tu vas passer tes journées dans le noir

-- ft haru

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(outfit) Dans une nuit de vendredi à samedi, le patriarche Seomun est mort, laissant derrière lui une famille dévastée. Reira a été là pendant les trois jours de commémoration, tant qu’elle pouvait pour soutenir Haru, et le reste de ce foyer qui l’a si souvent accueillie tout au long de son enfance, de son adolescence. Elle est restée aux côtés du brun, à lui tenir la main, lui glisser quelques mots lorsqu’elle sentait qu’elle le pouvait, pour s’efforcer de le réconforter ; lui changer un peu les idées.

Et puis tout le monde est rentré chez soi, et encore quelque chose s’est cassé.

Car Haru s’est fait rare, tout d’un coup – et si Reira, ne souhaitant pas qu’il reste seul après une telle épreuve, prenait soin de prendre de ses nouvelles tous les jours, les réponses tardaient à arriver. Elle a tout essayé : simplement lui demander comment il allait, l’inviter à lui parler ; lui envoyer des photos ramenant à de bons moments ; lui apporter l’un de ses plats préférés, car il n’avait pas l’air de bien manger ; lui raconter des bêtises, le quotidien pour espérer le replonger dans la vraie vie. Elle a tout essayé. Pourtant, le jeune homme se fait toujours aussi rare – jamais il ne la contacte de lui-même, et lorsqu’elle parvient à le joindre, il est différent du Haru qu’elle a toujours connu. Éteint.

Sans doute qu’une partie de lui est morte avec son père ce jour-là.

Et si elle s’efforce de se mettre à sa place, comprendre qu’il n’est pas dans son état normal et qu’il a toutes les raisons de l’être ; qu’il traverse ce qui doit être l’une des épreuves les plus dures auxquelles on puisse être confronté, alors bien sûr qu’il aura un peu de mal, au début. Si elle s’efforce de comprendre tout ça, ça ne l’empêche pas de s’inquiéter – bien au contraire. S’inquiéter pour lui, bien sûr, à espérer qu’il ne souffre pas trop longtemps, que bientôt la peine commence à s’amenuiser, et son quotidien se faire plus léger ; mais elle s’inquiète pour elle-même, aussi, pour eux, plutôt, se pose des questions, ne peut pas s’empêcher de se demander s’il ne l’évite pas un peu. Et elle se sent coupable lorsqu’elle réfléchit ainsi ; égoïste. Ingrate.

Elle ne peut pas s’en empêcher pour autant.

Et ça fait déjà dix jours, dix longues journées depuis qu’elle l’a laissé sur le pas de sa porte, pour ne plus le revoir depuis. Il lui manque, c’est affreux comme ça lui étreint le cœur, parfois, lorsqu’elle a été si bien habituée à le voir tous les jours, que ce soit pour déjeuner, ou passer en coup de vent dans la boutique de l’un ou de l’autre. Il lui manque, et elle s’inquiète, et cela suffit à la décider à sortir de chez elle en ce début d’après-midi ensoleillé, pour prendre la direction de l’immeuble où loge Haru. Elle a fait un effort, Reira ; s’est coiffée, maquillée, a choisi une jolie tenue – toujours un peu persuadée qu’il cherche à l’éviter, regrette ces dernières semaines partagées. Elle a même amené Pucci, se disant que ça leur ferait sûrement plaisir de se voir – mais cela ne suffit pas à chasser la boule d’appréhension qui se niche au creux de son ventre à mesure qu’elle se rapproche de l’immeuble.

Parvenue devant la lourde porte, elle hésite un instant entre sonner ou simplement taper le code, jamais oublié depuis qu’elle y a séjourné des mois entiers. Craignant de réveiller en sursaut le jeune homme assoupi, elle penche pour la seconde option, et se glisse bientôt dans l’ascenseur. Lorsque ses pieds se posent sur le palier, une sonnerie redevenue familière retentit au creux de sa main – et l’ombre d’un sourire soulagé se dessine sur ses lèvres lorsqu’elle baisse les yeux vers sa love alarm qui s’affole. Comme pour la réconforter ; la rassurer un peu quant à ces retrouvailles imprévues.

Elle compose le code de la porte de l’appartement, se glisse dans l’entrée et referme doucement la porte dans son dos, avant de se délester de ses chaussures. Elle détache la laisse de Pucci, sur laquelle il tirait comme un fou depuis cinq minutes en jappant, et la petite boule de poils fonce déjà à pleine vitesse vers la chambre à la porte entrouverte. Ses yeux s’égarent un instant sur le désordre de l’appartement, pour constater l'étendue des dégâts ; le cendrier plein sur la table basse du salon, et la vaisselle empilée dans l’évier. Et avec un petit soupir, elle se dirige déjà vers la chambre, impatiente, mais un peu anxieuse, de le retrouver. Timidement, elle toque à la porte, désormais sûre qu’il soit réveillé après le passage de la tornade Pucci. Laisse un petit sourire se dessiner sur ses lèvres en voyant que le chien a déjà repris ses quartiers sur le lit, et dit doucement :

- Coucou… Je me suis permis de passer, j’espère que ça te gêne pas… ?

Elle s’avance dans la pièce plongée dans une semi-obscurité, pour venir s’asseoir sur le bord du lit, à ses côtés ; baisser les yeux vers son visage aux traits tirés et ses cheveux désordonnés. Et derrière la peine de lui trouver une petite mine, y a ce réconfort de le voir enfin ; que la distance n'existe plus. Dans un geste tendre, elle glisse les doigts dans ses cheveux en bataille pour dégager un peu son front, et vient chercher sa main libre pour la prendre entre les siennes. Et lorsqu'elle rouvre la bouche pour l'interroger, son pouce glisse déjà régulièrement sur le dos de sa main.

- Comment tu vas... ?

Et bientôt, elle ose s'allonger à ses côtés ; vient se coller contre lui pour l'enlacer maladroitement, rassérénée par la chaleur de son corps sous ses doigts. Et dans un murmure, elle souffle :

- Tu m'as tellement manqué...

tu vas passer tes journées dans le noir

-- ft reira

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(outfit) Il y a eu d’abord la stupéfaction, le choc émotionnel de comprendre que la figure paternelle venait de disparaitre à tout jamais, ne pourrait plus veiller sur chacun de ses enfants comme il le faisait. Ça a duré trois jour cet état, durant les trois jours de deuil et de recueil des condoléances t’étais comme dans un brouillard Haru, à ne pas tout comprendre, vivre les choses sans réellement les vivres. Car c’est aller trop vite, le jour d’avant il était là bien qu’affaiblit et la nuit d’après il mourrait d’un arrêt cardiaque en moins de dix minutes en serrant ta main une dernière fois. Et si durant ces trois jours t’as regretté être le dernier à l’avoir vu et senti vivre sous tes doigts dorénavant, tu te sens chanceux d’avoir vécu ce moment-là. Car maintenant, et ce, depuis qu’il a été enterré c’est le chagrin qui étreint ton cœur et tes pensées. Ça fait une dizaine de jour dorénavant qu’il est parti appa, une dizaine de jour que t’es coincé dans cet appartement à te ressasser tous les magnifiques moments comme les plus difficiles que vous avez pu passer ensemble. Tu t’accroches à tous ces souvenirs, les répètes en boucle dans ta tête par peur d’oublier un détail, peur de l’oublier lui et ce qui faisait de lui l’homme le plus respectable que t’ai eu la chance de connaitre. Tu regrettes de ne pas lui avoir assez répété qu’il était important pour toi, regrette de ne pas avoir pris le temps de lui dire que tu l’aimais en le verbalisant comme tout enfant devrait le faire avec ses parents. T’es juste pas très expressif parfois Haru, t’as du mal à mettre des mots sur ce que tu penses. Un peu comme ton père finalement, car il était comme ça lui aussi.

Et depuis, le quotidien est morne. Depuis, t’as passé la moitié de ton temps à dormir pour rattraper toutes ces heures de sommeil manquante ainsi que pour faire passer le temps. Car en dormant tu ne ressens pas la tristesse au moins, en dormant t’obtient un peu de répit. C’est ainsi que les jours passent, se ressemblent tous sans même que tu t’en rendes réellement compte. Tu ne sors que la nuit, très tard pour t’acheter de quoi t’alimenter et quelques clopes quand la flemme ne régit pas ton corps. Tu sors la nuit non pas par envie mais car tu te réveilles à des heures saugrenues et profite de l’accalmie nocturne pour marcher, faire le tour du quartier en te demandant ce que tu vas bien pouvoir faire dorénavant de ta vie. Papa t’as légué officiellement l’épicerie mais toi, ça n’a jamais été ton rêve d’y travailler à temps plein. Toi, quand t’es revenu de ton long voyage si t’as pris en main les rennes de l’échoppe c’était pour filer un coup de main en attendant qu’il aille mieux. Mais rien ne s’est passé comme prévu et bien évidemment, c’est sur tes épaules qu’est remis le poids de cette épicerie qu’il aimait tant. C’est pas faute d’avoir eu mainte et mainte dispute et discussion à ce sujet avec lui à l’époque – un peu avant ton départ, lui avoir dit et redit que toi tu ne rêvais pas de cette carrière-là, que tu t’en fichais un peu de cette épicerie même. C’était son rêve à lui, pas le tien. Mais voilà que des années après t’es coincé pour de vrai avec ce commerce. Et malgré tout l’amour que tu portes à ton défunt père, y’a une infime part de toi qui est en colère qu’il ait fait ce choix, te l’ait imposé de cette manière.

Alors plutôt que de faire face à tes responsabilités et de faire un choix, tu restes tapis dans ta grotte. Encore aujourd’hui fait partie de l’une de ces journées passé dans ton lit, à te lever uniquement pour te sustenter, fumer et chercher dans ton bordel ordonné où est-ce que t’as foutu ton chargeur de téléphone pour répondre de temps à autre aux sms qu’on peut t’envoyer. C’est pas que t’as pas envie de parler, mais un peu quand même. Alors tu le fais quand l’envie te prend, sans te forcer, sans même te rendre compte que tu peux inquiéter tes proches, leur rendre la vie encore plus difficile qu’elle ne l’est actuellement en jouant avec leur patience, répondant à leurs textos des heures après qu’ils aient envoyés quelque chose. Tu fais pas exprès Haru, t’es juste dans ta bulle faite de noire et de gris. T’es plongé dans ta chambre aux volets à moitié fermé, ta vision voilée par ton propre avant-bras. Tu ne sais pas l’heure qu’il est, si il est midi ou dix-huit heures quand ton téléphone se met à sonner. Ce son que t’entends, il est particulier, fait battre ton cœur soudainement. C’est pas juste un appel, un sms mais bel et bien ta love alarm qui sonne. Tu te mets à chercher ton téléphone entre les coussins pour comprendre ce qu’il se passe lorsque le loquet de ta porte est actionné au même moment, qu’un jappement se fait entendre et que tout prend sens soudainement. Reira est là. Tout juste à quelques mètres de toi. Visite imprévue, qui te laisse légèrement pantois. Car t’es pas au top de ta forme, que tu ne ressembles à rien actuellement. T’as pas forcément envie qu’elle ait cette image de toi, mais elle est là et une partie de toi est malgré tout contente de revoir son magnifique visage. Pucci est déjà là, à tes cotés remuant la queue et léchant tes mains avec un enthousiasme non caché. Il t'arrache un maigre sourire puis t'entends les pas de la brune se rapprocher petit à petit tandis que les battements de ton cœur eux, ne font qu’augmenter. Et enfin sa tête passe dans l’entrebâillure de la porte. Elle semble gênée la jolie poupée et tu tentes de la rassurer en faisant non de la tête quand elle te demande si elle te dérange pas, t'ajoute de ta voix rauque :

- Non non vasy entre, au contraire c’est cool que tu sois passé…

Tu te racles la gorge, te rends compte que c’est la première fois de la journée que t’ouvres la bouche pour parler. T’as même pas encore mangé en réalité. Et tandis qu’elle s’approche, toi, tu t’occupes de caresser son chien, ne tourne la tête que lorsque ses doigts se perdent dans ta chevelure foncée, qu’elle te demande comment tu vas. Tu ne réponds pas tout de suite, tu te permets plutôt de la contempler elle. Tes yeux se perdent sur son visage que tu vois en contre-plongée. Elle est belle Reira, magnifique même et tu te rends compte qu’elle t’a quand même manqué. T’hausses alors enfin des épaules lui répond doucement :

- On a connu mieux … Et toi alors ?

C’est plus intéressant de l’écouter elle, entendre sa voix douce plutôt que de t’entendre toi ruminer encore et encore. Tu caresses sa main, lui fait un peu de place sur ce lit pour qu’elle vienne s’allonger à tes cotés. Reira qui se glisse tout contre toi, ses bras venant s’enrouler autour de ton torse, tu glisses alors tes mains dans son dos tandis que laisses tes propres doigts trainer de haut en bas sur sa colonne vertébrale. Tu fermes les yeux Haru, te contente de profiter de ce moment de calme quand la brune t’avoue que tu lui as énormément manqué ces derniers jours et tu chuchotes à ton tour :

- Toi aussi, énormément… J’suis content que tu sois là et en plus t’es venu avec Pucci … Quel luxe.

Tu tente un sourire, dépose un baiser contre ses cheveux et ajoute rapidement :

- Par contre j’suis un peu dégueu… J’vais pas tarder à aller prendre une douche, c’était pas prévu pour tout de suite mais maintenant que t’es là …

tu vas passer tes journées dans le noir

-- ft haru

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Elle évolue, prudente, dans cet appartement depuis longtemps devenu familier. Le sol dur sous le coton de ses chaussettes, et ses yeux papillonnent, légers, de part et d'autres. Remarquent le cendrier anormalement plein, près de déborder, et les tours chancelantes de bols et autres barquettes à emporter qui décorent désormais le comptoir de la cuisine.

Pour être tout à fait honnête, ça sent un peu le renfermé.
Depuis combien de temps n’a-t-il plus aéré ?

Mais elle n’est pas là pour juger. Se contente d’observer, peut-être pour mieux se préparer à ce qui l’attend derrière la porte de cette chambre sombre. Et avec une petite inspiration, comme pour se donner du courage, elle pousse ses pas jusqu’au panneau de bois. Laisse ses doigts s’y attarder, léger, pour lui signaler sa présence, devinant que malgré toutes ses précautions, Pucci n’aura pas manqué de le réveiller. Mais lorsqu’elle voit la petite boule de poils hyperactive déjà installée sur le lit, et le spectre de sourire errant sur les lèvres de Haru, les yeux baissés vers lui et les doigts perdus dans sa fourrure, elle ne regrette pas de l’avoir amené. Pas un seul instant.

Haru.

Haru aux cheveux désordre, le T-shirt noir un peu trop ample qui tombe mollement sur ses épaules. Haru aux traits fatigués, à la fois endormis et ailleurs. Haru à la voix rauque, comme s’il n’avait plus laissé échapper un mot depuis des jours. Haru qui la toise de ce regard absent, vidé de l’étincelle qui l’animait autrefois. Ce n’est peut-être pas plus mal qu’elle le découvre seulement dans cette ébauche de clair-obscur, car déjà son cœur se serre d’apprendre qu’il ressemble désormais à un pâle fantôme de lui-même. Elle n’ose pas imaginer ce que cela aurait été, si elle avait dû le voir à la lumière du jour, crue et sans détours. Et Reira s’excuse, car elle ne s’est pas annoncée ; espère ne pas le brusquer, ne pas envahir gratuitement son espace privé.

Peut-être avait-il besoin d’être seul,
Ou peut-être avait-il besoin que quelqu’un vienne le tirer de ce marasme évident.
Elle ne sait plus, avec lui.

Mais à l’entendre, c’est une bonne chose qu’elle soit venue, et cela la soulage un peu, l’encourage à pousser un faible sourire sur ses lèvres, et s’avancer pour s’échouer sur le bord de son lit. Presque maternelle lorsqu’elle glisse ses doigts ridicules dans ses cheveux emmêlés pour libérer son front ; essayer de mieux voir ses yeux, essayer de mieux voir son âme. Et dans un premier temps, lorsqu’elle lui demande comment il va, il ne répond pas, lui laissant tout le loisir de se perdre dans les limbes du doute. Le temps suspendu lorsque leurs regards s’accrochent l’un à l’autre, elle s’interroge. A quel point les serpents s’immiscent dans son esprit, pour répandre leur venin mortel dans le moindre recoin de sa tête ? Est-ce que des araignées tissent leur toile autour de son cœur, pour laborieusement l’enfermer dans un étau hermétique – suffocant ?

Elle a de la chance, Reira : ses parents l’ont eu jeune, alors sa famille demeure vaillante, et elle n’a pas encore été réellement confrontée à la mort. Elle a été préservée, tout ce temps, par la chance ou des dieux simplement trop cléments. Mais lorsqu’elle voit la torpeur dans laquelle semble enlisé le jeune homme, elle n’a aucun mal à croire que le deuil soit certainement la pire épreuve offerte aux vivants – alors elle s’interroge, forcément, face au silence du jeune homme.

Parle-moi, Haru.
S’il te plaît,
Je suis là.

Et enfin tombe la réponse, comme s’il avait reçu ses prières silencieuses. Évasive. Peu encourageante. Mais c’est tout ce qu’elle a à se mettre sous la dent pour l’instant, alors elle se contente de hocher la tête en lui souhaitant seulement que ça aille mieux, jour après jour.

- Moi… Ca va. Je bossais pas aujourd’hui, donc ça a été plutôt reposant.

Un sourire se force un passage sur ses lèvres – elle ne lui dira pas que ça ne va pas tant que ça, car depuis l’enterrement, elle n’a fait que s’inquiéter pour lui, s’inquiéter de son silence, de le sentir aussi absent que l’homme qu’ils ont enterré dix jours plus tôt. Elle n’aimerait pas le culpabiliser. Sa main bientôt lâchée pour venir s’allonger à ses côtés ; glisser ses bras autour de son torse, et se serrer contre lui. Car il lui manqué, tellement manqué, et c’est seulement maintenant qu’elle peut le sentir, solide, sous ses doigts, que son cœur s’apaise enfin. Et elle le lui dit, à demi-mots, comme elle sait si bien le faire ; laisse un sourire soulagé s’épanouir contre le coton de son T-shirt lorsqu’il avoue qu’elle aussi lui a manqué, qui se mue bientôt en un petit éclat de rire lorsqu’il mentionne Pucci.

- Lui aussi avait envie de te voir… J’pense il aurait considéré ça comme la pire des trahisons si j’étais venue sans lui.

Puis pour toi, aussi, j’ai espéré que ça te fasse du bien. Car j’sais plus quoi essayer, Haru – alors toute tentative est bonne à prendre. Et ses yeux se ferment en sentant ses lèvres contre ses cheveux ; se rouvrent subitement lorsqu’il mentionne le besoin de prendre une douche. Effectivement, au-delà de l’odeur de renfermé, il y a ça, aussi. Haru lui-même a adopté le parfum de la déprime, et si d’ordinaire, lorsqu’elle enfouit son nez contre son torse, elle reconnaît un mélange d’effluves de son gel douche, de sa lessive et de lui, tout simplement, aujourd’hui c’est l’une d’entre elles qui prend clairement l’ascendant. Et elle est soulagée que ce soit lui qui aborde le sujet de s’extirper de ce lit qu’elle sait trop confortable ; mette d’une certaine manière la machine en route. Elle hoche doucement la tête et lui répond :

- Bonne idée, ça va te faire du bien, te permettre de te réveiller un peu…

Elle vient déposer un petit baiser sur sa joue, avant de se redresser un peu :

- Allez, t’y vas maintenant ?

Elle ne voudrait pas laisser passer le coche ; que son énergie retombe aussi vite qu’elle est arrivée. Et elle le regarde se déplier lentement pour s’extirper du lit ; rattrape de justesse Pucci déjà prêt à le suivre partout où il ira.

- Si t’as besoin de quoi que ce soit, hésite pas, hein !, tente-t-elle, alors qu’il disparaît déjà dans la salle de bain.

Et désormais seule dans la chambre, son chien toujours niché entre ses mains, elle prend un instant pour se poser. Seulement un instant, avant de déjà se redresser avec un petit soupir. Elle tire les draps du lit en arrière afin de l’aérer un peu, avant de se diriger, d’un pas soudain rapide, vers la fenêtre, pour relever les volets et ouvrir le panneau en verre.

Faire entrer un peu de vie dans cet appartement mortifère.

Bientôt, tous les volets de l’appartement sont levés et les fenêtres ouvertes, et les cendriers vidés dans la poubelle, rejoints par les emballages de plats consommés. Elle a les mains plongées dans l’eau mousseuse, occupée à nettoyer ces jours de vaisselle sale, lorsque des pas se font entendre dans son dos. Elle se tourne, pour faire face à un Haru sortant de la douche, et un sourire se dessine sur ses lippes.

- Ca t’a fait du bien ?

Elle laisse couler un filet d’eau sur ses mains pour en chasser la mousse, et les essuie dans un torchon avant de lui demander doucement :

- Dis-moi… T’as mangé quelque chose, aujourd’hui ? Tu veux que je te prépare un truc ? Qu’on commande ? Ou alors… peut-être qu’on pourrait aller manger un morceau quelque part, hm ? T’en penses quoi ?

tu vas passer tes journées dans le noir

-- ft reira

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Tu te sens minable, complètement à côté de la plaque quand tu te rends compte que tu ne sais même pas quel jour on est. Pendant un instant, tu te demandes si on est dimanche ou bien mercredi ? Si il n’y a pas un jour férié qui explique pourquoi aujourd’hui elle ne travaille pas particulièrement Reira. T’as honte et ne répond même pas, mal à l’aise tu te contentes de la serrer un peu plus fort contre toi, caresser ses cheveux comme si c’était la toute première fois que t’en avais l’occasion. Tu t’en veux Haru, t’as beau être démuni de toute force et envie quelque qui soit tu te sens pour autant coupable de ne pas pouvoir lui donner l’attention qu’elle mérite la brune. Tu devrais lui envoyer des sms, y répondre au moins quand elle prend les devants et fait le premier pas, tu devrais aller la voir comme tu le faisais. Il y a un millier de chose que tu devrais faire, que tu faisais très bien avant que le décès de ton père ne vienne tout chambouler dans ta vie. Mais en ce moment tu n’arrives juste à rien, n’arrive parfois même pas à ouvrir les yeux, te lever pour aller te nourrir.

Tout est trop compliqué, et t’as pas la force de faire des efforts.
Au grand dam de tes proches qui doucement, commencent à s’inquiéter.

Et puisqu’elle est là, tangible sous tes doigts Reira tu lui avoues qu’elle t’a manqué, que t’es heureux de la voir elle et son chien qui n’arrive toujours pas à s’empêcher de te lécher le bras, remue de la queue toujours aussi vivement malgré les minutes qui passent. Et tu souris quand elle parle de haute trahison Reira, lui chuchote à l’oreille :

- Moi aussi j’aurais pris ça pour une trahison si tu ne l’avais pas emmené…

Car t’apprécies un peu trop ce chien qui n’est pas le tien. Tu l’aimes exactement comme si t’étais aller le choisir avec Reira, que le coup de cœur s’était fait instantanément dans l’animalerie au travers de l’épaisse vitre qui sépare les animaux des potentiels acheteur. Et t’es sûr que lui aussi t’aimes à ce point, t’aimes autant qu’il aime sa propriétaire. Reira elle rit, le nez perdu contre ton t-shirt et tu te crispes sur place en la sentant si proche de toi, le nez collé à ce t-shirt que t’as pas quitté depuis hier. Pense au fait que malgré l’heure qu’il doit être actuellement tu n’es pas douché, pas même ne serait-ce que levé une seule fois de ton lit depuis cette nuit. Et si déjà tu te sentais minable, là ce n’est qu’exacerbé par le fait qu’en plus de tout ça tu ressembles à un déchet physiquement. La honte te prend et tu te dépêches de lui dire que tu dois aller à la salle de bain rapidement, lui explique que tu ne t’attendais pas à sa visite donc que tu n’étais pas forcément pressé de faire ta toilette pour le moment. Elle semble plutôt ok avec ta proposition et ça ne fait que t’embarrasser un peu plus, te conforter dans l’idée que tu dois vraiment sentir actuellement. Alors bien évidemment que tu te lèves quand elle te pousse à y aller. Tu prends quelques affaires dans ta commode, te dépêche d’aller t’enfermer la salle de bain et allumer à fond le jet d’eau chaude et te foutre sous celui-ci une fois déshabillé. Ça fait du bien, tu ne peux pas le nier. La sensation de l’eau brulante qui glisse de tes cheveux à ta nuque, ces fines gouttelettes qui tombent jusqu’à tes pieds te ramène à la réalité. Ça ne durera qu’un petit temps, jusqu’à que Reira ne quitte l’appartement mais c’est toujours ça de pris.

Ça prend plus de temps qu’habituellement mais tu finis par sortir de sous le jet brulant, te sèche et enfile un jogging propre ainsi qu’un t-shirt large et te brosse les dents avec vigueur. T’es propre comme un sou neuf lorsque tu sors de la salle de bain, la serviette sur l’épaule. Quand tu passes le pas de ta chambre, la lumière de l’extérieur te fait plisser légèrement des yeux. Il semble faire beau aujourd’hui sur Busan, il ne doit pas être très tard. Mais ce que tu remarques surtout, c’est qu’il n’y a pas Reira dans la pièce. Tu fais alors machine arrière, te dirige vers le salon et c’est là que tu la vois, dos à toi. Reira qui s’occupe de faire un peu de ménage pour toi dans ta cuisine. Et ça te gêne, indéniablement. Tu te sens encore plus naze et tu t’imagines ce qu’elle doit penser de toi, de ton hygiène de vie des jours précédents. T’as honte Haru, tu t’approches d’elle les mains dans les poches, vient te poser contre le plan de travail et hoche de la tête quand elle te demande si tu te sens mieux.

- Ouais… ça réveille hein, ça fait vraiment du bien puis j’sens un peu meilleur j’imagine…

Tu ris nerveusement, glisse ta main jusqu’à ta nuque que tu viens gratter. Tes prunelles elles, glissent jusqu’à ses mains à elle, ses doigts qu’elle s’applique à sécher à l’aide d’un torchon. Elle parle Reira, te pose un millier de question que tu n’écoutes pas vraiment et tu finis par lui attraper les mains, l’oblige à se taire un instant pour lui dire nerveusement :

- T’inquiète pas pour moi Reira, t’occupe pas de faire mon ménage non plus… J’comptais le faire même si tu dois t’imaginer le contraire et me voir comme un gros dégueu depuis que t’es arrivé. Si tu veux qu’on profite ensemble de l’après-midi on le fait mais s’teuplait t’occupe pas de moi comme si j’étais un gamin ou un bordel ambulant ça me gêne vraiment… J’me sens déjà naze mais de te voir faire ça …

C’est encore pire. Et y’a un soupire qui s’échappe d’entre tes lippes, Reira tu finis par tirer sur ses mains doucement pour l’attirer vers toi – tout contre toi, tu passes tes bras autour de sa taille, pose ta tête sur son épaule un instant avant de te redresser, la lâcher pour t’étirer et lui dire :

- J’ai un peu faim ouais … Tu veux on se commande un truc du coup ?

Et déjà tu vas te poser sur le canapé, tapote l’assise libre à coté de toi pour que Reira vienne se caller elle aussi mais bien évidemment que c’est Pucci le premier qui vient prendre la place et t’arrache un éclat de rire sincère.

- Il est trop vif lui… Allez pousse-toi Pucci, laisse ta mère s’asseoir à côté de moi c’est elle qui prime aujourd’hui, désolé mon gars.

Chien que tu attrapes délicatement pour le poser à même le sol, Reira qui s’assoit à tes cotés et tu te rapproches, passe ton bras autour de ses épaules et tu tournes la tête vers elle, la regarde un instant avant de lui dire :

- Alors, t’as envie de quoi ?

tu vas passer tes journées dans le noir

-- ft haru

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Du mouvement dans son dos la pousse à se retourner ; abandonner un instant sa vaisselle pour dévisager le jeune homme qui lui fait face, le teint un peu plus frais et les cheveux humides. Et un sourire se peint sur ses lèvres, toujours un peu trop heureuse de le voir ; soulagée de le trouver hors de son lit, enfin. Comme un rayon de soleil dans la grisaille, symbole d’espoir qu’il ne va peut-être pas si mal qu’elle le craignait. Il ne peut qu’acquiescer lorsqu’elle lui demande si cette douche lui a fait du bien, et lorsqu’il souligne qu’il doit sentir meilleur qu’avant, elle lui répond gentiment :

- C’est ma faute, j’ai débarqué à l’improviste… Tu pouvais pas savoir.

Ses doigts rincés, bientôt essuyés dans le torchon, elle lui demande s’il souhaite manger quelque chose. Les propositions se succèdent dans sa bouche, soucieuse de trouver la meilleure option pour lui, celle qui lui permettra de se sustenter sans le mettre dans une posture trop délicate pour autant. Mais sans lui répondre, le jeune homme se rue vers elle pour prendre ses mains dans les siennes ; déverse un flot de mots auxquels elle ne s’attendait pas. Il paraît qu’elle ne devrait pas s’inquiéter, Reira, pas plus qu’elle ne devrait faire le ménage dans cet appartement. Il paraît que ça le gêne, au point de carrément lui demander d’arrêter ; qu’il se sent minable, lorsqu’elle fait ça. Et elle déglutit difficilement ; demeure quelques instants interdite, à simplement cligner des yeux. Sans doute un peu déçue de sa réaction ; surtout déçue d’elle-même, de voir que ses efforts ont fait tout sauf l’effet escompté. Reira, tout ce qu’elle voulait, c’était lui donner un coup de main ; commencer à remettre de l’ordre dans l’appartement pour qu’il en ai moins à faire, que la tâche lui semble moins écrasante lorsqu’il décidera de s’y mettre.

- Ah… Euh… Ben, j’vais arrêter, alors… J’suis désolée Haru, je voulais juste aider, pas te mettre en difficulté…

Elle pince un peu les lèvres ; évite son regard en entendant un soupir franchir ses lèvres. Il doit sentir que quelque chose la chiffonne, Haru, car il la tire doucement vers lui, la serre contre lui, la tête calée sur son épaule. Et ça la réconforte, un peu, sans parvenir tout à fait à effacer la légère sensation de malaise qui demeure dans sa poitrine – à refermer à son tour ses bras autour de son torse, se permettre de glisser avec un petit éclat de rire nerveux :

- Je peux te le dire maintenant, tu sens vraiment bon, si c’est ce qui t’inquiétait.

Et il s’écarte, déclare avoir un petit creux pour déjà pencher vers l’option de la commande. Pour être tout à fait honnête, elle aurait préféré qu’ils sortent manger à l’extérieur, juste histoire qu’il prenne un peu l’air, puisse sentir les rayons du soleil ou le vent frais sur la peau de son visage. Mais soit, c’est déjà bien qu’il mange, aussi elle hoche la tête avec un petit sourire, lui répond :

- Oui, bien sûr, ça marche.

Jeune homme qui s’éloigne déjà pour prendre place sur le canapé, tapote le coussin à ses côtés – mais bien sûr, Pucci s’empresse de se jeter dessus, l’air bien trop fier lorsqu’il relève les yeux vers Haru. Et y a un éclat de rire sincère qui s’échappe des lèvres du brun – un de ces éclats de rire chaleureux, qui font se plisser ses yeux et ramènent un peu d’espoir dans le cœur de Reira. La petite boule de poils rapidement remise au sol et la jeune femme qui prend sa place avant de lui laisser une nouvelle chance de sauter sur le canapé, à pousser un petit soupir en voyant le chien bouder sur le plancher.

- Fais gaffe, il va commencer à me détester si tu le vires pour me laisser sa place…

Elle se penche pour gratter doucement le haut de la tête de son chien, avant d’enfin s’enfoncer dans le canapé, laisser Haru passer un bras autour de ses épaules. Leurs prunelles suspendues à celles de l’autre, un instant, jusqu’à ce qu’il rompe le silence latent pour lui demander ce qu’elle a envie de manger. Et elle hésite un instant, à ne pas trop savoir quoi répondre ; finit par se décider pour un :

- Ben… J’sais pas, j’ai déjeuné y a pas très longtemps donc j’ai pas siii faim… C’est surtout toi, ça te ferait plaisir de manger quoi ?

Intérêt sincère porté sur sa réponse, et la tête qu’elle vient reposer sur son épaule, s’empare de sa main libre pour jouer machinalement avec ses doigts.

- Tu veux faire quoi, après manger… ? Ca te dirait pas de sortir faire un tour, un peu… ? Il fait beau, aujourd’hui…

tu vas passer tes journées dans le noir

-- ft reira

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C’est pas voulu, c’est pas par choix que tu lui dis ce que t’as sur le cœur. Ça te fait pas plaisir, ne crée aucune étincelle de joie de demander à Reira de laisser les choses dans l’état. Surtout quand tu lis l’incompréhension dans son regard, suivie de très par la gêne de s’être fait doucement taper sur les doigts. T’as juste pas envie de te sentir pressé, forcé de faire des choses qui ne sont que secondaire pour toi. Les quelques assiettes empilés, le cendard rempli jonchant sur la table basse ce ne sont que des détails à tes yeux. Tu peux t’en occuper dans la nuit, peut laisser trainer un jour ou deux car tu sais que tu finiras par t’en occuper. Mais quand Reira le fait à ta place, t’as juste l’impression d’être un incapable, la sensation que tu vas te laisser emporter par la vague et juste ne jamais t’y mettre.

Et surement que c’est compliqué à comprendre,
Difficile de laisser quelqu’un qu’on aime dans sa propre merde.

Mais c’est ce que tu lui demandes en quelques sorte, c’est ce que tu souhaites : qu’on te laisse. Qu’on te laisse déprimer autant de temps qu’il le faudra, qu’on te laisse dépérir quelques semaines si c’est ce dont tu as besoin. Car tu finiras par remonter la pente Haru, tout le monde y arrive, tout le monde le fait. T’as juste besoin de repos, d’apaiser ton chagrin par tes propres moyens et t’espère qu’elle le comprendra Reira, espère qu’après la déception elle fera preuve de compréhension à ton égard. Pour autant, tu ne la laisse pas sur le carreau, t’as pas envie qu’elle soit une minute de plus mal à l’aise. Au contraire, tu viens alors la serrer dans tes bras, vient caresser ses cheveux tandis que la brune bredouille des excuses, t’assure qu’elle ne voulait pas te mettre en difficulté. Ce mot te frappe, te bouscule légèrement. Car c’est pas comme ça que tu vois ce qu’elle a fait, comme ça que t’interprète son envie de t’aider. Tu te permets alors de rectifier le tir – du moins tenter en répondant à ton tour :

- Tu m’as pas mis du tout en difficulté, juste laisse-moi faire… Promis j’vais gérer, ok ?

Promesse faite en l’air, tu ne sais pas en réalité combien de temps tu vas mettre pour te remettre sur les rails, recommencer à sortir et vivre une vie dite « normale ». Tu te réconforte dans l’idée que tout le monde fini par vivre ce que tu vis, que la mort fait partie de la vie et que le chagrin fini souvent par doucement se tarir. C’est du moins ce que t’espères, ce qui te fait tenir. Cet espoir que les choses finissent par aller mieux et sa voix à elle. Sa toute petite voix qui essaie tant bien que mal de te faire un compliment, te fait sourire malgré ton envie de chialer. Tu la serres un peu plus contre toi Reira et chuchote à son oreille avant de la lâcher :

- Content d’apprendre que je sais encore me laver… Aller j’avoue, j’ai mis un peu de parfum aussi pour te faire oublier les vingt minutes précédentes.

Tu tentes de détendre à ton tour l’atmosphère, lui fait part aussi de ton envie de manger un bout. Car l’appétit s’est légèrement creusé entre le crépuscule et maintenant. Surement que si tu n’avais pas bougé de ton lit, pas fait le moindre effort physique tu n’aurais toujours pas faim et n’aurait pas fait l’effort de te lever pour te préparer de quoi te sustenter mais puisqu’elle est là, tu fais un effort. Tu t’installes alors sur le canapé, l’invite à te rejoindre sur celui-ci une fois que son chien a retrouvé le sol. Et c’est ce qu’elle fait Reira, sans se faire prier elle vient prendre place à tes côtés, te laisse glisser ton bras autour de ses épaules mais son regard lui, est figé sur le chien qui vous regarde d’un air perplexe.

- Tu penses qu’il finirait par nous détester car on ne laisse pas passer tous ses caprices … ? Comme ces gosses qui sont jaloux quand leurs parents s’embrassent ? J’pense pas… Il t’aime trop pour ça.

Tête que tu penches légèrement sur le côté, le regard posé sur le chien qui se met à remuer de la queue comme si il comprenait que vous parliez de lui, qu’il est le centre du sujet. Tu pourrais le regarder des heures ce chien tant son regard est vif et joueur mais quitte à choisir de contempler une personne dans la pièce c’est sur Reira que tes billes se posent. Reira qui tourne la tête vers toi elle aussi, quelques secondes de latence avant que vous ne preniez la parole chacun votre tour. Elle ne semble pas avoir trop faim, à déjeuner il n’y a pas si longtemps que ça et t’hoches de la tête, hausse les épaules un instant et lui dit sans grande envie :

- Bon si t’as pas faim ça sert à quoi de commander… ? J’peux manger une cup de ramyeon et une tranche de jambon à la vite fait…

Tu ne vois plus trop l’intérêt et au vu de ton appétit de moineau des derniers jours, c’est pas plus mal en réalité. Sa tête qui vient se poser contre ton épaule, une mèche de ses cheveux avec laquelle tu viens t’amuser lorsque sa voix résonne de nouveau dans la pièce. Elle te demande si tu souhaites sortir cet après-midi, parait qu’il fait beau dehors. Normalement, tu lui qu’il n’y a pas de souci, que tu veux bien aller te balader. Mais le toi actuel lui, il souffle de l’intérieur, n’a aucune envie de croiser du monde, aucune envie de faire semblant que tout va bien lorsque dans les faits, ton monde s’est écroulé il y a quelques jours à peine.

- J’sais pas trop Reira… J’ai pas trop la tête à ça, j’ai pas envie de faire semblant…

Et tu vois bien que ça la tracasse, qu’elle a du mal à essuyer tes refus et ton manque d’implication pour aller mieux quand toi, ce qui t’agace c’est qu’elle veuille par force te faire faire des choses dont t’as pas envie.

- Quoi … ? Pourquoi tu tires cette tête sérieux ?

tu vas passer tes journées dans le noir

-- ft haru

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Elle opine doucement de la tête, Reira, lorsque Haru lui demande de le laisser faire. Il lui promet de gérer, et elle s’efforce de le croire, de lâcher du lest – mais c’est dur de voir une personne qu’on aime n’être plus que le fantôme d’elle-même. C’est dur d’envoyer des messages qui demeurent trop longtemps sans réponse et de ne pas s’inquiéter ; c’est dur de trouver un appartement plongé dans le noir, en désordre, et cette personne au fond de son lit en plein après-midi, lorsqu’il n’a jamais été comme ça.

C’est dur, mais elle essaie, pour Haru.

Ravale la boule qui lui obstrue la gorge lorsqu’il referme ses bras sur son buste ; s’efforce de se concentrer sur la caresse de ses doigts dans ses cheveux, et la douceur du coton de son T-shirt pressé contre son nez, les effluves de lessive et de gel douche qui envahissent ses sens. Sur les battements de son cœur, ténus, qu’elle perçoit pourtant sous sa peau – et dans une maigre tentative de détendre l’atmosphère, elle prend soin de lui signaler qu’il sent très bon désormais. Car ces questions olfactives semblaient préoccuper le jeune homme, lorsque pour être parfaitement honnête, il aurait pu ne pas s’être lavé depuis plus longtemps lorsqu’elle l’a retrouvé qu’elle n’aurait pas desserré son étreinte pour autant. Elle était simplement heureuse – soulagée – de pouvoir de nouveau le sentir sous ses doigts ; tout le reste en devenait accessoire. Et elle roule des yeux lorsqu’il avoue avoir mis un peu de parfum en plus, lui répond en s’écartant, avec un petit haussement d’épaules :

- Ça va, t’agis comme si ça m’avait traumatisé… Ca nous arrive tous parfois de zapper la douche pour un jour.

Suffit d’avoir le moral un peu trop bas, pas la motivation nécessaire pour rencontrer le jet brûlant de la douche pour se laisser couler. Elle a déjà expérimenté ça, Reira, lorsque Kai et elle se quittaient – l’aurait sûrement de nouveau expérimenté pas plus tard que l’été dernier, si elle n’avait pas logé chez Haru et n’avait pas souhaité lui épargner ses odeurs. Et déjà, elle porte la conversation sur le sujet de la nourriture. Car elle aimerait bien qu’il mange un morceau aujourd’hui, ça la tranquilliserait, et elle vient prendre place à ses côtés sur le canapé, le bras du jeune homme glissé sur ses épaules. Tout pourrait être paisible si Pucci ne les fixait pas à leurs pieds, l’air contrarié, ou plutôt de ne pas comprendre pour quelle sombre raison on lui refuse les coussins confortables du canapé. Elle lui fait part de ses doutes, Reira, et lorsque le brun lui répond qu’il l’aime sûrement trop pour réellement lui en vouloir de lui dérober son attention, elle esquisse une petite moue, seulement à moitié convaincue.

- Hm, tu crois ? Il t’aime plus que moi…

Ses yeux bruns glissent doucement vers le jeune homme à ses côtés, pleins de sous-entendus – comme si elle le soupçonnait réellement de lui avoir dérobé l’amour de la petite boule de poils. Loin d’être un reproche déguisé, elle essaie seulement de lui rappeler qu’il est aimé, que ce soit par elle ou par le chien qui a fait de lui son nouveau papa bien avant que Reira ne quitte son ex. Et ils se dévisagent un instant en silence, elle lui avoue avoir mangé il y a peu – logique, vu l’heure –, et cela suffit à Haru pour décréter que commander serait finalement inutile. A l’entendre, il peut se contenter de ce qui traîne dans ses placards et son frigo, et elle baisse un instant la tête, la hoche doucement.

- C’était juste pour que tu manges quelque chose de plus sympa que juste une noodle cup, mais si ça te va…

Reira, elle pensait qu’avoir un bon plat chaud, bien préparé à se mettre sous la dent aurait peut-être le mérite de lui ouvrir l’appétit. En réalité, elle ignore s’il a réellement mangé la soupe qu’elle lui a apporté quelques jours plus tôt, alors… Elle s’efforcera de faire comme si cela ne faisait rien, abandonne doucement sa tête sur son épaule, et tente plutôt d’évoquer une possible sortie plus tard dans l’après-midi. Sauf que Haru, elle croit le sentir se tendre contre elle, et il lui répond qu’il n’a pas envie de faire semblant. Car tu ferais semblant avec moi, Haru ? C’est pas ce que je te demande. Elle serre un peu les dents pour ne pas libérer des paroles malheureuses, la frustration commençant à doucement s’accumuler à mesure que ses succèdent les coups de frein trop brusques du jeune homme ; se contente de lui répondre un pauvre :

- Pas de problème.

Et de l’extérieur, tout semble bien aller. Confortablement installés sur le canapé, Pucci allongé à leurs pieds, la tête de Reira posée sur l’épaule du brun et ses doigts jouant machinalement avec l’une de ses mèches, elle aurait presque l’impression de retrouver ces instants partagés, cet été, lorsqu’elle vivait encore chez lui et goûtait à un quotidien à ses côtés. Presque, si l’on omet ce sentiment latent, omniprésent aujourd’hui, de ne jamais dire ou faire ce qu’il faut, lorsqu’elle essaie seulement de l’aider. Elle voudrait qu’il puisse s’appuyer sur elle lorsque sa seule personne ne suffit pas à lui faire épouser une vie normale, mais Haru ne semble pas partager ce désir, et ça la trouble un peu. La pousse à se questionner ; se demander si c’était réellement une bonne idée de venir, lorsqu’elle a seulement l’impression de plus l’agacer qu’autre chose. Sentiment qui ne fait que se confirmer lorsque Haru lui demande pourquoi elle tire cette tête, la poussant à s’arracher à son étreinte pour le dévisager frontalement, sourcils froncés.

- Quelle tête ? Elle a quoi ma tête ?

Elle ne comprend pas, Reira – attend des explications de sa part, car chaque seconde qui passe, elle se sent un peu moins à sa place dans cet appartement qu’elle considérait fut un temps comme sa maison.

- J’aurais peut-être mieux fait de pas venir…

Palabres lâchées dans un souffle, plus pour elle-même qu’autre chose – et une main nerveuse qu’elle passe dans ses cheveux, les lèvres pincées par l’anxiété. La gorge nouée.

tu vas passer tes journées dans le noir

-- ft reira

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Bras glissé autour de ses frêles épaules, tes doigts s’aventurant et caressant de haut en bas le tissu de sa manche tandis que tes yeux, eux, sont posés sur le chien à vos pieds. Pucci qui vous regarde en espérant que l’un ou l’autre finisse par lui proposer de monter sur le canapé et ne cède à son caprice de chien – enfant roi. Et si t’en viens à te demander si son chien finira par ne plus vous appréciez si vous ne céder pas à ses caprices Reira elle, pense que le chien a déjà ses préférences et que celle-ci se porte plus sur toi que sur elle. Dans le fond, comme un père trop fier d’être le préféré t’as envie de rire, envie d’exposer ton bonheur face à cette révélation mais dans les faits tu te contentes de pincer les lèvres, contenir ta joie pour ne pas froisser la principale propriétaire.

- Mais non … T’es sa maman pour ça qu’il le montre moins, on est juste toujours plus ingrat envers sa mère …

Car bien souvent, les mères sont un peu plus présentes dans la vie de leurs enfants dans le quotidien. C’est elle qui s’occupent de l’éducation, elle qui ont la lourde tâche d’engueuler leurs enfants chaque jour. Du moins, chez toi c’était comme ça. Eomma a dû pendant quelques temps arrêter de travailler pour s’occuper du foyer et appa lui, il prenait le relais quand maman n’en pouvait juste plus de vous et vos bêtises. Il venait serrer la vis quand vous faisiez des choses plus grave. Et appa, il ne fera plus jamais ça. Ni pour toi, ni Sanae et encore moins pour Eunchang. De quoi te rappeler les derniers évènements, te figer sur place lorsque derrières tes rétines se jouent le si récent souvenir de l’enterrement. Ta main s’arrête alors de caresser son bras, tes prunelles sont figées dans le vide tandis que ton estomac lui, se noue. T’as certainement pas envie de manger là tout de suite, bien au contraire c’est un début de nausée qui s’installe. Ça tombe presque à pique que la brune assise à côté de toi ait déjà mangé pour que t’utilises cette excuse pour lui faire comprendre que tu te contenteras d’un sachet de nouilles instantané plutôt que de commander. Ça ne semble pas lui plaire comme réponse, elle te le dit même de vive voix qu’elle aurait préférées te voir manger un plat chaud, quelque chose de plus consistant mais tu fais semblant de ne pas voir sa déception et te contente de lui sourire – encore et toujours de cette manière faible en ajoutant :

- Dénigre pas les nouilles instantanées, j’adore ça moi.

Dans les faits c’est réel, t’adore manger ces trucs tout préparé dans lesquelles t’as juste à jeter un peu d’eau bouillante et ouvrir deux sachets de poudre pour que les saveurs s’infusent. Mais là tout de suite, tu ne peux juste rien avalé. Même un verre d’eau serait de trop mais ça tu ne peux pas le lui dire, ne peux pas lui faire entendre. Alors tu te tais, la laisse poser sa tête tout contre ton épaule tandis que toi, tu te mets à jouer avec le cordon de ton pantalon silencieusement. Bien évidemment que le silence est pesant mais t’as rien à dire, pas envie d’en faire des tonnes pour autant. T’aurais cru qu’elle serait compréhensive Reira, comprendrait ton coup de mou, saisirait qu’en faisant le choix de venir te voir aujourd’hui elle ne s’attendait pas à mont et merveille de ta part et pourtant elle te demande une balade, ne semble pas apprécier le fait que tu lui dises que tu te sentes pas de sortir pour le moment. Forcément que ça te tend, forcément que tu t’emportes rapidement en voyant l’air étonné qui peint ses traits lorsque tu la connais par cœur. T’enlèves alors ton bras de ses épaules, t’écarte un peu pour mieux la toiser et répond rapidement :

- Tu vas vraiment me prendre pour un con en face à face là Reira ? Sérieux ? Pas toi quand même.

Tu la fixes d’un air ahuri, choqué de voir qu’elle ose faire comme si tout était normal lorsque le ton de sa voix t’as fait comprendre tout le contraire l’instant d’avant.

- C’est quoi que tu comprends pas dans le fait que j’ai tout sauf la tête à rigoler et me balader ? Ça te semble si fou que j’sois triste ?

Surement que tu lui réponds trop sèchement mais t’es juste irritable à souhait – comme jamais tu ne l’as été auparavant et semblerait-il que ta façon de lui parler n’encourage en rien à la discussion car déjà elle regrette d’être venue. De quoi te faire mal, te piquer. T’as les yeux qui s’humidifie légèrement et pourtant, tu persiste à la fixer un instant d'un air interdit, ne sachant pas si tu dois dire ce qu’il te passe par la tête ou non. T’as presque envie de lui demander de partir si c’est ce qu’elle pense, que t’as rien demandé et qu’elle peut bien faire ce qu’elle veut. Mais finalement tu finis par lui répondre en haussant les épaules :

- J’ai pas envie de te faire subir mes humeurs j’pensais t’avais compris mais c’est pas grave Reira tu devrais aller profiter qu’il fasse beau pour sortir si t’en a envie.

Car tu ne la forceras pas à rester ici, ne la forcera pas à comprendre ou vivre avec toi ta tristesse. Tu préfères qu’elle soit libre, loin de toi si il le faut si c’est ainsi qu’elle peut être heureuse.

tu vas passer tes journées dans le noir

-- ft haru

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Elle ne dénigrait pas les nouilles instantanées à proprement parler – pour être honnête, Reira la première aime se contenter de ces plats, lorsque la flemme se fait ressentir, ou que la journée a été un peu trop dure et qu’elle a seulement envie de se réfugier vers un plat réconfortant. Seulement, elle devine que si Haru est dans cet état depuis dix jours, il ne doit manger à peu près que ça, ou du moins des plats similaires – alors elle espérait que sa présence soit l’occasion pour lui de diversifier un peu son répertoire gastronomique ; retrouver le chemin d’une alimentation un brin plus saine, ne serait-ce que pour un repas, pour au moins s’aider à remonter la pente. Mais elle ne se fatiguera pas à lui exposer tout cela ; se contente de lui rendre son sourire, comme si tout allait bien, et vient perdre sa tête contre son épaule.

Et sans le savoir, elle formule la question qui fera tout basculer.

Si elle avait su, Reira, elle aurait certainement gardé sa jolie bouche soigneusement close. N’aurait jamais osé lui proposer de sortir, un peu plus tard, si quelqu’un l’avait mis en garde que cela braquerait le brun à ses côtés. Lui donnerait, à elle, encore un peu plus l’impression de dire absolument tout sauf ce qu’il faudrait. Et elle ne veut pas de problèmes, Reira, alors lorsqu’il tente de la confronter, elle prétend que tout va bien ; croise les doigts pour que Haru partage son désir d’éviter le conflit. Pas aujourd’hui ; ce n’est pas le moment. Sauf qu’elle semble oublier qu’il la connaît un peu trop bien, alors forcément, il la soupçonne de le prendre pour un con. Et un écart glacial désormais creusé entre eux, la chaleur de son bras s’oubliant déjà à ses épaules, il braque sur elle un regard choqué. Elle ne fait pas la fière, Reira ; baisse un peu les yeux vers ses mains lorsqu’elle lui répond :

- Mais je te prends pas pour un con, c’est juste que…

Elle hausse doucement les épaules, luttant contre l’élan naturel de s’engouffrer dans la brèche, et saisir cette occasion de se disputer. Car elle a le sang un peu trop bouillant sous ses airs de princesse de glace, et réagit trop souvent à chaud lorsqu’elle est heurtée. Mais aujourd’hui, pour lui, elle fait un effort. Car il vient de perdre son père, et qu’elle n’est pas venue pour rendre sa journée plus difficile encore – même si de toute évidence, malgré toute sa bonne volonté, elle a lamentablement échoué.

Ne dit-on pas que l’Enfer est pavé de bonnes intentions ?

Et son cœur se serre lorsqu’il lui crache ne pas avoir la tête à sortir se promener ; ose lui parler comme à la dernière des imbéciles, ou une fille insensible, incapable de se mettre à la place d’autrui – au choix. Ça lui fait mal qu’il puisse réellement la croire comme ça, d’autant plus lorsqu’elle n’a fait qu’essayer d’être là pour lui en ces temps difficiles, mais elle ravale difficilement la boule qui lui obstrue soudain la gorge – à essayer de se répéter que c’est normal si elle a l’impression que l’homme qui lui fait face, ce n’est pas celui dont elle est tombée amoureuse ; que c’est le deuil qui le rend comme ça.

Que c’est normal qu’elle ne le reconnaisse pas.

- Mais je le comprends, Haru ! J’essayais juste de te changer un peu les idées, c’est pour ça que j’suis venue, merde !

Les mots explosent sur sa langue ; se pressent, incapable de les retenir plus longtemps. Et elle regrette immédiatement de les avoir prononcés, car elle n’est pas venue pour lui crier dessus ; en vient à regretter d’être venue. C’était sûrement une mauvaise idée, et elle exprime ces doutes dans un souffle qui, bien sûr, arrive aux oreilles de Haru. Un instant, elle croit voir ses yeux briller – mais elle abandonne cette éventualité en le voyant hausser les épaules, l’entendant répéter qu’elle ne comprend rien et qu’elle n’a qu’à aller se balader toute seule si elle y tient à ce point. Et Reira, elle a envie de lui dire que c’est lui qui ne comprend rien. Elle se sent blessée par son attitude, et cette fois, elle n’a même pas besoin de ravaler une quelconque colère. Elle est juste déçue ; attristée par la tournure que prennent les évènements. Alors c’est avec un calme qui lui ressemble trop peu qu’elle répond :

- C’est toi qui comprend pas, je m’en fous d’aller me promener, moi tout ce que je voulais, c’était passer du temps avec toi. Je voulais juste qu’on se voit un peu, essayer de te faire penser à autre chose même si c’était que pour cinq minutes. Je croyais bien faire mais j’ai juste l’impression de faire tout ce qu'il faut pas et j’ai pas envie de me disputer avec toi, donc… ouais, je vais juste te laisser tranquille, t’as raison. Désolée.

Désolée de pas assurer. Désolée de faire que t’accabler un peu plus, lorsque tout ce que je voulais c’était aider.

Désolée de pas être à la hauteur pour toi.

Et elle se relève du canapé, la gorge nouée ; accablée par le sentiment d’avoir tout raté.

tu vas passer tes journées dans le noir

-- ft reira

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T’attends sa réponse, trépigne de savoir ce qui la pousse à te prendre pour un idiot si aisément. Tu la regardes droit dans les yeux, la fixe s’embrouiller, entamer une phrase qui ne se finit pas. C’est ça l’image que tu renvoies à Reira ? Celle d’un mec à qui on peut mentir ? Tellement perdu dans son propre monde qu’il ne voit pas les mensonges ? Ça te blesse, à tel point que son manque de réponse ne fait qu’augmenter ta colère. A tel point que t’en deviens méchant, ne prends pas de pincette quand tu lui envoies à la face que t’en a rien à foutre de sortir, que c’est ta dernière envie et que t’es déçu qu’elle puisse ne pas comprendre ça.

Ça te semble pourtant évident que l’envie ne peut qu’être manquante, mais ça ne doit pas être évident pour ceux qui n’ont jamais connue la perte d’un proche. Tu faisais toi aussi partie de cette team d’individus avant que appa ne soit enterré. Tu ne comprenais pas cette douleur, n’arrivait pas à imaginer qu’un deuil puisse être si difficile à accepter. Pourtant t’aurais dû y être préparé, devrait être même apaisé de savoir que ton père ne souffre plus là où il est mais le cœur a ses raisons que la raison décide d’ignorer.

Le manque est plus fort que le soulagement.

Et puis il y a ce testament, cette épée Damoclès au-dessus de ta tête qui pèse son poids. Te rappelle que ton avenir n’est pas tout à fait libéré. T’as encore des comptes à rendre, un cadeau empoisonné sur les épaules qui t’angoisse plus qu’il ne t’aide à aller de l’avant. Mais tout ça, Reira elle ne le voit pas. Reira elle doit certainement croire que tu fais du cinéma, joue les caliméros pour attirer l’attention. Ça t’agace, tout t’agace en vérité. Toi-même tu te détestes mais toutes ces émotions enfouies, ce trouble animant tes pensées te pousse à lui répondre sans réfléchir :

- MAIS JE VOUS AIS RIEN DEMANDÉ PUTAIN , RIEN DU TOUT !

Ni à elle, ni Shin et personne d’autre. T’as l’impression que personne ne veut comprendre que t’as juste besoin de temps, que ça ne te dérange pas d’être seul. T’as cette sensation que c’est leurs propres envies qu’ils veulent assouvir en te voyant, qu’ils s’en fichent de ce dont tu as besoin toi. Du moins c’est ce que tu croyais, imaginais jusqu’à qu’elle ne reprenne la parole Reira. T’assure qu’elle s’en foutait de sortir, qu’elle voulait juste être avec toi et t’aidais à aller de l’avant – ne pas broyer que du noir. Tu pinces alors les lèvres Haru, t’en veux tout de suite d’avoir été si virulent. Elle ne mérite pas ça Reira, ne méritait pas ta colère et ton manque d’envie de tout. Tu lis la déception dans ses yeux, lis ô combien elle est blessée et déjà fatigué de ne pas avoir réussi à te sortir de ta torpeur des dix derniers jours. Elle ne semble pas vouloir se disputer, préfère partir plutôt que d’envenimer la situation. Et c’est là que tu comprends que t’as certainement déconné Haru, que tu ne peux pas juste agir comme si t’étais seul au monde, comme si tu pouvais tout lâcher sans penser aux conséquences. Tu le regretterais si t’en venais à perdre tes proches, si Reira en venait à te quitter. Alors quand elle se lève, s’apprête à s’en aller tu te lèves aussi, la suit et vient glisser tes bras autour de sa si fine taille. Tu l’attires contre toi, laisse son dos s’écraser contre toi et ton menton venir se poser sur son épaule en disant mollement :

- S’teuplait part pas Reira, j’suis désolé, j’me rends même pas compte que j’suis invivable…

T’as déconné, t’aurais pas dû.

Mais t’es prêt à un faire un effort pour elle, pour ne pas briser le petit quelque chose que vous commencez à construire. T’as trop peur de la perdre Reira, si peur que t’es prêt à tout pour qu’elle reste. Et tu viens te mettre face à elle, attrape ses mains et vient déposer un baiser sur chacune avant d’ajouter :

- Promis dans la semaine on sortira, on ira manger dehors mais juste aujourd’hui j’veux rester ici avec toi tranquillement, qu’on se regarde un film, on ouvre le clic-clac dans le salon et on fait comme quand t’habitais ici, tu veux pas ?

Petit air penaud que tu prends, Reira que tu regardes un instant avant d’approcher ton visage du sien, déposer un baiser contre sa joue, descend sur sa mâchoire et avant de venir gouter à ses douces lèvres tu lui dis :

- J’peux où tu me détestes … ?

tu vas passer tes journées dans le noir

-- ft haru

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Elle tressaille, lorsque la voix forte de Haru résonne dans le silence de l’appartement. Il vient de hausser le ton, sur elle – et c’est presque instantané, de mauvais souvenirs s’immiscent dans l’esprit de la petite brune. Le genre de souvenirs auxquels on aimerait ne jamais avoir à repenser ; le genre de souvenirs qui tordent le cœur, et font monter les larmes aux yeux.

Et Haru, jamais il se s’est montré sous ce jour. Ils se sont déjà disputés, évidemment, c’est de toute manière inévitable avec le mauvais caractère de Reira, mais jamais il n’a eu l’air si bien poussé à bout. Jamais une telle violence n’a émané de ses pores. Sa façade de perfection commence à se fissurer pour laisser apparaître l’être humain blessé en-dessous, avec ses failles et ses fragilités, et Reira, elle fait tout son possible pour ne pas prendre peur. Ne pas laisser les démons de son passé prendre le dessus ; se souvenir que c’est Haru qui lui fait face, et qu’avec lui, ce genre de crises sont si rares que c’est la toute première fois qu’elle y fait face depuis des mois. Qu’il est si doux avec elle le reste du temps ; qu’il ne lui ferait jamais de mal.

Que c’est seulement la mort de son père qui le rend comme ça.

Alors elle ravale difficilement la boule qui lui obstrue la gorge ; déclare, aussi calmement que possible, qu’elle va suivre son conseil et s’en aller. Elle ne va pas entrer dans son jeu ; ne va pas se disputer avec lui – pas aujourd’hui. Elle fait un effort monstre pour chasser le naturel et ne pas lui hurler à la figure en retour ; se contente de lui expliquer son ressenti, pour mieux se relever à peine les vérités ont-elles été formulées.

Car elle l’aime trop pour lui laisser une chance de laisser son état ruiner leur relation,
Alors pour aujourd’hui, elle prendra ses distances.
Car c’est sûrement le mieux à faire.

Mais déjà, elle entend du mouvement dans son dos, et un instant plus tard les bras de Haru viennent enlacer sa taille ; son torse se plaque contre son dos, et sa tête s’échoue sur son épaule. Elle se fige sous le coup de la surprise. Cligne des yeux, confuse – vu son éclat de colère deux minutes plus tôt, elle s’attendait à absolument tout sauf ça. Et Haru, il lui demande de rester. S’excuse pour son attitude, et elle étouffe un petit soupir, peinée par la tournure des évènements et le fait qu’il se qualifie lui-même d’invivable.

- Mais non, t’es pas invivable…

T’es juste un peu cassé, je suppose.
Et je comprends, on l’est tous un peu, à certains moments de sa vie.
Pardonne-moi juste si parfois c’est trop pour moi,
Que je préfère prendre un peu de distance pour éviter que tout se casse la gueule.

Et elle le voit lui faire face ; prendre ses mains entre les siennes, y égarer deux baisers. Il lui promet que dans quelque temps, ils sortiront comme elle le voulait. Lui explique que pour l’instant, il veut juste rester dans le calme de son appartement, mais qu’ils iront partager ce repas dont elle parlait, plus tard. Et elle ignore si elle peut croire en ses promesses – elle s’en fiche un peu, pour être honnête, tout ce qui compte c’est qu’il ai l’attention de les lui faire, et que même s’il ne parvient pas à les tenir, il avait bel et bien l’intention d’y être fidèle lorsqu’il les a prononcé. C’est ce qu’elle s’efforce de croire, en tout cas, car c’est plus facile de se dire qu’il pense réellement ces mots que d’envisager qu’il ai pu formuler ces promesses en l’air, simplement pour qu’elle cesse de lui prendre la tête. Alors elle hoche doucement la tête, un petit sourire aux lèvres ; l’air plus paisible que lorsqu’elle s’est levée de ce canapé.

- Si, bien sûr. Pas de soucis, on fait ça. Comme avant.

Comme quand tout allait bien,
Et que t’avais pas cette peine dans les yeux lorsque tu les portes sur moi.
Juste aujourd’hui, Haru, raccrochons-nous aux cendres de ces souvenirs.

Elle serait déjà prête à s’activer, l’aider à déplier le clic-clac pour qu’ils s’offrent une échappée dans cette bulle de réconfort, mais elle sent les lèvres du jeune homme se déposer sur sa joue ; glisser sur sa mâchoire, s’approcher de ses lippes. Et lorsqu’il lui demande s’il peut l’embrasser, elle se contente de lui répondre :

- Toujours.

Et juste comme ça, elle rompt la distance ridicule qui les séparait encore pour déposer ses lèvres contre les siennes. Comme chaque fois, le cœur s’emballe et l’estomac se noue un peu – la persuadant toujours que jamais elle ne s’habituera à cette sensation, la pression de ses lippes contre les siennes et son souffle valsant avec le sien. Et lorsqu’ils s’écartent, elle incline légèrement la tête sur son épaule, les joues rosies ; demande doucement :

- Comment tu peux croire que je puisse te détester, idiot ?

Et sa main sur laquelle elle tire un peu lorsqu’elle lance :

- Alors on le déplie, ce clic-clac ?

tu vas passer tes journées dans le noir

-- ft reira

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T’es pas invivable Haru, t’es pire que ça en ce moment. T’es comme mort de l’intérieur et si toi t’as du mal à t’en rendre compte tout seul de ton état lamentable c’est lorsque tes proches se soucient de toi et te regardent avec des yeux emplis de tristesse ou comme Reira, se mordillent la lèvre pour ne pas prononcer des mots regrettables à ton égard que tu comprends que t’es en dehors des clous, qu’à tout moment tu peux tout perdre si tu ne te ressaisis pas. Car la patience des gens s’étiole, leur bonne volonté finie par doucement se tarir lorsque de l’autre côté les choses ne bougent pas. Et toi Haru, t’as pas envie de perdre tes proches et c’est cette crainte qui te pousse à chaque fois à te ressaisir in extremis, trouver les bons mots pour ne pas envenimer la situation.

Tout comme tu viens de promettre à Reira que tu feras un effort les jours prochains, tentera de sortir de ta tanière pour profiter de l’arrivée des beaux jours et de sa présence à elle t’as promis à Shin que tu sortirais un peu plus aussi, que tu passerais le voir chez lui et que vous irez boire un verre à l’occasion pour vous détendre. T’espère sincèrement pouvoir tenir tes promesses, espère que les prochains ça ira mieux mais rien n’est moins sûr.


Et comme tu l’espérais Reira se détend après que t’ai avoué tes torts, que tu lui as promis à l’avenir des jours meilleurs en ta compagnie. Pour appuyer tes dires, tu fais preuve de douceur, essaie de calmer les dernières tensions en déposant de tendre baiser sur ses phalanges. Car la voir s’en aller, c’est tout sauf ce que tu veux, t’étais vraiment content de la voir ici quand elle a passé le pas de la porte de ta chambre avec Pucci alors tu veux qu’elle reste, que vous passiez un moment ensemble même si c’est dans le silence et le noir totale dans la pièce. Tu veux sentir ses doigts courir sur ton derme, laissait les tiens se perdre dans sa chevelure éparse. Tu veux sentir la chaleur de son corps pressé contre le tien, vos lèvres se cherchaient et vos yeux se retrouvaient plutôt que fixer l’écran et ce film pourrie que vous aurez choisis après un quart d’heure à consulter tout le catalogue netflix. Tu veux l’embrasser Reira, maintenant tout de suite. Alors tu lui demande tout de même son accord avant de déposer tes lèvres contre les siennes. Car t’as pas été cool avec elle quelques minutes plus tôt, que t’as pas envie de la forcer si l’envie n’est pas encore au rendez-vous. Mais elle semble ok, se rapproche de toi et t’assures que t’auras toujours le droit de l’embrasser. Tu n’attends pas une seconde de plus et glisse ta main jusqu’à sa nuque, l’attire doucement vers toi jusqu’à que vos lèvres se trouvent, se redécouvrent après des jours et des jours sans s’être vu. T’as le cœur qui se met à chauffer dans ta poitrine tandis que tes pensées enfin se font plus légère pour la première fois en deux semaines. C’est trop rapidement que le baiser prend fin, qu’avec regret vous éloignez vos visages l’un de l’autre.

- J’sais pas moi… J’suis tellement nul des fois que tout est possible… Tu mérites mieux que moi, ça c’est sur …

Épaules que tu hausses, l’air de réellement croire à ce que tu racontes tandis que ta main caresse sa joue un court instant. Et puisqu’elle te proposer d’aller déplier le canapé pour passer l’après-midi avec toi comme tu l’as proposé avant de l’embrasser t’hoches de la tête, la suit et t’occupes de ça pendant qu’elle, va chercher de quoi grignoter dans tes placards.

- Tu peux éteindre la lumière en passant s’teuplait ?

Et la voilà qui revient avec ses trouvailles, éteint la lumière et vient s’installer à coté de toi dans le canapé devenu lit. Tu laisses alors Pucci monter sur celui-ci à vos pieds, vient glisser un bras autour de ses hanches pour la rapprocher un peu plus de toi avant d’appuyer sur le bouton play et laisser le film commencé.

Quelques minutes, il n’aura fallu que quelques minutes pour que vous décrochiez du film qui n’a même pas pleinement encore commencé. Reira, la douceur de ses lèvres et la chaleur de sa poitrine contre ton torse. Reira, toi et vos chuchotements comme si vous étiez dans votre propre monde. C’est là que tu trouves un peu de réconfort, là que tu te sens le mieux.

Enfin, t’as enfin un peu de répit.