Invité à une soirée de marque grâce à son travail, Kain n'avait pas vraiment pu s'échapper. Une gosse de riche, accrochée à son bras comme une sangsue, qui avait fait des pieds et des mains pour que sa manageure lui arrange un rencard.
Il avait maintes fois refusé mais la jeune femme ne facilitait pas la vie de sa collègue, qui au fond, avait fini par lui faire de la peine. Il s'était laissé convaincre par sa manageure qui avait dit que ça ne lui coûterait pas grand chose, et qu'elle ne lui demandait pas de sortir avec elle. Juste de lui accorder un peu de son temps. Alors il avait cédé pour faciliter la vie de sa manageure, en espérant qu'elle aurait la paix une fois qu'il l'aurait rejetée en bonne et dûe forme.

Il l'avait donc rejoint au club quartz. Rien ne pouvait déplaire davantage au jeune homme, à peine avait-il su où il devait se rendre. N'était-il qu'un trophée à exhiber à ses amis ? Au vu des demandes insistantes, il s'attendait à quelque chose d'un peu plus romantique, ou au moins intimiste, pour faire connaissance. Rien de tout ça. Mais ce n'est pas comme s'il pouvait la confronter ainsi devant ses amis. Le mannequin l'avait observé pendant la soirée, n'avait quasiment pas décroché un mot de la soirée, si ce n'est pour acquiescer vaguement. Il s'ennuyait, à n'en pas douter. Il avait écouté tout un temps de ramassis de connerie pendant bien une heure, si ce n'est plus.

D'un coup, il avait retiré son bras de l'étreinte de la jeune femme, qui avait maintenu son emprise sur lui. Alors il a répété son geste, plus brusquement cette fois. Elle l'avait regardé avec incompréhension, puis il s'était penché vers elle, pour murmurer à son oreille, mauvais :

— On est pas amis et on ne sort pas ensemble non plus. Tu ne m'intéresse pas, je n'ai pas envie de te connaître non plus. Sache que c'est la première et la dernière fois que je me déplace pour toi. Et ce n'est pas la peine d'harceler ma manageure de nouveau. Tu es une inconnue pour moi. Si je l'entends encore me demander ce genre de chose de ta part, je porte plainte pour harcèlement, c'est compris ?

Puis il s'est éloigné, a laissé la gamine choquée, avant de se lever et de quitter la table. Il en avait volontairement fait des tonnes pour qu'elle revoit son image de lui et cesse de le porter haut dans son estime. Il voulait qu'elle le trouve méchant, mal élévé, imbu de lui-même. Tout. Il voulait juste qu'elle lui foute la paix.

Avant de partir, il décide de s'installer au bar, dans le coin pour avoir un peu d'espace et un peu de tranquilité, le temps de boire un verre de gin puis de repartir chez lui. Il soupire, faisant tourner son verre fraichement servi sur la table.

Quelle idée le petit Harin avait eu d’aller au bar aujourd’hui et de suivre le peu d’amis qu’il avait un jour de semaine. Et le pire dans tout ça, c’est qu’au bout d’un moment, ils avaient laissé le jeune blond seul, comme si au final il n’avait pas sa place parmi eux, peut-être qu’au final c’était totalement le cas, Harin n’était pas réellement un ami, mais juste quelqu’un qui squattait avec eux de temps à autre. Qu’est-ce qu’il s’ennuyait, verre à la main, il avait bien envie de partir mais partir en premier n’était pas ce qu’il aimait faire, ce n’était pas dans son genre. Lui, il aimait bien faire la fête mais pas forcément seul, les yeux qui se baladent par ci par là, à la recherche de quelqu’un avec qui converser, quelqu’un avec qui avoir un lien. Il cherchait alors le gamin, cherchant plutôt une personne seule qu’une personne étant avec des amis, cela pouvait être assez bizarre s’il squattait comme cela même s’il ne se trouvait pas timide, du moins, pas timide avec la gente masculine, c’était une tout autre affaire avec la gente féminine. Gamin qui n’avait pas réellement eu beaucoup de possibilité de parler à des femmes durant son enfance et ce même son adolescence, il a du mal avec elles et il ne le cache pas.

Et il s’avançait vers le bar, sans plus grand espoir, encore un verre et peut-être qu’il rentrerait chez lui dormir ou bien travailler sur sa nouvelle création. Toute chose avait une fin, n’est-ce pas ? Il s’asseyait alors aux côtés d’un homme qu’il ne connaissait ni Eve ni d’Adam, il n’avait même pas posé ses yeux sur lui, pas encore en tout cas, il commandait alors un verre de bière, son dernier verre de la soirée et ses yeux se posaient enfin sur son voisin. Scannant sa tenue, le trouvant magnifiquement beau, que ce soit physiquement mais aussi vestimentairement parlant. Et c’était un étudiant en mode, un passionné de la mode qui faisait cette remarque, les yeux qui ne pouvaient en aucun cas se défaire de cet homme, il fallait se l’avouer, Harin n’avait jamais vu un homme aussi beau de toute sa vie, non pas qu’il ait un crush sur lui ou quoi que ce soit, il trouvait juste qu’il était parfait, là, sur l’instant T.

— Hey, j’adore ton style vestimentaire, ça te va trop bien je trouve, tu choisis toi-même tes vêtements ? Je demande juste ça comme ça, je m’intéresse à la mode.


S’il choisissait lui-même ses vêtements, cela ferait un point bonus dans la barre d’estime aux yeux du petit Harin. S’il aimait les dinosaures, cela fera que le jeune blond l'aimera instantanément,  amicalement parlant mais ce sujet sera pour une prochaine fois, ce ne serait pas un peu trop rapide de parler de dinosaure avec un vulgaire inconnu ? Comme si parler de mode était tout aussi une bonne option.

Il était d'une humeur massacrante. Ni plus ni moins. Il avait servi de trophée à exhiber pour une connasse de première classe, ni plus ni moins. Il savait que les gens étaient malhonnêtes, et il se savait aussi pas trop – pourquoi serait-il mannequin autrement ? Mais subir à nouveau une situation comme celle-ci, avec une personne aussi peu scrupuleuse le confortait dans son idée qu'on ne peut faire confiance à personne car tout le monde agit de manière intéressée.

Ses pensées dérivent à cascade et il s'égare dans le flot de ses réflexions. Une dissociation saine, pour une fois, qui fait qu'il ne remarque pas la présence qui se rapproche de lui. Le mannequin ne remarque pas non plus qu'il lui adresse la parole, en plus le son est plutôt fort. Il n'entend que la dernière phrase, avant de se tourner vers la personne en question.

— Qu'est-ce que tu veux ?

Sa voix est un peu sèche, agacé par sa soirée. Il aurait été tellement mieux chez lui, à se faire un bon petit plat, dans une tenue confortable dans son canapé. Il aurait pu faire bien mieux de sa soirée. Il boit une gorgée de sa boisson, toujours aussi contrarié, arraché à ses pensées.

Quel était l'intérêt de cette personne à lui adresser la parole ? Que voulait-elle ? Encore une fois, Kain n'y voyait qu'un intérêt déplacé et malintentionné. Et quoi qu'il en pense, il n'avait rien à prouver à personne. Pas même à cet inconnu.

Mentalité absolument déglinguée.

Peut-être qu’Harin était un peu trop sociable ou bien qu’il était un peu trop à l’aise dans ce bar. Il n’avait juste rien à perdre, ses amis avaient fini par le laisser tomber à moins que c’était le contraire ? Le blond n’avait pas réellement fait attention lorsqu’il s’était approché du bar pour commander un dernier verre, il savait qu’il ne devait pas trop boire, encore moins en pleine semaine, mais il n’allait pas s’en priver. Et le voilà qu’il aborde son voisin de table comme si de rien n’était, complimentant alors son style vestimentaire parce qu’Harin avait l’habitude de juger légèrement cela lorsqu’il rencontrait quelqu’un. C’était juste son âme de styliste qui prenait le contrôle, est-ce qu’il s’attendait à une réponse sèche de la part de l’homme qui se trouvait à ses côtés ? Non, il était légèrement choqué mais peut-être qu’il y avait une raison derrière cela. Le blond prenait alors sa bière et l’amenait au bout de ses lèvres, tout en réfléchissant à quoi dire de plus, pour ne pas énerver l’homme ou pire, le faire fuir. Les mains toujours posées sur son verre, il ouvrit enfin ses lippes.

— Ce que je veux ? Oh rien, je voulais juste dire que j’aimais bien ton style vestimentaire. Mais t’as pas répondu à ma question, c’est toi qui as choisi tes vêtements ? Je suis juste curieux on va dire; je sais qu’on se connait pas du tout mais fallait que je dise ce que je pense.

Il avait juste eu envie de le complimenter, ce n’était pas tous les jours qu’il voyait quelqu’un aussi bien habiller. Puis si la personne s’habillait d’elle-même, cela voulait dire qu’elle avait bon goût ? Peut-être qu’elle était elle aussi dans la mode, pas forcément du même côté d’Harin mais celui des projecteurs ? Il ne voulait sincèrement rien de lui, juste une petite discussion comme ça, tout gentil, échange de numéro peut-être mais ce n’était pas sa priorité. La sienne était d’en apprendre plus sur la mode des yeux d’une autre personne, d’élargir ses horizons.

Kain porte son verre de gin à ses lèvres pour en boire une maigre gorgée, pour ne pas enflammer son gosier de cet alcool aussi puissant. Puis le repose sur le bar doucement, sondant son nouvel interlocuteur, le disséquant mentalement pour essayer de deviner ses pensées ; le fixant peut-être un peu trop longtemps. Il aime bien son style. Le mannequin fronce les sourcils. Puis il lui demande s'il choisit lui-même ses vêtements. Il est confus, le sino-coréen.

— Oui, je les choisis moi-même.


En principe c'était vrai, mais ça dépendait de la situation. Pour les shootings photos, il ne choisissait pas forcément ses tenues, même si parfois on lui faisait des propositions. Parfois on lui faisait des cadeaux, mais la majeure partie du temps, il devait rendre les vêtements dans lesquels il posait. On ne faisait que lui prêter, rien de plus. Donc oui, après tout, c'était lui qui choisissait ses vêtements au quotidien, même si les personnes de l'agence l'avait repris à de nombreuses reprises sur sa manière de s'habiller, surtout au début, quand il venait de rejoindre l'agence et qu'il n'avait aucune expérience. Mais cela fait pas mal de temps maintenant et il sait à quel point cela est important pour son image. Après tout, Kain n'est qu'un produit que l'on vend aux marques pour obtenir son propre profit. Le jeune homme était encore utilisé, mais c'était lui qui choisissait de l'être et comment, dans quelles conditions et ainsi de suite.

Kain évite ouvertement de mentionner qu’il est mannequin ; cette conversation a fini par l’ennuyer et il veut éviter que la personne reste auprès de lui seulement par intérêt. Après s’il le reconnait parce qu’il la déjà vu… il ne peut rien faire. Mais s’il peut éviter de se créer des parasites comme ça, c’est volontiers qu’il oublie de mentionner son métier.

Le jeune homme oublie de dire merci, parce que malgré tout, l’inconnu lui a fait un compliment ; Kain, mannequin impoli, imbu de lui-même, la célébrité qui lui est monté à la tête alors que pas du tout. Il n’aime simplement pas spécialement les gens. Et dans sa vie privée, il est beaucoup moins conciliant que dans sa vie pro.

Tout à coup, Kain lève son verre et le vide cul-sec sous les yeux de son observateur. Il paye sa consommation grâce à son téléphone avant de se lever et de se diriger vers la sortie, en quête d’un peu d’air frais. Ce n’est pas comme s’il avait envie de rester là. Il ne se préoccupe pas de savoir si l’autre l’a suivi ou non.

Gamin aventureux qu’il était, il aimait bien aller parler aux inconnus, les embêter un peu, faire sa propagande sur les dinosaures lorsqu’il le pouvait. Gamin joueur, il aimait réellement jouer avec les personnes, essayer de les pousser un peu à bout, dans un coin du mur mentalement parlant juste pour avoir des réactions, peut-être que dans le fond, Harin aimait réellment ça et ne vivait que pour cela. Mais pour le moment, il était assez sérieux lorsqu’il se rapproche de l’homme qui a attiré son regard, il ne s’attendait peut-être pas à quelqu’un d’assez froid, c’était à peine si l’homme était ouvert à la discussion, un léger soupire sortait de ses lippes face à la réponse de ce dernier, ce n’était pas réellement ce qu’Harin voulait, lui qui voulait une vraie conversation. Il buvait alors une gorgée de son verre, réfléchissant à comment relancer la conversation parce qu’il ne voulait pas que ça s’arrête là. Il réfléchissait le blond, du moins, jusqu’à ce qu’il remarque que l’homme buvait son verre cul-sec, les sourcils de l’orphelin se fronçait, il n’allait pas partir comme ça en plein milieu d’une discussion sans même dire merci alors qu’il l’avait complimenté ? Il n’allait pas faire ça tout de même.. Et pourtant, il était parti, laissant le blond là, en plan, choqué légèrement de ce qu’il venait de se passer. Harin avait une légère mauvaise impression de l’homme suite à cela mais peut-être qu’il avait ses raisons, n’est-ce pas ? Puis n’est-ce pas plus drôle si Harin lui court après ? Peut-être qu’il aura des réactions inédites même si son but n’était que de lui demander où il s’habillait et s’il était mannequin ou non parce qu’il avait l’air d’un d’après les yeux du jeune. Et s’il aurait pas été têtu tel le taureau qu’il était, il aurait très certainement abandonner mais non, il y avait une lueur d’espoir devant ses yeux, l’homme avait bel et bien oublié ses clefs sur le bar, un léger rire sortait alors des lèvres de l’orphelin tandis qu’il se levait, en oubliant de payer. Prenant alors les clefs de l’homme dans ses poches et lui courant après, c’était sûrement une mauvaise idée vu qu’il n’était pas réellement le type de personnes qui faisaient du sport. Et le voilà qui rattrape l’inconnu et qui lui prend le bras, avec douceur, sourire au visage, les clefs qui pendent dans son autre main.

— Tu comptais rentrer comment sans ça ? Heureusement que je les ai vu et que je t’ai rattrapé. Tiens je te les rends. Hum par contre, j’ai pas payé ma bière, je suis parti un peu en courant, ils risquent de venir après nous. Désolé.

Léger sourire sur son visage, il risquait de mettre un peu de piment dans la vie de l’homme ce soir, sans réellement le vouloir mais l’argent ne coulait aucunement à flot dans les poches du jeune Harin. Il ne savait pas réellement pourquoi il avait suivi ses potes dans ce bar après tout.

Un peu pressé de rentrer chez lui sûrement, Kain ne fait pas attention à ses affaires ; laisse les clés de son logement sur le bar, parce qu'il n'aurait jamais eu l'idée de les laisser à cet endroit, peu importe la situation. On ne laisse pas ses clés sur un comptoir de bar.

Alors il s'éloigne, Kain, sans un regard pour cet interlocuteur qu'il a décidé de laisser de côté pour rentrer chez lui, se reposer après une soirée longue et ennuyeuse. Le jeune homme n'était clairemnent pas dans l'optique de discuter, la situation précédente l'avait mis un peu de mauvaise humeur. Kain était rempli de culot et manquait cruellement d'égard pour les autres, sous prétexte que sa famille n'en avait pas eu pour lui. Il partait du principe que personne ne méritait sa gentillesse ; et pourtant, il était souvent plus doux qu'il ne voulait l'admettre avec son entourage, pour les autres, il était impitoyable, comme c'était le cas actuellement.

Le mannequin poursuit sa route paisiblement, rejoint le pavé froid qui a été longtemps sa maison il y a huit ans. Il entend des pas derrière lui et la démarche est plutôt rapide. Il déteste ça, Kain. Ca le terrifie, alors il accélère le pas, mais refuse de courir, de peur d'alerter la personne derrière lui.

Il sursaute quand la personne attrape son bras, il fait un bond en retrait, apeuré, se défait de l'emprise de la tierce personne. Et si la peur traverse ses traits, il arbore immédiatement un air dur, avant de voir l'homme du bar, il voit sa main s'agiter brièvement sous son nez avec ses clés entre les doigts, sans que le plus âgé ne comprenne vraiment ce qu'il se passe, n'a pas vraiment écouté ni entendu ce que l'inconnu disait, trop effrayé pour que son cerveau fonctionne correctement.

Il lui prend des mains, comme s'il n'avait pas eu l'intention de lui rendre.

— Merci, il dit un peu confus, la voix faible, s'éteignant sur le i.

Il serre les clés contre son coeur. Son précieux chez lui. Son cocon. Son endroit sûr. Et il compte s'enfuir une nouvelle fois, Kain.

— Mais je compte pas payer ta bière.

Il n’était pas pauvre Kain. Il s’en sortait bien, même, il arrivait à mettre de côté tous les mois même. Pour autant, est-ce qu'il voulait aider cette personne ? Présentement ce n'était pas vraiment le cas.

Gamin qui était parti un peu trop vite du bar, limite en courant, tout en oubliant de payer pour ses boissons, est-ce qu’il s’en voulait ? Un peu tout de même, lui qui n’aimait pas avoir de dettes mais il savait que le temps qu’il sorte sa carte bancaire, qu’elle soit refusée deux trois fois avant d’être bloquée, de chercher quelques pièces dans ses poches, l’homme qui se trouvait à ses côtés serait déjà bien loin, bien trop loin pour qu’Harin puisse lui rendre une chose très précieuse, les clefs de chez lui qu’il avait tout bêtement oublié sur le comptoir. Pas après pas, l’orphelin blond se dépêchait d’essayer de rejoindre l’homme, au moins pour lui rendre ses clefs et il ne pensait pas qu’il allait le retrouver aussi facilement. Est-ce qu’Harin  n'aurait pas dû prendre son bras ? Très probablement mais ce n’était pas comme s’il connaissait son prénom et aurait pu le crier dans la rue pour qu’il s’arrête, et il ne se voyait pas crier un simple “hey toi là-bas”, ce n’était pas très poli après tout puis n’importe qui aurait pu s’arrêter. Et en voyant les réactions de l’homme, il comprenait qu’il avait probablement était trop brute sur sa façon de faire, une légère moue apparaissait alors sur son visage. Est-ce que l’homme avait eu peur qu’il n’allait pas lui rendre ses clefs ? Harin lui avait couru derrière exprès pour le lui rendre après tout.

— J’allais te les rendre t’inquiètes pas, j’ai pas besoin de tes clefs, j’ai les miennes, tu sais ? J’ai couru tellement vite.. J’avais peur de pas réussir à te rattraper et je commençais à me demander comment est-ce que tu aurais fait pour rentrer sans ça, et je sais que c’est pas cool de dormir dans la rue.

Non pas qu’il avait réellement déjà testé cela mais plutôt qu’on l’avait déjà menacé plusieurs fois de lui enlever son appartement s’il ne payait pas à temps. Et c’était peut-être même une des choses qui lui faisait le plus peur au monde, après les chats bien sûr. Mains qui retournent alors dans ses poches, il était tout de même rassuré d’avoir pu lui rendre ses clefs sans encombre, sans qu’il fasse une légère crise d’asthme même s’il avait un peu de mal à respirer pour l’instant, le temps de reprendre son souffle et tout ira bien.

— Je te disais pas ça pour que tu me payes ma bière, t’inquiètes pas, c’était plutôt pour te dire qu’on devrait.. fuir, genre, maintenant ? Ils ont dû remarquer que je suis parti sans payer et ils doivent me chercher, seul problème, tu es avec moi donc tu risques d’être dans la mouise avec moi et j’ai pas trop envie..

Parce qu’Harin était Harin au final, gamin qui était très souvent dans la mouise, que ce soit par sa faute ou non même si la plupart du temps c’est toujours la faute de son maudit beau-père et il ne voulait pas qu’un inconnu rentre dans sa boucle de problèmes. Parce qu’il voulait se débrouiller seul, parce que sinon il devrait être trop redevable et il déteste réellement cela.

La peur le quitte aussi rapidement qu'elle la prise, n'ayant aucune raison d'être effrayé plus lontemps. Après tout, il avait été brusque, mais il ne semblait pas menaçant. Kain restait cependant toujours méfiant ; il l'avait appris à ses dépends.

Dire qu'il n'était pas cool de dormir dans la rue... c'était peu de le dire. Kain reste silencieux, contemplatif de son passé à la belle étoile. Et effectivement, il aurait bien évité de passer une nouvelle nuit dehors, d'autant plus que l'hiver n'avait pas définitivement quitté l'air.

Kain enfonce les clés dans sa poche, la deuxième main imitant la première pour s'enfoncer également là où il fait un peu plus chaud – juste un peu, mais pas tant que ça.

Puis l'autre lui propose de fuir, lui rappelant qu'il n'a pas payé. Kain hausse un sourcil.

— Mais j'ai payé moi.

Le jeune homme ne se sentait pas menacé le moins du monde par le fait que la sécurité, par exemple, pouvait être à la poursuite de son interlocuteur. Et après tout c'était bien vrai : il n'avait rien fait de mal.

Pour autant, Kain se remet à marcher, déterminer à rentrer chez lui, fatigué de sa journée et de son travail, puis de sa soirée tout à fait ratée.

Et puis où voulait-il fuir au juste ? Où comptait-il aller en sa compagnie ? Il s'arrête alors brutalement, pile dans sa marche, quitte à surprendre son vis-à-vis.

— Tu comptais rester avec moi ? Il demande de but en blanc.

Ce n'était pas vraiment dans ses projets, il fallait bien le dire. Il voulait juste rentrer chez lui, pépére, et faire des papouilles à son chat avant de s'endormir ; ou du moins essayer, car il ne s'agissait pas d'une simple affaire le concernant.

Alors non, il n'avait pas trop envie de se coltiner un inconnu jusqu'à chez lui.

harin avait toujours eu le don de se mettre dans des situations assez cocasses et ce soir, c'était le fait qu'il avait trouvé les clefs d'un inconnu qui l'avait ignoré tout bonnement et qu'en plus, il était sorti du bar pour lui rendre sans payer sa propre bière. est-ce qu'actuellement il avait peur ? non pas spécialement, s'il ne se faisait pas attraper, tout ira bien, sinon il passera juste un mauvais quart d'heures mais il n'était pas seul actuellement étant donné qu'il était dorénavant accompagné de l'inconnu qui avait, lui, payé son verre. léger blanc lorsqu'il le pointait à l'oral, comme si harin ne le savait pas.

— oui mais.. pas moi et vu qu'on est ensemble, ils vont penser qu'on est complice ou quelque chose du genre. je dis ça pour toi, mais c'est pas forcément une bonne idée qu'on reste dans les parages.

peut-être que cela ne voulait rien dire mais harin n'était jamais assez prudent, que lui il se fasse casser la tronche, c'était okay, mais qu'un inconnu se fasse casser la tronche à cause d'harin, cela ne l'était pas. le beau visage de l'homme ne méritait pas d'avoir une seule égratignure mais ce n'était pas la seule raison, s'il arrivait quelque chose à cet homme de par sa faute, harin serait dans l'obligation de lui payer les soins et.. ne mentons pas, l'argent n'était pas là. mais est-ce que pour autant harin comptait rester avec l'homme ? non, pas forcément, il voulait juste lui rendre ses clefs dans un premier temps et s'éloigner de cet endroit dans un deuxième mais si la personne lui demandait cela, ne voulait il pas qu'harin reste un peu avec lui ? cela ne dérangeait pas l'orphelin de marcher un peu, voire l'accompagner jusqu'à chez lui. peut-être que l'homme avait peur de rentrer seul, peut-être qu'il ne voulait pas rester seul. alors harin ne le laissera pas seul, du moins, pas à l'instant T.

— heu, pourquoi pas, ça te dérange si on reste ensemble pendant quelque temps ? on pourrait discuter et.. faut surtout avancer. on peut pas rester ici.

il insistait réellement sur le fait qu'il fallait se bouger, c'était bien trop dangereux et plus il restait sur place, plus son nez commençait à le gratter. est-ce qu'il y avait un chat dans les parages ? très probablement et les chats étaient bel et bien les Némésis du jeune orphelin, éternuements qui commençaient alors à créer une symphonie, il était alors impératif de ne pas rester ici.

La situation était vraiment pénible. Pourquoi il fallait que sa journée soit aussi merdique ? Kain soupire, sans s'en cacher, parce que la situation ne lui convient pas. Il voudrait juste rentrer chez lui en paix, dormir un peu, se reposer après une journée bien plus longue que prévue.

— On est pas ensemble. (Il marque une pause : ) Tu es à côté de moi mais on est pas obligé de poursuivre notre route ensemble.

Pragmatique, dure et cruelle vérité de la part du mannequin. Il n'épargne pas son interlocuteur ; pourquoi le ferait-il ? Il ne lui doit rien. Il ne doit rien à personne. Et puis s'ils ne se suivaient pas... Il n'y avait pas de problèmes, non ? Kain n'y voyait pas d'inconvénient.

— J'ai l'intention de rentrer chez moi.

Affirmation plate. Il n'avait pas l'intention de rester avec l'inconnu, ni même de le ramener chez lui. Il en était même plutôt hors de question. Kain ne ramenait pas ses conquêtes chez lui, alors il n'était pas question qu'il ramène cet inconnu non plus.

Toujours est-il que le jeune homme se met en marche, en direction d'un café ; c'était peut-être la solution la plus safe s'il voulait éviter que l'autre ne le suive jusqu'à chez lui, en espérant qu'il y en ait toujours un d'ouvert à cette heure-ci.

Il consulte son téléphone, celui-ci affichant fièrement un chat tout mignon comme fond d’écran – et l’heure, accessoirement, ce qui l’intéresse davantage ici. 23h17. Il soupire. Ca semble plutôt compromis, mais il tente tout de même l’expérience, sait-on jamais.

— Qu’est-ce que tu voudrais bien faire avec moi à une heure pareille, il marmonne, plus pour lui-même qu’à l’intention de l’inconnu, d’ailleurs sa voix est à peine audible.

bien sûr qu’il aurait pu partir que ce soit avec les clefs de l’homme qui se trouvait devant lui ou bien tout simplement partir après les avoir rendu mais non, harin se doutait que quelque chose allait se tramer mais il était possible que son radar à détection de mauvaises situations était cassé depuis le temps. il fallait mieux prévenir que guérir, n’est-ce pas ? alors il ne comptait aucunement lâcher l’homme de si tôt, du moins pas tant qu’il ne soit pas loin du bar. non pas qu’il avait peur de se faire attraper, il avait l’habitude de se prendre quelques coups mine de rien, parce qu’il avait pas payé telle personne à temps, mais est-ce que l’homme lui méritait de se faire tabasser et entraîner dans les histoires de l’orphelin ? non, bien sûr que non, personne devait être entraîné dans cela, les problèmes d’harin étaient les siens et rien que les siens même si la plupart étaient ceux de fût sa mère adoptive, héritage qu’il aurait bien voulu se passer s’il devait être honnête.

— mais on était ensemble au bar, on s’est parlé, je t’ai couru après, les personnes qui bossent au bar doivent bien se douter que nous nous connaissons. imagine, on se quitte et ils viennent après toi ? je m’en voudrai personnellement.

parce que même si harin était pas réellement un homme qu’on pouvait côtoyer, parce que l'égoïsme était tout de même l’un de ses traits les plus visibles en lui, parce que son alignement n’était rien d’autre qu’evil neutral, il n’avait juste pas envie qu’un pauvre inconnu se fasse refaire le visage. surtout pas si la personne semblait être quelqu’un de connu, ce ne serait pas une très bonne idée de rajouter, encore, une dette sur la liste, très longue, de dette qu’harin avait fini par avoir. et si l’homme voulait rentrer chez lui, harin le laissera faire, il risquerait juste de l’accompagner jusqu’à chez lui juste pour s’assurer qu’il soit bien rentrer, prince charmant de pacotille, il ne pensait encore qu’à lui actuellement, faussement avenant l’orphelin était. qu’est-ce qu’il voudrait bien faire avec cet homme à cette heure-là ? rien de bien spécial, juste discuter, marcher, partir loin du bar où harin ne remettrait probablement plus jamais les pieds.

— juste parler, rien de plus, je vais pas venir chez toi hein.

léger reniflement, est-ce qu’il y avait un chat dans les parages ? reniflement suivi d’un éternuement, yeux qui commençaient alors à balayer la rue, s’il y avait un chat dans les parages, alors harin était mal barré, très mal barré.

— hey, est-ce que tu vois un.. chat ? je crois que mon allergie.. arrive.. oh bordel, c’est pas le moment.

Il soupire, le plus grand. Kain n'allait pas réussir à se débarasser aussi facilement de l'autre homme. Pourtant, il avait un million de solutions pour s'éviter les problèmes, mais toute impliquaient de faire preuve d'un réel manque de modestie, et son for intérieur est partagé, entre l'envie de tout dire car après tout, il n'en n'a rien à faire, et son éducation qui le rappelle à l'ordre et lui rapelle qu'il se doit de rester élégant et appréciable en toute circonstance. Un échec cuisant, dans de nombreux domaines.

— Tu es trop gentil.

Un simple constat, qui de la bouche de Kain, sonne presque comme une accusation, un reproche. Après tout, sa propre gentillesse lui avait plus desservie qu'autre chose. Ca l'avait littéralement détruit. Est-ce qu'à sa place, il en aurait quelque chose à faire que la sécurité d'un bar lui court après et cherche à le tabasser ? Lui aurait même-t-il rapporté ses clés en lui courant après ? Certainement pas. Peu de gens aujourd'hui prenaient le temps de se préoccuper ainsi des autres. Le mannequin en faisait partie lui aussi.

Sans admettre lui-même, qu'au fond, il n'aimerait pas qu'à sa place, l'inconnu se fasse refaire le portrait. Le placement de Kain est tout aussi éclaté que celui de son vis-à-vis.

— Encore heureux, il rétorque.

Kain n'a pas envie de le faire rentrer chez lui. Et puis quoi encore ? Quand même ces conquêtes ne peuvent accéder à son cocon, à part une exception qui confirme la règle.

Le jeune homme ne prête pas attention à l'autre qui renifle, éternue et ainsi de suite.

— J'ai un chat.

Paroles prononcées dans la nonchalance la plus totale, alors qu’il venait de d’expliquer qu’il représentait l’entité « chat » à lui tout seul. Est-ce qu’il avait l’intention de faire fuir son interlocuteur ? Non. Est-ce qu’il mentait ? Non plus. Mais si cela pouvait le faire fuir… tant mieux, ce n’est pas lui qui va s’en plaindre.

la gentillesse n’était pas une chose qui était ancrée dans le caractère du jeune orphelin, bien au contraire, rares étaient les choses qu’il faisait arrière pensée, parce qu’au final, actuellement la personne la plus importante pour harin était lui-même. il savait pertinemment qu’il n’y avait personne pour venir le repêcher s’il fait une bêtise, gamin solitaire dans le fond, ayant très peu d’amis, très peu de personne sur qui compter et encore moins une famille présente pour lui. alors non, la gentillesse n’allait aucunement au teint d’harin, fichu égoïste qu’il était la plupart du temps.

— moi ? gentil ? non, tu me connais pas c’est pour ça que tu dis ça. et je ferai quoi chez toi ? j’ai un toit aussi, ce serait pas logique d’aller dormir chez un inconnu.

il n’était pas un boulet à ce point harin, pas au point de squatter chez un vulgaire inconnu et encore moins à lui forcer la patte pour passer la nuit chez lui. une maison, il en avait une et ce même s’il la partageait avec d’autres personnes, il ne pouvait pas vivre seul après tout, cela était bien trop dangereux pour lui. lorsqu’il s’agissait de s’occuper des autres, il était présent mais s’occuper de lui-même ? il n’y avait plus personne. et si l’orphelin pensait repartir après avoir accompagné l’inconnu un peu plus loin en toute sécurité, il ne s’attendait pas à apprendre que ce dernier avait un chat. léger pas qui reculaient alors, c’était une très mauvaise idée d’être aussi proche de lui, éternuements à foison, parce que bien sûr, il n’avait pas de médicaments contre son allergie, objets bien trop onéreux pour lui.

— t’es sûr que tu n’as qu’un chat ? j’ai plutôt l’impression que c’est toi le chat ici.. bordel, nom de zeus, je fais vraiment une réaction allergique et j’ai rien sur moi, on veut vraiment ma mort ou je rêve ?

quelle était la probabilité que la personne qu’harin avait sauvé de dormir dans la rue avait un chat ? sincèrement ? il voulait bien admettre que parfois il méritait amplement que le karma vienne le cogner de temps à autre vu ce qu’il faisait vivre à certaines personnes mais était-ce une raison suffisante pour lui mettre devant son nez une personne à chat ?

— Si c'est pas de la gentillesse, c'est quoi ? Il constate. Après tout, depuis tout à l'heure, tu insistes pour rester à mes côtés, peu importe ce que je peux dire.

Kain marque un point. Il fait une pause dans son discours, avant de reprendre :

— Donc si ce n'est pas de la gentillesse, qu'attends-tu de moi ? Car si tu ne le fais pas par gentillesse, j'imagine que tu attends quelque chose de moi, n'est-ce pas ?

Une nouvelle pause se fait, où Kain ne peut s'empêcher de laisser un sourire désabusé lui échapper. C'était toujours la même chose, et ça ne faisait que renforcer sa croyance, sa totale inconfiance en l'autre. C'est pour ça qu'il déteste autant être entouré par d'autres personnes ; il sait qu'il serait forcément déçu car les autres sont fondamentalement mauvais. C'est comme ça. Le monde est ainsi.

Et au fond, peut-être que les deux étaient infiniment plus similaires qu'ils ne voulaient bien le voir ou même l'admettre. Le mannequin est une créature des plus mystérieuses...

La mention soudaine du chat fait alors reculer l'inconnu, et c'est alors une aubaine pour le sino-coréen qui n'aspire qu'à obtenir davantage de paix et d'espace.

— C'est tout comme, je dois avoir pas mal de poils sur moi...

Kain qui exagère ? Pas le moins du monde voyons... Mais il n'a aucun scrupule à en rajouter un peu, si seulement ça pouvait le faire fuir un peu plus vite que prévu. Il n'hésite pas à épousseter son manteau de manière nonchalante pour accentuer ses propos. Oui, il était plutôt ingrat, à l'instant.

Après... Si son interlocuteur tombait soudainement par terre à cause de la réaction allergique, il est très peu probable que Kain continue à faire le malin ainsi.

ce n’était aucunement de la gentillesse que l’orphelin montrait, il voulait juste s’assurer que le videur du bar n’allait pas suivre l’homme qui était avec lui pour lui demander des comptes. si cela ne tenait qu’à lui, il serait déjà parti bien loin de tout ça et ce tout seul, ne voulant mêler personne dans sa misérable vie. il y avait déjà trop de personnes à ses côtés à son goût après tout. léger sourire apparaissant alors sur son visage qui se voulait doux malgré l’alcool qu’il y avait dans son sang.

— j’attend rien de toi, rien du tout même. je fais juste en sorte que personne te suit, j’ai pas envie de te retrouver tabasser dans le fond d’une ruelle car j’ai pas payé quelqu’un et qu’il pense qu’en te touchant ça va me toucher. peut-être qu’avoir des responsabilités c’est une de mes phobies.

après tout, cela faisait bien longtemps que l’orphelin n’attendait plus rien de personne, bien trop habitué à tout faire lui-même, à ramasser ses pots cassés sans se plaindre, solitude qui avait fini par devenir quotidien pour lui. et un léger soupir sortait alors de ses lèvres, entre deux trois éternuements, est-ce qu’il avait été maudit par le saint Karma ? très probablement, lui qui devait se taper deux allergies assez énervantes, déjà l’une toute seule était énervant alors n’imaginons pas les deux en même temps.

— et tu te nettoies jamais ? enfin tu n’enlèves jamais les poils ?.. tu sais que tu peux tuer quelqu’un là ? bon je vais juste rester loin et.. espérer que ça passe car je peux rien y faire là..

et harin en parlait en connaissance de cause, il vivait dans une colocation où il y avait un chat, à son plus grand malheur, son patron aussi avec plusieurs chats. et peut-être qu’au final, c’était à lui de toujours avoir des médicaments contre ses allergies sur lui mais cela coûtait de l’argent, chose qu’il n’avait pas, lui qui ne prenait pas réellement soin de lui médicalement parlant.