still with you

-- ft reira

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(outfit) Les jours se ressemblent depuis quelques temps, t’as constamment cette impression de vivre encore et toujours la même journée depuis cette soirée de merde qu’était le trente et un octobre. Tu te lèves depuis contrarié, te couche attristé. Tu te forces à te lever et regrette de l’avoir fait du moment qu’un tout petit truc éveille ta contrariété dans la journée. Tu vis par obligation, vis car t’as pas d’autre choix que de t’occuper de tout le reste mais l’envie se fait moindre depuis qu’elle n’est plus là. T’étais d’abord énervé, assez remonté contre elle pour te dire que c’était tant mieux qu’elle se soit en allé. Tu l’as haï pendant près de deux jours Reira, n’a même pas réussi à lui adresser un regard quand t’es allé déposer son ordinateur portable à son nouvel atelier. Mais petit à petit cette colère s’est envolé, tout doucement c’est la peine qui est venu étreindre ton cœur au fil des jours passés. Car t’avais l’habitude de la voir dès le matin, l’habitude d’avoir son chien entre les pattes dès que tu sortais du lit. Reira avant que tout devienne bizarre, elle est surtout ta meilleure amie, fait partie de ce noyau de personnes que t’aimes le plus au monde. Et tu trouves ça vraiment triste que vous perdiez contact pour une histoire si nulle. Car ça tient vraiment à rien, à un quiproquo de merde dû à l’accumulation des petites disputes, la déception qu’elle quitte ton appartement et - surtout tes nerfs à fleur de peau pour un tas de raisons différentes.


Et tu regrettes d’avoir été si virulent par message car tu la connais assez bien pour savoir qu’elle ne reviendra pas vers toi. C’est pas son genre, pas dans ses gênes. Elle n’a jamais réussi à revenir vers les gens après une dispute et en sachant ça il te revient la décision de faire un pas vers elle ou bien de jouer la carte de la fierté toi aussi et laisser les choses tel qu’elles le sont actuellement. Ça voudrait dire tirer un trait sur elle à tout jamais, repartir sur dix ans en faisant semblant que tout va dans le meilleur des mondes, la croiser dans Busanjin par hasard et regretter de ne pas avoir fait un pas vers elle quand il est encore temps de le faire. Rien que d’y penser t’es mal Haru et tu ne te vois pas passer une journée de plus à ruminer, avoir des remords pour une situation qui pourrait très facilement se régler. Tu ne peux pas faire subir tes humeurs aux autres indéfiniment alors avec un peu de courage lorsqu’arrive la pause du midi tu fermes le rideau une petite demi-heure à l’avance, fait le tour du quartier – en évitant proprement la devanture de sa boutique. Tu cherches alors une idée, espère qu’en marchant malgré cette fine pluie battant sur ton parapluie le coup de génie te frappera. On revient comment vers une fille ? C’est quoi la démarche à suivre ? Y’en a une déjà ? Tu ne sais pas trop Haru mais c’est par envie de lui faire plaisir avec une toute petite attention que tu vas lui acheter un bouquet de fleur, demande à la fleuriste de faire quelque chose de joli, pas vieillot qui irait bien sur la table d’une mamie. C’est ainsi, avec un joli petit bouquet de fleur teinté de rose, violet et autre couleur pastel qu’elle aime tant que tu te diriges vers sa boutique après l'avoir évité plus de vingt jour et regarde l’heure sur ton téléphone. Midi pile. Il y a encore du monde dans la boutique donc t’imagines qu’elle va être occupé un petit moment encore mais tu restes patient, essaie de ne pas trop écouter les pulsions de ton cœur battant à tout rompre au fil des minutes qui passent.

Et si elle n’a pas envie de te voir elle ?
Et si elle te fait la gueule, ne veut pas passer à autre chose ?

Tu stress, n’entends même pas les demoiselles sortant de la boutique les bras chargés de paquets chuchoter entre elle que t’es bien mignon, qu’elles aimeraient bien un petit ami si attentionné en te voyant. T’es perdu dans tes pensées Haru, le regard tout droit rivé à l’intérieur, y voit Reira discuter avec sa dernière cliente, être passionné par la discussion. T’as presque la sensation de retrouver un second souffle, enfin trouver du sens à ta journée quand elle apparait dans ton champ de vision. Toujours aussi jolie, aussi souriante. Elle ne te voit pas mais t’as peur du moment où son regard croisera le tien. T’hésites alors à rester, te dis qu’elle a l’air bien et que t’as pas à gâcher son équilibre juste parce que toi, t’arrives pas à passer à autre chose. Tu t’apprêtes ainsi à rebrousser chemin avant qu’elle ne te remarque, ne sait même pas quoi faire des fleurs que tu tiens entre les mains. Tu dois les jeter ? Les donner à la première venue ? T’es encore figé sur place lorsque la porte de l’échoppe s’ouvre de nouveau tandis qu’elle accompagnait la dernière cliente vers la sortie. Vos regards se croisent, tu restes un instant interdit.


Tu pinces alors les lèvres, attend que la cliente s’en aille pour enfin t’approcher lui tendre le bouquet comme un robot - très intimidé pas franchement habitué à ce genre d’action et lui demande pas des plus serein :

- On peut discuter … ?

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-- ft haru

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(outfit) La nuit des morts a tout dévasté sur son passage. La jalousie a consumé Reira, léchant de ses flammes ardentes ce qu’il lui restait de contenance, et la poupée s’est évanouie dans la nuit. Cette nuit qui aura, de toute évidence, assassiné leur amitié.

Car Haru et elle ne se sont plus parlés, depuis cette soirée du trente-et-un octobre. Pas un mot – pas un regard, encore moins une visite. Reira, elle a pris grand soin de faire des détours ridicules dans le seul but de ne surtout pas passer devant la supérette des Seomun, et encore moins devant l’appartement du jeune homme ; et elle ignore si lui a mis autant de soin à l’éviter.

Un kaléidoscope d’émotions se sont succédées, en vingt jours. Il y a d’abord eu la jalousie, dévorante, lorsqu’elle voyait la petite amie de Haru refermer ses griffes sur son visage pour l’embrasser. Il y a eu la culpabilité, étouffante, lorsqu’elle reçu ses SMS inquiets de l’avoir vue déserter la soirée, et la colère, ardente, de le voir la défendre, lorsque ce n’est pas à elle que sa loyauté devrait revenir. Ce n’est pas elle qui le connaît depuis qu’il sait tenir un stylo pour écrire. Ce n’est pas elle qui est restée éveillée des nuits entières à discuter avec lui malgré le fait qu’ils avaient école le lendemain, ou qui a ravalé sa propre sensibilité pour le soigner chaque fois qu’il était trop délicat pour le faire. Alors c’est injuste, n’est-ce pas ? Elle ne mérite rien de son attention. Et à la colère a succédé la peine, immanquablement. Lorsqu’il a semblé déverser des vérités trop longtemps ravalées ; son avis à son sujet, probablement plus honnête qu’il ne l’a jamais été. Lorsqu’il n’a pas fait le moindre pas vers elle en vingt jours, lui laissant tout le loisir de l’imaginer trop occupé avec sa nouvelle copine ; de penser qu’elle ne devait même pas lui manquer un dixième de ce que lui pouvait lui manquer ; de redouter voir l’histoire se répéter, encore et encore. Et de toutes les émotions qui achevaient de lui morceler le cœur, c’est cette dernière qui l'a poursuivi le plus, collante, poisseuse, comme un magma étouffant dont on ne sait se défaire.

Elle aurait pu le recontacter. Sonner chez lui, ou s’arrêter à la supérette, déjà plus facile et moins risqué ; lui envoyer un message, ce qui lui semblait être la solution la plus réalisable, et en même temps la plus effrayante au vu de ce que leur dernière tentative avait donné. Mais chaque fois que le manque de lui et la crainte de le perdre parvenaient à l’emporter sur sa fierté, les images de ce qu’il pouvait bien faire avec cette Hachi – ou peu importe son nom – s’imposaient à son esprit, et achevaient de la décourager, lorsque ce n’était pas l’idée que Haru ne devait pas souhaiter s’encombrer d’une fille au caractère de merde en manque d’attention.

Alors elle n’a évidemment rien fait ; s’efforce de continuer sa vie comme si de rien n’était, en espérant que cette douleur s’estompe un jour – mais ce n’est pas très probant pour l’instant, la peine ne fait en réalité que grandir encore et encore, jour après jour. Elle fait tout son possible pour s’occuper, coud, plus que jamais, dessine beaucoup aussi, lorsqu’elle ne passe pas du temps à jouer avec Pucci. Essayer de distraire le petit chien qui semble aussi morose qu’elle, ces derniers temps.

Pucci qui n’a même pas voulu la suivre au rez-de-chaussée du petit bâtiment qui accueille sa boutique et son appartement, en ce samedi pluvieux. C’est donc seule au comptoir que Reira a laissé filer la matinée, à fixer les gouttes s’écraser sur la vitre en attendant l’arrivée des premiers clients. Et par miracle, le mauvais temps n’aura pas découragé les habitants de Busan de mettre le nez dehors. Bientôt, l’activité bat son plein entre les quatre murs de l’échoppe, et la petite brune s’efforce de passer d’un client à l’autre, prêter une oreille attentive à chaque demande et s’assurer de prodiguer les meilleurs conseils.

Et juste comme ça, la matinée a filé. La boutique se vide peu à peu, juste à temps pour qu’elle prenne sa pause déjeuner, et lorsque la dernière cliente prend la direction de la sortie, elle la raccompagne poliment jusqu’à la porte, déjà prête à tirer le verrou derrière elle.

Sauf que les choses ne se passent pas comme prévu.
Lorsqu’elle détourne les yeux de sa cliente,
ils se posent sur l’un des visages les plus familiers qu’elle connaisse.
Haru en personne, beau comme un prince sous son parapluie.
C’est vraiment la journée des miracles.

Son sourire se fige sur ses lippes, et elle demeure interdite. Pour la première fois depuis vingt jours, son cœur lui fait un peu moins mal – un instant pansé par le soulagement. Elle ignore combien de temps ils restent ainsi, à se dévisager sous la pluie – mais lorsqu’il s’avance vers elle, elle se souvient de reprendre son souffle, et pince un peu les lèvres à son tour. Ne sachant pas à quoi s’attendre.

Et lorsqu’il lui tend gauchement un bouquet de fleurs, ce doit bien être la dernière chose qu’elle pensait qu’il ferait. Parce que cela ne lui ressemble tellement pas ; qu’elle n’avait même pas remarqué ledit bouquet, trop occupée qu’elle était à redécouvrir ces traits familiers.

- C’est pour moi ?, demande-t-elle bêtement, ses yeux passant des fleurs au visage du jeune homme.

Lorsqu’il acquiesce, elle referme timidement ses doigts à la base du bouquet, et ajoute doucement :

- Merci. Elles sont jolies.

Ses yeux s’égarent sur le camaïeu de pastels qui orne les pétales, à la fois touchée et confuse par son attention. Car ce n’est pas à sa petite amie, qu’il est censé offrir des fleurs ? Mais elle est trop heureuse de le revoir pour le lui faire remarquer, et lorsqu’il demande à discuter, elle hoche doucement la tête.

- Oui... Entre, reste pas sous la pluie.

Elle attend qu’il referme son parapluie et entre dans la boutique pour pousser la porte derrière lui, et désigne une corbeille disposée à deux pas de là.

- Tu peux laisser ton parapluie ici…, lâche-t-elle dans un souffle, ne sachant plus vraiment comment agir avec lui.

Et elle se dirige vers le fond de la boutique, pose délicatement le bouquet sur le comptoir avant de s’adosser contre ce dernier. Elle a le cœur qui bat la chamade, Reira, et une boule d’appréhension qui lui obstrue la gorge lorsqu’elle articule difficilement :

- Du coup, tu voulais me parler de quoi… ?

Comme toujours trop mal à l’aise dans ce genre de situation – à redouter l’issue de la discussion.

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-- ft reira

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Elle est là devant toi, plus belle que jamais sous le porche de sa propre boutique. Tu ne sais pas si ça vient de ses grands yeux écarquillés, ses lèvres pulpeuses à peine ouverte dû à son air étonné de te voir ici qui la rende si merveilleuse mais bordel qu’est-ce qu’elle t’a manquée ces vingt derniers jours Reira. T’aurais été si con de t’en aller sans tenter une approche, sans avoir l’occasion de lui parler. Tu revis depuis qu’elle a passé le pas de la porte, tu sens enfin des émotions aussi brouillons soient-elles. Car tout ce mélange, il y a trop de chose à dire, ça va trop vite soudainement dans ta tête. Elle te regarde et toi, tu la regardes aussi sans prêter attention à la demoiselle à ses côtés – ni même tout ce qui vous entoure en général. Tu n’as finalement qu’une hâte Haru, que cette jeune fille aux sacs bien chargés s’en aille et vous laisse votre moment d’intimité. Et t’attends sagement les lèvres pincées, rompt le contact visuel pour laisser à la brunette le temps qu’il lui faut pour remercier la cliente et poliment la congédier.

Tout juste le temps de mettre un peu d’ordre à tes idées,
Ce que tu dois lui dire, ou non que la jeune fille est déjà partie.

Et bien évidemment sans grand étonnement, tu n’as finalement pas de plan d’attaque et ne sait pas par où commencer. T’as jamais été confronté à ce genre de situation que ce soit en amitié, ou même dans tes anciennes relations amoureuse. Quand c’était terminé, il n’y avait pas de retour en arrière, pas de tentative de ta part de renouer. T’as toujours été légèrement radicale, du genre à voir les choses en noir ou en blanc sans nuancer. Quand c’est terminé, c’est bel et bien terminé. Sauf avec Reira. Tu peux faire un millier d’effort pour elle, tu le sais au fond de toi et aujourd’hui tu le prouves. A peine est-elle libérée de ses fonctions que tu fais un pas vers elle, lui tend ce bouquet de fleur confectionnait juste pour elle. Comme si ce n’était pas assez dure pour toi, elle te demande si c’est bel et bien pour elle les fleurs et tu lui sers ton terrible sourire trop large, un brin forcé en répondant :

- Non non, je te demande juste de le tenir le temps que j’fasse mes lacets…

Second degrés, petit blanc qui s’installe comme si elle croyait réellement ce que tu lui dis avant que tu n’ajoutes beaucoup plus rapidement en hochant de la tête pour doublement confirmé tes dires :

- Mais oui c’est pour toi… J’me balade pas avec un bouquet comme accessoire…

Bien sûr que c’est pour elle, uniquement pour elle, même. C’est la première fois que t’achète des fleurs pour une fille. De la même manière qu’elle était la première fille à qui t’as payé une glace et puis un verre d’alcool, la première avec qui t’es allé en boite et la première qui t’ai brisé le cœur. Première pour qui tu ranges ta fierté, pour qui t’es prêt à tout si ça peut la tenir à tes côtés. Tu lui demandes alors si vous pouvez discuter et elle, te propose d’entrer dans sa boutique, de ne pas rester sous la fine averse. T’hoches ainsi de nouveau de la tête, referme ton parapluie et passe le pas de la porte. Tu fais quelques pas à l’intérieur, regarde les lieux comme si tu les redécouvrais avant de déposer ton parapluie comme elle te le soumet en te pointant du doigt la petite corbeille à cet usage. Et une fois chose faite, tu la regarde de nouveau elle, la détaille – non la matte les dix secondes qui suivent. Tant qu’elle est dos à toi, le temps qu’elle pose le bouquet sur le comptoir, qu’elle se tourne et te fasse de nouveau face. Là soudainement, ce n’est plus ses jolies jambes que tu regardes ni ses longs cheveux dans lesquels t’aimerais glisser tes doigts. C’est son visage que tu fixes, ne te démonte pas face au silence qui suit. Tu les trouves même apaisante ces quelques secondes, t’as le temps de profiter de son air intimidé. C’est presque si elle ne se mettrait pas à se triturer les doigts comme une gamine Reira et y’a l’ombre d’un sourire en coin qui s’étire sur tes lippes lorsque tu lui demandes :

- Je t’intimide … ? C’est nouveau ça…

Mais très vite, la réalité te rattrape et t’arrache à ton air pas peu fier. Reira elle te demande de quoi tu voulais lui parler, semble toujours aussi mal à l’aise et ça te tend légèrement sur place. Te fait monter une petite pression que tu n’avais plus sur les épaules du moment que vos regards se sont croisés à l’entrée de la boutique. Et tu gonfles tes joues – comme bien trop souvent, cherche tes mots en regardant tes pieds avant de finalement lui dire :

- J’trouve ça con toute cette histoire, ça me fait chier quand on se parle pas… pas toi ?

Que tu t’enquières, que tu lui demandes les yeux braqués dans les siens presque peureux d’entendre sa réponse. Car si Reira s’en fou, qu’elle vit très bien cet éloignement à quoi bon continuer la discussion ?  Mais t’oses espérer qu’elle te considère un peu plus que ça, que comme toi elle souffre un tant soit peu de cet éloignement drastique et ça te sort d’entre les lèvres, c’est sans réfléchir que t’ajoutes :

- Tu me manques trop, j’suis énervé des fois contre toi mais pour autant j’veux tu sois là ? On s’est pris la tête pour de la merde et j’ai pas envie d’attendre encore dix ans pour qu’on s’reparle.  

car vous l'avez déjà expérimenté, c'était pas facile et t'es pas prêt à revivre ça. plus jamais.

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-- ft haru

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Sarcasme dans sa voix lorsque Haru lui raconte que ces fleurs ne sont pas pour elle ; qu’il a seulement besoin qu’elle les lui tienne le temps qu’il refasse ses lacets. Ce n’est qu’alors qu’elle se rend compte de la stupidité de sa question – et en même temps, n’est-elle pas en droit d’être surprise qu’il lui offre un bouquet lorsqu’il ne l’a jamais fait ? Qu’il a une petite amie, qui plus est ? Et y a un léger blanc qui s’installe sur ce constat silencieux, les joues qui s’échauffent lorsqu’il confirme que ces fleurs sont bien pour elle.

Pas pour sa petite amie.
Pas pour qui que ce soit d’autre,
Mais bien pour elle, Reira.

Alors elle le remercie, tandis que ses yeux sombres s’attardent sur les nuances délicates des pétales. L’invite déjà à entrer, pour ne pas qu’il reste dans le froid et dans l’humidité ; parce qu’il veut parler, aussi, apparemment. Porte refermée dans son dos, elle s’avance jusqu’au comptoir pendant que le jeune homme abandonne son parapluie à l’entrée ; y dépose délicatement son précieux bouquet, prend une petite inspiration avant de se retourner. Bien sûr, il l’a déjà rejoint ; lui fait déjà face.

Et Reira étant Reira, l’appréhension ne peut que gagner son cœur – devenir presque étouffante, tout d’un coup. Car elle n’a pas envie d’avoir cette discussion. Elle n’a pas envie de devoir parler de cette fille qui lui sert de pEtiTe aMiE, ou d’être mise face à ce qui l’aura poussé à la qualifier de fille au caractère de merde ; de l’imaginer en manque d’attention, lorsqu’elle était seulement en manque de lui. Elle n’a pas envie de devoir reparler de cette soirée, car elle sait qu’elle a merdé. A agi trop impulsivement ; l’a inquiété, inutilement. C’était même pas son intention à la base – Reira, elle a juste eu besoin de partir pour ne plus voir cette sangsue s’accrocher à lui comme si elle cherchait à aspirer son âme, et c’est seulement lorsqu’il le lui a fait remarquer qu’elle a réalisé qu’il avait pu s’inquiéter.

Sans doute aurait-elle dû attendre un peu plus longtemps ; ne pas partir au bout de trois minutes à le chercher dans le bar, après avoir décrété qu’il devait être dans un coin à faire avec une autre fille ce qu’ils faisaient sur son canapé deux mois plus tôt. Mais le mal est fait, et elle ne peut revenir en arrière. Puis aujourd’hui qu’elle risque d’être mise face à ses erreurs, elle a une boule dans la gorge et du mal à soutenir son regard. Et bien sûr, il faut qu’il le remarque. Se permette de le souligner, un sourire pas peu fier qui s’étire en coin – la pousse à maugréer, boudeuse :

- T’es con…

Car y a pas de quoi se réjouir, d’après elle. Qu’il la fait chier à s’amuser ainsi de son trouble ; agir de manière si décontractée, lorsqu’elle ne sait pas où se mettre. Pourtant, ces mots n’auront pas été prononcés méchamment ; plus de manière affectueuse, comme lorsque l’on fait remarquer à un proche que oui, il agit comme un petit con sur ce coup-là mais qu’on ne lui en veut pas. Et pour abréger ses souffrances, elle lui demande de quoi il souhaitait lui parler. Voit soudain le fanfaron retomber de son piédestal, baisser à son tour le regard vers ses pieds pour lui avouer qu’il trouve toute cette histoire stupide. Que ça le fait chier lorsqu’ils ne parlent plus, avant de lui demander ce qu’elle en pense. Et elle flanche un peu sous l’intensité de son regard, Reira ; hésite un instant avant de lui répondre :

- Bien sûr que ça me fait chier aussi… J’ai cru que tu me reparlerais plus jamais…

Et sa gorge se noue sur cet aveu, car c’est véritablement cette crainte qui lui a torturé l’estomac tout au long de ces dernières semaines. Car il l’a déjà fait par le passé – et elle redoutait trop de voir l’histoire se répéter. Mais elle ne craquera pas – pas devant lui. Elle est trop fière pour ça, la poupée, et la honte la gagne déjà suffisamment chaque fois qu’elle repense à cette nuit d’été où il l’a vue dans tous ses états, le visage baigné de larmes et incapable de respirer.

Il l’avait sûrement jamais vu aussi mal,
et cette nuit, lorsque le sommeil ne venait pas,
elle s’est jurée de veiller à ce que cela ne se reproduise pas.

Comme en réponse à ses mots, il ajoute qu’elle lui manque trop ; que même s’il est en colère contre elle, il veut passer du temps avec elle. Que comme elle, finalement, il aimerait éviter que l’histoire se répète.

- Même si j’ai un caractère de merde et que j’suis en manque d’attention… ?

C’est plus fort qu’elle, elle est un peu trop rancunière – ces mots ont un peu trop tourné en boucle dans sa tête. Et sans doute qu’elle le teste un peu, à lui demander cela ; espère des excuses, lorsqu’il en mériterait lui aussi. Mais elle ne lui a rien dit de méchant, cette nuit-là. Elle n’a pas pris la défense de quelqu’un d’autre plutôt que la sienne, cette nuit-là. Et avec un petit soupir, elle finit par ajouter :

- Mais moi non plus, j’veux plus attendre dix ans… C’est bête, puis tu me manques aussi, donc bon.

Elle a toujours trop de mal à exprimer ce qu’elle a sur le cœur, aussi il lui faudra un effort un peu trop grand pour oser lui avouer :

- J’ai jamais été autant perdue que quand t’étais plus dans les parages, ces dernières années. J’ai fait tous les mauvais choix, ou presque… J’ai besoin de toi.

Et c’est un sourire un peu triste qui se peint sur ses lèvres, tandis qu’elle hausse doucement les épaules. Car son cœur lui fait mal lorsqu’elle repense à toutes ces années passées loin de lui.

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-- ft reira

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Bien sûr que t’es con Haru, un peu trop, même. Le roi des imbéciles si on te demande ton avis, car attendre vingt putain de jour pour revoir Reira ça s’apparente fortement à de la folie à ce stade-là. Vingt longues journées et tout autant de nuit à jouer en boucle cette soirée d’Halloween cauchemardesque, se rappeler les mots qui ont été prononcés d’un côté et de l’autre comme pour te rassurer qu’en vous disputant vous aviez fait le bon choix. S’en est suivi la période de silence et de résistance. Qui ferait alors le premier pas vers l’autre mais résister au nom de quoi finalement ? Pourquoi t’avais autant envie de lui tenir tête à Reira ? Tu ne sais même plus, tout est devenu un énorme bordel dans ta tête depuis que t’es face à elle.


T’es content de la voir, te porte comme un charme quand tu peux te délecter de ses sourires timides, de son air déboussolé quand une situation lui échappe. Et dans un autre contexte t’en jouerais encore un peu de tout ça, tu ferais en sorte d’empourprer un peu plus ses joues déjà rosées, ferait tout pour qu’elle s’approche de toi, te mette un petit coup ou quoi pour t’obliger à t’arrêter de te foutre d’elle. Mais aujourd’hui c’est un peu plus sérieux que ça, aujourd’hui y’a une conversation à entamer, un sujet bien plus sérieux sur lequel vous devez discuter. Alors t’arrête de jouer au con, agis comme un adulte et plus comme l‘adolescent que t’étais fut un temps. Tu te confesses Haru, sans filtre tu lui dis ce que t’as sur le cœur à la jolie brune. Tu lui avoue que cette distance que vous avez prise et toute cette histoire en général te fait bien chier. Car c’était ridicule, qu’il n’y avait pas à s’énerver pour si peu. Et comme si tu souhaitais te rassurer, tu lui demandes si elle aussi en pense de même, prends la température par crainte qu’elle aille très bien, que tout cette histoire n’ait pas chamboulé son quotidien. Mais contre toute attente elle finit par avouer qu’elle aussi cette situation ne l’amusait pas, qu’elle pensait même que plus jamais tu lui reparlerais et pendant un instant tu restes sans voix, sans expression faciale. Car tu serais un menteur de lui dire que tu n’y as pas pensé. Mais c’était sur le coup de la colère, le lendemain même ce genre d’idée était déjà oublié.

- C’aurait été vraiment dommage qu’après tout ce qu’on a traversé on se parle plus juste car tu m’as pas prévenu en partant d’une soirée …

Et même si dans le fond tu sais qu’il n’y a pas que ça, que si ça a éclaté entre vous c’est car il y a bien d’autres sujets cachés sous le tapis tu préfères te centrer que sur ce problème-là. Car c’est le plus petit de tous, le plus insignifiant. Peut-être qu’un jour vous serez prêt pour le reste mais pas nécessairement aujourd’hui, toi en tout cas, tu ne l’es pas. T’es prêt à lui dire qu’elle t’a énormément manqué, qu’elle t’agace, que tu ne peux pas vivre sans elle mais impossible pour toi que d’entre tes lèvres sortent que son départ de l’appartement t’a atteint plus qu’il ne le devrait, que t’as toujours cette interrogation dans la tête quant à ce qu’il s’est passé entre vous à la fin de l’été. T’hoches alors de la tête quand elle te demande si ça vaut même lorsqu’elle devient une chieuse en manque d’attention. T’hausses les épaules Haru, répond l’air de rien :

- Ouais même comme ça, je serais vexé que tu me demandes pas de l’attention en réalité donc bon…

Elle a la rancune tenace et toi t’en joues, transforme son énorme défaut en petite qualité pour mieux faire passer la pilule. Car au fond, c’est vrai que t’aimes avoir son attention, aime quand elle montre les dents et semble agacer que tu t’intéresses à une autre. C’était déjà le cas quand vous étiez des enfants, pareillement à l’adolescence même si ce n’est pas de l’amour comme t’aurais souhaité qu’elle en est pour toi, au moins elle tient à toi à ce point-là en tant qu’ami et ça te suffit Haru, t’es surement un peu masochiste.

- C’est vrai j’te manque ? Rahh ouais… J’aurais pu attendre un tout petit peu encore et peut-être que tu serais revenue toi vers moi ? J’ai raté une première là …

Que tu dis avec humour, l’air faussement triste d’avoir raté ça. En réalité tu t’en fous un peu d’avoir fait le premier pas, Haru. T’es surtout rassuré d’entendre qu’elle aussi ne se portait pas au mieux de sa forme sans toi dans les parages, qu’elle a ressenti de la même façon que toi le manque que cette situation a pu créer. Ce à quoi tu t’attends le moins, c’est la suite de ses palabres, le fait qu’elle ait pu être déboussoler ces dernières semaines, que ça lui a rappelée ce que c’était de ne pas t’avoir à ses côtés durant toutes ces années. Elle pense avoir fait des mauvais choix Reira, pense avoir raté le coche dans sa vie par moment et ça te serre le cœur d’entendre ça. Tu t’en veux énormément soudainement de l’avoir de nouveau abandonné même si ce n’était que quelques semaines alors tu t’approches d’elle, la prend dans tes bras sans crier gare. Tes bras glissent autour de ses épaules tandis que ta joue se pose contre son cuir chevelu lorsque tu lui réponds franchement désoler :

- Dit pas des connerie Reira… Oui, aller t’es sorti avec un connard mais si on enlève ça ? T’as quand même doucement travaillé pour avoir cette boutique, puis t’en a fait un de bon choix en venant à l’épicerie l’hiver dernier pour t’acheter un parapluie, non ?

Tu t’écartes alors un peu pour voir son visage, lui sourit d’un air réconfortant car t’as comme l’impression qu’elle pourrait finir par craquer, se mettre à pleurer lorsqu’agir de la sorte c’est tout ce qu’elle déteste. Tu viens alors lui coller une toute petite pichenette sur le bout du nez et ajoute :

- Je te l’avais dit que je t’abandonnerais plus, puis c’est normal qu’on se dispute de temps en temps… T’as tellement un caractère de cochon toi aussi …

Tu te penches doucement vers elle, déposes un baiser contre sa joue. Car elle t’a trop manqué Reira, que t’arrives pas à contrôler cette envie d’être proche d’elle maintenant que vous vous êtes retrouvés et tu t’écartes pour de bon et lui dit de but en blanc, le nez pointant l'étage de sa boutique :

- Bon, j’peux le voir cet appartement ? J’ai même pas eu l’occasion de le voir maintenant que t’es dedans.

Car vous vous parliez plus trop à ce moment-là, que la tension était déjà palpable. T’étais en colère Haru, t’avais tout sauf envie de voir – d’assimiler dans ta tête que son départ était réel, que d’ici peu elle ne serait plus chez toi. Et maintenant t’es curieux, maintenant tu veux voir. Tu veux découvrir le monde de Reira, ce à quoi ressemble un appartement quand il est décoré par ses soins.

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-- ft haru

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Juste car elle ne l’a pas prévenu qu’elle quittait la soirée. Et elle prétendra qu’il a raison ; que c’est là la seule chose qui les a divisé, ces derniers temps. Car c’est plus simple d’entrer dans ce mensonge que d’avouer qu’elle ne supporte pas l’idée qu’il sorte avec une autre fille qu’elle, ou que de reparler de cette nuit du mois d’août où tout a basculé. Car cela signifierait devoir lui donner des explications ; lui raconter cette nuit d’horreur dans le lit conjugal. Et Reira, elle n’est pas encore prête pour cela.

Alors elle se contente de hocher la tête ; se permet plutôt de revenir sur ce qu’il lui a dit le soir d’Halloween – sur ces mots qui l’ont blessé, l’ont poussé à se remettre en question et se demander pourquoi il s’infligeait sa présence s’il la trouvait aussi détestable. A tel point qu’elle aimerait qu’il s’excuse, aujourd’hui. Lui dise que ces mots il ne les pensait pas, qu’il les a dit sous le coup de la colère mais que bien sûr qu’il l’aime, même si c’est seulement comme une amie. Que bien sûr qu’il apprécie passer du temps avec elle ; que les moments qu’ils partagent ne lui pèsent pas. Mais tout ce qu’il lui répond, c’est qu’il se vexerait de ne plus la voir lui donner d’attention, et malgré elle, un petit sourire se peint sur ses lippes.

- Après tu sais que je t’en donne de l’attention, t’es pas forcé de plus me calculer pour ça…

Et Reira, elle doit faire un effort pour reconnaître qu’il lui a manqué. Car avouer ses sentiments, dire ce qu’elle a sur le cœur, ça n’a jamais été son fort. Alors lorsqu’il en joue, recommence à faire le fier en prétendant qu’il est déçu d’être revenu, que s’il avait attendu un peu plus elle aurait certainement été la première à craquer, elle se renferme un peu. Sûrement car il a un peu trop raison ; que quelques jours de plus et c’était elle qui s’emparait de son téléphone pour lui envoyer un message d’excuses, en dépit de ses propos blessants qui n’ont fait que confirmer ce que Shin lui a dit : qu’elle lui pesait, était un véritable nuage dans le ciel de sa vie. Et elle lui glisse entre ses dents :

- Seomun Haru, me fais pas regretter d’avoir été sincère avec toi…

Il serait à deux doigts de la pousser à ravaler ce qu’elle s’apprête à lui dire, par crainte qu’il ne s’en serve encore pour gentiment se moquer d’elle, mais elle prend une petite inspiration et se force à cracher les mots qui buttent si bien contre sa langue. Qu’elle est perdue sans lui ; qu’elle fait presque tous les mauvais choix. Qu’elle a besoin de lui, finalement, et ce sont sans doute là les mots les plus vrais qu’elle lui ai jamais dit. Elle ignore elle-même ce qu’elle attend en lui disant cela, elle a simplement besoin de le verbaliser, car elle a trop peur qu’il lui échappe de nouveau si elle ne lui dit pas assez combien il compte pour elle. Mais une chose dont elle est sûre, c’est qu’elle ne s’attendait pas à ce qu’il s’avance et la prenne dans ses bras.

Et pourtant.

Pourtant ce contact est tellement bienvenu, la chaleur de son corps contre le sien et la force de ses bras autour de ses épaules. Et elle reste un instant interdite Reira, comme tétanisée, avant de se ressaisir et refermer à son tour ses bras autour de son corps. A le serrer contre elle, fort, car c’est la seule étreinte qui lui est autorisée désormais ; car il lui a un peu trop manqué, pendant ces dernières semaines aux relents d’éternité. Et ce constat la frappe avec la force d’une gifle ; les mots de Haru combinés au réconfort de ses bras pourraient bien la faire craquer – elle sent déjà l’humidité gagner ses yeux, bat des cils pour chasser ces larmes malvenues. Et un petit éclat de rire lui échappe lorsqu’il mentionne le parapluie qu’elle est venue acheter à l’épicerie, il y a bientôt un an.

- Oui… On peut remercier la pluie, pour ça…

Le jeune homme finit par s’écarter, et les yeux de Reira s’attardent derrière lui, vers la vitrine sur laquelle s’écrasent des gouttes de pluie. Comme ce jour de décembre 2040, lorsqu’une averse un peu trop violente l’aura poussé à trouver refuge dans cette échoppe qu’elle prenait d’ordinaire grand soin d'éviter. Oui, vraiment – heureusement qu’il a plu, ce jour-là. Elle en vient à se demander si la pluie ne serait pas le signe sous laquelle est placée leur relation, pour qu’elle marque ainsi leurs retrouvailles comme leurs réconciliations ; elle en vient à se demander s’il ne pleuvait pas, par hasard, le jour où ils se sont connus – ou celui où ils se sont adressés la parole pour la première fois, lorsque le petit garçon n’a rien trouvé de mieux à faire que de la délester de quelques mèches de cheveux, sacrifiant sa longue chevelure pour la forcer à revenir à l’école avec un carré, le lendemain matin. Dommage qu’elle ait été trop jeune à l’époque pour se souvenir de ce genre de détail. Et son doigt qu’elle sent à la rencontre de son nez lorsqu’il vient lui asséner une pichenette ; la bouche qu’elle entrouvre lorsqu’il ose lui prêter un caractère de cochon, déjà prête à protester, jusqu’à ce qu’elle le voit se pencher vers elle pour déposer un baiser sur sa joue.

Il a un don pour la faire taire, quand il s’y met.

Et elle reste silencieuse, sent ses joues s’échauffer sous ses lèvres – elle aimerait pouvoir y porter ses mains pour les empêcher de trop rougir, mais on n’est pas dans un anime niais, aussi elle se contente de baisser un peu la tête, espérant que ses longs cheveux viennent cacher la misère, la hocher lorsqu’il demande à voir son appartement.

C’est l’occasion rêvée pour s’échapper un instant.
Parfait.

- Bien sûr ! Je vais juste fermer la boutique.

Et le pas rapide lorsqu’elle s’éloigne de lui, pour respirer un peu mieux loin du démon ; le petit panneau fermé tourné et la porte d’entrée de la boutique verrouillée afin que personne ne vienne les déranger, et lorsqu’elle revient vers lui, elle a enfin retrouvé un semblant de contenance. Lui adresse un petit sourire avant de récupérer le bouquet sur le comptoir et l’inviter à la suivre, ouvre la porte de l’arrière-boutique pour gagner le petit escalier qui les mènera à l’étage. Elle peut déjà entendre Pucci japper derrière la porte, et lâche dans un souffle, en enfonçant la clé dans la serrure :

- J’en connais un qui va être content de te revoir…

Deux, en réalité, elle la première, mais bref. Sans surprise, à peine a-t-elle entrouvert la porte que la petite boule de poils se jette sur Haru, et un sourire attendri se peint sur ses lèvres en les voyant se retrouver. Elle grattouille doucement l’arrière de la tête du petit chien qui ne lui adresse même pas un regard, et lâche avec un petit rire :

- Y a des choses qui changent pas, quand t’es là il me donne même pas l’heure…

Enfin, elle se décide à entrer dans l’appartement. Les lieux sont plutôt vastes pour une seule personne, et cet effet est renforcé par la vacuité des pièces. Elle n’a pas eu autant de temps qu’elle aurait souhaité pour aménager les lieux, pour exemple son matelas posé à-même le sol de la chambre car elle attend encore son sommier. Y a une grande plante posée à côté du canapé mais toujours pas de meuble pour la télé, et toujours des rouleaux de tissus entassés et sa machine à coudre fièrement posée sur une table au milieu de la pièce à vivre – mais les lieux manquent cruellement de décoration, lorsque ce n’est pas carrément de meubles. La seule étape réellement terminée est la peinture des murs, dans un camaïeu allant du blanc à des teintes claires.

- Juge pas hein, ça fait même pas trois semaines que j’suis là, j’attends encore pas mal de trucs…

Elle grimace un peu, presque honteuse de lui montrer un projet à ce point inachevé ; défait le bouquet pour l’agencer dans un vase, avant de brièvement disparaître dans la cuisine pour lui donner un peu d’eau.

- J’sais même pas si ça vaut le coup que je te fasse visiter.

Elle esquisse une petite moue désolée, en posant précautionneusement le vase sur une petite table de salon.

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-- ft reira

✩ ○.⋆☽ ⋆.○ ✩

Reira voudrait remercier la pluie et toi, c’est elle que tu voudrais remercier avant tout. Car elle a été audacieuse ce jour-là la poupée, ne s’est pas démonté et est entré dans l’épicerie familiale comme si il n’y avait aucune chance qu’un jour tu sois là. Et surement que dans les faits, les probabilités étaient minces car t’étais parties depuis des années de Busan, n’était pas censé revenir tout de suite de ton long voyage. Mais le destin en a voulu autrement, sur toutes les probabilités possibles et inimaginables c’est lorsque toi t’y étais qu’elle a franchi le pas de la porte Reira. Et si d’habitude t’es du genre terre-à-terre, ne pas croire à ces histoires bateaux de destin qui lie deux âmes, quand il s’agit de Reira et toi tu ne vois que ça. Un putain de fil rouge qui vous relie l’un à l’autre comme deux aimants, vous amènes à vous recroiser, à penser à l’autre même des années après. Que ce soit la première fois quand tu l’as vu dans cette classe alors que vous n’étiez que des enfants ; des années après à l’épicerie ou aujourd’hui pour t’excuser t’as encore et toujours cette même brulure au cœur qui apparait, se fait ressentir jusque dans tes entrailles quand elle est près de toi.

À chaque fois que cette chaleur s’installe dans ta poitrine ou que le manque d’elle te gagne t’agis impulsivement Haru mais ce n’est que maintenant que tu le remarques, ça. La première fois en venant couper cette mèche de cheveux à la gamine assise devant toi sans savoir comment attirer son attention ; le fou rire nerveux qui t’as pris quand elle est passé à ta caisse il y a un an. Et aujourd’hui, cette étreinte et ce baiser que personne n’attendait. Des agissements impromptus, qui laisse toujours la jolie brune perplexe sous tes actes des plus perturbants.

Surement que c’est le début de la folie,
Elle t’a toujours rendu zinzin cette fille.

Une étreinte chaleureuse – revigorante – et un baiser plus tard tu lui demandes alors à voir son appartement. Tu te montre curieux quant au sujet puisque les semaines avant son déménagement, lorsqu’elle habitait encore avec toi et faisait des allers-retours tu agissais comme un pur con et égoïste, ne lui posait aucune question sur le sujet tant celui-ci arrivait à te tendre – carrément te mettre sur les nerfs. Mais après quelques semaines passé loin d’elle, t’es dorénavant fin prêt à voir son monde. Découvrir cet étage qu’elle a réaménager. Elle semble ok pour ça, te demande juste quelques secondes le temps de fermer les portes de la boutique. T’acquiesces alors, garde tout du long un œil sur la belle brunette comme si tes yeux ne pouvaient se détacher d’elle. Lorsqu’elle en a fini avec les portes, tu la suis jusqu’à l’étage, la regarde sagement sortir ses clés et te prévenir qu’il y a quelqu’un qui risque d’être heureux de te revoir. Tu recoiffes alors tes cheveux en arrière, le sourire en coin, toi-même trop impatient de revoir la boule de poil qui commence déjà à japper à travers la porte.

- Moi aussi j’en connais un qui a hâte de le voir, j’me suis même fait beau pour ça…

Et enfin la porte s’ouvre, tout juste quelques centimètres que son chien arrive déjà à se faufiler fait d’abord un pas vers sa maitresse jusqu’à qu’il ne sente surement ton odeur, ne remarque alors ta présence. S’en est alors fini pour Reira. Il se met alors à tourner sur lui-même, ne semble plus savoir quoi faire avant de se jeter à tes pieds et tenter de grimper sur tes jambes comme un enfant capricieux. Tu ne te fais pas prier, dans la joie de le retrouver, tu le soulève le chien, le prend entre tes bras et laisse tes doigts glisser dans sa fourrure épaisse tandis que lui, te lèche d’abord les bras et puis après le visage comme il ne l’a jamais fait auparavant. Tu souris alors comme un gosse Haru, ressens une immense joie en voyant la fête que te fais le chien. Et tu relèves alors les yeux vers Reira qui elle, semble presque bouder de voir ô combien il y a un lien énorme qui s’est créé entre son propre animal et toi.

- C’est parce que moi, je lui donnais des supers friandises et que je lui ai offert le meilleur coussin qu’il ait jamais eu …

Tu la nargues, littéralement en lui disant ceci. T’aimerais bien lui voler son chien à Reira ou encore mieux qu’elle te le donne mais tu sais que c’est impossible. Va falloir tu t’habitues à le voir que de temps à autre Pucci. Et enfin, tu poses l’animal au sol, entre dans l’appartement. Et inspecte les lieux de ton regard curieux, il n’y a pas grand-chose à dire si ce n’est que le peu de meuble qu’elle ait choisi semble jolis. Ça te parait grand et encore un brin vide mais comme elle vient l’ajouter, c’est car elle attend encore beaucoup de choses et t’acquiesces.

- C’est normal hein, le mien était déjà meublé donc forcément j’ai pas eu à acheter grand-chose si ce n’est que quelques bricoles par ci, par là pour que ça fasse pas appartement témoin…

Un sourire encourageant que tu lui sers, car elle semble presque gênée de te montrer son appartement qui est loin d’avoir le rendu final qu’elle lui imagine. Elle se demande même si il est nécessaire qu’elle te montre la suite qui doit s’apparenter au salon. T’arques alors un sourcil Haru, lui répond intriguer :

- Quoi ? T’as honte de montrer ton bordel … ? A moins que tu caches quelque chose dans … Cette pièce ?

Et tu t’avances vers ladite pièce dont tu parles, ouvre la porte sans avoir l’autorisation de ton amie d’enfance. Tu te permets bien trop de chose Haru, te le permet car vous êtes proches, que vous avez même vécu ensemble. Et t’inspectes les lieux, ne voit rien d’anormal dans cette chambre si ce n’est que le lit est à même le sol. De quoi te faire sourire, te tourner vers elle et lui demander d’un air faussement étonné :  

- Ah ouais… Tu vis à l’époque de l’empire Joseon ou quoi ? Même ma grand-mère a opté pour un vrai lit depuis le temps …

Porte que tu refermes déjà l'air taquin, salon dans lequel tu te mets à tourner, regarder les quelques décorations posées de part et d’autre dans la pièce. Y’a ce cadre posé sur sa table basse qui attire ton regard, ce même cadre à l’identique qui était posé sur une de tes étagères à l’appartement. Et tu le prends entre tes mains, fixe cette photo de vous. Dans les bras l’un de l’autre, riant aux éclats car c’était la douzième tentative de photos qu’à chaque fois l’un de vous deux gâcher la photo – souvent toi malheureusement. Et tu tournes le cadre vers Reira lui dit :

- T’as pensé à prendre ça en partant comme une voleuse … ? J’me disais il manquait un truc chez moi mais je voyais pas quoi… J’comprends mieux.

Forcément que tu souris, ne lui en veut pas pour ça. Car au fond, si elle l’a fait c’est qu’elle t’aime. Une énième preuve que t’as bien fait de revenir vers elle.

still with you

-- ft haru

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Un sourire attendri se glisse jusqu’à ses lèvres en voyant se retrouver ces deux êtres auxquels elle tient tant. La joie avec laquelle la petite boule de poils se jette sur Haru, et le rictus si grand qui illumine le visage de ce dernier. Elle se doutait qu’ils se manqueraient, l’un et l’autre, lorsqu’elle voyait à quel point ils étaient fusionnels du temps où elle vivait chez le jeune homme ; elle s’en voulait de les avoir séparés, lorsqu’elle n’était pas trop énervée contre Haru, mais que pouvait-elle faire ? Shin lui avait clairement fait comprendre qu’elle n’avait plus rien à faire dans sa vie, et son ami s’était assuré de le confirmer.

Mais comme toujours, elle se sent presque de trop entre le jeune homme et son chien. Les voir si proches la pousse toujours à se remettre en question, malgré elle ; se demander pourquoi Pucci semble préférer Haru à elle, lorsqu’elle l’aime tellement, s’est occupé de lui depuis plus longtemps. Elle ne peut pas lui en vouloir pour autant : elle aussi préfère le jeune homme à elle-même.

- Dis tout de suite qu’il est malheureux avec moi…

Palabres grommelées face à l’air suffisant du brun, car ses mots, pourtant prononcés sur le ton de la plaisanterie – enfin, elle l’espère –, ne font que confirmer ses craintes. Que ce n’est pas pour rien, si le petit chien semble lui préférer Haru. Et par volonté de ne pas s’attarder sur ce sujet délicat, elle entre dans l’appartement, abandonne ses chaussures près de la porte. S’éloigne déjà pour poser le bouquet sur une petite table et commencer à consciencieusement s’en occuper. Elle s’efforce de ne pas penser au fait que le jeune homme est actuellement dans son appartement ; s’efforce d’ignorer son regard curieux, et l’embarras qui la gagne de lui dévoiler une intimité aussi fragile. Car il n’y a rien d’abouti, dans ces lieux. Qu’elle aurait aimé lui montrer son nouveau logement au summum de son potentiel – savamment meublé, et décoré avec goût, des pièces dans lesquelles on se sentirait instantanément à l’aise, chez soi. C’est l’atmosphère qu’elle espère recréer, du moins – loin de l’appartement trop moderne et impersonnel qu’elle partageait avec Kai. Mais à la place, tout ce qu’elle a à lui présenter ce sont de grandes pièces où trois meubles se battent en duel ; où il y a un peu de déco, des objets inutiles mais certainement pas ceux qui servent le quotidien. Alors elle se sent obligée de lui préciser qu’elle en attend encore la plupart ; que même si cela fait déjà quelques semaines qu’elle est là, c’est normal que tout semble encore si morne. Et le sourire que lui réserve son ami la rassure un peu ; met quelque baume au creux de son cœur incertain.

- Oui, quand t’achètes c’est à toi de faire tout l’ameublement, d’un coup… Mais c’est cool en même temps, j’suis contente de pouvoir tout choisir.

Elle hausse doucement les épaules – des images de l’appartement trop blanc, trop épuré qu’elle occupait avant lui reviennent à l’esprit. Aujourd’hui, c’est comme si elle éprouvait ce besoin viscéral de se détacher de la vie qu’elle a trop longtemps partagé avec son ex. Rapidement, elle se rend dans la cuisine pour remplir le vase, et revient l’installer sur une petite table du salon. Et elle écarquille un peu les yeux lorsqu’il lui demande si elle a honte de lui montrer son bordel ; secoue vivement la tête :

- Nooon, tu sais bien que j’suis pas plus bordélique que ça ! Et non, je cache rien, c’est juste que…

Mais il ne lui laisse pas le temps d’ajouter un mot qu’il ouvre déjà la porte de sa chambre ; qu’une petite grimace déforme déjà sa bouche. Car c’est clairement la pièce qui fait le plus pitié dans tout cet appartement ; qu’y a juste ce pauvre matelas posé à-même le sol, bien trop grand pour elle seule, mais même pas installé sur un sommier. Et elle peut déjà entendre la moquerie dans la voix du jeune homme ; fronce un peu les sourcils lorsque, sans surprise, il ose la comparer à leurs ancêtres. Et elle se rapproche un peu pour lui mettre un petit coup dans le bras, proteste :

- Va te faire, Haru… Je trouve tu parles beaucoup pour un type qui préférait dormir par terre que dans son lit quand je l’ai connu…

Elle hausse un peu les sourcils, les yeux rivés droit sur lui. A prendre un malin plaisir à lui rappeler l’aube de sa vie ; ces actions bizarres, incompréhensibles que font parfois les enfants. Et trop occupée à essayer de le remettre à sa place, elle ne remarque pas tout de suite qu’il s’approche dangereusement de la table basse – de ce cadre qu’elle a posé dessus, plus précisément. Ce cadre qu’elle lui a subtilisé le jour où elle a déserté son appartement. C’est seulement lorsqu’il prendra la parole qu’elle remarquera l’objet glissé entre ses doigts ; fuit un peu son regard, embarrassée d’avoir finalement été grillée.

- Quitte à partir comme une voleuse, autant faire les choses bien… Je pensais pas qu’il te manquerait.

Elle hausse un peu les épaules, encore sincèrement persuadée de cette idée – et le fait qu’il ne l’ai de toute évidence pas remarqué ne fait que la confirmer. Car entre le fait que Shin lui ai lourdement signalé que sa présence lui pesait, les mots que Haru a lui-même prononcé, et le fait qu’il l’avait de toute évidence remplacé par une petite amie, elle a vraiment fini par se convaincre qu’il ne voulait plus rien avoir à faire avec elle. Jusqu’à aujourd’hui ; jusqu’à ce qu’il se pointe devant sa boutique, beau comme un prince, un bouquet de fleurs entre les mains. Et après un petit instant de silence, elle finit par proposer :

- Je t’offre quelque chose à boire ? On peut peut-être déjeuner, tu veux que je prépare un truc ? Qu’on commande ou qu’on sorte manger dehors ?

Tout ce que tu voudras, Haru. Moi aussi, j’sais que je dois me rattraper, dans le fond.

- Enfin, si on arrive à sortir d’ici… Pas sûr qu’il te laisse faire…

Et elle baisse les yeux vers le petit chien, qui ne cesse de lui courir entre les jambes depuis que le jeune homme est entré dans l’appartement.

still with you

-- ft reira

✩ ○.⋆☽ ⋆.○ ✩

Elle semble heureuse Reira, totalement épanouie dans cette nouvelle vie de célibataire et fraichement propriétaire. Elle a l’air heureuse quand elle te dit qu’elle adore l’idée de devoir tout décorer, prendre en main pour habiller son appartement et ne semble pas craindre d’avoir pris son indépendance. Et ça, ça te rend toi aussi heureux Haru. Presque fier. Car t’avais peur qu’en s’en allant, elle retombe dans ses travers. Les mois ont beau avoir passé, t’as toujours cette inquiétude qu’elle ne retourne vers son ex, qu’elle finisse par le laisser entrer de nouveau dans sa vie alors qu’elle a déjà fait tant de chemin. Car tu sais que si Kai revient dans les parages, c’est toi qui disparait. Et t’as peur de ça Haru, qu’elle finisse par s’éloigner de nouveau de toi, qu’elle n’ait plus besoin de toi au profit de cette relation vouée à l’échec. Et c’est peut-être pour vérifier si il y a une autre présence dans l’appartement que tu te met à fouiner, fait semblant que si t’ouvres les portes une à une c’est pour voir son bordel ambulant.

C’est une simple vérification,
Tout juste de quoi calmer ton esprit, apaiser ton cœur.

Mais rien à signaler, y’a pas de vêtement qui traine. Pas de chaussures trop grande pour elle. La seule chose qui se fait sentir c’est qu’elle manque cruellement de meubles et décorations la jolie poupée. Chose que tu fais remarquer sur le ton de l’humour en parlant de son lit posé à même le sol, elle se rapproche alors de toi, vient t’assener un coup auquel tu grimaces, vient te frotter le muscle comme si elle t’avait réellement fait mal la brune. Comme si ça ne suffisait pas, faut qu’elle rajoute un commentaire, parle de toi et les crises que tu pouvais taper pour dormir parterre plutôt que dans un lit quand elle venait dormir chez toi, ou toi chez elle.

- Ou peut-être j’étais juste trop malin et t’as jamais compris que je disais ça pour être au plus proche de toi ?

C’est les yeux rivés dans les siens que t’avoue une nouvelle fois ton amour pour la gamine qu’elle était. Car c’est vrai, si tu disais que tu préférais dormir parterre c’était pas pour une question de confort, absolument pas par envie d’être à même un sol dur quand il y avait un peu plus loin voir dans la pièce d’à côté un lit douillé qui t’attendais. Si tu faisais ce choix-là, c’était simplement pour que vous puissiez être le plus proche possible, que tu puisses lui parler jusqu’à qu’elle ne finisse par s’endormir sans encombre, sans qu’on te gronde si tu finissais par te lever de ton lit. Tu l’aimais – l’aime toujours trop malgré toi Reira. Si le gamin que t’étais il y a à peu près vingt ans était capable de ça, tu ne sais pas jusqu’où tu serais prêt à aller pour elle maintenant. Et parfois, il vaut mieux ne pas savoir. Ne pas se poser ce genre de question. Car la réponse fait peur, que la chute serait trop grande. Tu préfères te mentir Haru, agir comme si c’était définitivement le passé tout ceci et que tu peux dorénavant en parler sans difficulté de ce que tu ressens.

Et Reira, tu finis par la contourner, te dirige dans son salon en quête de quelque chose à examiner. C’est sur ce cadre que tes yeux se posent, cette photo prise un peu plus tôt dans l’année lorsque tu pensais sincèrement qu’entre elle et toi il finirait par se passer quelque chose. Ça te démange légèrement le cœur de repenser à ça, tu souris mais tout à la fois t’es gêné pour le toi d’il y a quelques mois qui pensait enfin mériter l’amour de la poupée debout face à toi. Et tu la regardes, elle aussi semble gênée mais clairement pas pour les mêmes raisons. Elle, c’est le fait d’avoir été grillé qui semble l’intimidé. Et tu souris face à sa réponse, tu relèves les yeux vers elle et répond :

- C’est plus toi qui m’a manqué que le cadre mais du coup va falloir qu’on reprenne une photo du genre pour que j’en ai une chez moi… C’est pas équitable sinon, non ?

Tête que tu penches légèrement, cadre que tu viens poser à sa place initiale avant de t’assoir sur son canapé tout neuf, t’amusais avec Pucci qui ne demande que ton attention depuis tout à l’heure. Et Reira elle te demande si tu souhaites boire ou manger quelque chose, si tu souhaites sortir ou non. Bien que ce choix-là, amènerait à ce que son animal de compagnie fasse la tête et tu relèves la tête, la regarde en souriant :

- On peut manger ici ouais ? Avec la pluie et tout … J’me sens pas trop de bouger.

Puis d’ici, la supérette n’est pas très loin t’auras pas trop de retard en retournant au travail. Elle, elle est carrément sur place. Ici vous êtes bien, du moins toi, tu t’y sens bien dans cet appartement qui n’est pas le tien.

- Il s’est passé quoi ces dernières semaines du coup ? J’ai raté quoi ?

Toi de ton coté, il n’y a pas eu grand-chose. Si ce n’est la dispute qui a éclaté avec Sanae, que les docteurs vous ont annoncés qu’il ne restait plus longtemps à ton père, qu’il se dégrade à la vitesse de la lumière. C’est triste, pesant. T’as l’impression d’avoir une épée Damoclès au-dessus de la tête mais en même temps, t’as l’impression qu’il est temps qu’on le libère, qu’il se détache de cette maladie, de cet enfer qu’il vit.

still with you

-- ft haru

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Doucement, sa main vient heurter son bras – et Haru, en bon comédien qu’il est, feint avoir mal. Il lui apprend alors que s’il s’acharnait si bien à dormir par terre, à l’époque, c’était seulement pour rester au plus proche d’elle – et sous l’intensité de son regard, elle demeure un instant interdite. Car elle n’avait jamais envisagé la question sous cet angle, et elle finit par lui répondre :

- C’aurait pas été plus simple et plus confortable pour toi de direct venir dans mon lit ? Idiot…

Car elle aurait bien aimé, Reira – elle se souvient de l’enfant puis de l’adolescente qu’elle était, et sait qu’elle aurait été heureuse que le garçon prenne une telle initiative. Mais il fallait qu’elle soit malade comme un chien pour que le brun ose s’aventurer dans le même lit qu’elle, car en réalité, ils le savent l’un comme l’autre, ç’aurait été un scandale de les laisser dormir ensemble. Tant de beaux interdits érigés aux prémices de leur puberté, tout ça pour que, une fois adultes, ils partagent trop souvent le même lit. Si leurs parents avaient su…

Mais Haru l’arrache à ses pensées en s’emparant du cadre posé sur la table basse, et l’embarras la gagne un peu de s’être si bêtement fait griller. Heureusement, le jeune homme ne semble pas lui en tenir rigueur, avoue seulement que c’est elle qui lui a manqué plus que ce cadre, et qu’il faudra désormais prendre une photo plus récente pour remplacer le cliché dérobé. Et c’est un sourire franc qui s’étire sur les lèvres de Reira à l’entente de ces derniers mots, car c’est comme si tout était revenu à la normale, tout d’un coup. Comme s’ils pouvaient de nouveau rire de tout et n’importe quoi, et immortaliser les instants sous le prisme de l’objectif. Se créer de nouveaux souvenirs, finalement, tous les deux. Alors elle vient s’asseoir à ses côtés sur le canapé ; tourne la tête pour lui demander :

- On a qu’à en prendre une maintenant !

Et elle a les yeux brillants, et un petit sourire pour étirer ses pulpeuses. Même si ce n’est pas ce cliché qui finira dans le salon de Haru, cela ne fait rien. Elle a envie d’immortaliser ce moment ; se souvenir pour toujours de la joie qui a envahi son cœur en le voyant en face de sa boutique, un bouquet de fleurs dans les mains ; du soulagement qui l’a gagnée aujourd’hui. Alors déjà elle extirpe son téléphone de la poche de sa jupe, ouvre l’appareil photo avant de cadrer sur leurs deux visages. Elle se rapproche de lui ; colle presque sa tête contre la sienne, pour laisser un sourire étirer ses lèvres. Et lorsque Haru semble prêt – même si l’on sait tous que quelle que soit la tête qu’il fait, il sera toujours beau –, elle appuie sur le déclencheur.

- Et voilà !

Elle prend le temps de regarder le cliché, le portable toujours un peu tourné vers Haru pour que lui aussi puisse le détailler, et son sourire s’agrandit encore un peu, sans même qu’elle sache pourquoi. Peut-être est-ce le fait de les voir réunis lorsqu’elle s’est sincèrement demandé s’il lui reparlerait un jour ; peut-être est-elle simplement heureuse, sans raison particulière, seulement car il est là à ses côtés. Allez comprendre. Et tandis que le brun se met à jouer avec le petit chien, elle lui demande s’il souhaite manger un morceau. Opine de la tête lorsqu’il demande à plutôt rester manger ici, et un rapide coup d’œil par la fenêtre la découragera de passer commande. La pluie ne cesse de se densifier, et elle n’a pas vraiment envie d’envoyer un livreur là-dessous.

- Bien sûr ! Mh, qu’est-ce que je peux faire de bon… Du poulet frit ? Des mandus ? Dis-moi ce qui te fait envie, je verrais si j’ai ce qu’il faut dans le frigo.

C’est ça l’avantage, à être leurs propres patrons : y aura personne pour leur taper sur les doigts s’ils ont quelques petites minutes de retard, alors ils ont un peu de temps devant eux. Et déjà elle se lève du canapé pour aller se laver les mains dans la cuisine, l’entend lui demander ce qu’il a raté pendant son absence ; elle passe la tête par l’encadrement de la porte, le torchon entre les doigts, pour lui répondre en gonflant les joues :

- Ben… Pas grand-chose en vrai… J’ai dû meubler l’appart’, le reste du temps j’ai bossé… Ca a suffi à bien m’occuper.

Les épaules haussées – elle en a eu besoin, de ce temps passé à travailler. L’occasion rêvée de concentrer son attention ailleurs que sur la crise qu’ils traversaient ; occuper son temps intelligemment, plutôt que de sempiternellement recenser ses doutes, et les mots prononcés par Haru. Ca n’aura pas suffi à la sauver totalement du marasme, de la tristesse et de l’inquiétude, mais cela aura au moins eu le mérite de limiter les dégâts. Et elle jette le torchon sur la table de la cuisine ; ouvre le frigo pour chercher de quoi préparer le déjeuner.

- Et toi, alors ? Tu racontes quoi ?

still with you

-- ft reira

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Surement que tout aurait été plus simple si t’avais été le genre de mec à assumer ses envies, assumer ses sentiments par la même occasion aussi. Mais t’étais pas comme ça Haru et surtout pas durant l’enfance et l’adolescence. Tu ne savais pas comment exprimer ces trop pleins d’émotions, cette sensation constante que ton cœur allait exploser à chaque fois que Reira te souriait. Et quand elle te dit qu’il aurait été plus simple d’avouer les idées que t’avais derrière la tête et d’aller dormir avec elle tu ricanes, laisses tes billes noires rouler jusqu’à rejoindre de nouveau son visage. Car elle sait la vérité, sait qu’il était totalement interdit pour vous de dormir ensemble dépasser un certain âge. Vos parents étaient méfiants – surtout son père à elle. Et tu te dis qu’il avait de quoi, que son instinct ne le trompait pas. Il avait de quoi se méfier Monsieur Jun, t’étais totalement amoureux de sa fille, bien évidemment que sur un coup de folie vous auriez pu faire des choses interdites. Des choses que des amis ne sont pas censé faire dans un lit.

Et tu reposes alors ce cadre, lui dit que t’aimerais bien à l’occasion refaire une photo pour habiller ton étagère dorénavant trop vide par sa faute. Si elle a ces clichés, toi t’en auras des nouveaux pour la peine. Tu ne t’attends pas pour autant à ce qu’elle dégaine son téléphone, te propose d’en faire une maintenant tout de suite. Pendant un instant tu bug, les yeux légèrement écarquillés avant de finalement opiner de la tête, t’approcher d’elle comme elle te le demande et essayer d’entrer dans le cadre de la photo. Elle sourit Reira et tu la regardes un instant faire avant de te rapprocher un peu plus, glisser ton bras autour de ses hanches pour la coller à toi, étirer les coins de tes lèvres à t’en faire mal aux zygomatiques lorsqu’il est temps de se figer pour que le cliché soit au plus proche de la perfection. Elle semble heureuse Reira lorsque l’instant d’après vous vous mettez à fixer la photo. Elle est jolie comme un cœur, radieuse même. Et ça te fait sourire – plus naturellement cette fois-ci.

- T’es vraiment trop photogénique… Incroyable d’être belle comme ça.

C’est injuste, tu la maudirais presque d’être si parfaite lorsque toi, tu parais ridicule à côté d’elle sur la photo avec ton sourire con-con et tes yeux d’enfants. Mais juste de la voir si contente te fait oublier que t’es loin d’être aussi beau qu’elle. Tu t’en fiches un peu tant qu’elle est heureuse Reira alors t’ajoute un sourire en coin :

- J’ose espérer que tu me l’imprimeras et la foutra sous cadre le jour ou tu repasses à la maison… Je le mérite bien !

Un grand sourire que tu lui adresses avant que tu ne prennes place sur son canapé, te mette à t’occuper de son chien qui ne demande que ça d’avoir ton attention depuis que t’es là. Et sans savoir si il est autorisé ou pas tu tapotes tes genoux, fait monter Pucci sur le canapé histoire de lui donner tout l’amour que tu n’as pas pu lui porter ces dernières semaines passé loin de lui. Reira te demande ce que tu souhaiterais manger et t’hausses les épaules, ne veut pas qu’elle se casse trop la tête à faire quelque chose de compliquer alors qu’elle a passé sa matinée à bosser telle une acharnée.

- Franchement fait un truc simple Reira après si tu veux vraiment te casser la tête pour moi… Tu sais ta soupe viet' … J’laime bien moi …

Soudainement, t’oublies ta bonne volonté de ne pas la faire durement cuisiner pour toi. Quand tu penses à la cuisine de ses ancêtres à elle, tu te mettrais presque à baver, ton estomac se mettrait presque à gronder. Et pendant que l’eau coule dans la pièce d’à côté, tu lui demandes ce qu’il s’est passé dans son quotidien, si t’as raté des choses cruciales qu’il faudrait rattraper. Apparemment non, rien de notable, rien d’assez exceptionnel car elle s’est simplement occupée de meubler au maximum son appartement tout neuf, de gérer sa boutique encore toute fraiche elle aussi. Et tu te lèves, vient te placer dans l’encadrement de la porte, t’appuie contre celui-ci lorsque la question t’es retourné. Pour le coup, t’as beaucoup à dire et tu ne sais par où commencer Haru. Tu dois lâcher la mauvaise nouvelle, celle qui resserre automatiquement la trachée en premier ou bien parler des conneries de Sanae ? Tu ne sais pas trop et dans un soupire tu te décides à lui dire :

- Bah écoute … Y’a eu pas mal de remue-ménage mais uniquement dans la famille… J’ai appris que Sanae avait eu une relation un peu abusive avec un type dont on ne sait rien et … J’étais surs les nerfs, j’ai mal géré la nouvelle et la situation et j’ai explosé, j’lui ai mal parlé, elle nous a mal parlé elle aussi à moi et Shin… C’est aller loin un peu … J’sais même plus quoi faire à ce stade là en fait …

Tu relèves les yeux vers elle, totalement démuni. T’es censé faire quoi Haru ? Retourner vers ta sœur malgré ce qu’il s’est dit ce soir-là ou bien la laisser se rendre compte qu’elle a déconné elle aussi à ne rien te dire, chercher à se défendre en t’insultant toi et votre cousin ? T’en sais trop rien mais finalement, quant à la suite de ce que tu vas annoncer c’est pas grand-chose une dispute entre frère et sœur.

- Et aussi ils ont … enfin, l’hôpital, ils ont annoncé que d’ici un mois c’était fini pour mon père… Tu parles d’une nouvelle …

Tu passes une main dans tes cheveux brun, te répètes constamment qu’il est grand temps pour lui de s’en aller quand tu le vois souffrir comme tu le vois chaque jour. Mais t’as peur, peur de ne plus le voir, peur du manque qu’il va créer. Et pour ne plus y penser tu t’approches, te met au côté de Reira puis te lave les mains, lui prend le couteau des mains en te disant qu’il vaut mieux l’aider plutôt que de ne rien faire, ressasser encore et encore la pire nouvelle qu’il t’ait été donné d’entendre dans ta vie entière.

still with you

-- ft haru

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Et comme trop souvent, les compliments du jeune homme suffisent à embraser les joues de Reira. Car il la trouve trop photogénique, Haru ; qu’à l’entendre, c’est incroyable d’être belle comme ça. Et ces mots n’ont que plus de valeur lorsqu’elle l’aime tant ; estime son avis à ce point, et le trouve si incroyablement beau lui-même. Alors elle rit un peu, car cela lui semble absurde que ces mots sortent de sa bouche lorsqu’il a lui le premier un visage si parfait ; fronce un peu les sourcils lorsqu’il demande qu’elle mette cette photo sous cadre pour la lui remettre.

- Ah bon, tu mérites ? Bon, c’est vrai, tu mérites…

Elle ne peut pas l’embêter trop longtemps ; jouer la comédie trop longtemps, pas lorsqu’il a toujours été si impeccable avec elle. Il mérite le monde, Haru, tout le bonheur possible sur cette Terre et dans l’univers. Il mérite d’être épanoui, il mérite mieux que la fille avec qui il sort mais aussi mieux que Reira elle-même. Il mérite ce qu’on fait de mieux dans ce monde – alors bien sûr qu’elle fera encadrer cette photo pour lui, et toutes celles qu’il voudra après ça. Surtout lorsqu’il lui sourit comme ça ; se montre si gentil avec son chien qu’il fait monter sur le canapé à ses côtés. Et elle lui demande ce qu’il souhaite manger, émet quelques propositions avant de finalement hocher la tête lorsqu’il suggère une soupe vietnamienne. Enfin, pas n’importe laquelle – sa soupe vietnamienne, celle que sa grand-mère lui apprenait à faire lorsqu’elle venait leur rendre visite à Busan.

- Un truc simple, t’avais dit… C’est bien parce que c’est toi, hein…

Les yeux roulent vers le ciel – et bien sûr, Reira joue la comédie. Prétend que ce plat demande un travail pas possible lorsqu’en réalité, on peut difficilement trouver plus simple. Cela doit seulement mijoter longtemps, mais c’est bien tout – sauf que Reira, elle aime lui faire croire qu’elle se plie en quatre pour lui. Qu’elle céderait à tous ses caprices – et dans les faits, c’est majoritairement vrai. Elle aime qu’il perçoive l’attention qu’elle lui porte, alors elle fera semblant, juste un instant, que le déjeuner qu’elle lui prépare s’apparente à de la haute cuisine.

Et déjà, elle se met aux fourneaux. Prend soin de se laver les mains, tout en répondant à ses questions sur ces dernières semaines ; tourne la tête vers lui pour le regarder se caler contre le cadre de la porte, plus commode pour échanger lorsqu’elle lui retourne sa question. Et il semble hésiter, Haru – la pousse à porter un regard curieux, presque inquiet sur lui, jusqu’à ce qu’il finisse par avouer qu’il y a eu du remue-ménage chez les Seomun. Apparemment, ils ont appris que Sanae avait été victime d’un homme abusif, et à ces mots Reira ferme le robinet avec lequel elle remplissait un bol d’eau chaude, porte toute son attention sur son ami. A en croire Haru, les choses se sont mal passées, et les aînés de la famille ont eu des mots trop durs les uns envers les autres. A tel point qu’il ne sait plus quoi faire. Et Reira, elle laisse échapper un petit soupir ; hésite un instant avant de tenter :

- Tu sais… C’est des sujets dont on a souvent du mal à parler…

Moi la première, si tu savais tout ce que j’arrive pas à te dire, Haru…

- On a peur de la réaction des autres… Ca peut sembler ridicule, mais on a peur de se sentir jugé, ou pas compris. De décevoir nos proches, ou pire, les inquiéter… Parfois ça peut sembler plus simple de garder ça pour soi, et parfois on a juste pas le choix, alors… J’sais pas ce qui s’est dit entre vous exactement ce jour-là, mais je connais un peu Sanae, et je me doute que cette situation doit pas lui faire plaisir… Et… elle a peut-être dit des choses qu’il fallait pas, mais tu pourrais peut-être essayer de lui envoyer un message… ou aller la voir, si tu préfères en parler en face ? Je me dis qu’elle doit être un peu toute seule avec ce trauma, et si en plus elle s’est fâchée avec toi et Shin, elle doit se sentir d’autant plus seule…

Elle hausse un peu les épaules, fait la moue. Elle essaie seulement de l’aider, d’aider toute leur famille à fonctionner, en réalité, et elle espère que Haru ne prendra pas les choses comme si elle se rangeait du côté de Sanae, lorsqu’il n’est pas question de prendre parti, à ses yeux – même si son passé la pousse peut-être à compatir un peu plus avec la jeune femme, malgré elle. Et elle ouvre l’un de ses placards pour trouver un paquet de nouilles ; le verse dans l’eau chaude pour les laisser ramollir, avant de reporter son attention sur Haru en l’entendant reprendre la parole.

Et Reira, elle s’attendait pas vraiment à ça.
Elle s’attendait pas à attendre qu’il ne restait qu’un mois pour le père de Haru,
et avec lui pour tout le reste de la famille.
A voir les yeux bruns de son ami se voiler,
et son expression se figer.

Et elle demeure interdite, lui laissant le temps de se laver les mains et de s’emparer du couteau posé sur le plan de travail. Elle demeure interdite, jusqu’à ce qu’elle se souvienne qu’elle devrait dire quelque chose, et ignorant la boule qui s’est formée dans sa gorge, elle pose doucement la main sur le poignet de Haru pour l’inciter à relâcher le couteau, avant de s’approcher un peu plus de lui. Et les bras qu’elle referme autour de lui, à le serrer contre elle de toutes ses forces ; sentir la caresse de son pull contre sa joue lorsqu’elle lui dit doucement :

- J’suis tellement désolée, Haru… Tu tiens le coup ? Vous tenez tous le coup… ?

Elle aimerait pouvoir faire quelque chose, Reira – n’importe quoi, pour seulement le décharger de tout ce qui doit l’accabler. Mais elle se sent soudain cruellement impuissante, et tout ce qu’elle peut faire, c’est lui rappeler :

- Tu sais que j’suis là, hein… N’importe quand, même au milieu de la nuit… Si t’as besoin de parler ou juste te changer les idées, tu sais que j’suis là. Toujours.

Car il en a toujours été comme ça entre eux – même lorsqu’ils ne se parlaient plus depuis des années, il aurait suffi qu’il l’appelle pour qu’elle décroche. Et elle s’écarte doucement pour le regarder droit dans les yeux, ignorant combien elle sent ses prunelles humides de se dire que bientôt, le père de Haru ne sera plus là, laissant derrière lui une famille accablée. Elle ignore tout ça pour mieux le regarder ; pour mieux lui rappeler qu’elle pense chacun de ces mots.

Elle est là.

still with you

-- ft reira

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T’as honte Haru, plus les mots sortent d’entre tes lippes pour raconter à ta meilleure amie ce qu’il s’est passé ce fameux soir au sein de la maison principale des Seomun et plus tu te rends compte de la gravité des actes et des paroles qui se sont échangés. Ce soir-là, t’as explosé comme rarement t’as pu être contrarié, ce soir-là t’a osé te montrer condescendant avec ta sœur alors que c’était la dernière des choses à faire. T’a dû être blessant, tu lui as donné toutes les raisons possible et imaginable pour qu’elle pense qu’elle avait raison de ne rien te dire sur le sujet en question car finalement, tu n’as fait qu’empirer les choses, que lui prouver que t’avais pas les épaules pour ça. T’as le cœur serré Haru, une culpabilité sur les épaules qui semble s’être décuplé en quelques secondes.

Tu t’imagines alors que Reira va te pourrir après avoir entendu tout ça, prendre à cœur cette histoire et te laisser comprendre que t’as été le pire des gars avec ta propre sœur. Que finalement tu ne vaux pas mieux que tous les autres, qu’elle avait de quoi s’inquiéter et ne rien dire sur le sujet. Et dans les faits, elle aurait raison de te le dire. Mais c’est un silence qui accompagne tes aveux, quelques secondes de latence avant qu’elle ne finisse par prendre la parole, sans jugement, sans te traiter comme le connard que t’es pourtant. Elle t’avoue juste que c’est compliqué parfois d’exprimer tout cette souffrance à ses proches, qu’on peut parfois ressentir de la honte, de la gêne, être inquiet du regard de l’autre dans une situation pareille. Tu pinces les lèvres, baisse les yeux. Tu te sens mal pour elle, pour Sanae aussi – surtout aujourd’hui. Et quand elle te dit que ça serait peut-être bien que tu lui envoies un sms, que t’essaies de voir ta sœur t’opine doucement, comme un garçon pris la main dans le sac à faire des bêtises.

- J’comptais le faire ouais, j’sais t’as totalement raison, j’ai même honte de moi pour le coup… C’est juste que… J’ai pas envie qu’on se clash encore, ça me fait un peu peur le gros conflit là, disons que c’est pas le bon moment.

Car tout va à vau-l’eau dans la famille, que la santé du patriarche faiblit à vitesse grand V ces derniers temps et que d’ici peu, ne restera que des souvenirs de lui. Ça te pèse de savoir ça, ça te rend malade tous les jours de te dire que d’ici deux mois grand maximum tu n’auras que des photos et vidéos, quelques affaires et surtout sa plus grande fierté, son épicerie pour te souvenir de l’homme qu’il était. Tu sens une boule se former dans ta gorge, de l’humidité dans tes yeux lorsque tu finis par tout lui avouer et comme si ton débit de parole était calculé à la perfection ta gorge se noue sur le dernier mot. Fin de l’histoire. Plus un mot ne sort d’entre tes lippes et plutôt que de rester comme un pantin désarticulé face à elle, tu viens plutôt te donner une certaine contenance en venant lui donner un coup de main, ne succombant pas aux larmes qui menace de couler face à ce silence si oppressant, criant de vérité. Il mourra, quoi qu’il arrive, il n’y a plus d’issu, plus d’espoir à tenir. Faut que tu t’occupes l’esprit, rapidement. Y’a ce couteau posé, ces cebettes posées, tu veux t’en occuper, t’es prêt à donner ton premier coup de couteau lorsque la main de Reira se pose sur la tienne, t’incite à poser ce que tu tiens. Tu t’arrêtes alors de bouger, la regarde s’approcher et venir glisser ses bras tout autour de toi. Un court instant tu restes figés, sent la brulure de ta tristesse se décupler, prête à briser ton cœur et ton corps en un millier et puis il y a ces palabres bienvenues, ces quelques mots qu’elle prononce qui vienne apaiser la douleur qui se propageaient, quelques phrases qui viennent panser les plaies ouvertes. Elle te promet qu’elle sera là pour toi quoi qu’il arrive, à n’importe quelle heure, toujours. Et tu finis par toi aussi glisser tes bras autour de ses épaules, laisse ta tête se poser contre son cuir chevelu. Tu souris, tristement et vient déposer un baiser à la cime de sa jolie tête brune. Quelques secondes de douceur avant qu’elle ne se recule de quelques pas, te regarde d’un air inquiet les yeux dans les yeux comme pour mieux sonder ton âme.

- ça ira, on tiendra tous le coup peu importe le temps que ça prendra ça finira par aller … Merci d’être là, croit moi je sais que je peux compter sur toi…

Tu le penses sincèrement, tu sais qu’elle sera là. Et ça te rassure qu’elle soit dans ta vie pendant cette période-là, comme si c’était votre destinée que vous vous reparliez depuis un an pour t’aider à survivre à ce raz-de-marée émotionnel.

- Aller, on s’y met à cette soupe ?

Et déjà, tu te remets à couper les aliments posés sur la planche en bois, l’aide à préparer ce plat typique de ses origines. Tu tentes au mieux de surmonter tes émotions, les camoufler et rire. Car bien évidemment que t’es triste dans le fond Haru, t’es triste car tu sais que le pire est à venir. Mais à la fois, t’es un peu plus serein car tu sais que tu ne seras pas seul pour surmonter tout ça. Ils seront là et elle aussi, elle sera là.