facilité à s’y mettre et remettre, que ce soir pour la course, la musculation ou autres. Et puis, ça lui donnait un air un peu plus sûr de lui, de quoi l’aider à prendre confiance en sa personne. Jetant un coup d'œil à leur trio, il se rendit rapidement compte qu’ils n’iront pas très vite, et sans doute pas très loin, s’ils restaient ainsi. Néanmoins, il hésitait. Était-il réellement en capacité de porter Monsieur Kim sur son dos jusqu’au magasin, sans le faire tomber, sans le blesser davantage, sans provoquer d’autres désagréments ? C’était délicat. Pourtant, il ne prit pas si longtemps, avant de pousser Munseo avant son avant-bras, se glissant sous le corps du vieil homme avant de le caler sur son dos.

« Laisse-moi faire, hyung, dit-il en redressant le tas pour bien le caler et lui apporter une certaine sécurité. Je peux le porter seul. »

Même s’il savait qu’il pouvait le faire, les premiers pas lui firent un étrange effet. Il chercha la bonne balance, resserrant sa prise un bon coup avant de s’avancer dans l’entrée pour sortir. La boutique de fruits et de légumes se trouvait en bas de la rue. Au moins, c’était une bonne nouvelle. Ils leur suffisaient de descendre et de le caler dans le camion, de l'amener ensuite à l’hôpital et de veiller à ce qu'il rentre sain et sauf. Chin Ho était quasiment sûr que Munseo allait lever une collecte de fond pour payer les futurs examens médicaux d’urgence qu’ils allaient devoir avancer pour le vieil homme, demandant à l’ensemble de la communauté de participer à l’assurance générale. Evidemment, Madame Pyo allait refuser parce que “ce n’est pas un membre de ma famille, pourquoi je l’aiderais ?” tandis que son grand-père donnera à son niveau, compensant l’impolitesse de sa fille. Les pieds dans la rue, le réel défi se proposa alors à lui. Les hauteurs de Busan était connues pour leurs rues à pente forte, qui avait la réputation de tenir en forme. Chin Ho comprit qu’il allait devoir descendre tout ça avec un poids sur le dos, sans tomber, sans déraper. Maigre consolation, il avait ses chaussures de sport. Toutes ses heures à travailler son corps pour en arriver à porter un vieux ayant fait une défaillance vagale dans les rues de son quartier d'enterrer. Comment pouvait-il résilier son contrat factice et fictif de participation au comité de nettoyage et de protection de Seo-Gu Nord ?

Pourtant, il cessa rapidement d’hésiter, car il se mit à suivre Munseo, sans broncher, tenant la cadence tout en faisant en sorte que les tressauts de son corps n’affectent pas son passager. La nuit n’allait pas se lever de sitôt, au vu de l’heure, et on pouvait simplement espérer que les éclairages ne s'éteindront pas au cours du transport. Car, depuis que les lampadaires avaient été remplacés pour “un éclairage durable et écologique dans notre belle ville”, il arrivait que les coins encore coincés dans des niches loin du centre-ville connaissent des coupures de lumière publique. C’était normal, comme on pouvait l’entendre parfois, avec une pointe d’amertume dans la voix. Cela lui rappelait souvent ce cours d’histoire sur le mur de séparation de Séoul ; une immense muraille qui traversait une section de la ville et qui, à un certain point, n’était plus du tout touristique et servait simplement à séparer un quartier délabré. Depuis, bien sûr, il avait été détruit, ce quartier, pour être remplacé par des habitations high-tech, sans doute commandées à Busan. Le bout de la route n’était pas éclairée, provoquant un léger flottement, avant qu’ils n’atteignent le magasin convoité. Chin Ho sentait à peine la légère sueur sur son front, autant sous l’effort que la chaleur de cette nuit d’été. Pour la première fois depuis un certain moment, il fut heureux de voir la camionnette des Park se garer devant lui.

Ain't no fun ft. @Park Munseo & @Pyo Chin Ho

Qu’il était confortable son lit, à Munbyul. On était loin du king size à matelas rembourré, mais après une longue journée à courir à droite et à gauche pour servir des cafés, elle remettait tout en relativité le confort qu’elle ressentait en s’écroulant sur son matelas pour les prochaines heures, priant pour qu’une insomnie ne la rattrape pas avant de partir enchainer pour la journée du lendemain. Sauf que cette nuit-là, son sommeil n’allait pas être de tout repos, non non. Si ce n’est pas son propre cerveau qui avait mis en péril sa mission dodo, c’est son téléphone qui est entré en action. Une sonnerie de message - un peu plus forte que les autres - lui faisait tout de suite comprendre que quelque chose ne tournait pas rond. Les yeux plissés, aveuglés par la lumière artificielle qui venait frapper de plein fouet son visage, Munbyul venait déverrouiller son téléphone et ouvrait la discussion du groupe de seo-gu. Elle dû lire à deux reprises le message pour que les mots fassent sens dans son cerveau endormi, mais une fois l’information bien emmagasinée, elle fit un bond d’un seul coup, déjà opérationnelle.

Elle prit soin tout de même de ne pas faire un remue-méninges d'enfer pour ne pas réveiller sa grand-mère, mais elle bondit hors de son lit et enfilait le premier jean et t-shirt qui passait sous sa main. L’heure n’était pas à la plaisanterie mais à l’urgence, et malgré sa désinvolture habituelle, elle prenait les urgences de Seo-gu très à coeur. Si elle ignorait les détails, elle savait très bien que Munseo n’aurait pas sollicité son aide pour quelque chose de bénin. Si on prenait en compte la moyenne d’âge des habitants de Seo-gu, même le moindre petit bobo pouvait vite devenir grave. Elle répondait maladroitement au message de son frère, puis dévalait les escaliers pour atterrir dans le magasin et cherchait les clés de la camionnette. Le saint graal en main, elle s’extirpait du magasin - accompagnée d’un énorme regret de ne pas avoir pris de veste, les températures nocturnes combinées à la fatigue lui glaçant le sang, mais elle rejoint très vite la camionnette de laquelle elle prenait le volant. Connaissant le quartier sur le bout de ses doigts - sans oublier qu’il n’était pas non plus énorme - elle rejoignait très vite l’entrée de la ruelle la plus proche du domicile de monsieur Kim et mettait le frein à main du véhicule pour bondir hors du siège conducteur et venir ouvrir les portes de la camionettes, faisant de grands signes aux silhouettes qu’elle apercevait à quelques mètres. « Qu’est-ce qui s’est passé ?! ». Lançait-elle au duo.

Ain't no fun ft*  @Pyo Chin Ho & @Park Munbyul

Bambi portait monsieur Kim sur son dos. Il y avait une forme de respect muet et presque de fierté qui se dégageât du « d’accord » que Munseo lâchât du bout des lèvres lorsque son jeune accompagnateur l’écarta pour prendre la situation littéralement en main. Ce gosse n’avait pas toujours eu les muscles aussi développer à en tirer les mailles de son pauvre t-shirt. Il fut un temps où on pouvait le voir courir entre les jambes des collégiens qui rentraient des cours avec la morve au nez. Ce temps là était bien révolu à présent. Chin Ho râlait souvent, pour presque tous ce que Munseo lui demandait de faire, à vrai dire, il n’y avait pas eu une seule chose qu’il lui avait demandé de faire depuis qu’il était entré au comité de nettoyage et d sécurité du quartier, que le Pyo n’avait pas voulu contester d’une manière ou d’une autre, mais au fond de lui c’était un bon gosse, du genre de ceux à qui on pouvait confier les clefs du magasin en cas d’urgence.
Mais là, sous ses yeux, pour la première fois, c’était Chin Ho lui-même qui prenait une initiative et pas des moindres. La situation était délicate, mais Chin Ho se montrait à la hauteur.
Sans rien ajouter, Munseo ouvrit la porte puis la voix, pressant le pas tout en continuant de tendre l’oreille pour s’assurer que le plus jeune était toujours derrière lui tenait le coup. Le souffle plus pressant de Chin Ho encouragea Munseo à sortir son téléphone et à envoyer un message urgent sur la conversation que le groupe de surveillance avait en commun. Le vendeur de fruits et légumes savait bien que Munbyul ne fermait jamais ses sonneries, il pouvait parfois les entendre à travers les murs, toutes les notifications qui faisaient du bouquant. Alors il avait peut-être une chance de réveiller le petit singe qui vivait sous le même toit que lui.
Une fois le message envoyé, il ne fallut pas plus de deux petites minutes pour qu’une réponse s’affiche. Munseo jeta un regard à Chin Ho qui avançait sans rien dire, regardant droit devant lui ?
Il faudrait qu’il pense à souligner son courage et à lui offrir un bon repas pour cet effort à l’occasion. Certes il y avait toujours des choses à faire dans ce quartier et on ne pouvait pas récompenser tous les efforts, mais pour le coup, on trimballait rarement une personne d’une partie du quartier à l’autre sur son dos il fallait l’avouer.
Un crissement de pneu se fit entendre en bout de rue. Munbyul était rapide, elle l’avait toujours été. Première à monter sur les toits, sur les arbres ou en haut des collines depuis sa plus tendre enfance. La camionnette affichant le nom de la famille et des fruits et légumes aux couleurs desséché s’arrêta en urgence non loin d’eux et Munseo se précipita pour soutenir Chin Ho et Monsieur Kim tout en faisant basculer le corps encore inconscient de ce dernier sur la banquette arrière de la camionnette.

« J’ai reçu un message d’urgence sur le téléphone, je pense que c’est un malaise vagal. Il faut tout de suite l’emmener à l’hôpital. » répondit-il à sa petite sœur avec un ton clair et serein.

Alors qu’il lançait de nouveau le mouvement, en fermant vivement la porte de la camionnette, le maraîcher observa le jeune Pyo et lui donna une tape d’encouragement et de remerciement sur l’épaule en acquiesçant tout en faisant un signe de tête vers le véhicule pour l’inviter à monter.

« Munbyul tu conduits. Je me mets derrière avec Monsieur Kim pour appeler les urgences. Chin Ho tu montes devant. »

Au sein du groupe, Munseo était celui qui prenait à la fois les décisions de nettoyer les gouttières du quartier, d’organiser une soirée dansante au mois de juin ou même de savoir qui allait conduire. Pas forcément qu’il aimait donner des ordres, mais il avait la faculté de garder la tête sur els épaules et le sang-froid, et cela était salvateur dans bien des situations d’urgence.

Ain't no fun ft. @Park Munseo & @Park Munbyul

Il n’y avait que dans le coin que vous pourrez apercevoir un vendeur de légumes avoir autant d’autorité. Après avoir déposé Monsieur Kim dans la camionnette, les épaules endoloris et les jambes se remettant à peine de sa course dans la pente, Chin Ho cru presque pouvoir échapper au reste. Après tout, Munbyul était là, et, étant la seule bien habillée de la bande, elle était clairement beaucoup plus en capacité de gérer la situation que lui, qui portait encore son short de pyjama, ainsi qu’un t-shirt ayant survécu à son sport. Mais, si ce ne fut pas pour la tape sur son épaule - qui le toucha plus qu’il ne l’avouera jamais - il y avait un ordre irrévocable dans la voix du plus vieux. Chin Ho n’était pas son petit frère, même pas considéré comme tel sans doute, et il ne le voyait plus comme un modèle depuis longtemps. Pourtant, il ne discuta pas et s'exécuta. Il n’y avait pas de temps à perdre à pinailler pour quelques heures de sommeil supplémentaire. Après, qu’est-ce que c’était, hein ? Une bonne nuit. Il n’avait pas dû en avoir beaucoup, depuis son retour. Même en étant wasted sur le canapé de quelqu’un ou défoncé sur le plancher d’un.e autre, ce n’était jamais des nuits reposantes. Alors pourquoi débattre, si en plus cela mettait en danger la vie d’un homme qui, clairement, ne méritait pas de mourir à l’arrière de la camionnette de la famille Park, vendeur de légumes de grand-mère en petit fils.

« Salut, Byul… » dit-il en montant dans le véhicule.

La porte côté passager claqua avec un crissement qui provoqua un froncement de sourcil à Chin Ho. Il jeta un coup d'œil à son amie. Bon, si personne ne semblait tellement choqué, c’était que c’était tout à fait normal. Sortant alors son téléphone de sa poche, il l’alluma pour ouvrir l’application d’itinéraire afin de rejoindre l’hôpital le plus rapidement possible. A cette heure, pourtant, il doutait que la route ne soit bouchée. Mais on ne savait jamais non plus. Busan est devenue une capitale à elle toute seule, nouvelle dans une industrie qui évince les petits quartiers comme Seo-Gu. Après tout, des hauts monts desquels ils se situaient, ils pouvaient voir la Silicon Valley prendre ses aises. Si une chose était sûre, c’est que cette vue ne lui manquera pas quand il partira ; voir ses gratte-ciels détruire la côte était aussi accablant pour lui que pour n’importe qui d’autre. Même si ces mêmes bâtiments lui offraient de bonnes ombres pour ne pas se faire attraper. Noter aussi qu’il était persuadé de quitter cet endroit, un jour. L’application donna enfin un bon itinéraire avec une notification, affichant un message sur le temps de trajet, que Chin Ho balaya rapidement avant de pointer la route pour sa pilote. S’il devait rester dans l’aventure, autant faire le bon copilote et mener à bien sa mission.

Conduire ainsi dans les rues de Busan était à la fois nouveau, grisant et stressant. Ils avaient un vieil homme sur la banquette arrière et un autre qui souffrait d’un malaise vagal. Et les deux responsables pour les emmener à bon port était un jeune chômeur qui travaillait au black pour les gens de son quartier, encore en pyjama, donc la confiance était toute dirigée vers le GPS sur son portable et une serveuse de café, dessinatrice de la vie en communauté de leur quartier, dont le surnom enfant était “monkey” et la seule ayant eu la décence de mettre un jean avant de venir, dans la camionnette du magasin familiale. Il y avait des moments, dans la vie, où la prise de recul sur une situation ne faisait que la rendre encore plus incroyable. Pas cette fois, car Chin Ho ne pouvait s’empêcher de trouver tout cela complétement loufoque et que si quelqu’un lui demandait comment il en était arrivé là, il allait faire une Ryan Reynolds dans l’un de ses vieux films de superhéros que plus personne ne regarde. Enfin, il put voir les panneaux qui indiquaient que toute la troupe était en bonne voie. S’il faisait son pointilleux, il dirait qu’ils avaient étrangement gagné dix minutes sur le trajet. Mais cela aurait été un peu trop ingrat de sa part, pour un mec dont les freins de vélos ne marchaient plus. Ils avaient fait l’exploit d’uniquement se prendre la tête aux alentours de l’entrée du parking des urgences. Au moins, ils étaient arrivés, tous plus ou moins en bonne santé.

Ain't no fun ft. @Park Munseo & @Pyo Chin Ho

Munbyul n’avait pas perdu la moindre seconde lorsqu’elle avait reçu le message de son frère sur le groupe lui demandant de rappliquer au plus vite avec la camionnette. Ignorant à ce moment les détails, outre le fait que monsieur Kim devait se rendre à l’hôpital, elle n’avait pas cherché à comprendre plus loin et avait, comme indiqué dans le message, réquisitionné la camionnette du magasin pour se rendre au plus vite à l’adresse donnée. On pouvait certainement faire mieux comme ambulance de fortune, mais la brave équipe n’avait pas réellement d’autres choix. Seo Gu n’était qu’un pauvre petit quartier ne pouvant se permettre d’avoir une installation médicale d’envergure, et il était toujours plus rapide de s’y déplacer directement, plutôt que de devoir attendre qu’une vraie ambulance vienne sur place, tout en comptant le trajet retour.

Munbyul n’était pas une pilote hors-pair - en raison d’un permis bien trop récent et d’un manque évident de pratique, mais elle était parvenue à bon port sans causer d’accident, ce qui était déjà bien. Le fait qu’elle roulait de pleine nuit lui facilitait grandement la tâche, peu de circulation, aucun piétons à éviter.

Sur place, elle ouvrait la porte de la camionnette à l’approche du duo, s’inquiétant de la situation en voyant le pauvre monsieur Kim se faire trimballer sur le dos d’un Chin Ho qui, à en juger par son accoutrement, avait probablement été également dérangé durant son sommeil par Munseo. Ce dernier, d'ailleurs, lui donnait un bref topo suffisant, Monsieur Kim aurait fait un malaise vagal et l’hôpital, comme indiqué dans le message, était leur objectif. « Direction l’hôpital, alors ! ». lançait-elle en commençant à contourner la camionnette pour revenir derrière le volant. Munseo leur attribuait d’ailleurs leur rôle, à savoir Byul au volant, Chin Ho en copilote. Il était évident que le plus âgé de la troupe préférait rester avec leur patient pour s’assurer que tout se passe bien et pouvoir réagir en cas d’imprévus durant le trajet. Elle fut rejoint peu de temps après par Chin Ho dans l’habitacle du véhicule pendant qu’elle démarrait de nouveau le véhicule.

« Les joies des urgences, hein ? » lançait-elle à son nouveau copilote, un sourire compatissant sur les lèvres en imaginant très bien l’état d’esprit du jeune homme à l’heure actuelle. Munbyul, comme beaucoup sûrement, savait que Chin Ho n’avait pas forcément le même point de vue que les Park sur le quartier, mais pourtant il répondait toujours présent comme à l’heure actuelle, avec l’option grognon suivant les occasions. C’était bien suffisant à Munbyul pour avoir du respect envers lui, chose qu’elle se tenait bien de garder pour elle, bien évidemment. Appuyant alors sur la pédale d’accélération, elle suivait à la lettre sans broncher les instructions de Chin Ho, puisque de toute façon Munbyul n’avait clairement pas pour habitude de conduire dans Busan et préférait faire confiance à la technologie pour les mener à bon port. Après quelques feux oranges probablement grillés et un léger excès de vitesse en ligne droite - urgence oblige - la façade de l’hôpital venait s’offrir à eux à travers le pare-brise avant, laissant Munbyul pousser un soupir de soulagement.

« On est arrivés ! », dit-elle à voix un peu plus forte pour prévenir son aîné, coupant à nouveau le contact du véhicule lorsque ce dernier se trouvait assez proche de l’entrée du bâtiment.

Ain't no fun ft*  @Pyo Chin Ho &  @Park Munbyul

Munseo cala la tête de Monsieur Kim sur ses genoux et s’assura que les genoux de ce dernier étaient bien sur la banquette arrière en les retenant d’une main. A l’avant, les jeunes prenaient les rênes de la manœuvre et engageait cette ambulance de fortune dans le dédale des ruelles de Busan. Si Seo-Gu était plutôt en retrait du centre-ville, le quartier n’était qu’à un jet de pierre de l’hôpital en véhicule motorisé. Munseo leur faisait confiance, il leur avait toujours fait confiance, vivre à Seo-gu c’était comme vivre dans une grande famille, ici les relations pouvaient être explosives, mais elles étaient toujours organiques et bien loin des relations irréelles partagées sur les applications dont le pays était saturé.
Sortant son téléphone de sa main libre le plus âgé passa un rapide coup de fil aux urgences afin de prévenir de leur venu tandis que Munbyul grillait plusieurs feux rouges. Munseo soupira, elle avait certainement raison d’aller vite pour une fois, mais le problème était surtout qu’elle allait toujours vite… Remarquant que même Chin Ho se retenait d’une main sur le tableau de bord, l’aîné des Park ne put s’empêcher de sourire. Il sentait sa peau le tirer et la fatigue le tapât derrière la nuque.

La chaleur de Munseo Kim contre lui assurait que ce dernier était vivant et c’était tous ce qui comptait en réalité. Malgré tout, il ne pouvait avoir de plein contrôle sur son corps en permanence, et il dormait déjà habituellement si peu, que le coup d’adrénaline provoqué par la découverte du corps d’un des habitants du quartier, qui l’avait vu grandir, dans un état aussi proche de l’inanimation avait certainement eu un effet sur lui.
Munbyul annonçât la sentence, ils étaient arrivés à l’hôpital. Munseo poussa un léger soupire et acquiesça en regardant sa sœur et le jeune homme devant lui tandis qu’ils se retournaient vers Monsieur Kim. Ces gosses étaient parfois terribles, mais ils avaient un cœur d’or.
Deux infirmières sortir par la porte des urgences, approchant en trottinant tandis que Munseo ouvrait la portière de la camionnette. Elles prirent rapidement le pouls et l’une d’entre elle fit signe aux brancardiers d’approcher.
C’est alors que le poids physique et mental de Monsieur Kim quitta le vendeur de fruits et légumes. Poussant un soupire en baissant les épaules. Il se tourna vers les deux plus jeunes, ils avaient l’air soudainement… si petits et pourtant si fort.

« Tenez. Allez vous chercher un café ou quelque chose à boire je vais garer la camionnette et appeler la fille de monsieur Kim pour la prévenir. »

Il tendit à Munbyul son porte feuille et prit les clefs avant de remonter dans le véhicule. Le chef de l’équipe de nettoyage et de protection de Seo-gu prit bien soin d’être garé en dehors de la vue des deux plus jeunes avant de s’autoriser à souffler, posant son front sur ses deux mains qui se trouvaient en haut du volant et serrant les dents à s’en faire mal à la mâchoire.
Il reprit contenance, observa son téléphone et y cherchât le numéro de la fille de monsieur Kim. Elle devait avoir approximativement son âge et vivaient dans la capitale coréenne. La dernière fois qu’ils s’étaient vu c’était à l’enterrement de la mère de cette dernière, il n’était donc absolument pas certain qu’elle réponde au téléphone à une heure pareil. Mais il fallait bien qu’il se fasse le relais de l’information.

La voix du répondeur donna des frissons à Munseo, il n’avait jamais vraiment apprécié la manière hautaine dont la jeune femme se comportait, et ils n’avaient jamais été proche. L’échec de l’appel conforta le Park à appeler plus tard, il décida de rejoindre sa petite équipe de jeunes super-héros dans l’hôpital. Le matin n’allait pas tarder à se lever, la journée allait être longue, mais au moins il n’était pas seul.