@Ih Angel & Qiao

Assis sur un banc.
Qiao est perdu dans ses pensées.
Les yeux accrochés aux nuages.
Il s'amuse à deviner les formes.
Ou du moins il essaie.

Parfois le visage de Wen Tao.
S'impose.
Troublant tout son être.
Avec facilité.
Ce qui le désarme totalement.
Ils ne se sont revus qu'une fois.
Depuis le jour de leur rencontre accidentelle.
Mais les secondes passées en sa compagnie.
Se sont logés profondément.
Dans son palpitant.
Il en rougit encore.
En y pensant.
A leurs doigts qui se sont frôlés.
Au regard pénétrant, déstabilisant.
Du PDG.

Qiao est dérouté.
Par toutes les images.
Qui viennent frapper son esprit.
Il reste démuni face à cette facilité.
De se perdre sur les traits.
De Wen Tao.
Il ne sait pas pourquoi.
Cet homme ravage avant tant de liberté son âme.
Mais s'il ne perd pas le fil de ses pensées.
Il en perd le fil des nuages qui défilent.
Voguant vers un ailleurs.
Un ailleurs plus intime.

Et il soupire Qiao à cause de cette chaleur qui se distille dans tout son être quand le visage de Wen Tao s'impose face aux nuages. Pourtant il y en a des cumulus blancs dans le ciel bleu. Des morceaux de coton poussés par le vent et qui partent vers d'autres horizons emportant dans leur voyage les pensées du chinois.
Quelles terres vont-ils aller frôler ?
Quels autres regards vont se lever vers eux pour les voir passer ?
Celui de Wen Tao ?
« Idiot que tu es pourquoi il regarderait les nuages ? Il a bien d'autres choses à faire qu'à rêvasser. C'est un homme très occupé lui. » Il parle tout haut, s'en voulant de se perdre autant vers un homme qui agite son palpitant, à peine il vient se placer dans ces pensées. Palpitant qui s'agite bien plus qu'à il est à ses côtés. « Qu'est ce que ça va être aux autres rencontres. » Car il n'a pas fini de rembourser le téléphone par maladresse cassé. Et l'idée de se retrouver seul avec Wen Tao l'envoûte et l'enivre autant qu'elle le fait flipper.
Son cœur bat-il aussi vite que le sien quand ils sont ensemble ?
Reviens sur terre Qiao.
Même s'il t'a dit qu'il passait son temps avec qui il voulait.
Tu ne dois pas être en haut de sa liste.
Et le chinois soupire, exaspéré par tout son ressenti. Avant de laisser ses yeux se perdre de nouveau sur les formes cotonneuses. Espérant que son imagination fera le reste et le tirera de la rêverie dans laquelle le PDG l'entraîne bien malgré lui. Car il n'a aucun contrôle sur ses émotions. Et même si elle le perturbent, elles le rendent heureux aussi.
Un brin euphorique même.  

Qiao s'installe mieux sur le banc, la tête un peu penchée en arrière. Les yeux capturés par les mouvements dans le ciel. Sourire aux lèvres il se laisse bercer par le frôlement du vent contre ses joues. Découvrant les merveilles cachées dans le ciel. Au final doucement Wen Tao s'efface, sans réellement disparaître. Il laisse sa trace comme un tatouage sur la peau du chinois. Qui ne prend pas toute l'ampleur de ce lien qui se tisse. Se pensant des plus commun. Il est juste une goutte d'eau dans l'océan de la vie, et le PDG doit en croiser des milliers de gouttes d'eau dans son style. Il finit par apprécier le moment se laissant aller sans plus réfléchir à une chose ou une autre.
Le temps passe.
Et lui en perd le cours.
Comme s'il était suspendu.
Jusqu'à ce qu'une voix familière le surprendre dans un premier temps. Avant de définitivement le sortir de sa douce rêverie. « Angel ? » Voix qui marque l'étonnement de le voir ici. Plus à cause du fait que Qiao serait bien rester encore dans son ailleurs que par le fait que Angel se trouve face à lui. Les deux hommes ayant l'habitude de passer du temps ce parc. Il se racle la gorge et se redresse. « Désolé j'étais distrait. » Et ce n'est pas peu de le dire. Il doit même encore avoir des nuages dans ses pupilles tellement il y était perdu dedans. Le regard reprend place dans la réalité et le serveur remarque le bras. « Tu vas bien ? Tu t'es blessé ? » L'inquiétude teinte les phrases, il sait combien son bras comme sa main sont précieux pour le dessinateur.  « Il s'est passé quoi ? » Ses yeux alternent entre le bras bandé et le visage de Angel attendant avec impatient de savoir si la blessure est grave.

@Zheng Qiao

Il ne supportait pas sa situation. Angel avait toujours été un jeune homme occupé. Depuis la fin du lycée, il s’était toujours distrait pour éviter de penser à la solitude une fois la maison quittée. Ainsi, en plus des cours, il avait toujours travaillé sur quelque chose, même si ce n’était pas dans son domaine de prédilection. Il passait du temps avec ses amis, avec Daehyun principalement, puis il avait eu tous ses crushs, tous ces hommes qui l’avaient trompés ou quittés pour diverses raisons, l’abandonnant toujours à la fin. Le dernier en date lui avait fait beaucoup de mal d’ailleurs, parce qu’il l'avait pris sur le fait. Mais rapidement, une nouvelle rencontre avait effacé toutes les larmes qu’il avait versé chez son meilleur ami. Même si tout cela s’annonçait catastrophique, il ne pouvait que se tenir à se filer de sentiments qu’il éprouvait pour lui. Après coup, il se rendait bien compte que d’accepter de garder la fille de l’homme pour qui il avait des sentiments n’était pas vraiment le bon réflexe à avoir. Il allait passé d’inconnu à employé et vraiment, ce n’était pas en sa faveur. Pourtant, de son point de vue, cela ne pouvait qu’être bénéfique vu qu’il sera au plus près de lui. Il n’était pas dingue de Junwei, pas à ce point-là, mais le simple fait de se retrouver en sa présence le relaxait et lui offrait un petit moment de chaleur.

Ainsi donc, il ne pouvait pas rester chez lui. Avoir tout son matériel de dessin devant les yeux et ne pas pouvoir y toucher le rendait dingue. S’il continuait comme ça, il allait faire quelque chose de regrettable comme recommencer à dessiner alors que son poignet était toujours coincé. Il ne devait pas le faire, sous peine de devoir subir ce supplice encore plus longtemps, alors, pour compenser, il devait sortir. Dans l’air frais, il prenait son temps, celui qu’il n’avait jamais réellement posséder. La solitude était quelque chose qui l’effrayait plus que tout. Il détestait être seul, et l’idée même de terminer sa vie dans l’état actuel le terrifiait. Il aurait presque préféré retourner chez ses mères plutôt que de devoir subir cela pour toujours. Mais, par l’honneur, il ne pouvait pas toujours y courir dans les jupons de ses mamans comme un petit garçon apeuré. Alors, de son faible courage, il déambulait dans les rues de Busan, en quête d’un passe-temps, et si possible, d’un compagnon de la journée.

Le bras en écharpe, il laissa ses pieds le mener jusqu’à un endroit très spécifique. Angel avait l’habitude d’y venir pour faire des estampes, surtout pendant ses trois petites années d’études. Il se souvenait, des heures, à prendre la bonne teinte du ciel, tandis que celui-ci se modifiait sans attendre. Il repartait souvent avec de la peinture sur les doigts et une page à moitié terminée, mais ce n’était pas le plus important. L’exercice de rapidité qu’était l’infiniment bleu du dôme au-dessus d’eux lui avait permis de s’en sortir maintenant. Hors l’arrêt maladie, il charbonnait en permanence pour l’auteurice dont il était l’assistant décor. Ce n’était pas facile comme boulot, surtout lorsque sa patronne à des sautes d’humeur similaire à celui d’un ressort. Mais son manhwa était parmi les plus vendus de Corée, alors il suffisait de le supporter un peu plus. Lui-même n’avait pas abandonné son rêve d’écrire sa propre histoire. Seulement, pour le moment, il n’y avait que le côté sombre d’internet qui la connaissait. Arpentant l’endroit dans un sens aléatoire, comme à chaque fois, il finit par reconnaître une silhouette. Un sourire aux lèvres, le pied soudainement trottinant, il remonta jusqu’à lui.

« Oh ! Qiao, coucou ! » s’exclama-t-il avec une certaine douceur en arrivant près de lui.

Un gloussement discret lui échappa en voyant son air éclipsé, comme s’il sortait d’un songe. Ce n’était pas rare de le voir ainsi, et de le surprendre de la même manière. Pour toutes les fois où le jeune dessinateur s’était installé à côté de lui pour dessiner, il le savait très bien. Son sourire ne quitta pas ses lèvres, alors qu’il venait prendre place à ses côtés, s’installant aussi confortablement que possible. Évidemment, il s’attendait à cette question et un soupir lui échappa avant qu’il ne relève les yeux vers l’autre homme, derrière ses lunettes rondes.

« Promis, tu ne te moques pas, hein ? demanda-t-il. J’ai fait une session intense de dessin pour le dernier rush d’il y a deux semaines et… on va dire que mon poignet n’a pas apprécié ! »

Il fit rouler son coude, faisant gigoter son avant-bras maintenu. Cela ne lui faisait plus autant mal qu’à la première consultation à l’hôpital, mais tout de même, il pouvait sentir ses muscles tirer jusqu’à son épaule. Les médicaments aidaient beaucoup, évidemment, et ils avaient pu savoir immédiatement de quoi il souffrait, pouvant le prendre en charge quasiment dans l’instant. Mais le temps de guérison était long, bien trop long. Un soupir lui échappa, avant qu’il ne le replace bien sagement contre lui. Il ne pouvait plus prendre cette place et sortir son carnet pour gribouiller en laissant Qiao partir dans ses pensées toujours plus lointaines. Alors, Angel, toujours avec douceur, se dit qu’il fallait peut-être faire un peu de conversation.

« Tu semblais si loin tout à l’heure… À quoi tu pensais ? »

Ou à qui ? Mais ce n’était pas que de la petite curiosité, il n’ira pas jusqu’à lui faire avouer des aveux dont il ne voulait pas parler. Et puis, parfois, c’est tellement mieux de garder un rêve pour soi, comme un secret, proche du cœur.

@Ih Angel & Qiao

Rêverie qui emporte.
Trouble et envoûte.
Qiao en oublie la réalité.
Qiao glisse dans un ailleurs.
Où tout est douceur.

Wen Tao se fait imposant.
Son sourire et son regard s'affichent
Le chinois pourrait même toucher.
Du bout des doigts.
Les traits du visage qui se dessinent.
Et ses pensées s'envolent.
Myriades d'idées folles.
Enivrantes. Vivifiantes.
Pourquoi est-il attiré de cette façon ?
Comme un aimant qui trouve son autre pôle.
Et même son jeu préféré.
Devient un jeu qu'il voudrait partager.
Il aimerait que Wen Tao se perde.
Comme lui à cet instant.
Dans les nuages.
Qu'il oublie son écran.
Pour voir ce que ses yeux voient.

Et son cœur bat plus fort. Et son souffle va plus vite. Alors que son esprit part à la conquête du ciel. Interprétant la danse des nuages. Trouvant dans chacun une forme nouvelle. Tout en gardant en tête Wen Tao. Et il s'enfonce Qiao. Il s'enfonce dans cet univers dénué de tout sens. Remplit de sensations nouvelles. Il se laisse guider sans savoir quelle route il emprunte. Mais elle semble déjà tracée sans qu'il en prenne encore toute conscience.
Et puis il réalise.
Que ses idées ne sont que pure folie. Qu'un homme comme Wen Tao est à mille lieux de lui. Et que tous les désirs qui se notent dans cet instant solitaire, ne resteront que des rêveries. Des instant solitaires. Pourtant un maigre espoir qu'il ne peut refouler se grave dans son cœur, dans son âme.
Qui sait de quoi sera fait demain ?

Qiao reprend son jeu, se concentrant sur autre chose que le visage de Wen Tao. Essayant de ne pas penser à leurs peaux qui se sont effleurées, à leurs parfums qui se sont brièvement dévoilés. Et les nuages se font accueillant délivrant une sensation de perdition. Et le temps perd son importance. Jusqu'à ce qu'il reprenne sa course quand une voix familière vient se faire entendre. Sortant le chinois de sa rêverie. Il redescend doucement sur terre. Les yeux encore teinté de milles étoiles.
Car il a glissé loin Qiao.
Bien plus loin que d'habitude.
Dans un nouvel ailleurs.
Car s'il a réussi quelques secondes à chasser le PDG de ses pensées, sa présence reste en suspens même à cet instant ou son regard retrouve celui de son ami Angel. Et là la réalité lui met une claque quand il remarque le bras en écharpe. Il s'inquiète tout de suite se demandant ce qui a pu causé cette blessure. « Me moquer pourquoi je me moquerais ? » Qiao comprend mieux cette requête quand son ami lui explique les circonstances de sa blessure. « Elle devait vraiment être intense ta séance. » Il se retient de rire mais ne peut s'empêcher de taquiner Angel. « C'est ça quand on joue trop avec sa main en solitaire. » Et il éclate de rire, rougissant de ses propres mots. « Excuse moi c'était idiot comme boutade, et promis je ne me moque pas. Mais tu dessines tout le temps et ce genre de chose n'est jamais arrivé. Alors logique que je me questionne. » Qiao ne remet nullement en doute les dires de son ami, mais il n'a pu éviter la blague.
Le plaisir en solitaire tu connais.
Ton manque de confiance te le fait pratiquer.
Penser à Wen Tao aussi.

Il chasse vite toutes ses idées alors que Angel s'installe à ses côtés. Si lui peut toujours partir dans ses rêveries, le blessé ne peut plus se perdre dans ces dessins. « Cela doit te manquer vu comme tu es accro à tes crayons et tes feuilles de papier. » Il a de la peine pour Angel et ce sentiment sentant dans sa voix. Et la demande de son ami le surprend. « Euh moi loin … non. » Joues qui s'empourprent d'un coup, car le détail d'une lointaine rêverie n'a pas échappé à Angel.  «  A quoi je pensais ? ..  Euh à rien .. enfin à ce que je pourrais trouver dans les nuages .. »
Et surtout à qui tu pourrais y trouver.
Et surtout au fait de savoir si Wen Tao pensait à toi.
Qiao se racle la gorge. Et baisse les yeux, essayant de contrôler les battements de son cœur. Il a la sensation d'avoir été pris la main dans le sac. Pas que cela le dérange, c'est un rêveur. Et il lui arrive de se faire prendre en pleine rêverie. Mais il est vrai que là sa perdition était bien plus puissante. « Je pensais à quelqu'un. » Aveu dit dans un souffle alors que comme un enfant il triture ses doigts et frotte ses pieds au sol. Comme s'il se sentait coupable de penser à Wen Tao.
A cet homme inaccessible.
Qui semble prendre beaucoup de place.
Dans son esprit. Dans son cœur.
Sans qu'il ne puisse rien contrôler.

@Zheng Qiao

Même lui, cela l’aurait amusé, s’il ne se sentait pas aussi démoralisé. Se faire mal ainsi lui avait fait réaliser beaucoup de choses qu’il aurait préféré ne jamais savoir. Après tout, Angel ne savait rien faire d’autre. Il n’avait aucun autre talent que le dessin. Du bout de ses doigts sortait des fables pour tout le monde. Enfants comme adultes, c’était un régal d’offrir des histoires. Et alors que tout était en pause, il découvrait que sans cela, il n’était plus rien. Évidemment, il avait d’autres attraits dans la vie, comme les plantes qui parsemaient son appartement pour le combler ou bien son animal de compagnie, Summer, un adorable petit hamster qui aimait particulièrement tourner dans sa roulette vers minuit. Mais tout ne restait que superficiel. S’il perdait réellement sa qualité d’artiste, il ne pourrait rien faire de sa vie et devra se tourner vers quelque chose de tellement abstrait. Au lycée, les professeurs lui avaient souvent répété qu’il devait avoir un plan de secours, au cas où « ça ne marche pas, le dessin ». Et il ne l’avait jamais arrêté, étant persuadé de sa réussite. Aujourd’hui, même dans sa galère, il y croyait encore. Mais le doute venait de s’infiltrer, démontant avec cette blessure, toute sa confiance.

« Arrête ! bouda-t-il alors, utilisant sa main valide pour frapper l’air dans la direction de Qiao. Ce n’est pas ça du tout ! J’étais en train de travailler en plus ! (Le rouge conquis ses joues, alors qu’il tentait de garder la tête haute.) Parles pour toi, je ne reste jamais célibataire longtemps… »

Car il en avait horreur, du célibat. Pour lui, c’était une hantise, une peur viscérale, dont il ne pouvait se débarrasser. Daehyun l’avait toujours impressionné avec cela d’ailleurs, étant resté seul pendant de nombreuses années de sa vie. Depuis le lycée, Angel n’avait eu de cesse de tomber amoureux, encore et encore, pour toujours avoir le cœur brisé, mais aussi toujours avoir quelqu’un à son bras. C’était sa propre malédiction, d’être le personnage secondaire, si facilement oubliable. Il avait toujours été le deuxième choix. Si toutes les vies autour de lui étaient des romans, il ne serait que l’adorable jeune homme aux lunettes rondes, apparaissant toujours lorsqu’il le fallait. Même pour son meilleur ami, il en était sûr. Pour Qiao aussi, il n’était que le peintre qui comble l’image du rêveur. Depuis le temps, il s’y était habitué, cela ne lui faisait plus grand chose. Même s’il espérait toujours pouvoir, un jour, vivre une histoire d’amour digne d’un grand auteur.

Prenant place à côté de lui, il fit attention à ne pas brusquer son bras immobilisé. Il fallait dire que ne plus avoir sa main dominante pour s’occuper de la vie quotidienne était un handicap qu’il n'aurait jamais pensé aussi grand. Plutôt chanceux dans son enfance, Angel n'avait pas eu besoin de plâtre. C’était un peu un comble de commencer à son âge. Mais, après tout, ce n’était qu’une expérience comme une autre. Ainsi, lorsque Qiao cita son précieux matériel, il ne put que soupirer, son dos courbant sous l’idée que ses crayons pleuraient de son absence. Il avait toujours cru qu’il pourrait toujours dessiner, sous n’importe quelles conditions. Mais ce n’était pas si vrai que ça. Désormais, même tenir une tasse relevait du miracle. Impossible donc de tracer le moindre trait, sans en subir les conséquences directes. Son moral était au plus bas. Même la perspective que cela le rapprochait - allez savoir comment - de son crush n’arrivait pas à lui redonner l’entrain de ces jours où vingt-quatre heures étaient trop courts.

« Tu ne peux même pas imaginer à quel point, soupira-t-il. Je n’ai jamais été aussi démuni de ma vie… »

Ses ruptures les plus désastreuses n’arrivaient pas à la cheville de son mal être. Et pourtant, il avait terminé chez son meilleur ami à manger des sushis et boire du soju jusqu’à ce que mort s’en suive. Alors pour se distraire, il demanda sur la vie de l’autre homme, celui dont il avait interrompu le train de pensées. Et même s’il fut réticent au début, les mots finirent par sortir, intriguant le petit ange qui se redressa pour en prendre toute l’ampleur. « [...] à quelqu’un. » Ce petit détail ne lui échappa pas. Il y avait donc une personne qui comblait les songes du rêveurs et le transportait un peu plus dans son monde cotonneux. Ils étaient deux. Mais du côté du Ih, ce n’était que la norme qu’il soit sous le charme d’un nouvel homme. La moindre attention pouvait attirer sur lui l’éclair des sentiments. Et, oh, s’il revoyait le déclencheur de foudre, s’en était fini. Malheureusement, c’était bien arrivé, avec une petite surprise qu’il n’avait pas du tout anticipé. C’était une première pour lui, de tomber amoureux d’un père de famille.

« A quelqu’un donc ? demanda-t-il, la curiosité dans les paroles. Si ce n’est pas trop demandé, pourrais-je avoir un peu plus de précision ? Qui serait assez intéressant pour venir s'infiltrer dans tes rêves, Qiao ? »

@Ih Angel & Qiao

Et voilà que la réalité.
Redevient maîtresse de ses pensées.
Le beau Wen Tao s'est envolé.
Ne reste que la silhouette.
De son ami Angel.

Un Angel blessé.
Et bien embêté
Et il use de taquineries.
Qiao.
Pas pour se moquer.
Il n'oserait pas.
Et ce n'est pas dans son style.
De plus il apprécie trop l'artiste.
Pour se montrer insouciant.
Face à sa blessure.
Mais il s'amuse un peu.
Des circonstances. Des conséquences.
Se montrant même audacieux.
Dans l'idée de ce qu'un poignet bloqué.
Glisse dans ses pensées.
Et voilà le bel Angel qui se rebelle.
Frappant l'air de sa main valide.
Faisant éclater le rire de Qiao.

De quoi lui faire oublier sa nostalgie.
Celle de savoir Wen Tao inaccessible.
Celle de savoir que tout ne reste qu'un rêve.
Entre eux.

Et bien sur la boutade faite se retourne contre lui. Il est vrai que Qiao a tendance à être plus souvent célibataire qu'en couple. Il lui faut du temps au chinois pour qu'un homme se retrouve à ses côtés. « Tu marques un point Angel. » Et si son ami a rougi à cette allusion de main qui s'agite pour combler le manque, il en fait de même. En ce moment c'est en pensant à Wen Tao qu'il use de cette stratégie pour s'empêcher de devenir fou quand le désir le terrasse et le ravage de sa puissance. Et à cet instant sa solitude le fait frissonner. Il se demande si un jour il aura réellement la force d'ouvrir son cœur aux sentiments. S'il ne gardera pas toute sa vie une peur vorace que ses cicatrices fassent fuir l'être aimé. Même si au départ elles sont acceptées. Il sait qu'elles donnent à son corps un attrait qui peut devenir déroutant et peu engageant. Au départ tout est beau mais au final ses partenaires finissent toujours par ne voir qu'elles. Par le voir à travers d'elles.
Et tu te retrouves seul comme une âme en peine.
Toujours seul. Est ce que le temps changera un jour ce fait ?
Tu l'ignores. Est ce que Wen Tao changera un jour ce fait ?
Tu sais que cette idée est juste une utopie.
Et il se concentre à nouveau sur son ami. Sur cette réalité dans laquelle il s'ancre pour éviter de souffrir à cause de son passé. Il doit vivre avec, c'est le prix à payer pour avoir défier son père. Pour avoir lutter contre son avis. Pour ne pas être entré dans le moule qu'il lui était destiné depuis sa naissance. S'il avait été plus attentif, plus obéissant, il n'aurait pas toutes ces cicatrices. Il secoue la tête, il ne veut pas se laisser absorber par des pensées négatives.

Qiao sent Angel démuni quand il s'installe à ses côtés. Et ses paroles lui confirment à quel point cette blessure l'handicape et le laisse vider de toute envie. « Tu as essayé de t'occuper d'une autre façon. Je me doute qu'avec une main certaines choses sont compliquées à faire mais en trouvant une activité tu penserais moins au fait que tu ne peux pas dessiner pour le moment. » Il regarde sincère dans ses mots, même prêt à l'aider dans la recherche d'une autre occupation qui ne fatiguerait pas son poignet mais emplirait son esprit. Bien sur il n'a pas échappé à Angel la perdition de Qiao quand il est arrivé. Il est vrai qu'il a mis un moment avant de prendre conscience de sa présence.
Logique il s'accrochait à l'image de Wen Tao.
Comme on s'accroche à l'oxygène que l'on respire.
Il devrait même s’inquiéter de cette sorte d'accoutumance qu'il crée de plus en plus souvent. Il devrait garder loin de toutes ses pensées le PDG. De plus il le connaît à peine.
Alors cela devrait être facile de l'oublier.
S'il se montre hésitant au départ, il finit par lâcher le morceau, dans le soupir.
Wen Tao est bien trop présent dans sa tête, pour se dérober à la demande.
Que va t-il devenir ? Comment ne pas y penser ? Comment fuir cette attirance qui semble se mettre en place ? Que de questions sans réponses. En parler lui donnera peut être des clés pour sortir son sourire et son regard de sa tête.

Qiao sent la curiosité dans le ton de Angel. Et l'intérêt aussi que suscite cet aveu. Rien de malsain dans sa demande. Elle est dans la normale quand l'amitié est tissée. Nouveau soupir et regard qui s'égare d'abord dans le ciel et puis au loin. « Wen Tao. Il s'appelle Wen Tao. A vrai dire je ne devrais l'appeler que monsieur Li, c'est un homme d'affaire … le mec super classe tu vois .. » Il soupire encore mettant sa tête entre ses mains. « Je me dis que ce jour là j'aurais du avoir les pieds sur terre au lieu d'être perdu dans mes pensées. Je ne l'aurais pas bousculer .. son téléphone ne serait pas tombé .. et cassé .. et je n'aurais pas du le suivre dans son bureau .. et je n'aurais pas pu l'observer avec tant de .. » Encore un soupir .. « Ferveur .. passion .. je n'aurais pas non plus frôlé son .. corps dans le bus .. ni croisé son regard .. ni senti son parfum .. je pense sans arrêt à lui .. et en plus on va se revoir .. parce qu'il faut bien que je rembourse une partie de son téléphone .. quel idiot je suis ..» Et un autre soupir sort de ses lèvres. « J'ai jamais été comme ça .. en plus vu sa classe comment il pourrait s'intéresser à un mec comme moi .. et puis mes ci .. » Qiao ne prononce pas le mot, car se serait rentrer dans un intime qui pour le moment n'a pas sa place. Il laisse tomber sa tête en arrière après avoir tout sortir dans un ton hésitant et perdu. Il ne sait même pas si ses phrases avaient un réel sens. « Je ne sais pas ce qui m'arrive .. mais ça me fait flipper. »
Il est désarmé face aux émotions et aux ressentis qui l'assaillent depuis sa rencontre avec Wen Tao.
Doit-il maudire ce jour ?
Ou se laisser porter par ce que cette rencontre éveille.

@Zheng Qiao

Malheureusement, Angel y avait déjà réfléchi, à se trouver de nouveau passe-temps pour l’occuper. Il s’était même fait une liste, pour ne pas en oublier. Les échecs se divisaient en deux catégories : à cause de sa main, à cause de son cerveau. Dans la première partie, il y rangeait l’écriture, l’origami, le jeu vidéo et la cuisine. Dans la deuxième, et c’était le plus humiliant, il y pouvait y mettre les recherches en ligne (pour ses plantes principalement, lui qui est fan), de nouveau le jeu vidéo, l’apprentissage d’une nouvelle langue et le chant. Et, au risque de faire de nouveau brûler une poêle ou encore d’entendre son hamster couiner après un énième essai de cordes vocales, il se voyait mal réessayer. De plus, n’étant pas un grand fan des réseaux sociaux lorsqu’il pouvait les éviter, c’est-à-dire hors de son travail, il ne voyait rien d’édifiant à scroller sur son téléphone. Le temps était donc long, d’où ses fréquentes sorties, qui l’avait poussé jusqu’à arriver à Qiao, celui-là même qui lui conseillait de faire une activité. C’était comme une boucle vicieuse. Et il ne pouvait pas s’en sortir. Secouant son bras abîmé avec précautions, il ne put retenir un rire.

« Je serais ravi d’avoir des idées supplémentaires, parce que toutes celles que j’ai essayé ont lamentablement échoué, si tu vois ce que je veux dire… »

En tout cas, si Qiao était souvent perdu dans ses rêves, sa langue se délia avec une simple question. L’écoutant sans broncher, Angel se mordit la lèvre inférieure en hochant la tête à chaque fois qu’il le pouvait, pour montrer son attention. Wen Tao était celui qui bousculait les expressions de son ami, l’emmenant dans ses songes, envahissant tous ses moments où il s’échappait du réel. Certaines parties de son histoire, enfin, une, lui rappelait une scène bien similaire, qui ne datait que de quelques jours à vrai dire. Avec un docteur qui travaillait et un jeune dessinateur perdu, se rencontrant pour la deuxième fois, créant dans la foulée un accident, accompagné d’une visite de l’hôpital et d’une limonade avec une gamine sur les genoux. Angel savait très bien ce qui arrivait à Qiao, mais il ne le coupa pas, attendant d’entendre jusqu’à la fin. Après tout, il était tout à fait indélicat d’arrêter un amoureux transi en plein exposé de son affection.

Avec délicatesse, une douceur qui n’était propre qu’à lui, Angel lui toucha l’épaule, lui faisant un sourire rassurant. Il est vrai que c’était effrayant la première fois. Comme une chaleur qui fait fondre le cœur, remuant l’estomac à chaque fois que l’on pense à la personne. Pupilles dilatées, genoux nerveux, il s’en souvenait totalement. Sauf que lui, c’était arrivé au lycée. Angel avait toujours été le sweetheart de sa classe, en duo avec Daehyun. Oh, le premier amour lui était tombé dessus alors qu’il passait à côté du terrain de basket. Evidemment, c’était comme dans les manhwa. Seulement, ce n’était pas celui qui faisait tourner toutes les têtes, mais bien son ami. Premier amour, mais première honte aussi. A l’époque, ça l’avait détruit, comme tout le monde, mais il s’en était bien remis depuis. Daehyun avait essuyé ses larmes, lui avait offert une glace et quelques jours plus tard, Angel était de nouveau Angel. Seulement, lui, c’était arrivé il y a longtemps maintenant. Qiao était en plein dedans. Ce qui était amusant vu que le chinois était plus vieux que lui. Mais, ce n’était en aucun cas une compétition. Jamais de la vie Angel ne le jugera. Au contraire, c’était adorable.

« Toute cette histoire est amusante en tout cas, ria-t-il. Pourquoi ça ne m’étonne pas de toi, hein ? »

Nous sommes deux, j’ai fait exactement la même chose récemment. Seulement, ce n’était que pour lui de le dire, et il ne voulait pas faire passer l'événement si marquant de la rencontre entre Qiao et Wen Tao pour quelque chose de banal. Car ce ne l’était pas. Il n’y avait rien de plus intense que lorsque l’on voyait pour la première fois une personne qui faisait battre le cœur. Malgré son habitude de tomber amoureux plutôt facilement, Angel se souvenait de chacune des fois où le monde s’était arrêté pour lui. Lorsqu’il l’avait vu jouer au basket, sa première rencontre avec Seth, le câlin avec Junwei. Toujours plus de couleurs qu’il adorait mettre sur feuille, donnant forme, du bout de ses doigts, à sa propre vie, pour la rendre plus intéressante. Pour qu’elle devienne l’histoire qu’il avait toujours voulu.

« Je pense savoir ce qu’il t’arrive, dit-il calmement, relevant les yeux pour observer le paysage. A toi de voir si tu me crois ou pas… Mais je pense, non, je sais, que tu es amoureux de lui. »

Dans ses paroles traînaient la touche de mélancolie qu’il adorait insuffler dans ses narrations. Ce moment où le héros comprend et que tout le bouscule dans le calme de la scène. Il ressent comme un déclic, et ses yeux deviennent encore plus difficiles à dessiner, car intenses. Un défi qu'Angel relevait avec plaisir. Sa main caressa doucement l’épaule de son ami, avant de le relâcher. Il n’y a rien de plus terrible que de tomber amoureux. Il le savait très bien. Mais c’était aussi l’une des plus belles sensations que la vie offrait. L’une des rares que l’on ne voulait jamais rater, malgré la douleur. Il fallait bien le croire, lui dont les jours sont rythmés par des chagrins et des baisers.

@Ih Angel & Qiao

L'artiste, une main en moins.
Devienne comme un oiseau.
Qui a une aile blessée.
L'oiseau ne peut plus voler.
L'artiste, lui ne plus dessiner.
Et c'est son âme qui s'en trouve torturée.
Au point que la vie même.
En perd toute sa belle saveur.
Toutes ses belles couleurs.

Parce que les traits imaginés.
Manquent aux doigts.
Quand ils ne sont qu'illusions.
Parce que les lignes rêvées.
Laissent un vide profond.
Quand elles n'apparaissent plus.

Et sur la toile vierge.
Ne se déverse que les torrents silencieux.
De cette impuissance irrévérencieuse.  
Et Qiao ressent ces sensations extrêmes.
Et ça l'attriste de voir Angel ainsi.
Avec cette part de lui incomplète.

Trouver d'autres activités pour combler ce manque et apaiser la frustration qu'il entraîne. Qiao n'a jamais réellement vécu ce genre d'expérience, lui n'a pas de passion aussi dévorante. Mais il est prêt à aider Angel à trouver une autre voie.
Le temps que son poignet guérisse.
Le temps que tout redevienne comme avant.
Et il sourit le chinois cherchant ce que son ami pourrait faire juste avec une main valide. Il se fait pensif quelques secondes, réfléchissant sérieusement au problème. Ne prenant pas cette affaire à la légère, même si ses pensées étaient pas mal prises par le visage de Wen Tao, il veut donner le meilleur de lui même à cet instant. « Tu as essayé de dessiner avec l'autre main. Même si c'est moins abouti, cela peut peut être t'apporter un peu de plaisir et éviter les frustrations. » De toute façon qui ne tente rien, n'a rien. Il devrait également mettre en pratique ces mots. « Sinon tu peux imaginer ce que tu voudras dessiner quand tu iras mieux et tout noter. Si tu n'arrives pas à écrire je peux te prêter mes mains. » Il se met à rire en secouant ses menottes. « Tu peux aussi profiter de ce temps pour visiter la ville, voir des endroits que peut être tu ne connais pas trop ou en redécouvrir des anciens. T'attarder dans des espaces que tu ne regardais pas vraiment. » Parce qu'il a plus de temps. « Aiguiser tes sens, ressentir les choses autrement que du bout de tes doigts. Quand tu retrouveras leurs usages cela peut donner encore plus de profondeur à tes dessins. » Il ne sait pas si ces idées pourront lui être utile.
Mais il parle avec sincérité.
Voulant vraiment aider son ami.

Puis la conversation se centre sur Qiao, ou plutôt sur ses rêveries qui n'ont pas échappé à Angel. Et avec pudeur il dévoile ce trouble qui le saisit depuis que sa route à croiser celle de Wen Tao. Il ne sait que penser de cette griserie, de cette ivresse nouvelle. Qui le prend n'importe quand, n'importe où. Le surprenant avec délice et fièvre. Le laissant démuni face aux battements de son cœur et à la chaleur qui se diffuse dans son être.
Mettre un nom sur ses émotions.
Lui fait peur.
Et il est réaliste Qiao.
Trop parfois pour un rêveur.
Quoi que ses rêves se réalisent rarement.
Alors il évite de les imaginer en train de prendre forme. Préférant les voir s'inscrire dans des nuages qui passent, emportant ses désirs secrets vers des horizons lointains.
Sans fin.
Et il y a cette peur profonde.
Contre laquelle il ne peut lutter.
Même si sur l'instant le geste et le sourire de Angel le rassurent. « Amusante. Personnellement cela me terrorise. J'ai la sensation que ma vie c'est d'un coup compliquée sans avoir rien demandé. » Parce que ces émois là jamais il ne les avaient ressenti Qiao. Jamais ce trouble, ce chamboulement l'avaient gagné le laissant démuni et en même temps empli d'envies nouvelles.
D'envies de plus.
Envies irréelles.
Mais terriblement tentantes.
Au point qu'il se laisserait capturer si un facteur ne venait pas tout mettre en pièce pour le ramener dans sa dure réalité. Ses cicatrices. « Ah bon et il m'arrive quoi ? » Sa voix se fait presque impatience d'entendre ce qu'au fond il sait déjà. Mais refuse avouer. Parce qu'il sait que c'est inutile d'y penser. Et son regard s'arrête sur les lèvres de Angel attendant la vérité.

Le temps se stoppe.
Comme si l'importance de la vie.
Prenait racine à cette seconde.
Et les mots tombent, déroutant mais pas surprenant au final. « Hein !! Quoi ?? Non c'est impossible .. » Et pourtant l'évident c'est dessiné dans chacun de ses mots et elle se dessine dans chacune de ses réactions depuis qu'il a croisé Wen Tao. Il soupire. Il savait Qiao mais n'osait, n'osait le dire. « Pourquoi faut-il que je tombe am .. » Nouveau soupir alors qu'il prend sa tête entre ses mains. « Amoureux d'un mec inaccessible. Mon cœur n'a jamais aimé et il décide de l'aime LUI. »
Lui si parfait.
Lui si beau.
Lui si riche.
Alors que Qiao n'est fait que d'imperfections, renforcée par ses cicatrices. Renforcé par son statut social et financier. « Je suis un homme perdu Angel. Condamné à souffrir. Il est tout et je ne suis  … rien .. »
Il ne peux que rêver de Wen Tao.
Mais son rêve devient un poison.
Et il pourrait bien finir par y perdre son souffle.
« Je ne pourrais jamais me montrer à un homme comme Wen Tao. Comment il pourrait accepter les marques que portant ma peau ..  »
Et tu en veux d'avantage à ton père.
Pour ce cadeau gravé à jamais dans ta chair.
A cet instant tu rages de cette colère qu'il a déversé sur ton être.
Sans ménagement.

@Zheng Qiao

L’autre main ? Il est vrai qu’il n’avait jamais trop essayé cette technique. A l’école d’art, les professeurs les avaient souvent poussés à ce qu’iels expérimentent. Angel avait été assez original pour ne pas utiliser son propre sang dans un projet, comme à peu près quatre-vingt cinq pour cent des autres étudiant.e.s avaient fait. Il avait plutôt été partisan de créer sa propre peinture à partir de pierres et de fleurs, revenant à une technique primitive des premières couleurs. Loin d’être novateur, il s’était donné du mal pour une résultat plutôt satisfaisant, ainsi qu’un point sur l’investissement. L’une de ses camarades avait opté pour quelque chose d’encore plus conceptuel et avait fait un projet en utilisant uniquement de la lumière et des ombres. Elle avait eu la note de l’originalité et de l’expérimentation. Toujours, il n’était que le personnage secondaire. Alors, en un sens, utiliser sa main gauche pouvait être un nouvel exercice, dans l’idée de le pousser hors de sa zone de confort. Plus qu’il ne l’était à chaque fois qu’il publiait sous son pseudonyme, son manhwa digital, regardant entre ses doigts les commentaires dans l’espoir de ne pas mourir sous les coups des critiques peu constructives. Qu’avait-il à perdre en essayant ? Ce n’est pas comme s’il allait les montrer au public, ou à n’importe qui ; ce n’était que pour passer le temps, sortir de l’ennui.

Toutes les idées qu’il lui fournissait étaient bonnes à prendre. Angel se permit de méditer un instant dessus, principalement sur l’idée de sortir et d’observer. Le monde, il le connaissait bien, pour l’avoir toujours observé derrière ses lunettes. Des papillons qui virvoltaient paisiblement dans le jardin de ses mères, jusqu’à la légère cicatrice au coin de l'œil d’une amie à Los Angeles. Il avait appris deux langues, avait grandi entre deux pays, même si son cœur restait accroché à la Corée. Mais avait-il réellement regarder ? Voir, ce n’était pas porter attention sur ce qui entourait son existence. Peut-être qu’Angel n’avait qu’une vision superficielle de la vie qu’il pensait mener. Depuis tout ce temps, où il n’avait fait que courir après un rêve d’enfant, se revoyant déjà accrocher sur le frigo une histoire idiote sur une coccinelle et une abeille chez ses parents. Maintenant qu’il était coincé, acculé et mis à l’écart pour son bien, il avait toutes les minutes qu’il voulait pour se balader et crocheter quelques images pour le futur. Une remarque lui vint, et il esquissa un sourire. “Personne ne pouvait vous offrir plus de moyens de rêver, qu’un rêveur.”

« Je pourrais effectivement, concéda-t-il. Mais je doute de pouvoir les montrer à qui que ce soit, j’aurais trop honte ! (Un rire lui échappa.) Autrement, j’avoue que sortir et me disperser dans le monde, ce ne serait pas si mal que ça. Mais… serais-tu prêt à m’accompagner ? Après tout, comme tu as dit, j’aurais peut-être besoin de tes mains. »

Ce n’était qu’une proposition comme ça, mais il le voulait d’un côté. Ils avaient l’habitude de se retrouver et de partager un moment au calme, perdus dans le calme à s’occuper. Et si, pour une fois, ils le faisaient à deux ? Qiao et Angel, à juste tenter d’en apprendre un peu plus sur le cosmos des décors. L’art et le rêve étaient deux amis proches, qui ne se détachaient que lorsque l’un d’eux était bousculé dans un sens mauvais. Angel n’avait cessé de créer, tandis que Qiao se laissait dériver dans le grand univers. Ils formaient un bon duo, à leur manière. Un peu décalé, un peu extérieur à l’ordre naturel. Mais ils s’entendaient bien, dans la complaisance de l’infinie de l’imagination.

Être terrorisé par l’amour, cela ne lui était pas arrivé depuis le lycée. Il comprenait, en quelque sorte, que ce fourmillement pouvait devenir un problème s’il était trop pesant, trop présent, trop envahissant. C’était presque comme voir ses propres bafouillements, à seize ans, mais d’un point de vue extérieur. Cela l’avait autant rassuré que marqué, tout en montrant bien le fil conducteur de son futur. Au collège, il n’avait été que le nerd à lunettes, des boutons sur les joues, un appareil dentaire, et des crayons pleins les mains. Au lycée, il avait perdu de ses rondeurs, de ses plaques, avec un joli sourire et des yeux élargis par ses verres. Angel était devenu populaire pour sa candeur. Ainsi que pour son amitié avec le plus charismatique de la classe. Seulement, encore une fois, il n’avait été qu’un personnage oubliable. Même si, en fin de compte, il avait plus de conquêtes à l’heure actuelle, que Daehyun. Sa voix alors, résonna pour lui dire qu’il était amoureux. Qiao était amoureux. Cela se voyait comme le nez au milieu du visage, comme un soleil à l’horizon d’un océan. Il attendit un instant, avant de le regarder et de froncer les sourcils. Il le laissa parler pourtant, avant de poser une main sur le dos du jeune homme.

« Excuse-moi de m’immiscer, mais… Tout ce que tu dis n’a aucun sens. (Il l’avait dit avec douceur, comme toujours, même si les mots étaient quelque peu durs.) Personne n’est inaccessible. Et regarde-toi ! (Il lui releva le visage, le prenant délicatement dans ses mains.) Tu es si beau, si doux, si généreux ! »

Un immense sourire trahissait son visage, réveillant jusqu’à ses yeux. Qiao était géniale, transpirant d’amour. Rien ne lui était impossible, seulement son esprit lui disait le contraire et ça, Angel ne l’acceptait pas. Il fit jouer ses paumes de mains sur ses joues, avant de le relâcher, mais il garda son sourire, ahurissant de clarté. Même si ses yeux avaient été abîmés par le temps et la génétique, Angel pouvait toujours voir ce que cachait un regard lorsqu’il pouvait se focaliser dessus. Même s’il ignorait ce qu’il insinuait en parlant de son corps, le dessinateur s’en moquait bien. Le physique avait certes une part d’importance au premier abord, mais s’il n’y avait rien dans le cœur et dans l’esprit, ce n’était que voué à l’échec. Alors, même s’il ne comprenait pas, n’ayant pas toutes les raisons, il savait que ce qui retenait Qiao était futile.

« Au lieu de te morfondre, tu ne devrais pas plutôt être heureux ? Tu es amoureux après tout ! »

@Ih Angel & Qiao

Propositions qui tombent.
Pour apaiser l'âme en manque.
Du monde ou les couleurs.
Sous les doigts experts.
Savamment se mélangent.
Donner des idées. Aiguiller sans imposer.
Parler de l'autre main.
Celle qui pourrait.
Le temps de la blessure.
Apporter réconfort et occupation.

Peut être que les traits seront.
Moins parfaits.
Mais au moins l'esprit trouvera.
Une sorte de paix.
En voyant la feuille blanche.
A nouveau posséder.
De couleurs juxtaposées.
Délicatement disposées.

Angel semble partant pour cette idée de dessiner avec sa main valide, Qiao lui sourit. S'il a pu aider son ami à oublier un peu sa tristesse, il en est heureux. Car il sait que le dessin est important pour lui, c'est un peu comme respirer ce besoin est vital. « Pas grave si tu ne les montres pas. L'essentiel c'est de te sentir apaisé et de t'occuper. Après tu pourrais peut être être surpris par ce que tu sortirais. Alors ne juge pas trop vite attends de voir ce que tu peux faire. » Il n'y a pas que cette proposition, dans celles citées. Ne pas pouvoir passer ces heures à crayonner sur du papier peut donner l'occasion à Angel de voir le monde, enfin la ville de Busan sous un autre angle. D'ouvrir son imagination pour emmagasiner des informations qu'il pourra, quand sa main sera soignée, retranscrire. « Oui cela te changerait les idées et occuperait ton esprit à d'autres inspirations. Et je t'accompagnerais avec plaisir. Mon côté rêveur te montrera la ville sous une autre forme. »
Et dans ses yeux déjà des étoiles.
A l'idée de partager ces moments.
A découvrir des horizons nouveaux.
Ou en redécouvrir sous une autre facette.
De quoi enchanter Qiao, et puis Angel il l'apprécie et passer du temps avec lui est une activité fort agréable. Même quand le silence les enveloppe pour les laisser pleinement s'abreuver de l'instant. Il n'a jamais posé ses rêves sur du papier Qiao, les gardant bien au chaud dans sa tête. Ne les laissant s'échapper que pour les voir danser dans le ciel. Mais avec Angel à ses côtés, ses rêves peut être pourraient danser sur des pages blanches. En tout cas il est emballé par l'idée de ces futurs instants contemplatifs et certainement très inspirants.

Puis un autre sujet prend racine dans cette discussion simple. Les sentiments. L'amour. Qiao en rêve, mais il se met des barrières parce qu'il a cette peur accrochée aux tripes. Il a tellement vu le dégoût dans les yeux de certains de ses amants. Qu'il a fini par se dire que ce sentiment ne serait jamais fait pour lui. Il aurait des aventures, mais la grande aventure il ne la vivrait pas. Qui voudrait d'un corps abîmé comme l'est le sien. Marqué à vie de cette rage paternelle qui a présent régit ses désirs. Au final d'une certaine manière son paternel a obtenu ce qu'il voulait. Il a fait de lui un être faible qui même s'il assume ses attirances ne peut pas les mener jusqu'au bout.
Car vivre toute sa vie aux côtés d'un homme.
C'est tout ce qu'il désire le chinois.
Mais cette chance là.
Lui a été arraché à coups de ceinturon.
Il avait fini par s'y faire, mais depuis sa rencontre avec Wen Tao tout se bouscule dans sa tête et dans sa poitrine. Le PDG éveille tellement de sensations nouvelles et délicieuses. Des sensations brûlantes et déroutantes. Des envies, des désirs, mais l'homme est si parfait comment pourrait-il lui offrir ses imperfections ? Il se confie à Angel qui saisit vite la situation voyant vite les sentiments. Mais Qiao argumente. Jamais Wen Tao ne pourra s'intéresser à lui. Et cette idée lui fait un mal de chien.
Être amoureux de Wen Tao.
Amour sûrement à sens unique.
Et la douceur des mots caresse la douceur des gestes.
« Tu ne vois que mon visage. Certaines parties de mon corps sont loin d'être aussi belles. Même moi je ne supporte pas de les regarder  .. alors un autre comment le pourrait-il ? » Et la honte se dessine sur les traits du chinois, rougeurs sur ses joues, tristesse dans ses yeux malgré le sourire délicat de Angel. « Et la laideur que je porte à même mon corps jamais elle ne s'effacera du comprend. Je sais combien il est difficile de vivre avec .. je ne peux l'imposer à un autre. »

Et une nouvelle fois tu maudis ton père.
Car cette horreur c'est lui qui l'a dessiné sur ta peau.
Imprégnant ta chair de sa rage.
Qiao soupire, il c'est toujours dit qu'il surmonterait ces cicatrices pour montrer à son père sa force. Et là il est juste perdu, et autant fragilisé qu'au moment ou il prenait les coups. Et malgré le soutien de Angel, l'amour éprouvé ne le fait pas sourire. « Si sûrement. Mais pourquoi être heureux si c'est pour au final être seul. Comment je pourrais lui parler de cette honte que je porte à même la peau ? Comment pourrait-il me trouver beau alors que je me trouve laid ? Comment ?? » Il se penche en arrière et ferme les yeux retenant les larmes qui arrivent dans ses yeux sombres. Des perles salées qu'il ne veut pas laisser échapper.
Il se maudit aussi.
Il aurait du se rebeller plus tôt.
Il aurait du arrêter les gestes avant.
Avant que sur sa peau.
Un tableau horrible ne se dessine.
A jamais. Indélébile.

@Zheng Qiao

Ainsi donc, le contrat était passé. Angel tentera de dessiner de la main gauche, dans le but d’expérimenter en dehors de ses lignes de conduites habituelles, et Qiao l’accompagnera aussi dans ses voyages pour découvrir une nouvelle fois la ville. Busan était fascinante. Remplie de merveilles et de cultures, la ville transpirait ce qui se faisait de mieux dans le pays. Si l’on était content de sa technologie révolutionnaire, de ses décors alarmants de hauteurs et vertiges, de sa profusion de surveillance à tout va et de sa vie nocturne perturbée. Angel y vivait car il savait que cette ville pouvait lui offrir le luxe d’une maison d’éditeurs compétente qui veuillent bien de son travail. Et puis, la plupart de ses ami.e.s y habitaient. Tout comme ses mères avant qu’elles ne déménagent pour un coin reculé de la campagne. Même sans être fan de VICE, de ses problèmes et du développement toujours plus compétitif de la science, il devait dire qu’elle avait un certain charme, cette ville. Peut-être pourra-t-il prendre le temps, un jour, de dessiner des décors comme il les perçoit, pour en faire de vraies représentations, au lieu de les présenter comme arrière-plan sans intérêt pour ses manhwa. C’était à réfléchir. Et il en avait tout le temps du monde maintenant.

L’amour flottait dans l’air aussi. Angel voyait, en permanence, le pouvoir de ce sentiment se déversait autour de lui. Il avait, d’ailleurs, vécu plusieurs beaux moments avec. Jusqu’à ce que tout ne soit écrasé par la vie, qui, comme le ferait un enfant sur une pinata, frappait Angel de ses revirements de situation. Un copain qui le trompe ? Un autre qui le quitte parce qu’il n’a plus le temps de s’occuper de lui ? Le dernier qui a une fille et qui a toutes les chances du monde d’être en couple ? Ouais… La roue des relations ne tombaient que sur du rouge pour lui. Mais ce n’était pas de lui dont il s’agissait. Angel avait vu Daehyun tomber amoureux et vivre avec un homme, après toutes ses années de célibat. Maintenant, c’était Qiao qui lui parlait de ses sentiments, très faciles à interpréter, et qui attira un sourire sur les lèvres du dessinateur par la naïveté touchante de l’autre homme. Comment n’avait-il pas pu s’en rendre compte ? Néanmoins, il n’émit aucun jugement. Ce n’était pas un concours ; tout le monde va à son rythme. Il garda le silence également, en entendant les doutes du chinois. Ah… Le corps… Angel hocha la tête, compréhensif. Il avait eu un âge ingrat, au collège, où, en plus de découvrir que les filles ne l’intéressaient pas plus que cela, il complexait sur son acné et son appareils dentaires, en plus des lunettes. Oui, aujourd’hui, tout le monde le trouvait adorable et soufflait sur sa beauté. Mais cela n’avait pas toujours été le cas.

« Tu n’es pas obligé, dit-il alors, avec sincérité. Ton corps t’appartient, tu n’es pas obligé de le montrer à la personne que tu aimes. Et puis, il y a plus simple comme réponse : s’il ne l’accepte pas, ce n’est pas le bon. »

Si l’autre individu, cet homme si inaccessible, ne voyait que le corps, et ne percevait pas ce que Angel avait pu voir, il ne méritait pas Qiao. Pas une seule fois il ne s’était plaint du silence de l’illustrateur, se perdant même dedans pour rêver. Ils avaient toujours pu être en présence de l’autre sans dispute, sans désaccord, avec une discussion calme et posée, entourée d’une atmosphère tout aussi tranquille et dégagée. Angel appréciait le chinois, lui trouvant une douceur qui ne faisait que miroir à la sienne. Bien loin de ce monde de brutes dans lequel ils évoluaient. Ses yeux le suivirent, alors que ses épaules tombaient légèrement. Il ne supportait pas de le voir dans cet état. Cela lui brisait réellement le cœur. Le côté rationnel d’Angel lui disait que cela ne devait pas être si horrible, qu’il devait exagérer. Mais la plus grande partie de lui ressentait bien la douleur, la souffrance, que même ce petit aveu secret avait déclenché. Déposant sa paume de main sur celle de son ami, il lui caressa les phalanges avec affection.

« J’ai lu une histoire, il y a longtemps, commença-t-il. C’était une romance. L’un des personnages avait beaucoup souffert et se détestait profondément. Tellement, qu’il avait l’impression qu’il ne pourra plus jamais tombé amoureux. Après tout, qui pouvait l’aimer s’il ne s’aimait pas ? Hé bien, quelqu’un est tombé amoureux de lui. Et lui aussi, en retour. Je ne me souviens plus exactement mais, même s’il ne s’aimait pas, cela n’a pas empêché l’autre personnage de l’aimer. Et je trouve que l’auteur avait raison… »

Ses doigts se refermèrent autour des siens, dans un espoir de le réconforter. Il ne voulait que le meilleur pour lui. Et il semblait tellement épris, cela serait horrible de ne pas lui prêter mains fortes alors qu’il en a diablement besoin. Pour une fois qu’une de ses nombreuses lectures pouvaient lui apporter assez de matière dans une discussion, il n’allait pas s’en priver. Et puis, il était plutôt d’accord. S’aimer soi-même n’était pas un critère dans une relation. Après tout, tout le monde tombait amoureux, parfois même de manière tellement surprenante que l’on se demandait s’il n’y avait pas une erreur. La vie n’offrait que peu de moments de paix et se prenait toujours un malin plaisir à revenir vous dire d’à quel point tout bousculer n’importe quand. Que tu sois prêt ou non à l’encaisser, cela arrivait. Il se rapprocha imperceptiblement de son ami, lui apportant une épaule s’il voulait ou juste une présence, offrant toute sa douceur en réconfort.

@Ih Angel & Qiao

La solution est trouvée.
Le dessin restera la passion.
Il n'y aura que le crayon qui changera de main.
Et dans cette expérience nouvelle.
Qiao sera là pour épauler.
Pour découvrir aussi la ville.
Sous une autre facette.

Peut être que ses rêves prendront vie.
Sous les traits colorés de son ami.
Peut être qu'ensemble.
Ils donneront à cet handicap passager.
Une saveur plus douce.
Et puis être avec Angel.
Et toujours un agréable moment.

Les deux hommes ont décidé.
C'est ensemble qu'ils mèneront cette quête.
Gardant en tête que chaque instant.
Est fait de magie.
Même si personne ne parsème de la poussière de fée.

Puis la discussion prend une autre tournure, plus personnelle. Qiao était perdu dans ses rêveries quand Angel est arrivé. Et bien sur ce n'est pas passé inaperçu. Il porte même les traits de cet instant sur son visage, dans ses pupilles. Parce que Wen Tao s'impose sans qu'il ne puisse dompter ses pensées. Le PDG semble envahit chaque centimètre de son être avec délectation. Et le chinois saisit bien que ce n'est pas anodin.
Et toutes ses sensations lui font peur.
Lui mettent des doutes.
Il se sait si imparfait Qiao. Comment un homme comme Wen Tao pourrait vraiment le regarder ? Et tout se bouscule dans sa tête, mettant un bordel monstre. Aiguisant des envies tout en affûtant des craintes.
Rêver est si facile.
Mais vivre son rêve est si difficile.
En plus le chinois n'a aucune confiance en lui, en son pouvoir de séduction. Il se sait désirable et beau. Mais cette beauté une fois le corps dévoilé perdra toute sa stature. Parce que le corps est marqué, abîmé et que pour l'aimer il faudrait être aveugle. Qiao devrait savoir qu'il n'y a pas que le corps dans un être, il y a aussi l'âme, l'essence même qui fait la personne. Mais il doute d'avoir ce pouvoir là. Comme il doute de ce qu'il éprouve et qui le bouscule comme une tempête.
Et pourtant l'évidence s'écrit dans ses paroles.
Et Angel y pose un nom dessus.
L'amour.
Qiao est amoureux.

Mais il y a toujours ce mais et cette peur. Cette horrible peur. Jamais Wen Tao ne pourra partager ce sentiment avec lui. Et s'il a une chance que ça arrive quand il verra ses cicatrices il fera comme ceux avant lui, il fuira ou détournera les yeux. Et Qiao finira blessé et meurtri. Détruit. Comme jamais il ne l'a été. Angel essaie de le rassurer. Mais le doute est bien ancré.
Tenace et vorace.
« Mais se serait comme mentir d'agir ainsi. Se serait une preuve de non confiance. Parce que lorsque tu tiens à quelqu'un que tu l'aimes, tu es censé l'accepter tel qu'il est. C'est ce que j'essaie de me dire. Mais à chaque fois tout est parti en éclat. Ne sont restés que mes cicatrices et le vide après le tumulte. » Même si cette fois, même s'il a encore du mal à y croire, ce qu'il éprouve est bien plus fort, plus déroutant, plus déstabilisant. Jamais il n'a éprouvé pareille tempête. « Enfin je ne sais pas. Tant bien je me fais des idées, enfin c'est juste moi qui vois des choses qui au final n'existe pas. Wen Tao est un homme charismatique et de pouvoir. Il doit certainement être fiancée. » A la fille d'une riche famille, qui ne fera pas tâche à ses côtés. Et puis avec sa place dans la société comment accepter une relation avec un homme.
Toutes ces réflexions le bousillent.
Le mettent à mal.
Il devrait oublier.
Il devrait l'oublier.

Et le silence suit les mots. La douleur semble immense. Insurmontable. Qiao a traversé des épreuves, et ce dés son plus jeune âge. Mais imaginer du dégoût dans le regard de Wen Tao, il ne peut s'y résoudre. Il ne l'accepterait pas. Et du dégoût dans les yeux de ses amants, il en a vu. Trop souvent. Il a été peiné, marqué, mais il est passé au dessus, il a continué à avancer. Mais face à Wen Tao tout est différent.
Il ne l'acceptera pas.
Jamais.
Cette fois ça le tuerait.
Et il maudit d'avantage son père, instigateur de toute cette douleur qui s'écoule dans son être comme un poison violent. Et une nouvelle fois Angel se fait rassurant par ses gestes. Il y a de la tendresse dans le frôlement de ses doigts, et ça réchauffe le cœur de Qiao. Même si ça n'apaise pas ses craintes.
Sa crainte.
Celle de perdre un homme.
Avant même de l'avoir conquis.
Il reste posé contre lui, écoutant d'abord son souffle avant de l'écouter parler. Raconter cette histoire sur cet homme qui ne s'aimait pas mais qu'un autre avait aimé. Il est vrai qu'il est compliqué de se dire qu'on peut être aimé quand à la base on ne s'aime pas soit même. Qiao se fait horreur à chaque fois qu'il se voit dans un miroir. Il évite cette situation le plus possible. Car la vison de son corps marqué des coups de ceinturon ne fait qu'accentuer son dégoût. « C'est une belle histoire mais cela reste une histoire. La vraie vie est tout autre. Mais il est certain que si Wen Tao venait un jour à m'aimer tel que je suis avec cette laideur que je porte à même la peau. Je pourrais peut être finir par m'aimer un peu. » Il soupire, serrant les doigts qui se sont liés au sien.

Et ils restent là l'un contre l'autre alors que le silence une nouvelle fois s'impose. Temps qui suspend sa course. Qiao laisse ses yeux se perdre dans le ciel, évasion vers une contrée qu'il trouve apaisante. « Merci Angel pour ton soutien. Merci de me faire comprendre que même si je ne me trouve pas beau quelqu'un pourra un jour me trouver beau. Beau au point de m'aimer. » Et si cet homme est Wen Tao se sera encore mieux. Mais cette histoire là n'est pas encore écrite, le premier chapitre vient juste de se terminer. Il y en aura d'autres c'est sûr, notamment pour acquitter la dette. Ces chapitres là se mettront en place petit à petit. A voir s'ils marqueront les deux hommes en les liant d'avantage. « Je vais y croire »
Il veut y croire.
Et il se met à sourire. « Heureusement que tu es venu. J'aurais fini déprimé sinon. » Alors que là Angel a fait naître un infime espoir.

@Zheng Qiao

Ses mots devenaient court d’eau sous la poésie de Qiao. L’observant avec de grands yeux derrière ses lunettes, Angel surprit son souffle arrêter en l’écoutant. “Ne sont restés que mes cicatrices et le vide après le tumulte.” En lui résonnait cette phrase, comme un écho à tous ces soirs où il s’était roulé en boule sur le sol de sa cuisine, à pleurer en attendant que son repas soit prêt. Toutes ses fois où il avait soudainement fondu en larmes au travail, le lendemain d’une rupture, parce qu’il n’arrivait jamais à cacher ses émotions. Tumulte. Angel était le tumulte qui ne supportait pas le vide. Il avait besoin de plus. Qiao lui ne vivait que le vide, après chaque abandon, après chaque révélation. Il y avait une boucle, quelque chose, qui les empêchait, l’un comme l’autre, d’avoir cette relation où tout ira bien, quoi qu’il arrive. Un sourire triste anima son visage, alors qu’il baissait la tête, observant le sol du parc avec une nouvelle attention. Puis un rire lui échappa, mélancolique, et sans aucun doute déplacé, mais il ne pouvait s’en empêcher. Toute cette histoire semblait trop proche de la sienne. Heureusement que les noms ne concordaient pas, sinon, il pourrait se faire des idées.

« Excuse-moi, mais tout ce que tu me racontes, on dirait presque ce que je vis en ce moment. (Il le regarda alors, les yeux pétillants.) Moi aussi, je suis amoureux d’un homme qui doit sans doute être fiancé, mais ça, c’est parce qu’il a déjà une fille que je le pense. (Puis il pencha la tête sur le côté.) Même si Wen Tao semble extraordinaire, tu l’es tout autant. Et ce n’est pas le charisme ou la richesse qui définit une personne, tu sais. Il y a bien plus… »

Car après tout, même si les visages sont les premiers à attirer l’attention, il y avait tout le reste, comme un univers se dévoilant sous les traits, parfois construit en murailles. Angel était tombé amoureux de la manière dont Junwei l’avait réceptionné quand il s’était jeté dans ses bras la première fois, lorsqu’il lui avait souri en lui rendant son dessin, lorsqu’il l’avait encouragé alors qu’il retournait à son entretien, qu’il l’avait attendu pour savoir comment cela s’était déroulé. Il avait perdu toute logique en le voyant lui offrir de l’aide à l’hôpital, lui présentant sa fille avec affection. Elle aussi l’avait charmé, en lui parlant comme s’il était déjà un ami. Il y avait toutes ses petites choses, qu’il ressentait comme une réponse positive à ses sentiments qui grandissaient. ll était faible pour l’affection, pour l’attention, pour les gestes du quotidien qui paraissaient anodins, pour cette promesse de se revoir. Qiao était un rêveur. Alors peut-être pouvait-il comprendre, lui aussi, que l’illusion n’en était pas toujours une.

L’illustrateur s’appliqua alors à raconter une histoire. Elle n’était pas longue, mais elle savait qu’elle pouvait transporter beaucoup. Il avait pleuré en la lisant - mais il pleurait toujours pour beaucoup de chose, que ce soit pour le réel ou le fictif - tant l’implication de l’amour dedans était forte. Les deux protagonistes ne se battaient pas pour s’aimer l’un l’autre. Non, ça, ils y arrivaient très bien. Mais c’était leurs propres démons qu’ils combattaient, grâce à ce même sentiment, pour pouvoir rester ensemble. Le corps, la santé, les études, la famille, la situation sociale, le travail, les erreurs du passé, tout pouvait jouer contre eux, les séparer pour toujours. Pourtant, ils s’accrochaient, s’épaulaient, surmontant les épreuves une à une. Et Angel savait que ce genre de chose était possible. Peut-être qu’il n’en fera pas l’expérience lui-même. Mais n’importe qui méritait de trouver cette personne qui serait prêt à tout pour voir l’autre sourire le matin, au réveil, pour commencer une nouvelle journée. Il voulait trouver la personne avec qui il vieillira. Était-ce trop demander ?  

Malgré le scepticisme de son ami, Angel sourit doucement en l’entendant, caressant tendrement ses phalanges de son pouce. Il lui souhaitait que ses sentiments soient réciproques, qu’il puisse connaître un moment de bonheur et non de dégoût, qu’il apprenne à s’aimer autant qu’Angel lui portait son amitié. Le silence qui s’en suivit fut réconfortant, plongé dans l’éphémère de la saison, alors que le parc vivait autour d’eux, que la journée passait tranquillement. L’espace d’un instant, ils étaient revenus aux bases de leur rencontre, à l’essence même de leur première discussion. Angel songea qu’il devrait peut-être tirer le portait de Qiao un jour. Ici, pourquoi pas ? Des couleurs de son aquarelle sur une petite toile, pour montrer la personnalité de son cher ami. Ses doigts s’allégèrent dans les siens.

« Tu es beau, répondit-il. Et n’importe qui serait fou de ne pas t’aimer. »

Il n’avait pas pensé devoir discuter de tout cela aujourd’hui, lui qui avait à peine retrouver un ami pour passer une après-midi agréable. Mais ce n’était pas si dérangeant. Il avait trouvé les bons mots, dans l’espoir de lui en insuffler un peu. Parce que Qiao méritait de vivre heureux, de connaître une relation épanouissante au possible. Comme lui. Mais étrangement, vu comment il était partie, il songea que l’autre jeune homme réussira son but bien avant lui. Son cœur se gonfla de bonheur en l’entendant. Il se sentait utile et c’était satisfaisant. Il espérait seulement qu’il ne lui avait pas dit cela pour lui faire plaisir. Sinon, il se sentirait terrible d’avoir incité de la pitié par ses discours ratés, plutôt que d’avoir réellement pu apporter son aide. Il fallait qu’il lui fasse confiance sur ce coup-là. Mais Angel n’avait aucun problème à le croire.

« Je ne m’appelle pas Angel pour rien, s’amusa-t-il. Je suis le gardien qui veille. (Avec tendresse, il lui tapota les doigts.) Tu sais que je serais toujours là pour t’écouter… (Puis, trois petites secondes de pause.) Ça te dirait un jour, de poser pour moi ? Pour que je te dessine ? »

D’avoir une figure à reproduire, cela lui manquait. Il ne faisait que travailler dans le digital, ne s’autorisant des fantaisies que pour poster sa petite histoire personnelle. Même s’il lui manquait sans doute les matériaux, il serait ravis de le faire pour son ami et de lui offrir. Pour reprendre un peu les habitudes qu’il préférait. Dans cette société où tout était relié à un écran, il voulait prendre le temps de faire sa représentation du rêveur. Et qui de mieux que celui qui se tenait à côté de lui actuellement ?

@Ih Angel & Qiao

L'amour Qiao a envie d'y goûter.
Il veut même s'y attarder.
Le voir gonfler son cœur d'un nouveau souffle.
L'amour d'un homme.
L'amour pour un homme.
Sans retenue, sans peur des lendemains.
Mais il y a toujours ces cicatrices.
S'il a lutté contre son père pour imposer son attirance.
Profondément sont ancrés les mots et les gestes.
Et quand il voit le ciel s'ouvrir.
Il ne peut s'empêcher de lui se fermer.
Par peur qu'on le trouve laid.
Parce qu'il sait que ses marques mettent un frein.
A une réelle relation.

L'amour rend aveugle.
Mais dans son cas.
Quand il se dévoile entièrement, totalement.
On ne voit que cette disgrâce.
Celle que son père durant des années lui a déposé sur sa chair.
Rougies et violacée à présent.
Même si sa mère l'a soigné, certaines sont imposantes.
Mal placées et repoussent ceux qui avait fait un pas vers lui.
L'amour rend aveugle.
Mais dans son cas.
Il ne voit que les marques quand l'intimité prend place.

Et il a peur Qiao, peur qu'avec Wen Tao se soit pareil. Que l'attrait s'efface quand il le verra nu sous la lumière. Quand toute l'horreur de son enfance, de son adolescence de ses années de jeune adulte, se fera vibrante. Même s'il explique la nature de ses cicatrices est ce que les explications seront suffisantes pour que le PDG passe au dessus. Il a vu un homme bon, au travers de leurs discussions. Un homme qui semble aussi avoir ses démons. Mais est ce que se sera suffisant pour envisager de prendre la même route ? Les codes de la vie quand on aime un homme sont faussés, malmenés. Ne préférera t-il pas une route plus facile ? Qu'une route sinueuse aux côtés de Qiao ? Et tous ces questionnements le troublent et le perdent.
Jamais il n'avait ressenti tel désarroi.
Mais jamais un homme n'avait éveillé en lui pareilles sensations.  
Et Angel se fait rassurant alors que Qiao semble s'ébranler de toute part comme s'il était fissuré. Mais ne l'était pas un peu au final avec tout ce qu'il a traversé ? Avec tout ce qu'il a encaissé ? Et son histoire fait faire des parallèles à son ami sur sa propre histoire. Il l'écoute attentif. « Ce n'est parce qu'il a une fille qu'il a une fiancée. Il peut être divorcé ou père célibataire. Il y a plein de possibilités. Du coup tu es amoureux mais tu ignores si ce sentiment est partagé. » Soupir presque blasé. « L'amour est tellement compliqué. Et cela semble si douloureux. Oui je m'en doute. Comme il n'y a pas que le physique. Il a aussi la personnalité en elle même. J'en rencontré d'autres hommes beaux, mais aucun ne m'a fait l'effet que me fait Wen Tao. Rien que de parler de lui j'ai les mains moites et le cœur au bord de l'explosion. » Il se met à sourire. Et il n'y a rien eu entre eux. A part ce baiser fulgurant et exquis. Qui a chaque fois qu'il y pense le fait rougir comme une tomate. Mais un baiser cela veut rien dire, même s'il était désiré.

Et si parfois l'esprit de Qiao s'égare vers une autre galaxie au doux visage de Wen Tao, il écoute Angel. Son ami s'y connaît en amour et il fait de son mieux pour rassurer le chinois qui découvre vraiment ce sentiment doux comme du miel mais qui peut devenir un poison violent. Il appuie même ses mots de gestes tendres. Le rêveur pourrait vraiment se prendre à rêver d'une histoire féerique aux côtés du PDG. Mais il garde les pieds sur terre pour ne pas finir au fond du trou. Il sait que son visage attire, que son sourire séduit. Ces atouts là, même sans le vouloir, lui ont permis d'attirer des garçons. Mais il a vu le regard de ces mêmes garçons quand sa peau nue a dévoilé les stigmates de son passé. Le rejet de son père sur sa sexualité, la honte aussi de savoir que son fils n'avait d'yeux que pour le même sexe. Alors qu'il aurait pu avoir à ses pieds toutes les filles qu'il voulait.
Mais Qiao ne s'est jamais forcé.
Et ne voulait nullement blesser ou offenser son père .
Il n'a pas choisi.
Il a juste tout fait pour s'affirmer.
Et le fait encore aujourd'hui.
Même si parfois c'est compliqué.
« Merci. Je vais essayer de penser plus positif et de me dire qu'un jour un homme verra cette beauté là et oubliera la laideur laissé par mon père. » Il veut y croire Qiao, car il n'a pas envie de finir seul. Il a tant d'amour à donner, que ça pourrait l'étouffer s'il ne parvenait pas à le partager. « En effet tu portes bien ton prénom. Un ange tout droit tombé du ciel. » Il lui sourit d'un sourire enfantin, plein d'innocence mais aussi d'espoir. Et le sujet de conversation change. Le chinois regarde son ami surpris par sa demande. Il a vu maintes fois dessiner mais de là à poser pour lui. « Euh !! » Hésitation. « Pourquoi pas. Je n'ai jamais fais ça. Mais cela peut être une expérience amusante. Qui sait mon visage deviendra peut être célèbre sous tes traits de crayons. » Et il se met à rire ce qui le détend un peu. « Tu sais Angel, je pense qu'être aimé vraiment totalement, sans retenue cela doit être une sacré aventure. » Et il lève les yeux au ciel comme s'il adressait une prière.
Celle que Wen Tao.
L'aime au moins un peu.

@Zheng Qiao

Oui, peut-être que Junwei était divorcé. Après tout, il n’avait pas de bague au doigt. Mais Angel avait appris, à ses dépends, que ce n’était pas toujours un signe encourageant. Il ne fit que hausser les épaules. L’histoire allait suivre son cours, et s’il s’avère que tout se passe bien, il ne pouvait y avoir que le bonheur à la fin du chemin. Angel y croyait - comme à chaque fois - ; Junwei pouvait être le bon, le dernier de la liste, celui qui clôturait toutes ses années folles de coeur brisé et de déception. De nouveau, il se concentra sur son ami, l’écoutant parler de l’amour. C’était amusant de voir qu’il connaissait les symptômes mais pas la cause. Le corps réagissant à mille à l’heure, alors que l’esprit n’arrivait pas à assimiler. Qiao était atteint, complètement, de cette maladie qui bousculait absolument tout. Malgré tout, Angel avait dû poser les mots dessus. Parfois, il en faut beaucoup pour se rendre compte de l’évident L’amour devrait être un sentiment heureux. Mais, cette émotion était plus souvent rattachée à la peur, à la tristesse, voire à la colère ou l’incompréhension. Dans les mythologies antiques où plusieurs dieux couraient encore sur Terre, la guerre et l’amour se faisaient plus souvent amants qu’ennemis. Comme une lutte, toujours plus acharnée, pour arriver là où d’autres n’ont parfois qu’à claquer des doigts pour obtenir. Angel tombait amoureux, avait eu des relations, avait trop souvent perdu au jeu. Et Qiao ne méritait pas cela. S’il était autant embourbé dans ses sentiments, il ne fallait qu'espérer que la fin de partie soit celle de la main chanceuse.

« Tu es vraiment amoureux de lui, hein, remarqua Angel en souriant doucement. Nous n’avons qu’à croiser les doigts alors, pour réussir dans nos conquêtes ! »

C’était toujours dans ses habitudes d’aider les esprits malmenés par un brin de joie et d’espoir. Plus que d’aider des causes perdues, plus que de les prendre en pitié, il voulait réellement aider, étant certain que tout à chacun pouvait voir des jours meilleurs dans le futur. Il n’aimait pas les idées de surface, comme lorsqu’on tapote l’épaule de son ami en lui disant que ce n’était pas si grave, qu’il y avait pire dans la vie quand même. Oui, sans doute, mais les problèmes que l’on expérimentait tous les jours étaient tout aussi importants. Il fallait que l’artiste travaille sur les détails pour que le visiteur puisse voir le tableau dans son ensemble, non ? Angel voulait bien prendre la place de celui qui aiguillait pour prévenir les possibles dommages provoqués par les conflits. Il en avait l’habitude maintenant. Même s’il se mettait toujours sous la lumière rouge, ne pouvant se retenir lorsqu’il s’agissait de lui-même s’attirer des problèmes. Enfin… Il ne les cherchait pas vraiment ; il s’agissait plutôt d’eux qui le trouvaient et lui rendaient la vie difficile. Évidemment, il espérait que cette fois soit la dernière, qu’il n’aura plus à s’inquiéter de terminer sa vie seul. Car s’il y avait bien quelque chose qu’il devait craindre, c’était que tout cela ne lui aura jamais amené que des peines et des misères. Angel méritait d’être heureux, de trouver quelqu’un qui prenne soin de lui comme lui prend soin des autres. Sa bonne étoile avait pourtant décidé de n’en faire qu’à sa tête et de le laisser poireauter dans son atteinte encore un peu.

Avec joie, il accueillit donc la résolution de Qiao. Voir le bon côté des choses, toujours attendre le meilleur, oui, pour pouvoir continuer à avancer. Certains diront qu’en faisant cela, on était trop souvent déçu. Mais comment continuer de vivre s’il n’y avait rien pour nous pousser vers l’avant ? Personne ne pouvait prétendre ne plus avoir d’espoir dans la vie. Il y avait toujours un brin de positif à tirer des différentes expériences et conclusions. Angel en était un fervent défenseur, trop souvent vu comme un naïf innocent qui n’y connait rien. Oh, peut-être qu’il n’y connait pas grande chose - après tout, il n’avait connu que des peines de cœur dans sa vie - mais devrait-on forcément avoir de l'expérience pour comprendre ? Il l’encouragea même, de tout ce qu’il pouvait dire. Les complexes étaient difficiles à éliminer, surtout lorsqu’ils s’accompagnaient souvent de regards, de remarques ou d’actions qui supposaient que cela était un vrai problème. Cela était sans doute idiot, mais Angel avait toujours aimer les corps. Peut-être par sa passion pour le dessin, ou celle, plus simple, des hommes, il avait rapidement développé une attirance pour tout type de physique. Cela ne l’avait jamais réellement arrêté dans ses histoires d’amour. Et encore aujourd’hui. Son enfance n’avait pas été toute rose - petit garçon loser classique, muni de l’inséparable appareil dentaire avec les lunettes et les boutons - mais il avait pris confiance en lui au lycée. Et depuis, on le félicitait de son visage attirant. Il n’y avait pas vraiment de quoi. Après tout, il ressemblait à tout le monde. Et tout le monde était plus particulier que lui.

« Qui sait ? répéta-t-il, amusé. Tu pourrais devenir une muse… »

Être aimé. Oui, cela devait être incroyable. Quelque chose de jamais vu encore, quelque chose de merveilleux. Angel avait déjà aimé tellement fort que la déchirure laissa un vide. Son premier amour, qui, plus qu’une simple amourette, avait été un ami avant tout. L’adolescence remplit de regard, de toucher, jusqu’à ce que tout lui échappe des mains et s’éclate violemment sur le sol. Angel avait cru qu’on lui arrachait le cœur à mains nues, les doigts pressés autour de son organe pour l’empêcher de battre. Cet amour, il l’avait détesté au début, se maudissant jusqu’à l’évanouissement. Puis il avait compris la dure réalité des sentiments qui n’étaient pas réciproque. La rumeur n’avait pas fuité. Mais Angel n’en aurait rien eu à faire de toute façon. Même pas un mois après, il avait choisi un rebond, un garçon qui avait lui-même besoin du sien. Et même s’il s’agissait d’une relation fictive, ils avaient tenu presque deux années. La personne qui avait dû se rapprocher le plus de l’amour véritable devait être celui qu’il avait rencontré pendant ses dernières grandes vacances avant l’université, à Los Angeles. Condamnée avant même d’avoir commencée. Mais cette expérience était la plus belle de toutes pour le moment.

« Je pense aussi… (Il lui serra la main, avec tendresse, ne cherchant que l’affection.) Un jour, tu la vivras, ta belle aventure. Crois-moi. »

@Ih Angel & Qiao

Les confidences se délivrent.
Levant le voile sur les sentiments ressentis.
Même si tout reste des balbutiements.
Les contours se dessinent doucement.
Avec pudeur. Avec prudence.
Car l'un comme l'autre.
Ignorent quelle route prendront ces nouvelles relations.
Qiao sait que ses cicatrices peuvent mettre des barrières.
Il a par le passé vécu cette situation.
Ou tout s'est vite effondré quand tout a été plus visible.
Même si là il doit le reconnaître.
Le trouble est bien plus présent que jamais.
Angel lui aussi par le passé à fait les frais.
D'expériences décevantes.

Chacun reste sur ses réserves.  
Même si l'évidence s'écrit dans leurs regards.
Même si les émotions éprouvées bousculent.
Et ouvrent des horizons jamais frôlées.

Et Qiao a du mal à se dire que tout ce qui le perturbe, que ce crépitement, palpitement, est l'écho de son cœur qui tombe amoureux de Wen Tao. Cet homme il le fascine, il l'envoûte, il l'enivre, mais il reste conscient qu'un fossé les sépare. Et que ce fossé pourrait bien mener cette naissance de relation à sa perte. Et puis il est peut être le seul à ressentir cette chaleur intense au fond de ses entrailles. Le seul à être troublé quand les regards se perdent et se captent. Il doute de tout. Et surtout de lui. De son charme. De son charisme. Lui qui a appris, même s'il assume ses attirances pour les hommes, à rester discret. Parce qu'il sait combien certaines personnes ne supportent pas ce fait. Et combien la violence peut venir se greffer quand on sort du moule. Mais il fait confiance à Angel et il l'écoute. Même si la peur vient le caresser. La peur de souffrir si ce sentiment n'était pas réciproque. La peur d'encore subir parce que ce sentiment est interdit entre homme.
Et il ne sait pas s'il doit foncer.
Rester en retrait.
Espérer est déjà une bonne chose.
Mais si tout explose, se relèvera t-il ?
« C'est un mélange étrange de ressentis. La sensation d'être paumé quand il est prêt de moi. Et en même temps il me fait toucher le ciel. Je pourrais voler. Mais j'ai si peur de tomber. » Dérouté, manquant d'expérience réelle dans le jeu de l'amour. Son corps s'était donné, plusieurs fois, il avait reçu en retour. Avant d'être abandonné parce que les cicatrices s'imposaient. Mais son cœur était encore vierge de toutes sensations. Et là rien que d'en parler il en a le souffle coupé. « Oui on va croiser les doigts pour ne pas tomber plus bas. » Parce qu'il n'est pas certain de pouvoir se relever Qiao selon comment cette aventure tourne. Il se doute qu'il pourra compter sur Angel, mais s'il est trop brisé, son ami pourra t-il ramasser tous les morceaux ?
Et s'il essayait d'être positif.
De se dire qu'il en était capable.
Qu'il le méritait.
Même si céder c'était bafoué tous les codes de la vie.
Dans ce genre de moment de doute, les mots de son père reviennent en boucle, comme des bombes ils martyrisent son cerveau de leur brutalité. Et les images des coups donnés s'imposent comme si c'était hier qu'il les avait reçu. Cet enfer qu'il a vécu tant d'année et qui a souvent dicté sa vie. Même si il a continué à se battre pour rester l'homme qu'il était. Même si jamais il n'a tourné sa veste et qu'il a rejeté cette attirance pour rentrer dans le moule et finir avec une femme. Comme son père le souhaitait, comme son père a cherché à lui imposer. S'il l'avait fait, il serait marié, à cette femme de dix ans de plus que lui. Il serait malheureux. Alors qu'il peut être heureux. Faut juste qu'il se fasse confiance.

En tout cas Angel ne le lâche pas et transforme sa vision sombre en une vision plus douce et colorée. Rien ne devait lui sembler impossible. Et son histoire avec Wen Tao pourrait peut être un jour s'écrire main dans la main. Enfin il ne va pas mettre la charrue avant les bœufs. Il essaie juste d'être plus serein et de visualiser avec plus d'audace ce que son cœur lui dit. Ne plus être sourd à cette mélodie pour plus facilement la gérer. Et l'avenir li dirait si oui ou non elle se jouera un jour à deux.
La chute serait rude.
Si elle avait lieu.
Mais avec Angel il avait un allié.
Un ami. Une épaule sur laquelle s'appuyer.
Et ça c'était une force.
Et il apprécie cet échange Qiao, il se sent rassurer même si peut être qu'à la prochaine rencontre avec le PDG, il doutera de nouveau de tout. Et il sourit quand ils se mettent à parler de dessin et du fait de servir de modèle à Angel. Il n'a jamais fait ce genre de chose, mais l'expérience le tente. Et cela le changera de son train train quotidien. Et puis si il peut rendre service à l'artiste il ne dira pas non. « Oui qui sait. L'avenir est plein de surprises n'est ce pas. » Même si pour le chinois, il n'avait rien de spécial physiquement. Bien sur on lui avait dit qu'il était beau. Mais la beauté est toute relative et chaque regard la voit et l'apprécie de façon différente. Elle est éphémère aussi. Mais qui ne tente rien n'a rien.
Et Qiao revient sur ce sentiment.
Qui l'envoûte et le rend curieux.
Même si il l'effraie un peu. Beaucoup.
Et les mots s'accompagnent de gestes amicaux qui montrent l'attachement, la tendresse, l'intérêt. « Et je suis sûr que tu la vivras aussi. » Une qui ne prendra pas fin et qui laissera le cœur en miette comme Angel l'a déjà vécu. Et Qiao sourit, et dans ses yeux nés un nouvel espoir. Celui que cette belle aventure peut être il la partagera avec Wen Tao. « En tout cas merci pour tes mots rassurants et encourageants. Je vais croire un peu plus en moi. Et en l'amour. » Et les yeux de Qiao repartent vers les nuages, dans ces boules de coton qui font voyager son imagination vers bien des horizons. Et le silence enveloppe les deux amis, berçant leurs rêves de futur plus doux.