huh. vraiment. parmi tant de personnes sur cette pauvre terre, ou plutôt les quelques-uns qui avaient espéré recevoir quelque chose de la part d'une personne qu'ils admiraient, il fallait que ça tombe sur elle. elle qui était là pour combler le silence de son froid appartement, elle qui était là par erreur probablement, comme bien souvent. étonnée, certes, elle l'était, c'était un sentiment nouveau pour la Japonaise, de gagner quelque chose. elle n'avait jamais ressenti autant de sentiment en conflit rien qu'à cette idée également. elle avait tous les droits d'emporter ce giveaway, elle en était légitime, mais elle ne se sentait, en aucun cas, légitime de ceci, comme si elle venait de voler un très bon appareil technologique à quelqu'un qui s'en servirait probablement bien plus qu'elle, elle qui ne l'allumait que quand la silence devenait si envahissant qu'elle ressentait réellement une certaine tristesse. elle voulait tout simplement oublier ce sentiment qui l'a toujours harcelé. être liberée de tout ceci. une seule chose pour laquelle elle se voyait chanceuse était qu'il n'y avait pas d'adresse à donner, pas de rendez-vous devant chez lui ou chez elle, trop de responsabilité et trop de honte devant son logement, elle ne voulait vraiment pas montrer ce taudis à un pur inconnu qui venait lui donner quelque chose coûtant probablement plus que son loyer. les détails n'étaient pas importants, il n'avait pas à savoir, juste lui offrir comme prévu ceci, puis continuer leur vie, n'est pas ?

rendez-vous donné dans un lieu public et hautement surveillé, léger sentiment de sécurité reprenant place au sein de son battant, elle qui n'aimait guère l'idée d'être enfermé dans un lieu privé avec un jeune homme qu'elle ne connaissait qu'à travers l'objectif de la caméra. ahmya l'avait appris de la façon la plus dure, personne ne méritait sa confiance, que leur visage fasse apparaître l'image d'une personne douce et calme, ou d'une personne avec un grand caractère et quelques ennuis avec la société. personne ne méritait qu'elle leur laisse une seule trace de sa vie, tout comme n'allait pas les hanter avec sa présence en échange. rapide, simple, c'était son but, sans bien sûr, vexé le jeune livestreamer qui n'avait rien fait pour qu'elle agisse froidement avec lui. elle sera celle qu'elle est au travail, celle qu'elle ait avec ceux qui lui adressent la parole sans trop la connaître, accessible de vue, chaleureuse, mais rien d'autre. assise sur une chaise de la chaîne de supérette, une simple bouteille de thé vert froid devant elle et sa main autour, elle attendait calmement, sans être pressée pour autant. elle vivait non loin de cette épicerie après tout, elle ne pouvait pas dire qu'elle était en avance parce qu'elle ne voulait pas être en retard. voyant une silhouette qu'elle-même reconnaissait, elle se redressa avant de se lever de sa chaise. après tout, elle le reconnaîtrait, mais pas lui, alors il faudrait bien un peu d'aide pour tout ça. naturellement, elle l'approcha à une distance de sécurité, le saluant poliment. « vous êtes bien Jean ? Je suis Lilium, je vous attendais. » peut-être trop poliment ? elle n'avait pas de quoi vérifier tout ça de toute façon.

et si harin était un gamin extrêmement radin mine de rien, il organisait tout de même très souvent des giveaways pour sa communauté afin de leur faire gagner des pc ou bien des claviers. il voulait essayer de leur rendre tout ce que ses abonnés pouvaient lui donner, parce qu’au final, il était redevable envers eux. giveaway encore proposé, cette fois c’était une nouvelle personne qui l’avait remporté et cela rassurait harin, lui qui ne voulait pas que ce soit toujours les mêmes personnes qui gagnent, il ouvrait même ses giveaways à tout le monde, même ceux qui ne le suivait pas. Personne contactée très rapidement, normalement il fait tout pour envoyer le prix dans un colis mais la personne n’avait pas l’air favorable à partager son adresse, soit, il n’allait pas forcer le jeune streamer, il y avait toujours des solutions, n’est-ce pas ? et la solution du jour était de se retrouver dans un endroit public, un 7-eleven, gamin qui s’habillait alors simplement, qui prenait son sac à dos ainsi que le prix dans ce dernier. et pas après pas il se dirigeait vers le lieu de rendez-vous, se demandant sur qui il pouvait bien demander, est-ce que ce serait un homme ou bien une femme ? un adolescent ou bien une personne ayant la trentaine ? gamin curieux qui se demandait réellement comment était ses abonnés, voulant alors les rencontrer réellement et apprendre à les connaître mais il savait que cela était quelque chose d’assez compliqué, surtout qu’il ne voulait pas être sur un pied d’estal. mains dans les poches, il entrait enfin dans la supérette, regardant timidement les alentours comme s’il allait pouvoir reconnaître quelqu’un qu’il n’a jamais vu. il commençait à se dire que la personne n’était pas là, du moins jusqu’au moment où une jeune femme vient lui parler. et les bégaiements risquent de venir entraver la discussion, lui qui ne voulait pas se faire passer pour quelqu’un de timide car timide, il ne l’était pas, il était juste un peu perdu lorsqu’il devait parler à la gente féminine. « heu.. ou- oui, c’est bien moi ! bonjour, merci à toi d’être venue jusqu’ici.. est-ce que tu aurais quelque chose pour prouver que tu es bien lilium ? c’est juste pour vérifier ! » ce n’était pas qu’il ne faisait pas confiance mais plutôt parce qu’il devait notifier son entreprise qu’il avait bien envoyé le prix à la bonne personne, histoire de ne pas se faire taper sur les doigts, lui qui voulait réellement faire son travail parfaitement, il fallait que tout soit carré après tout.

vraiment. dans tout ce qu'elle pourrait faire de sa vie, de sa journée, il fallait qu'elle se dise que c'était probablement une bonne idée pour elle d'aller voir un pur inconnu pour qu'il lui passe même un pitoyable clavier. plus elle y pensait et plus ahmya commençait à soupirer intérieurement, elle en avait marre de paraître aussi désespérée comme si le monde avait déjà eu le plus grand de sa personne et qu'elle s'accrochait à tout et tout le monde pour vivre. c'était vrai, mais jamais elle ne l'accepterait, et jamais elle ne laisserait le monde la voir ainsi. alors avec le regard aussi vide que son âme, et son éternel poker face, elle attendait qu'on lui offre son dû, ce pour quoi elle avait "signé". puis il fallait bien qu'elle y aille, elle qui avait tout fait pour qu'elle se sente le moins enfermé possible, le plus en sécurité, capable de fuir si elle le devait. et rien que cette idée à nouveau, de fuir, comme elle l'avait tant fait dans le passé, elle le détestait plus que tout. elle en avait marre de fuir, d'abandonner, de tenter ailleurs alors qu'elle le savait très bien maintenant qu'elle n'allait pas sa place dans ce monde, pourquoi encore essayer ? la peur. juste la peur.

mais devant ce jeune streameur, elle ne devait pas avoir peur, elle devait être le plus impassible possible, même si elle devait lui faire peur par son manque de réaction, elle ne devait rien laisser passer. la douleur, la peine, les pleurs, l'envie d'en finir, rien. sans le moindre sourire, mais la politesse présente, elle se présenta par son nom sur la plateforme, celui qu'il connaissait, mais en aucun cas par son vrai nom, et elle refusait de le dire quelquefois de peur que la personne en face connaît l'existence de "la prostituée de gwangju" ou sa mère pour être plus précise. cependant, à la demande, bégayante mais demande malgré tout, de vérification, elle ne put cacher quelques secondes sur son visage la surprise et la légère déception, en elle-même. elle aurait dû le savoir. « aish, quelques secondes, je devrais trouver quelque chose pour. » sortant son portable vieux de quelques générations, chose qui marchait assez pour faire ce qu'elle voulait et qui lui avait coûter presque rien, elle tenta de retrouver son compte sur la plateforme, sans montrer trop de choses personnelle non plus, juste de quoi assurer que c'était bien elle en chair et en os pour quelques jours en tout cas. ouvrant à la page de son compte, elle tendit doucement son portable, sans grande conviction. « est-ce que c'est suffisant ? excusez-moi, j'aurai dû penser à ça en avance mais ça m'a complètement échappé l'esprit. » elle qui parlait comme si c'était un inconnu du coin de la rue ou un voisin, elle voyait pourtant bien qu'il semblait non pas mal en point mais peu agréable à ses côtés, alors rendre les choses courtes auraient été probablement mieux pour eux deux. comme ça elle pourrait retirer son visage de sale pauvre de sa vue et tout ira mieux. « sinon, ce n'est pas grave, il y a probablement des personnes qui le méritent plus que moi. »  

gamin bien trop sérieux lorsqu’il s’agissait de son boulot, il fallait que tout soit fait dans un ordre précis, que tout soit vérifié. Ainsi il se devait de demander l’identité de la personne qui se trouvait devant lui, non pas qu’il se doutait de la véracité des dires de cette dernière mais plutôt qu’il ne voulait pas être dans la mouise parce qu’il s’était trompé de destinataire. qu’est-ce qu’il aurait dit à la vraie gagnante ? qu’il avait donné son colis à une inconnue ? et qu’est-ce qu’il aurait dit à morphée ? qu’il s’était fait arnaquer ? même si les arnaques marchaient étonnamment bien sur harin la plupart du temps, il se devait tout de même de tout vérifier, que ce soit pour sa propre sécurité mais aussi pour la sécurité de la personne qui était venue réclamer le cadeau. il se sentait tout de même désolé de demander une preuve de son identité, même s’il ne voulait que savoir son identité sur l’internet et non celle personnelle, il n’en avait que faire de son prénom ou bien de son âge, il devait juste prouver que c’était bien elle la gagnante et personne d’autre. main qui passait légèrement derrière sa tête, est-ce qu’il était réellement énervant lorsqu’il avait demandé cela ? « désolé.. c’est juste que je préfère vérifier au cas où.. hum.. » regardant alors le téléphone de la jeune femme sans penser au fait qu’il n’était pas du tout récent, est-ce qu’elle n’avait pas assez d’argent pour en acheter un nouveau ? mais encore, cela n’était pas réellement son problème, il ne la connaissait pas et ce n’était pas sûr qu’il la reverrait un jour. et après avoir vérifié avec attention, il conclut que tout cela était suffisant, si la personne arrivait à se connecter sur le bon compte, cela voulait dire que c’était bien elle. « c’est parfait ! merci à toi en tout cas, et t’inquiète pas, c’est la première fois que je fais ça, enfin.. la livraison en chair et en os, d’habitude j’envoie le colis.. » et sincèrement, faire ce genre de chose ne le dérangeait pas, bien au contraire, cela sortait de sa petite vie ordinaire et puis rencontrer les personnes qui regardent ses streams le rendait tout de même heureux, lui qui pensait toujours ne pas mériter tout ce qu’il est en train de vivre, lui qui pense parfois que tout ça n’est qu’une caméra cachée. mais l’entendre dire que certains mériteraient probablement d’avoir remporté le giveaway à sa place lui brisait réellement le cœur. pour lui, tout le monde méritait de gagner ses give away, même si la personne ne regardait pas ses streams, même si la personne ne faisait que cela pour revendre l’item après. « interdit de dire ça. je pense sincèrement que tu le mérites, t’as participé et t’as gagné, c’est tout. c’est le hasard, donc dis pas ça, d’accord ? tiens, le clavier que tu as durement gagné ! tu as quelque chose pour le transporter, ça va ? » non pas que le clavier était lourd mais plutôt qu’il pouvait être assez encombrant alors harin préférait demander si tout allait bien.

ahmya n'allait jamais mentir sur qui elle était, elle n'en voyait pas la peine, l'utilité, alors qu'elle était déjà au plus bas possible. après tout le monde entier était déjà contre elle, elle n'avait rien pour se protéger de leurs violences et leurs piques, elle n'allait pas en plus prétendre qu'elle était quelqu'un d'autre pour s'en sortir, elle avait dépassé ce stade. elle acceptait son rôle dans ce monde, piédestal pour le monde entier, un tapis, paillasson, rien de plus, jusqu'à qu'elle craque. pour le moment, elle était solide, même devant une personne qu'elle ne connaissait que derrière sa caméra, lui c'était autre chose, bien qu'il semble récupéré de sa composition. est-ce qu'elle paraissait froide ? violente ? peu agréable ? elle n'en avait rien à faire pour être bien honnête. elle était tout simplement elle, rien de plus qu'une poussière sur le canvas du monde. elle savait pourtant que oui, s'il y avait une chose qu'elle pourrait améliorer chez elle, c'était son langage. ils s'attendaient à quoi après tout, tous, elle qui avait grandi entouré d'hommes lui disant que sa mère était une prostituée, qu'elle serait comme elle, une poupée de plaisir, elle n'allait pas parler comme shakespeare. « non non je comprends, excusez-moi de mon langage. » elle s'en excusait quand même auprès d'un inconnu, après tout, il n'avait rien fait pour l'entendre parler comme un porc. bien qu'elle avait bien pire dans son vocabulaire. son vieux portable était également comme elle au fond, fatiguée, usée jusqu'à la moelle, ou ici jusqu'à la batterie, mais elle ne pensait pas à le changer, cela coûtait bien trop cher de toute façon. elle avait eu de quoi montrer qu'elle ne mentait pas, c'était suffisant pour elle. qu'elle soit la première fois pourtant qu'il fasse une livraison en personne, elle fut légèrement surprise. la japonaise hocha doucement les épaules en rangeant son portable dans sa poche, gardant ses mains dans celles-ci. « ca me semblait... plus sûr de faire ça en personne, j'espère que ça n'a pas trop dérangé. » expression de son manque de sécurité, elle qui ne disait jamais trop sur son ressenti garder les choses très courtes à juste ces quelques mots, parce que le contraire n'était pas nécessaire.

puis vint l'expression de son éternel syndrome de l'imposteur, elle qui ne se sentait jamais assez bien pour mériter de gagner quoi que ce soit, de faire quelque chose comme il le devait. il semblait attrister par cette expression, alors qu'elle ne changeait pas d'émotion sur son visage, neutre, comme toujours, sans surprise, sans peine, sans douleur. il avait beau dire quelque chose qui pouvait être rassurant sur un certain point, à ses yeux, elle ne méritait pas tout ça et le mériterait jamais. elle n'allait pas dire non au fait de l'avoir pourtant et aller se faire un plaisir de l'utiliser, mais le mérite était une toute autre question. « le transporter ? mes bras suffissent non ? c'est pas le mieux mais c'est tout ce que j'ai. j'habite pas trop loin après, juste quelques minutes de marche, ça ne me dérange pas. » certaines personnes auraient une voiture, quelque chose pour transporter ça sans se casser la tête, ahmya ? elle préférait faire tout avec elle-même, ses propres mains, mais également car elle n'avait pas l'argent pour une voiture ou quelque chose pour transporter. ceci ne rentrait pas dans un sac normal, alors ses bras seraient le sac. « merci en tout cas, le mien commençait à mourir de vieillesse. »  

Il fallait bien se l’avouer, Harin n’avait plus trop l’habitude de rencontrer de nouvelles personnes, légèrement enfermé dans son petit monde, dans sa petite bulle, non pas qu’il n’était pas sociable mais plutôt qu’il n’avait pas trop le temps de sortir juste pour s’amuser. Changement dans son emploi du temps, dans son train de vie, jamais il n’avait délivré les prix gagnés en main propre mais il fallait une première fois à tout, n’est-ce pas ? Léger sourire apparaissant sur son visage, si la fille qui se trouvait devant lui trouvait cela plus sûr, alors Harin pensait de même. Certes il était du genre à faire ce qu’il voulait, de se plier à aucune règle qui ne lui semble pas logique, à ne plier aucun genou devant quelqu’un mais cela ne l’avait pas dérangé de changer ses habitudes, ce n’était qu’une fois après tout, une seule et unique fois. Puis si cela la rendait heureuse sur le coup, pourquoi pas, il n’avait pas réellement grand chose à perdre. « j’étais dans le coin, t’inquiètes pas, si ça me dérangeait je te l’aurai dit directement. puis si c’était plus sûr pour toi, c’est l’important. » Léger mensonge qui sortait de ses lippes, il n’était pas dans le coin, il s’était déplacé. Quant au reste, il le pensait réellement, Harin n’était pas un très grand menteur après tout, même s’il avait plus de défauts que de qualités, le mensonge n’en faisait aucunement partie.

Et il proposait très rarement son aide l’orphelin, pensant que tout le monde ayant deux bras et deux jambes, un cerveau fonctionnel pouvait se débrouiller tout seul. Il ne prenait personne par pitié, lui qui détestait cela. Mais il se demandait tout de même si la fille allait pouvoir se débrouiller toute seule, simple question, aucune arrière pensée. Il voulait juste s’assurer qu’elle arrive bien chez elle et que le clavier, lui, arrive bien en un morceau. Car même s’il s’en fiche qui gagne, il aime juste savoir que l’objet gagné est utilisé, quelque part, par quelqu’un. « t’es sûre ? mais ça va alors si t’habites pas loin, si jamais tu me dis et on trouvera un moyen pour que tu le transportes jusqu’à chez toi !  » Non pas qu’il allait l’accompagner jusqu’à chez elle, ce n’était pas sa place, il trouvera juste un moyen de l’aider à le transporter toute seule. Il espérait juste que personne n’allait essayer de lui voler son bien dès qu’il serait parti. « hum, ça faisait longtemps que tu avais ton clavier ? désolé je suis juste curieux.. c’était quoi comme marque ? il était mécanique ? enfin, les touches étaient dures ou non ? » Peut-être qu’il posait trop de questions et qu’il ne se mêlait probablement pas de ses affaires mais il était juste curieux, curieux lorsqu’on commençait à parler de set-up d’un pc. Peut-être qu’au final, c’était un de ses défauts qu’il avait fini par acquérir dans son boulot.

la sûreté, une chose qui importait pourtant si peu à la vie d'amhya, elle se fichait maintenant d'une telle sûreté, elle n'avait plus rien, rien de plus que sa pitoyable vie de pauvre, gogo-danseuse, sans famille, sans ami. la seule chose qui la gardait pourtant en vie était ce sentiment qui pouvait la rendre si confuse par moment, cet instinct de survie, de protéger le peu d'âme saine qu'elle avait encore en elle, l'envie de vivre toujours présente en elle, ce petit bout d'humanité. cette humanité lui criait pourtant que rien n'était sûr, que tout était contre elle, qu'elle ne devait écouter personne d'autres qu'elle-même. même alors qu'elle tentait le diable, la communication avec des inconnus, elle ne ressentait aucune sûreté, aucune envie d'être encore longtemps à leur côté, et pourtant, jour après jour, elle essayait. même cette tentative de s'offrir un peu plus de sécurité en lieu public et peuplé ne la rendait en aucun cas rassurée d'une telle position. elle détestait ce moment, non pas à cause du jeune homme, mais d'elle-même. « mon adresse est très souvent mal desservie, je préfère me déplacer pour cette raison-là. » vivre dans les bas quartiers, dans les immeubles peuplés de drogués, ancien prisonniers et le pire peuple possible, tout était plus sûr si elle venait en personne. elle n'était même pas sûre de comment elle faisait pour y vivre certains jours.

que quelqu'un la raccompagne chez elle, c'était hors de question, jamais elle n'oserait montrer sa pauvreté, son antre qui était probablement bien moins sûr que vivre sous un pont, jamais. elle ne voulait pas qu'on la prenne en pitié, elle ne voulait pas qu'on la juge, qu'on l'imagine différemment juste parce qu'elle habitait dans un appartement si délabré. que ce soit lui, ou une autre personne, personne n'était jamais entré chez elle, et personne n'entrerait chez elle point final. il y avait bien trop de preuve de son moral, de son statut financier, de son manque d'attention, d'amour, jamais elle ne montrerait autant de fissures. « non non je peux me débrouiller seule, ce n'est qu'un clavier ce n'est pas lourd. » elle qui avait porté bien plus dans sa vie, monté des meubles à la va-vite, elle n'allait pas râler de devoir porter un carton long et léger, loin de là. et pourtant, alors qu'elle essayait de se montrer humaine, il semblait intéressé surtout par la technologie qui l'entourait, chose qui ne fit que rendre ahmya assez confuse. marque ? type ? qu'est-ce qu'elle en savait, elle avait tout récupéré au prix le plus bas possible. « je... probablement un an et quelque mais il était en occasion... et... mécanique je suppose ? je ne sais pas trop, je ne suis pas la plus douée en technologie, encore moins en marque. » elle ne pouvait pas plus en avoir rien à faire de la marque d'un ordinateur, c'était un ordinateur, il marchait, c'était tout ce qui l'importait. il avait vu son portable, il devrait s'en douter.  

habiter dans des endroits isolés et mal desservis, l’orphelin s’y connaissait, des appartements il en avait fait plusieurs avant d’enfin se poser dans celui où il vivait. alors il comprenait où la femme devant lui voulait en venir et c’était très probablement pour cela qu’il n’insistait pas sur tout ça, jamais il ne lui demandera où elle habite, cela ne l’intéresse pas, ils ne se connaissent pas après tout, ce n’était même pas sûr qu’ils allaient se revoir après cette interaction complètement hasardeuse. c’était bien le destin qui avait décidé de les faire rencontrer après tout, le jeu du hasard qui avait fait qu’elle avait gagné le giveaway de l’orphelin. que ce soit une bonne chose ou une mauvaise, harin ne savait pas pour l’instant, il ne fallait jamais juger quelqu’un à la couverture voyons. « c’est vrai qu’il y a encore des endroits difficiles d’accès, ça m’arrive parfois que certains colis me soient renvoyés car la poste n’a pas trouvé l’endroit du destinataire.. t’as bien fait de proposer qu’on se retrouve en vrai. » c’était devenu le quotidien pour l’orphelin les retours de colis, suffisait que la personne qui gagnait se trompait d’adresse ou qu’harin tombe sur un petit troll et le voilà qui perdait de l’argent. non pas que perdre de l’argent était le problème mais plutôt la perte de temps et le foutage de gueule, que ce soit envers harin, les viewers ou bien l’entreprise de Morphée. lui qui préférait savoir les objets qu’il envoyait utiliser par quelqu’un, cela le rendait triste quand ça arrivait alors se déplacer physiquement pour faire une livraison le rassurait dans un sens.

et si la curiosité n’était pas un vilain défaut de l’orphelin voire pas un défaut tout court étant donné que ce trait était assez inexistant lorsqu’il s’agissait de curiosité envers les personnes, il était tout de même curieux quant au set up que la gagnante de son giveaway avait. à la vue de son téléphone, il se demandait un peu comment elle se débrouillait avec tout cela, certes c’était utilisable mais est-ce que ce n’était pas trop lent ? après harin était conscient que les ordinateurs et tout ce qui allait avec était loin d’être donné, bien au contraire, parfois c’était à la limite si on devait vendre un rein juste pour avoir la dernière nouveauté. il n’allait pas mentir sur le fait que parfois il trouvait les prix bien trop abusés pour ce que c’était. « désolé, j’étais juste curieux.. mais oui je vois, tu verras, celui que tu as entre les mains est mieux, que ce soit niveau mécanique ou même au toucher ! ah, et si t’as plus besoin de ton ancien clavier, je veux bien le récupérer, enfin si tu veux. » parce qu’il était intéressé l’orphelin, sur quel était le clavier, dans quel état il était, quelle était la marque, tout ça. il était de la vieille école parfois harin après tout, curieux des vieilles technologies, des autres marques, savoir comment cela fonctionne, si cela fonctionne encore et tout ce qui allait avec.

à chaque regard qu'elle pouvait donner à la moindre personne dans ce monde, elle les voyait tous comme des idiots, ceux qui pensaient tout savoir en un regard, mais personne ne pouvait réellement comprendre ce qu'elle avait vécu, ce qu'elle vivait, pourquoi rien qu'une conversation avec une personne qu'elle connaissait mieux que lui la connaissait la rassurer. il y avait aussi cette peur commune que derrière un visage de son âge soit des personnes comme ceux qu'elle avait fréquenté il y a plusieurs années. ils affichent un sourire le long de leurs lèvres, serpents ne cherchant qu'à infiltrer leur poison, au point où le moindre sourire paraissait si... faux. pourquoi sourire, pourquoi montrer des émotions si au fond elles ne sont que des masques portés sur des visages de démons ? et lui, elle ne connaissait que l'image qu'il portrait sur internet, qui ne disait pas qu'elle pourrait être en danger à ses côtés également ? donner son adresse, des preuves de son existence, jamais elle ne le ferait. « je ne fais jamais confiance aux services postiers... j'espère que ça ne dérange pas. » elle s'en fichait vraiment que cela dérange. c'était pour elle qu'elle prenait de telles précautions, et si la personne en face n'était pas contente, alors rien ne se passera. c'était probablement une façon très égoïste de penser, mais cet égoïsme lui avait permis de survivre à son rythme.

dire beaucoup de choses sur elle, sur ce qu'elle possède, ce qu'elle avait, ce n'était pas le genre de la japonaise. ahmya était la personne probablement la plus secrète que l'on pouvait croiser, si elle devait s'inventer une vie pour quelques secondes pour qu'on la laisse tranquille, elle le ferait. tout pour pouvoir se sentir le plus en sécurité possible, loin de l'être humain qu'elle détestait tant. cependant, il fallait bien l'admettre parfois que certaines personnes pouvaient l'étonner, en particulier dans leur sens des priorités, des choses qui attiraient leur curiosité, et il en faisait partie à présent. lui qu'elle ne connaissait que par son surnom sur internet, intéressé par la technologie, elle ne s'en doutait pas, mais qu'il demande son vieux clavier comme si elle avait une pièce de l'histoire technologique caché chez elle... elle ne pouvait vraiment pas comprendre ces personnes-là. « le récupérer ? il marche qu'à moitié, il n'a pas vraiment d'utilité... » encore une fois, c'était une chose qu'elle ne pouvait probablement pas comprendre, elle qui avait peu d'intérêt envers la technologie en plus de son éducation manquante à ce sujet, ce n'était qu'un déchet à présent. peut-être qu'en voyant ceci comme un acte d'écologie, cela la perturberait moins. « mais si vous y tenez... je ne pense pas que ça me dérange de le donner... il faudra que l'on se revoie pour ça par contre... » essayant de cacher sa "joie" à cette phrase, non pas qu'il était le problème, il ne lui avait rien fait, elle n'aimait juste pas parler avec des inconnus.   

faire confiance n’était pas quelque chose d’ancré dans la vie du jeune orphelin, il avait du mal à se donner réellement corps et âme pour quelqu’un, trahison à foison, l’abandon qui le guettait toujours du coin de l’oeil, les gens allaient et venaient dans sa vie avec toujours une arrière pensée mais qu’est-ce qu’harin pouvait bien leur dire ? ce serait mentir de dire que parfois il ne voyait pas de l’intérêt dans certaines relations, pas toutes bien sûr, il était honnête avec morphée par exemple, l’aimant pour ce qu’il était, appréciant réellement leur relation. c’était juste qu’il avait l’habitude de trop prendre l’expression “oeil pour oeil, dent pour dent”, attendant toujours le bon moment pour retourner la situation et prendre avantage. evil neutral jusqu’au bout et même pas il ne le cachait, assumant pleinement le fait qu’il n’était pas forcément quelqu’un de bien. oui, il faisait des choses biens et ce sans en attendre en retour, comme aujourd’hui, mais cela ne voulait pas dire qu’il n’était pas qu’un vulgaire gamin un peu manipulateur sur les bords. alors il comprenait lorsqu’elle disait qu’elle ne faisait pas confiance aux services postiers, qui était-il pour lui dire de faire confiance si même lui ne le faisait pas ? « ils perdent beaucoup de choses aussi donc.. mais non ça ne me dérange pas puis j’ai pu prendre un peu d'air. » non pas qu’il ne sortait que très rarement mais plutôt qu’il ne disait jamais non à un changement dans son emploi du temps, lui qui ne faisait que les mêmes choses jour après jour, rencontrer de nouvelles personnes était toujours intéressant pour lui et ce même si ce n’était que pour une seule fois. même si au final sortir pouvait littéralement le tuer lorsque le pollen était trop présent dehors ou bien lorsqu’un chat venait se coller à lui.

demande saugrenue, qui demanderait un vieux clavier à une inconnue ? très probablement harin, qu’est-ce qu’il pourrait bien en faire ? tout simplement l’étudier, il était curieux lorsqu’il s’agissait des instruments technologiques, énième passion qu’il avait sous son arche, non pas qu’elles étaient beaucoup au final mais c’était assez pour qu’il en soit satisfait avec elles. est-ce qu’il avait pensé à ce que sa demande voulait dire ? non, il avait parlé sans réfléchir cette fois-ci, laissant son coeur parler, à son plus grand malheur. il se devait alors de revoir cette fille, non pas qu’il était contre mais plutôt qu’il ne se sentait pas réellement à l’aise avec des femmes dans le fond, il essayait de le cacher, de paraître normal mais il savait pertinemment que ce numéro ne pouvait pas durer éternellement, lors d’une première rencontre, oui, lors de la deuxième le masque est déjà tombé. « si c’est pour t’en débarrasser.. puis le jeter serait triste, surtout s’il est encore utilisable, même à moitié ! ah heu et.. oui.. on devrait se revoir.. heu.. est-ce que tu as instagram ?.. ou sinon je peux te donner mon numéro de téléphone ?.. » chose qu’il ne devrait pas faire d’ailleurs, donner son numéro à n’importe qui, il suffisait que son numéro soit leak et.. la catastrophe serait vite arrivée, ce n’était pas du tout professionnel de sa part mais il n’allait pas tout de même proposer qu’ils s’envoient des lettres ou bien des pigeons voyageurs.

qu'est-ce qu'il y avait à comprendre de cette interaction avec une personne qu'elle ne pensait jamais rencontrer en personne ? probablement que la jeune japonaise était peut-être une personne dans le chat qui avait eu la chance pour une fois dans sa vie mais qu'autre que ceci, elle ne pouvait pas en avoir encore plus rien à faire de la personne derrière l'écran. une voix pour occuper son appartement, lui éviter l'envie de sauter d'un pont quand le silence reprenait le dessus, lui faire oublier ses pensées si sombres avec un peu de connerie par ci, par là. après tout, même si elle ne l'avouerait jamais, elle avait également besoin d'un peu d'attention, d'un peu de lien avec une personne humaine, de quelque chose qui la tenait sur cette terre, si elle n'avait rien, elle retomberait dans le monde dans lequel elle était il y a quelques années, ce monde si noir, si sombre, si dur, si froid. à travers une présence d'un inconnu qui ne pouvait pas la voir, la connaître, la juger, elle se sentait en sécurité et pourtant accompagner, assez pour avoir tenté ce petit concours qu'elle ne pensait jamais réussir. faire confiance était quelque chose d'autre, elle aurait pu changer de personnes très rapidement à son avis, mais pour le moment, elle n'avait pas de raison de changer de fond sonore, de changer de chaîne comme on peut dire.

ses demandes, pourtant, n'étaient pas réellement une chose qui l'enchantait personnellement. elle n'aimait pas du tout l'idée de donner quoi que ce soit à quelqu'un, non pas qu'elle était une personne considérée comme matérialiste, mais le peu qu'elle avait été à elle, durement gagnée, durement volée, mais lui appartenait malgré tout. cependant, si elle venait d'avoir quelque chose de plus haute qualité, pourquoi pas ne pas offrir son vieux clavier. « je suppose oui... est-ce que je peux attendre quelques jours, le temps de m'habituer à celui-ci avant ? » vieux-jeu pour beaucoup, mais tout simplement très ignorante des technologies actuelles, elle préférait prendre son temps avec toutes nouvelles choses, tout ce qui n'était pas habituel pour son piètre quotidien. la seconde proposition, pourtant, la fit remettre rapidement son bouclier. son numéro de téléphone ? et quoi encore, à un inconnu ? il pouvait courir, aussi gentil qu'il soit. « instagram, c'est mieux. » c'était bien plus simple à supprimer que de devoir changer de numéro. sortant son portable maintenant bien trop vieux pour être vendu, elle sortit tout simplement le nom de son instagram " @flowerld ", assez longtemps pour qu'il puisse s'en souvenir, avant tout prendre le grand carton avec ses deux mains et se préparer à partir. « merci beaucoup à nouveau pour le clavier, j'essaierai d'en prendre soin. excusez-moi maintenant, je dois me préparer pour le boulot. » léger mensonge, rien qui ne casserait trois pattes à un canard, mais ahmya avait à nouveau besoin de se sentir en sécurité, la sécurité de sa propre personne.