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Quoi de mieux qu’un festival pour profiter de l’été ! Quoi de mieux l’été que de manger des mangues bien juteuses et bien mûres !
Profiter des biens faits des beaux jours était une des activités favorites de coréennes et des coréens et Busan était très certainement l’un des endroits les plus prisé pour cela. La ville organisait donc tous les ans un festival dynamique dans toute la ville. Offrant un grand nombre d’activités, la mairie ne reculait devant aucune fantaisie, bien sur la majorité des activités étaient co-financée par de grandes entreprises et il était bien rare de voir de petites enseignes se présenter dans les rues. Seul le district de Suyeong se parait de petites échoppes aux tailles inégales et aux couleurs disparates. De nombreux.euses commerçant.e.s avaient fait le déplacement, espérant pouvoir faire augmenter leur chiffre d’affaire. La chaleur environnante ne faisait qu’augmenter à mesure que la place se remplissait de petites ombrelles multicolores, car s’il y avait bien une autre chose que les coréens et les coréennes aimaient pendant les beaux jours, c’était de ne surtout pas exposer leur peau au soleil au risque de brunir leurs visages aux teintes crème et lait si peu naturels.

Partout des couples ne se tenaient pas la main et des enfants portaient des bobs aux couleurs pastel. L’ambiance était à la fête sauf au petit stand à l’enseigne verte peinte à la main et annonçant « mango-bingsu » en orange.
Sous une toile en lin d’un mètre sur un mètre tendu au-dessus de sa tête, Munseo tentait péniblement d’expliquer que s’il y avait écrit « mangue » sur son enseigne, cela signifiait qu’il ne vendait bien QUE des bingsu à la mangue.

- Mais mon fils est allergique à la mangue, on aimerait un bingsu classique aux haricots rouges.
- Je n’y suis pour rien moi s’il est allergique … il y a des vendeurs de bingsu dans toute l’allée, allez les voir eux ! s’impatienta le natif de Seo-gu
- Quel grossier personnage ! ponctua l’importune en prenant la main de son fils fermement dans la sienne et en s’éloignant visiblement vexée.

Munseo soupira et observa les sots de mangues autour de lui. Encore une erreur de commande mais qui cette fois-ci n’était pas totalement de son fait. Ajhumma avait décidé de passer par l’application elle-même, et comme elle n’y comprenait pas grand-chose – tout comme Munseo d’ailleurs -, ils avaient fini avec une vingtaine de sots de mangues devant le magasin.
Une fois n’est pas coutume, Munseo avait réussi à se sortir de ce pétrin en inscrivant son échoppe in-extremis au festival d’été de la ville. Il avait juste eu le temps de bricoler son vieux pousse-pousse à roulette, d’un intégrer un système de refroidissement pour la glace impérative au bingsu et avait fini par descendre en centre-ville. C’était assez plaisant comme lieu, il y avait du monde et de la musique, cela changeait un peu ses habitudes. Seule la température rendait l’exercice un peu difficile. Il avait opté pour un tank-top beige et un short cargo kaki, ne lâchant pas sa casquette noire malgré le tissu qui le protégeait des rayons les plus dangereux du soleil.
Attrapant une mangue au hasard il se mit à la découpée en deux puis à en séparer des petits carrés afin de remplir un petit sot en ferraille remplit de glace. Le bingsu était un dessert très apprécié par ce temps, mais le manque de choix de son échoppe ne rendait pas justice à la qualité des fruits qu’il ne proposait ni au prix très attractifs. Seuls les impatients qui ne souhaitaient pas faire la queue plus de vingt minutes finissaient par se rabattre vers son échoppe.
A quelques mètres de lui, de petits groupes avaient commencé à jouer avec des bouteilles d’eaux, et de l’autre côté de la rue se mettait en place la scène du concours des meilleurs bingsu traditionnels. Au vu du manque de diversité, il ne serait certainement pas sélectionné, et après tout c’était sa première participation au festival, alors il ne fallait pas qu’il soit trop difficile envers lui-même.
Mais enfin il n’allait pas se plaindre, ce n’était pas si désagréable de rencontrer de nouveaux visages ni même de voir quelques-uns connus, il faudrait d’ailleurs qu’il penser à passer au restaurant de madame Wan, qui était dans le coin, afin de la saluer au nom de sa famille.

Prendre un temps pour soi faisait partie des activités préférées d’Angel. Sortir, seul, avec ou sans but, pour tout simplement passer du temps avec lui-même et profiter un peu du calme avant le retour de la tempête. Dans toute cette vie d’occupé stressé privé de sommeil, il arrivait à se consacrer quelques heures pour sa propre santé. Son téléphone devait traîner au fond de son sac, en vibreur, pour que le monde se réduise à ce dehors qu’il ne voyait pas si souvent que cela. Pour couronner sa sortie de la journée, il y avait un festival en bas de chez lui. Pour l’occasion, il avait décidé de bien s’habiller. Pas pour qu’on le regarde, mais tout simplement pour s’apprécier lui-même un peu plus. D’un short vert retrouvé juste au-dessus du genoux, il l’accompagna d’un fine ceinture marron et d’un t-shirt jaune pale. Après avoir farfouillé dans sa boîte à bijoux, il en avait extrait un bijou en résine, donnant l’impression de poissons dans un bocal. Pareillement, il sortit ses chaussures blanches préférées, ainsi que le sac qui allait avec. Dans le miroir, son reflet lui plaisait. Même ses lunettes rondes ne pouvaient pas ternir le look. Si Angel du collège pouvait voir son Angel actuel, il n’en reviendrait sans doute pas. Et cela le fit rougir pour lui-même.

Dans les rues, il déambula en observant son environnement. Des familles et des couples se pressaient contre les différents stands. Différentes odeurs se dégageaient de certains, comme des grillades et du pop-corn, mais la friandise qui faisait sensation était cette glace, le patbingsu. La quasi totalité des enfants en avaient dans les mêmes, tandis que les parents leur demandaient s’ils aimaient ou non. De temps à autres, une voix résonnait dans l’allée, au travers des enceintes, répétant les règles pour le concours du meilleur bingsu. Angel avait toujours son coupon dans la main, n’ayant même pas encore testé. D’après ce qu’il avait compris - pas grand chose en somme - il allait devoir écrire un nom sur son coupon, et le déposait dans une urne. Les votes inscriveront directement l’échoppe. Il avait aussi une liste avec des stickers, et pour le moment, il n’en avait mis qu’un, à un stand de fleurs au début du festival, qui lui avait glissé un bouquet de tournesol dans son sac. C’était perturbant de voir à peu près toujours les mêmes parasols couvrant les micro-restaurants. Certains arboraient même l’empreinte de VICE, ce qui déplaisait toujours au petit dessinateur. Il commençait à se fatiguer de cette entreprise qui lui courait toujours après, lui rappelant sans cesse cette maudite application du cœur, qui ne lui avait été d’aucun intérêt. Quelqu’un l’interpella pour goûter à l’une de ses brochettes ; il accepta, souriant à la petite femme âgée qui le scrutait avec une attention intimidante. Evidemment, pour ses papilles moyennes, c’était délicieux et, victime de sa gentillesse, il en acheta. Et rajouta un sticker sur sa liste.

Ainsi, muni de ses tournesols et de ses brochettes de viandes piquantes, il continua sa quête dans la longue et bruyante avenue. C’était joyeux, sa rue ne connaissait pas beaucoup de ses agitations ordinairement, bien trop coincé dans un train-train mondialisé. Même si, dans son immeuble, c’était bien loin d’être le cas, mais il se passera de tout commentaire. Soudainement, son regard s’arrêta sur un stand quelque peu… particulier. Il dénotait par sa présentation peu soigné, sa rudesse et en même temps, cette simplicité encourageante. Angel remarqua l’écriture à la main, ce qui l’amusa. La personne écrivait bien, pour un panneau. A petit pas, il se rapprocha, détaillant la présence déroutante de sauts de mangues pleins. C’était sans doute la première fois qu’il en voyait autant, et pourtant, il avait grandi à la campagne. Et puis, autre point intéressant : il n’y avait aucune marque sur la toile tendue du vendeur. De quoi lui ravir les yeux, dans ce monde où chaque carré découvert était recouvert d’une image à caractère commercial. Un instant, il se demanda si c’était même très légal, comme implantation. Apparemment oui, vu que personne ne bronchait. Arrivé près du comptoir, il se retint de saisir un mangue. On ne sait jamais…

« E-Excusez-moi… Vous hum… Vous vendez du bingsu à la mangue ? »

A peine les mots sortis, il se rendit compte de son idiotie. Ses pommettes se teintèrent de rose. Evidemment, qu’il vendait de la mangue, Angel ! Reculant légèrement, il se saisit de la hanse de son sac à main blanc. Les fleurs avaient encore la tête levée vers le ciel, sa barquette de brochette contenait un unique et dernier pique de viande. Le soleil brillait, les couples se bécotaient, les enfants riaient. Et lui rougissait comme un idiot devant un vendeur de mangue durant le festival d’été de bingsu de Suyeong.

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Certaines rencontres sont pour le moins … surprenante. Par exemple, est ce que vous vous attendriez à ce que quelqu’un vous demande si vous vendez des bingsu à la mangue, alors que votre enseigne n’affiche que « bingsu-mangue ».
Munseo termina de découper la mangue qu’il avait entre les mains et de positionner les petits dès de mangue dans le récipient à cet effet avant dévisager le garçon qui se trouvait devant lui. Il semblait être déjà passablement encombré entre les feuilles dans sa main et les tournesols dépassant de son sac. Le vendeur de bingsu-mangue se surpris lui-même à sourire à la fois par l’improbabilité de la question autant que par l’improbabilité de la dégaine de la personne qui se trouvait face à lui. Son timide client semblait tout droit sorti d’un dessin animé pour enfants.
Il prit un pique en bois qui se trouvait dans un petit tiroir aménagé pour un ranger tout un tas d’accessoires nécessaires à la vente – sachets en plastiques, petites cuillères en bois, piques, et même un couteau-suisse, on ne sait jamais …
Avec détermination, Munseo planta le pique dans un morceau de mangue qu’il venait de découper et le tendis avec un léger sourire amusé au jeune homme.
Le visage du vendeur perlait de fines gouttes de sueurs et de légers cernes avaient fini par se former, certainement en raison de l’importune cliente qu’il avait vu juste avant.

« Tenez, goutez-moi ça et dites-moi quel fruit cela peut-être. Car c’est le seul que je possède aujourd’hui, et si ça vous convient suffisamment pour être une mangue, alors je vous préparerais un bingsu à la mangue alors. »

Le ton de Munseo était tout à fait naturel et sans arrières pensées. Après tout peut-être que son interlocuteur n’avait jamais vu de mangues entières auparavant. On peut trouver de tout aujourd’hui dans le commerce, mais des mangues entières aussi belles que celles qu’il avait aujourd’hui, cela devait être plus rare. Le commerçant connaissait bien ses fournisseurs, et bien qu’il ne roule pas sur l’or, il offrait toujours le meilleur rapport qualité-prix à ses clients.
Au loin un larsen provint de la scène. Le bruit fut si puissant que tous le monde crispa son visage en même temps, entrant leurs têtes entre leurs épaules dans l’espoir de se protéger du son disgracieux et agressif.

« ashhhhhh, c’est pas vrai… j’ai bien choisi mon emplacement moi tiens… »

En effet, la petite échoppe était pile de l’autre côté de la rue où se passerait le concours et toutes les sonos pointaient dans sa direction. Au moins il serait sur le passage lorsque les gens se rapprocheraient de la scène pour remettre leurs votes. Munseo fit une moue à cette pensée et tourna la visière de sa casquette à l’arrière avant de s’essuyer le front.

« Alors ce fruit ? Juteux hein ? »

Le sourire de Munseo barrait son visage. Il faisait tous ce qu’il pouvait pour être un bon vendeur. Habituellement il ne faisait pas tant d’effort, mais quitte à n’avoir qu’un aliment en réserve autant essayer de faire bonne figure quand un client vous demande pour une fois le bon produit.

Ses yeux louchèrent sur le morceau de mangue qui naviguait gaiement devant lui. Oh… Une légère teinte rouge peignit les joues d’Angel, comprenant que le vendeur agissait en toute bonne fois devant sa panique idiote. Avec un sourire qui se voulait normal - mais qui en ressortit gêné et crispé - il prit le morceau à deux mains, se penchant en avant pour le remercier respectueusement. Un instant, il hésita devant le bonbon orange, se demandant si son étrange impulsivité à venir voir un stand aussi excentrique était de bon goût. Mais la douce odeur de sucre coupa rapidement le discours de ses pensées. Avec précaution, il saisit entre ses dents le morceau de fruit, sentant déjà sur ses papilles se déverser le jus et le goût si caractéristique. Des étoiles s’allumèrent autour de ses yeux. Cela faisait longtemps qu’il avait mangé un fruit aussi sucré et tendre, bien loin de ceux gorgés d’eau des supermarchés, sans saveur et sans tendresse. Angel mâcha avec enthousiasme, se demandant alors pourquoi personne ne venait se presser ici pour découvrir l’improbable merveille de ses trésors.

Un son strident l’arracha à sa dégustation. Il sursauta, se couvrant immédiatement une oreille de sa main libre, le regard tourné vers la scène. Déjà les techniciens s’excusaient auprès de la foule, avant de retourner au travail, réglant le problème le plus rapidement possible. Mais le son resta un instant suspendu dans l’air, flottant dans l’expectative que cela recommence pour le plus grand malheur des passants. L’attention d’Angel s’attarda sur la scène, alors qu’il terminait le restant de sucre sur sa langue. Il est vrai qu’il n’avait pas encore voter pour son stand de bingsu préféré, et que l’heure des décomptes approchait. Puis il regarda de nouveau le vendeur, clignant subitement des yeux en se rendant compte de plusieurs choses. Premièrement, il avait changé la place de son couvre-chef. Deuxièmement, il semblait fatigué, ce qui peina Angel, surtout par cette chaleur. Troisièmement, il était beau. Caché sous l’ombre de sa casquette, le plus jeune n’avait pas perçu son visage. Maintenant, il ne rougissait plus pour sa honte, mais bien pour le regard et le sourire de l’homme devant lui.

« Oh heu… Oui ! s’exclama-t-il alors. Il est très bon, oui. (Il déposa le pique en bois sur le rebord du stand, avant qu’un léger rire ne lui échappe, se moquant de lui-même.) Puis-je avoir du bingsu à ce fruit alors ? »

Il était rassuré de se dire que le vendeur ne le prenait pas pour un idiot fini, qu’il avait encore de l’espoir pour lui, pour lui faire goûter un échantillon afin de le convaincre. Enfin, Angel n’était pas le plus difficile, en termes de client. Il lui suffisait de proposer et, pour faire bonne figure et ne pas décevoir, il acceptait. Pourtant, l’autre homme lui laissa le choix de demander ou non. Au moins, il était mettre de ce qui allait terminer dans ses mains. (C’est ce qu’il pense, n’oublions pas qu’il est influençable, même s’il déteste l’idée de l’être.) Alors, il attendit patiemment le confection de sa glace, fouillant un instant dans son sac pour sortir l’argent liquide qu’il emmenait toujours en festival. Une annonce résonna dans les haut-parleurs et Angel paniqua. « Annonce : Merci de bien vouloir finaliser vos votes le plus rapidement possible. L’urne de dépôt ferme dans trente minutes. » Le jeune homme aperçut sa glace sur le comptoir. Il baissa les yeux sur sa dernière brochette. Et l’addition se fit rapidement dans sa tête.

« Tenez, dit-il en tenant le sachet à l’homme, souriant paisiblement à ce dernier. Vous semblez fatigué, prenez-le. »

Et sans vraiment lui donnait le choix, il le déposa devant lui, se saisissant avec de sa glace, pour laquelle il paya également. Ravi de sa première expérience, il n’hésita pas avant de goûter, s’extasiant sur la fraîcheur dont il avait besoin. Pas qu’Angel n’est laissé une goutte de sueur s’échapper - Daehyun lui demandait souvent s’il était même humain à ce stade - mais c’était toujours incroyablement satisfaisant de se rafraîchir le corps. Et, bien évidemment, il était complètement convaincu. Ses yeux se portèrent sur la ligne de personnes qui se préparaient à laisser leur vote. Aussitôt, il sut ce qu’il devait faire. Coinçant fermement son sac sous son bras, il fit un signe de mains au vendeur, avant de pointer l’urne, de lui sourire, et de partir dans la direction de cette dernière. Il allait voter pour ce stand qui sortait de l’ordinaire. Après tout, il avait été assez patient avec lui pour lui faire goûter une mangue. Il ne l’avait pas poussé à acheter. Et puis, il semblait fatigué et isolé du reste du festival. De plus, la glace était délicieuse. Pas dans sa généralité, mais l’attention portée et le goût exceptionnel de cette mangue transformait toute l’expérience en quelque chose de plus réel. Quelque chose qui lui avait cruellement manqué.  

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Munseo était généralement quelqu’un qui se satisfaisait de peu, faire son travail, aider sa communauté et voir ses ami.e.s lui suffisait. Mais, aujourd’hui, quelque chose dans le sourire de son client animât un sentiment particulier. Il était fier, oui fier. Malgré les reproches, les jugements et les critiques qu’il avait reçu suite à son retour à Seo-gu – non pas de la part des habitant.e.s du quartier mais bien de ses ancien.ne.s collègues du centre-ville… ainsi que de ses parents…-, il était fier de faire ce métier et d’apporter parfois un petit quelque chose en plus que simplement aider à remplir un frigidaire et des estomacs vides. Parfois il apportait une petite étoile pétillante dans le regard, une étoile qui se déclenchait parfois grâce à une belle botte de persil bien fraiche dont l’odeur vient embaumer un lourd sac de course, parfois grâce à l’amertume sucrée d’une mangue.
Sans qu’il eût le temps d’ajouter la moindre parole à son petit hochement de tête en recevant le payement, il se retrouvât avec une brochette dans les mains en plus. Le vendeur ne cachât pas sa surprise et tout son visage s’arrondit en une fraction de seconde. Yeux, nez, lèvres. Même pas le temps de dire merci déjà son client partait après une énième annonce pour ce fameux concours auquel Munseo ne pendait déjà plus. De part le geste du garçon aux tournesols, le natif de Seo-gu nord compris que ce petit rayon de soleil, dans cette longue journée, allait voter à son tour.
Le vendeur resta là, derrière son étale, toujours un peu surpris par la gentillesse naturelle de son improbable client. La monnaie qu’il devait lui rendre dans une main, la brochette dans l’autre. Le morceau de viande ne resta pas longtemps ainsi dans les airs, et bien vite Munseo l’enfournât tout entière dans sa bouche et mâchât gaiement, laissant un large sourire se former sur son visage à présent détendu.
Une foule impressionnante s’amassait autour de la table des votes qui se trouvait pr_s de la scène et deux pensées traversèrent comme un éclair, l’esprit désembrumé de sa léthargie habituelle de notre vendeur de bingsu mangue. Premièrement, avec cette chaleur, la glace devait déjà beaucoup avoir fondu si le garçon n’avait pas été attentif ; deuxièmement, avec cet amas de personnes, est-ce que son client serait capable de retrouver l’échoppe afin de venir récupérer sa monnaie ?
Attrapant vivement une ardoise qui se trouvait sur l’établit, Munseo griffonna avec la petite craie qui by était attaché « je reviens bientôt », pas qu’il s’attendait à avoir beaucoup de clientèle, mais au moins, on ferait peut-être l’effort de ne pas lui voler de mangues, ou pas trop du moins.
La monnaie fermement serrée dans son poing moite, le coréen s’élançât dans la foule en criant :

« Hé ! Garçon aux tournesols !!! Hé reviens !! Garçon au tournesol !! »

Sautillant sur le bout de ses pieds, Munseo tentait de repérer le sac reconnaissable du garçon qui venait de lui acheter une glace tout en continuant d’appeler le garçon au tournesol au milieu d’une foule mi-indifférente, mi-agacée, à quelques pas de son échoppe. C’était certain que ce ne serait pas aujourd’hui encore qu’il ferait fortune.

Une goutte sucrée coula sur son doigt. Angel l'amena immédiatement à sa bouche, se rendant compte qu’il avait mis trop de temps à manger la partie supérieure de la glace, délaissant celle au bord du pot. Calmement, il nettoya les coins, attendant que le couple de personnes âgées devant lui avance à leur tour vers l’urne. Un jeune homme s’occupait de récupérer les votes, sous l'œil avisé de sa cheffe, les bras croisés à côté de lui. La foule commença à s’impatienter lorsqu’un groupe d’adolescent.e.s mit deux fois plus de temps que les autres à voter, n’étant absolument pas d’accord sur qui mettre dans l’urne - comme si chacun n’avait pas le droit de décider pour sa propre personne - ce qui créa un bouchon. La journée était encore chaude et se retrouvait entouré d’autant d'individus aurait pu le faire regretter d’être sortie, si ce n’était pas pour la glace qu’il tenait dans sa main. Elle était rassurante à sa manière, le confortant dans l’idée qu’il allait déposer le nom de cet étalage quelque peu original. Il continua sa consommation avec attention, ne voulant plus en perdre une miette. Cela attira le regard d’une enfant qui loucha sur le cône de brisure gelée, tirant sur le bras de son père. Ce dernier lui dit qu’ils iront en chercher après le vote, sinon ils n’auront pas le temps. Tout cela sans que le jeune homme ne remarque quoi que ce soit, trop intéressé par sa propre composition.

Une voix familière retentit dans la foule, faisant tourner quelques têtes dans la direction du bruit. Angel n’échappa pas à la règle, montant même sur la pointe des pieds, pour apercevoir le vendeur de mangue fendre la foule. “Garçon aux tournesols” ? Penchant la tête sur le côté, il ne se reconnut pas immédiatement, ayant oublié que son sac comportait de telles fleurs, offertes il y a peu pourtant. L’homme semblait réellement concerné, presque comme si une action importante était en cours, dans l’ignorance complète du jeune dessinateur. Peut-être avait-il eu un accident ? Était-il blessé ? Pourquoi crier pour un jeune homme avec des tournesols ? Puis cela lui revint. Il était celui aux tournesols, les fleurs sortant fièrement de son sac. C’était lui qu’il cherchait. Il leva alors la main, appelant le vendeur par le seul nom qui lui vint à l’esprit.

« Monsieur aux mangues ! Juste ici ! » appela-t-il avec un grand sourire.  

Il aurait bien été le retrouver à mi-chemin, mais cela aurait été perdre sa place dans la file d’attente et pour l’importance de sa mission, il ne fallait pas qu’il perde une telle avance. Attendant alors qu’il le rejoigne, il termina sa glace, se permettant de profiter des dernières saveurs aux fruits, avant de devoir définitivement abandonner son dessert dans le passé. C’est qu’il y en avait un goût de trop peu. Son attention se porta enfin sur le vendeur. Il avait gagné une place dans sa progression, tout se passait relativement bien. Ce serait vraiment dommage si une gaffe provenant de la personne du Ih détruise l’équilibre de ce micro-monde dans la foule. Calmement, il attendit qu’on le rejoigne. Puis il sourit grandement au vendeur, penchant la tête en question sur sa venue vers lui. Peut-être qu’il devrait se présenter, pour lui dire son prénom et éviter d’avoir le surnom de garçon aux tournesols dans l’esprit de l’homme. Quoi que, ce surnom était mignon, presque sorti d’un livre. Il n’avait pas de raison de ne pas l’aimer.

« Qu’y a-t-il ? demanda-t-il, avant de baisser les yeux sur sa main. Oh ? »

Sans doute ne se rendait-il pas compte qu’il s’agissait de son dû, de l’argent qu’il était censé avoir en retour, après avoir payé pour sa glace. Pour Angel, il avait été logique de lui donner un peu plus, dans une tradition de bon accueil et de gentillesse. Également parce qu’il avait trouvé que ce n’était pas si cher payé pour les saveurs ressenties et la qualité du produit. Dans un supermarché commun, voire même sur n’importe quel autre stand du festival, il aurait dû aligner plus de deux billets pour une ration équivalente, avec un goût différent. Angel avait apprécié, s’étant ravi de son choix pour son dessert. C’était donc tout à fait à son honneur de se demander pourquoi le vendeur de mangue se baladait avec de l’argent dans les mains. Surtout qu’il avait dû laisser son stand sans surveillance. Quelle étrange situation.

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La foule se densifiait à mesure que le temps restant pour les votes rapetissait. Munseo se retrouvait dors et déjà coincé derrière un groupe de septuagénaires, portants toutes des casquettes au top ouvert de couleurs différentes laissant apparaître des permanentes aux colorations fantaisistes. Le vendeur de fruits et légumes ne pu s’empêcher d’esquisser un sourire malgré leur impolitesse à ne pas lui accorder un petit espace pour qu’il puisse se faufiler. Elles lui faisaient penser aux femmes de Seo-gu et à leurs habitudes de toujours se déplacer en petits groupes compactes et bruyants. Comme le ferait des poules. C’était certainement une manière de se rassurer, de sentir qu’elles appartenaient à un même groupe, à une même équipe, une même génération … et puis en se tenant ainsi les unes aux autres elles avaient moins de chance de tomber malgré l’âge avançant qui ne facilitait pas l’équilibre.

Contournant le petit groupe, le jeune homme prit un autre itinéraire tout en continuant d’observer la foule et d’attendre un signe. C’est alors qu’il le vit, tendant le bras pas dessus la foule. Un petit groupe de jeunes filles d’à peine vingt ans observèrent le bal de mains en l’air qu’offraient Munseo et le garçon aux tournesols. L’une d’elle se mit à pouffer de rire, les deux autres suivirent avant de faire des mimiques qui étaient inconnus au registre des émotions du natif de Seo-Gu.

S’avançant vers son client avec un sourire, soulagé qu’il était de ne pas s’être complétement perdu dans la foule, Munseo s’approchât et sans rien dire tendis son bras avant d’ouvrir sa main devant le jeune garçon. Contrairement à ce que la politesse aurait demandé, il ne se penchât pas, ni ne tendis la monnaie avec les deux mains, non il l’ouvrit comme un enfant ferait découvrir un insecte attrapé sur une branche dans la paume de sa main.

« Vous m’avez donné trop d’argent, pour ce prix là vous pourriez avoir un manque entier en plus ! »

Le monsieur aux mangues, affichait alors un grand sourire et se laissa a glisser la monnaie dans le sac du garçon en remarquant que ses deux mains étaient prises. Un léger cliquetis indiquât que les pièces venaient de tomber les unes sur les autres dans le fond du sac ce qui ravit Munseo. Ce dernier ne laissa pas plus de temps la foule le bousculer et il fit un signe de tête satisfait à son interlocuteur.

« Bien, je dois retourner au stand. Ne restez pas trop longtemps au soleil un bingsu ne suffira pas à vous hydrater. »

Museo penchât la tête et s’éloignât au petit pas de course en faisant un signe de la main au jeune garçon. Il se sentait étrangement ravie d’avoir rencontrer quelqu’un d’aussi simple. Pour une fois qu’on ne lui demandait pas une foutu machine pour payer par téléphone. D’ailleurs… où avait-il bien pu ranger cette foutue machine ? il était pourtant certain de l’avoir embarqué avec lui dans son périple pour le centre-ville …

Il était loin de s’être attendu à cela. C’était bien la première fois qu’on venait le chercher dans pour lui rendre l’argent qu’il avait laissé quelque part. La bonté du vendeur de mangues le toucha avec délicatesse, comme lorsqu’une émotion roule tendrement sur les joues. Ces dernières prirent la couleur rosé du vin, alors qu’il cafouillait à lui trouver une réponse. Ainsi, il resta bouche-bé, même lorsqu’il repartit aussi rapidement qu’il était arrivé, le laissant, lui, son argent, son ticket et son pot de glace vide. Il eut le simple réflexe de lui faire un signe de main également, chuchotant un “merci” qui n’avait dû être entendu de personne. Sans aucun doute que Daehyun aurait rigolé et l’aurait taquiné à l’idée que ce vendeur de fruits lui ait fait autant d’effet. Se remettant de ses émotions aussi rapidement qu’il le pouvait, il toucha ses joues du dos de sa main, se tournant en retenant un sourire benné. Le groupe de filles gloussa un peu plus loin, ce qui lui arracha de nouvelles rougeurs, tandis que le couple devant lui se mettait enfin à avancer. Il fallait qu’il se reprenne un peu ; ce n’était pas une manière d’agir. Depuis quand fondait-il pour n’importe qui de cette manière ? (Si vous voulez une réponse : depuis toujours.)

Arrivé devant la table des votes, on lui demanda de remplir son petit ticket avec un stylo, à la vue de tous, sous le regard du jeune bénévole. Ensuite, il glissa l’enveloppe dans l’urne. Avec une petite pression, on lui demanda s’il avait rempli sa fiche, avec les stands qu’il avait préféré. Angel demanda une petite minute et se décala sur le côté, laissant la place au père et à sa fille qui devaient également voter avant de retourner dans le festival. La feuille dans les mains, il colla trois petits stickers en forme de cœur à côté du stand de vente unique de mangue, vers la fin de liste. Puis il se sentit mal pour la fleuriste qui lui avait offert les tournesols, alors il en rajouta un, à celui qui était déjà présent. Le même sentiment le saisit pour la vieille femme qui lui avait donné les brochettes de viandes. Et l’idée que le vendeur de mangue ne soit pas un peu plus en avant par rapport aux deux autres le dérangeait. Dans ce ballet de pensées, il finit par distribuer l'entièreté de ses stickers aux trois rencontres qu’il avait faites. Lorsqu’il tendit la fiche pour être ramassés et comptabiliser, la femme leva un sourcil avant de le regarder comme s’il venait d’un autre univers. “Normalement, il n’y a que les enfants qui font ça.” grommela-t-elle, en se mettant pourtant à compter, lui faisait signe qu’il pouvait y aller.

Quelque peu penaud, il reprit son aventure dans l’immense allée aux vendeurs et à la foule toujours plus compacte. Finalement, il trouva une poubelle et put y jeter son déchet. Elle était propre, pas encore tout à fait pleine et il se doutait bien qu’elle avait dû être récupérer quelques heures plus tôt. Avec une pensée pour la personne qui s’occupait de ramasser les ordures, il prit le soin de bien glisser le sien dans le sac plastique. Du bout des doigts, il se permit de récupérer une bouteille abandonnée et de lui faire subir le même sort, avant de repartir. Pour plus de précaution, il se lava les mains avec son gel de poche. Le soleil brillait encore plein rayon sur la ville côtière. Les poussettes étaient toutes couvertes de leur protection, les enfants couraient en casquettes ou bobs, tandis que les parents se préoccupaient de leur donner de l’eau. En parlant d’eau, il devait aussi s’hydrater, c’est ce que lui avait dit le vendeur de mangues. Et puis, ce vendeur de mangues… Il devrait lui dire qu’il avait voté pour lui, non ? Juste pour lui faire plaisir. Oui, ça faisait toujours plaisir d’avoir un peu de soutien. Tournant les talons, il remonta l’allée. Sur le chemin, il acheta deux bouteilles de limonade japonaise très fraîches à une vendeuse de mochis qui arrivait en fin de stock. Il ne lui fallait pas longtemps pour dénicher de nouveau cette enseigne si particulière. Et si, tout à l’heure, il n’y avait personne, là, une petite famille s’y était arrêtée pour se rafraîchir. Angel se glissa à côté d’eux, faisant un petit signe au vendeur, en lui montrant, immense sourire aux lèvres, les bouteilles qu’ils tenaient dans chaque main.

« Tenez, dit-il une fois les clients partis, lui déposant la bouteille devant lui. Pour vous remercier, pour tout à l’heure ! »

Il fit claquer la bille dans la capsule du bouchon de la bouteille, mais attendit poliment que le vendeur ne prenne la première gorgée. Même si ses mamans étaient plus du côté libre et flexible des règlements, elles lui avaient appris toutes les bonnes manières à adopter en société. “Pour être irréprochable. Pour que personne n'ait rien à te redire.” lui avait confié l’une d’elle pour explication. Plus jeune, il n’avait pas compris pourquoi. A son âge actuel, c’était une évidence. De nouveau, il se mit à rougir, prenant des couleurs avant de toussoter pour se donner contenance. Il devait lui dire. Même si maintenant, cela semblait plus humiliant que lorsque l’idée lui était venue. Le courage pouvait se montrer capricieux.

« Et… Hum… J’ai heu… J’ai voté pour votre stand. Pour le concours, vous savez… (Il pointa vaguement vers l’urne, avant de sourire.) Je ne sais pas trop à quoi tout cela sert, mais voilà. »

C’était si gênant. Il but une gorgée de limonade pour faire passer sa honte, avant de souffler doucement. Bon, au moins, c’était fait. Il pouvait être fier de lui.

♬♬♬

Le temps de remonter la Foule, Munseo se rendit compte de son geste. Il agissait parfois avec imprudence, mais une chance inexplicable, certainement dû à son flegme légendaire, faisait de lui une personne qui ne se trouvait jamais dans la tourmente. Ou plutôt, il était entouré de tourmente mais lui ne naviguait jamais en eaux troubles, ou, pour être entre plus précis, il avait une faculté non feinte à trouver des solutions pour tout. C’était un super pouvoir inutile certes, mais qui s’avérait salvateur pour le jeune coréen dont l’unique but dans la vie était qu’on le laisse plus ou moins tranquille.
Profiter de la vie, voilà un concept qui semblait échapper à nombres de ces personnes qui couraient après leurs rêves, après des objectifs irréalisables ou encore après les chimères que le monde moderne semblait leur offrir. Profiter de la vie, voilà une chose bien difficile.
Arrivant au niveau de son échoppe, le maraicher réouvrit son enseigne et, sans qu’il n’ait pu l’expliquer, fut submerger de clients. D’abord une petite madame qui parlait de manière assez étrange, comme si elle ne voulait absolument pas qu’on ne l’entende, ensuite un duo de jeunes hommes qui demandèrent double ration, puis une famille dont les enfants étaient visiblement en train d’apprendre à lire puisque le père prit le temps d’expliquer la signification de tous les hangeuls maladroitement dessiné sur le panneau. Une fois la famille partie, un visage à présent familier se présentât à lui, le garçon aux tournesols, qui de nouveau lui tendit un objet inattendu sous le nez.

« Oh merci. » dit le vendeur de fruits et légumes en s’inclinant légèrement, poli qu’il était.

Prenant la bouteille de limonade entre les mains, Munseo se rendit compte qu’elle était bien fraîche et il ne put refreiner un sourire qui lui barra le visage de part en part. Remarquant que le garçon face à lui semblait attendre qu’il fasse le premier geste d’abreuvement il s’exécutât, notant mentalement la politesse de ce garçon et à quel point il semblait venir d’une autre planète.
Un éclair de pensée traversa alors l’esprit peu littéraire du garçon. Pourtant il s’agissait bien d’un livre, un livre qu’il avait lu enfant et qui parlait d’un jeune garçon qui avait lui aussi une fleur et qui vivait lui aussi sur une autre planète. Peut-être son si gentil client venait-il de la planète tournesol après tout.
Cette histoire de concours avait presque complétement disparu de l’esprit de Munseo à l’évocation de cette réminiscence de son enfance et il du secouer légèrement la tête en prenant une légère gorgée de limonade avant de rire avec tendresse à la remarque du jeune homme face à lui.

« C’est très gentil, vous serez certainement le seul à voter pour moi. Merci beaucoup. »

Munseo s’inclinât de nouveau afin de remercier dignement cette personne qui montrait tant de respect à l’humble vendeur de Seo-gu qu’il était.

« Je ne sais pas trop à quoi ça sert non plus. Je suis venu ici aujourd’hui parce que j’avais commandé bien trop de mangue et que c’était l’occasion de les écouler et de faire connaître mon magasin ! »

Il pointa fièrement son enseigne ou il avait écrit au marqueur. « Magasin de fruits et légumes, frais et de saison Famille Park, Seo-gu nord. Jongonggangwon-ro », c’était écrit si petit que personne n’avait dû le remarquer avant, il faut dire que malgré sa gentillesse, le vendeur n’était pas le plus doué en marketing.

Il s’agissait sans doute de la raison la plus surprenante pour s’inscrire à un festival aussi en vue, mais Angel l’appréciait avec autant de surprise que de joie. Ce n’était pas tous les jours que l’on pouvait trouver ce genre de pépite dans une zone aussi fréquenté, aussi public et plébiscité. Un petit rire lui échappa, appréciant le comique de la situation. Il suivit alors des yeux l’adresse écrite sur l’écriteau, se rendant compte qu’il ne l’avait absolument pas vu tout à l’heure. Plissant alors ses paupières pour mieux comprendre, malgré sa myopie corrigée par ses lunettes, il détermina rapidement les différentes parties de l’adresse. Le nom du district ne lui était pas tant étranger que cela, même s’il n’avait jamais eu l’occasion de s’y rendre. Ce n’était pas vraiment dans ses habitudes de dépasser les quelques endroits qu’il connaissait, et encore moins seul. Il y avait toujours cette légère appréhension à s’aventurer, ce qui ne lui apportait absolument aucun réconfort. Pourtant, rien qu’avec la petite représentation que pouvait être le magasin du vendeur - un vendeur assez distrait pour commander trop de mangues, ça ne peut qu’intriguer - il était curieux de venir voir l’ampleur du quartier.

« C’est dommage que ce soit écrit aussi petit, je ne l’avais pas vu… »

Mentalement, il retint l’adresse, avant de se dire qu’il n’y arrivera sans doute pas. Aussitôt, il sortit son carnet, ainsi qu’un stylo, écrivant dans un coin de page déjà griffonnée, tout ce qu’il y avait d’inscrit sur la pancarte, en rajoutant également l’endroit où il avait eu cette adresse, pour ne pas oublier ses raisons. Il fit un petit sourire gêné à l’homme, tout en faisant de son mieux pour faire le plus rapidement possible. D’un rapide coup d'œil derrière lui, il se rendit compte qu’il n’y avait personne dans la queue, ainsi, ce n’était pas si grave s’il déchiffrait à sa vitesse. Peut-être était-ce la chaleur qui ralentissait son esprit et la venue de ses idées ? Ou alors qu’il ressentait une légère rougeur sur ses pommettes à chaque fois qu’il relevait les yeux et qu’il percevait le regard du vendeur sur lui ? Dans tous les cas, l’idée mit tellement de temps à percer à jour, qu’il se trouva idiot de ne pas l’avoir proposé plus tôt. Il referma son carnet avec un claquement satisfaisant, les épaules légèrement relevées, les yeux soudainement brillants.

« Est-ce qu’il vous resterait assez de pancarte pour que je puisse vous en faire une ? (Se rendant compte qu’il ne donnait aucun contexte, il posa soudainement sa main sur son torse, les joues pivoines.) Je suis dessinateur, je pourrais vous la refaire et ça vous permettrait d’attirer plus de monde ! Je ne voulais pas remettre votre travail en question, pas du tout ! Désolé si ma question est étrange… »

Tout était sorti d’une traite, sa respiration soudainement retenue alors qu’il comprenait que sa proposition aurait pu être offensante. Angel voulait tout simplement l’aider, voyant bien que l’autre homme n’avait que de bonnes attentions. Il sourit, comme pour détendre un peu ses propres épaules, quasiment remontées jusqu’à ses oreilles, qui étaient à deux doigts de prendre la couleur de ses joues. Fort heureusement, il avait encore de la limonade, la bouteille posée sur le petit comptoir devant lui, le temps qu’il écrive ce qu’il devait écrire. Rangeant enfin son carnet, il récupéra la bouteille dans les mains, se disant que ça allait un peu le rafraîchir et lui permettre de se remettre de cette soudaine montée d’adrénaline sans queue ni tête. Personne ne se sentait ainsi après avoir demandé s’il pouvait rendre service. Ou, en tout cas, cela ne se faisait pas autant que cela. Il aurait presque voulu effacer les quelques secondes précédentes. Mais trop tard, les mots lui avaient échappé, et maintenant, c’était dans le fil de leur discussion, qui restera pour toujours dans son esprit les nuits où le sommeil tarde et la honte resurgit du passé.  

♬♬♬

La foule commençait à se disperser, l’heure avancée de l’après-midi, la fatigue provoquée par le soleil et les festivités prenant presque fin, la majorité des familles rentraient chez elles. Seuls restaient quelques jeunes couples sans enfants, ou des personnes âgées profitant d’une belle sortie avant le retour de l’automne. Au final peu de gens s’intéressaient réellement au concours, ce qui comptait c’était de participer, surtout quand one risquait pas de gagner.
Les quelques vendeurs qui étaient placées autour de l’étale de Munseo laissèrent leurs commis ou quelqu’un de leur famille prendre en charge le stand tendis qu’ils se rapprochaient de la scène afin d’entendre les résultats. Le vendeur de bingsu à la mangue n’avait pas vraiment d’espoir de gagner quoi que ce soit, la seule personne ayant votée pour lui étant en train de plisser les yeux pour lire son écriteau.
Munseo n’était pas du genre à mettre des efforts dans ce qu’il savait relativement anodin. Pas que la communication lui soit quelque chose de totalement étranger, mais il n’avait jamais réfléchi à la pertinence des couleurs, des formes ou des lettres. Ainsi même la taille des choses lui importait peu. Il n’était pas sensible à la publicité, et bien que son cas soit d’école pour les sémioticiens, il avait lui-même bien du mal à comprendre ce qui pouvait bien attirer les gens visuellement. Les odeurs encore, il comprenait, parfois ça prenait à la gorge, aux tripes, ou à la bouche, ça entrait dans les narines, ça rappelait des souvenirs… tout cela il le comprenait. Mais les formes et les couleurs ce n’était pas son domaine.

« Un carton ? » Demandât-il soudainement surpris. Des sots il en avait beaucoup, un bout de carton ça devait bien pouvoir se trouver. Regardant autour de lui il tira de sous son chariot un carton de la taille de deux boîtes à chaussures qui lui avait servit à apporter le lot de petites cuillères qu’il distribuait aux consommateurs.

« Ça …ça irait ? » Il n’avait pas bien compris ce que le jeune homme voulait en faire. Son petit prince était dessinateur donc… tout comme la princesse de sa propre maison finalement. Son singe parlant savait aussi manier le crayon comme une professionnel. Il n’avait pas osé lui demander un coup de main, il faut dire qu’elle avait un caractère en dent de scie et beaucoup de travail en ce moment, il préférait la laisser dormir lorsqu’elle le pouvait.

« Mon travail c’est pas de faire des panneaux … » dit le maraîcher un peu gêné avec un sourire tout en se grattant l’arrière de la tête, se rendant soudainement compte que le jeune garçon était bien trop investit dans la vente des bingsu et qu’il n’avait aucun moyen de lui rendre l’appareil.

« Ma sœur aussi elle dessine … » Munseo fit une pause dans sa phrase en observant le jeune garçon qui se trouvait à moins d’un mètre de lui.

« Ça va ? Vos joues sont toutes rouges … vous n’avez pas attrapé chaud j’espère. Il faut pas hésiter un prendre un peu de glace pillée si ça peut aider. »

Munseo pointa du doigt la glace qui se trouvait sous le chariot. C’était une glace qu’il n’avait pas encore totalement pilée et qui gouttait abondement sur le sol, mais il en avait suffisamment d’avance pour ne pas s’en faire. Et il ne faudrait pas qu’un aussi gentil client tombe dans les pommes maintenant.

En voyant le carton, il put imaginer tout ce qu’il allait écrire dessus, mais surtout, comment enfin mettre à profit ses heures coincées dans une salle de classe à écouter des professeurs barbants racontant la loi des couleurs. Angel sourit et hocha la tête, acceptant le morceau à deux mains, avant de se mettre à fouiller dans son sac, voulant trouver cette trousse qu’il emmenait toujours avec lui partout où il allait. Peut-être qu’il avait assez de marqueurs pour pouvoir en faire quelque chose de présentable. Après tout, il restait encore quelques heures et la nuit promettait d'amener tout autant de clients, surtout avec cette chaleur qui collait à la peau. Mais il ne lui fallait pas de cela pour se mettre à rougir et à bégayer, ne sachant plus où se mettre, même avec la mission entre les mains. Jusqu’à ce qu’il ne lui tende de la glace pillée. Du bout des doigts, il récupéra le gobelet, glissant le carton sous son bras pour ne pas le perdre. Contre sa joue, l’effet était presque divin. Il soupira doucement, fermant les yeux en profitant de cette interlude pour se calmer un peu.

« Merci beaucoup… J’avais besoin de cela... sourit-il, ses pommettes remontant sous ses lunettes. Puis il pointa du doigt l’une des caisses vides retournées non loin de Munseo, qui ressemblait, à s’y méprendre, à une place pour s’asseoir. Je peux ? »

L’écart entre chaque stand était plutôt grand, permettant aux vendeurs de sortir et de rentrer sans aucun souci. Alors, Angel put s’y glisser, s’amménageant un petit espace d’art à côté du vendeur de bingsu à la mangue. Le carton posé en équilibre sur le genoux, un marqueur à la main, il lui demanda de lui épeler l’adresse de leur boutique ainsi que son nom. Cela ne lui prit pas longtemps, de son écriture délicate, en gros sur la pancarte, de rendre le nom aussi voyant que possible. Après considération, il se mit à dessiner des mangues sur le côté. Sa frange le dérangeait légèrement, la dégageant de l’index alors qu’il lui présentait l'œuvre finale. Ce n’était pas non plus du grand art, il lui manquait des couleurs, il faisait chaud et il était entouré de l’odeur du sucre des fruits. Mais ce n’était pas si grave, ça faisait l’affaire. Normalement, tournant le regard vers Munseo, il lui demanda avec une petite pointe de nervosité :

« Qu’en pensez-vous ? Cela vous va pour l’afficher devant ? »

C’était toujours un peu délicat de faire plaisir quand il n’y avait pas d’idée de départ et juste une approche simple et concrète. Il devait lui faire un panneau avec le nom et l’adresse de son magasin, ce qu’il avait fait, mais aussi le rendre attirant aux yeux et lisible. Angel avait le bout de son index noircie par l’encre, ainsi que la phalange de son majeur, mais il ne s’en rendit même pas compte, préférant mener à bien ce petit bout de mission qu’il s’était encouragé tout seul à faire. Si jamais le vendeur n’aimait pas, il n’aura qu’à le retirer ou à tout simplement le lui dire. Ce n’est pas comme s’il était d’une nature rancunière ou encore fermé à toutes remarques. Sensible, oui. Mais si ce n’était pas bon, il suffisait de lui dire et il acceptera cet état de fait. Le plus dommage sera qu’il n’y aura donc pas d’alternative à cette minuscule écriture au-devant de la boutique provisoire.

Même s’il devait sans doute partir et retourner à sa simple vie de client et de promeneur du dimanche, il resta assis, observant l’établi derrière lequel il s’était installé. Il n’était pas surélevé comme pouvait l’être l’autre homme, n’ayant donc pas de vue prenante sur les futurs clients, mais on se sentait bien ici. Il faisait frais sous la bâche, entouré de glacières et de fruits. Le menton dans la main, le coude posé sur sa cuisse, il se permit de fermer les yeux un instant, pour recharger ses batteries, avant de repartir. Parce qu’il allait devoir affronter son retour chez lui. Et de devoir, de nouveau, se retrouver seul à supporter son silence.

« Vous avez dit que votre sœur dessinait, non ? Que fait-elle ? » demanda-t-il, par simple curiosité.

Son sac était posé entre ses jambes, il avait encore un peu de limonade, qu’il tenait d’une main, tandis que l’autre maintenant contre son cou la glace pilée offerte quelques minutes plus tôt. Pour l’instant, il arrivait à contrôler le léger stress qu’il ressentait à être assis à côté de quelqu’un tel que le vendeur de mangues. Il avait sur son visage une beauté qui n’était en rien cachée par sa manière d’agir, de s’habiller ou de se présenter. C’était naturel, de quoi en être presque jaloux. Il était beau aussi simplement que cela, ce qui était un argument tout à fait valable dans les règles d’Angel pour que ce dernier se mette à paniquer. Mais il fallait savoir être calme et prendre sur soi. Oui, c’est cela. Garder son calme et ignorer tout simplement que ce vendeur présentait ce qui aurait pu être, dans une autre vie, le visage de la Corée du Sud.   

♬♬♬

« On en veut deux ! … s’il vous plait ! » L’enfant qui venait réclamer sa glace avec dans une main le téléphone de sa mère tandis que l’autre était tendu vers le premier cône pas encore près, avait un bob vert clair sur la tête une déjà une énorme tache de chocolat sur le col. Munseo ne put s’empêcher de sourire.
Tentant de faire au plus vite, le vendeur de fruits et légumes n’était pas vraiment habitué à la cadence de ce type de service mais au moins il avait l’impression que son idée de venir écouler son stock de mangue au festival n’était pas la pire qu’il eut jamais eu.
Comprenant bien que le jeune garçon voulait payer grâce à l’application qui se trouvait sur le téléphone de sa mère, qui se tenait elle à quelque mètre plus loin faignant de laisser grâce à cette espace, toute la liberté à sa progéniture d’expérimenter la vie adulte et les responsabilités, Munseo sorti de sous le banc d’étale sa machine. Il faudrait certainement qu’il pense à changer les piles bientôt, mais elle était en parfait état malgré le peu d’utilité qu’il en faisait au quotidien. Cela ne faisait pas si longtemps qu’il avait remit la main dessus à vrai dire, il avait même fallu un petit coup de main pour qu’il la ressorte de sous un tas de cartons. Mais au moins, elle servait aujourd’hui.
Un petit bip se fit entendre, signe que la transmission avait bien été faite, et le vendeur attendit que le jeune garçon mettre le téléphone dans la poche de sa salopette pour lui tendre les deux bingsu que les petits doigts potelets prirent avec avidité.
Tournant son regard vers le jeune garçon assis non loin de lui, Munseo remarquât qu’il semblait absorbé par son travail et il se sentit soudain mal d’avoir laisser le jeune homme faire cela sans lui proposer de rémunération. Après tout, s’il était dessinateur, il ne devrait pas faire des choses comme ça gratuitement.
A peine quelques seconde plus tard, la petite tête blonde se redressa et lui montra le résultat. C’était élégant, les mangues étaient jolies et les couleurs harmonieuses. Munseo adora immédiatement.

« C’est très bien fait. » dit-il en acquiesçant afin de montrer son approbation à la question du jeune homme. Maintenant fallait-il trouver un moyen de l’attacher.
Se courbant derrière son étal Munseo sorti un sot où se trouvait tout un tas de bande collante, fils de fer, petites pinces électriques et fils, habituellement il utilisait ce sont lorsque quelqu’un avait besoin d’un coup de main pour remonter ou réparer quelque chose dans Seo-gu. Si on fouillait bien au fond devait même se trouver quelques clous et visses.

« Il doit bien y avoir quelque chose là-dedans pour accrocher … » dit-il dans sa moustache métaphorique.

Fouillant un peu il sorti une pince et une petite chainette qui pourrait lui servir à ajouter le morceau de carton à la devanture. Prenant délicatement le bout de carton dans ses mains, le vendeur devint homme à tout faire, plutôt habitué qu’il était à se servir de ses mains en réalité.

« Ce que dessine Munbyul ? … souvent ce sont des dessins pour se moquer de moi… » Munseo eu un petit rire tout en plantant la pince dans les deux bords opposés du carton avant d’y passer la chainette.

« Elle aime bien dessiner les gens de notre quartier aussi, elle a créé une histoire où les maisons ressemblent exactement aux nôtres et c’est très amusant. C’est en ligne sur un site… » Le maraicher eu un trou de mémoire, il ne se souvenait plus du nom du site, habituellement quand un nouveau chapitre était en ligne il l’avait vu avant, Munbyul lui sautant dessus dès le petit déjeuner pour lui montrer sur sa tablette, c’était un petit rituel qu’il aimait beaucoup.

« Je crois qu’elle a un nom de plume, c’est le surnom qu’on lui donne depuis enfant… Monkey. Parce qu’elle est très dynamique vous voyez ! … ET VOILA ! »

Les derniers mots furent dans un français approximatif exprimant la joie, il avait vu ça dans des films, il fallait dire « et voilà ! » lorsqu’on réussissait quelque chose, il parait que les français réussissaient plein de choses, comme la gastronomie et les avions militaires, en Corée eux ils avaient réussi le numérique et les groupes de musiques et de danses, chacun avait ses facultés après tout.
Prenant un peu de recul, Munseo observa le résultat, il avait accroché la chainette sur un des bords de l’étale en hauteur au niveau du paravent et cela rendait le tout encore plus bancale mais au moins les informations étaient visibles et ça donnait un effet encore plus coloré à son échoppe. Il était content, autant d’avoir rencontré un aussi gentil garçon que d’avoir prit le temps de le connaître.

Avec des yeux curieux, Angel regarda l’homme chercher de quoi accrocher sa nouvelle pancarte. Il est vrai qu’elle n’ajoutait rien à l’harmonie de son stand. Mais, n’était-ce pas là tout le but pour attirer l’attention ? Paraître un peu décalé, encore plus du reste et des sots de mangues qui parcourent le sol. C’était presque offrir de l’authenticité en plus. Comme un insatiable indiscret qu’il pouvait être parfois, il se permit de lui poser une question sur cette sœur qu’il avait évoqué seulement quelques minutes plus tôt, en se souvenant qu’elle faisait du dessin, assez pour qu’il lui en parle en tout cas. Tout le monde ne pratiquait pas assez de cette activité pour s’en vanter à tout va. Malheureusement, car des “amateurs” pouvaient parfois détenir des perles de beautés qui restaient perdues. Beaucoup moins avant l'avènement des réseaux et désormais votre vie privée presque totalement arrachée de vous. En l’entendant, Angel ne put s’empêcher de sourire, un petit rire lui échappa même. Pour se moquer de son frère ? C’était aussi intéressant qu’étrange. Puis, elle ne faisait pas que ça et l’intérêt n’en fut que plus piqué. Il se redressa, prêt à en entendre d’avantage sur ce “petit singe” qu’il décrivait avec la fierté d’un grand frère qui savait que l’enfant plus jeune était devenu quelqu’un. Il pouvait le percevoir dans la manière qu’il avait de la décrire, ou même l’éclat dans ses yeux. Cet homme était fier et aimer profondément sa petite sœur, qu’elle se moque de lui ou non. Le cœur mou d’Angel n’en fut que plus touché. Lui était enfant unique, mais avait grandi entouré d’amour et de tendresse. Il ne savait pas ce que cela faisait d’avoir un frère ou une sœur. Pourtant, le vivre au travers des yeux d’un autre était tout à fait incroyable.

« Monkey ? répéta-t-il, doucement. Le site dont vous parlez, ne serait-ce pas Webtoon, par hasard ? Je pense y avoir déjà vu un manhwa similaire à ce que vous me décrivez. »

Bien qu’il ne s’y soit pas arrêter pour le lire, devant sans doute simplement chercher les nouvelles demandes pour celui de la jeune femme pour lequel il travaillait. Dommage, il aurait pu se faire passer pour un bon fan, mais ce n’était pas le cas. Au moins, avait-elle eu l’audace d’apparaître dans ses recommandations. Si ce n’était pas pour tout ce qu’il lisait d’étranges déjà sur la plateforme, beaucoup plus friands des histoires décalées et innovantes que celles romantiques de clichés vus et revus, il l’aurait déjà sans doute ajouter à sa liste. Ou alors, il se trompait totalement. Cela pouvait tout à fait être le cas et à ce moment-là, il en rougirait de honte et d’embarras. Le vendeur se trouvait toujours devant son échoppe, à observer le travail dans l’ensemble. Angel se leva et observa un instant la rue de son point de vue, se rendant compte qu’il était étrangement satisfaisant de percevoir les passants de ce côté-là de la boutique. On pouvait voir qui rentrait et qui décidait de flâner un peu plus longtemps, qui voulait réellement profiter du festival et qui ne faisait que passer pour atteindre une autre destination. Il est vrai que la concurrence était rude, mais déjà, rien que pour l’expérience, le jeune homme en était investi. Il suivit le parcours de l’homme des yeux, avant qu’une révélation ne lui vienne, clignant des yeux en se rendant compte de l'improbabilité de la situation.

« C’est étrange ! Je connais le prénom de votre sœur, mais pas le vôtre. (Il sourit, faisant plisser ses pommettes qui touchèrent ses lunettes rondes.) Je m’appelle Angel. Ih Angel. Enchanté !  »

Pour faire bonne mesure, il fit un signe de tête en avant, se présentant poliment au vendeur, avec respect et considération. Car c’était ainsi qu’il fallait le faire : être poli et respectueux avec tout le monde, dans toutes les formes que prennent les apparences et les statuts. Ce n’était pas comme s’il venait de passer une bonne vingtaine de minutes, assis sur l’un de ses cageots à dessiner des mangues pour une boutique qu’il n’avait jamais fréquenté - et à laquelle il devra maintenant payer une visite. Ce n’était pas habituel de connaître le nom de l’entourage de la personne que vous rencontrez avant celui de cette dernière. Mais après tout, il avait offert une limonade à un vendeur de glace pilée à la mangue pour le remercier de lui avoir apporté son change d’argent. Ainsi, quelle autre bizarrerie pouvaient-ils inventer ? Et puis, il ne pouvait plus l’appeler “Monsieur aux mangues”. Quoi que ? Ce n’était pas un surnom péjoratif et même, il l’appréciait plutôt bien. C’était un peu comme un personnage de dessin animé pour enfant, de ceux qui apparaissent de temps à autres dans un épisode, avec leur voix calme et leur dialogue toujours posé, pour permettre à tout le monde de reprendre leurs esprits suite à la folle aventure. Angel pouvait le percevoir, ce petit côté flegmatique qui lui permettait de ne pas nerveusement tourner dans sa tête. Parce qu’il comprenait bien que, finalement, quoi qu’il dise, ce n’était pas “si grave”. Il y avait toujours pire. Ainsi, de quoi avait-il besoin de s'inquiéter ?

♬♬♬

La chaleur laissait place à une brise légèrement plus douce, une humidité moins forte aussi. La luminosité restait ce qui sous entendait que l’été était là encore pour quelques semaines. La glace continuait de fondre, et Munseo s’était déjà remit derrière son étale tout en continuant de parler avec le jeune homme qui lui tenait compagnie. Quelques clients vinrent devant l’étale et de nouveau le commerce était en route. Il y avait de quoi faire encore pour quelques heures. Le coréen acquiesçait aux dires de son interlocuteur qui devrait être un peu plus jeune que lui. Webtoon, c’était pourtant simple de se souvenir d’un nom pareil, pourtant il n’avait pas vraiment réussi à le retenir. Il prononça une onomatopée confirmant l’information tout en secouant de nouveau la tête après avoir réfléchit quelques secondes. Peut-être que maintenant il s’en souviendrait enfin plus durablement. Il faut dire que Munbyul ne partageait pas ça avec lui, elle lui partageait l’histoire et son engouement, mais ce qu’il se passait sur cette plateforme lui était totalement inconnu… si ça se trouve elle y était même célèbre. L’idée l’effleura un instant avant qu’une autre vienne la remplacer, plus sombre cette fois ci. Si elle pouvait être célèbre, cela voulait aussi dire qu’elle pouvait y rencontrer des problèmes et potentiellement que l’on puisse la déranger, voir la harceler… Le regard de Munseo devint soudain noir tendis qu’il encaissait rapidement ses clients. Puis il se tournât de nouveau vers Angel. Puisque ce dernier venait de se présenter. Ce non lui allait bien. Voir trop bien, à croire que les noms faisaient les êtres.

« Ah oui je ne me suis pas présenté. Park Munseo, comme la porte de l’ouest. » Imitant son interlocuteur, Munseo se penchat à son tour, un peu moins que ce dernier, considérant qu’il était plus âgé.

« Je ne dois plus vous appeler ‘jeune homme au tournesol’ maintenant, pourtant cela vous allait bien je trouve. » dit-il de nouveau avec un sourire tout en attrapant une serviette et en s’essuyant les quelques gouttes de sueurs qui avaient perlé sur son front tout en retirant sa casquette et en s'ébouriffant les cheveux afin de dissiper l'humidité.
Une jeune fille pas plus âgée que quinze ans le prit alors en photo, lui et la devanture de l’étale. Avec un sourire il se retourna vers Angel, ce prénom sonnait presque faut pour lui pourtant il prenait tout son sens en cet instant, et dit avec beaucoup de joie dans le regard.

« Votre pancarte marche très bien, il y a déjà des gens qui la prenne en photo, vous êtes doué ! »

Si Munseo était observateur, il n’était pas le plus perspicace.
Remettant sa casquette en place, il abandonna sa serviette sur son épaule et se mit à palper les mangues qui se trouvaient dans un des sots près de lui. Il finit par en attraper une, la tata et la jaugeât un instant avant de la tendre à son compagnon d’une après-midi.

« Voilà, en remerciement, elle sera parfaitement mure dans deux ou trois jours environ. Vous penserez alors peut-être à moi. »

C’était ce qu’ajumma disait toujours, on pense aux gens que l’on apprécie quand on mange de bons fruits. Une philosophie qui le suivait et qu’il espérait vrai, bien qu’il n’en fût jamais tout à fait certain.

« Comme la porte de l’ouest… » émit Angel en échos, penseur.

Impossible de critiquer un nom pareil, alors que le sien n’avait même pas d’alternative coréenne. Ses mères n’avaient jamais réellement voulu s’y penché et lui non plus d’ailleurs. Il s'appelait Angel, c’est ainsi qu’il préférait être appelé, et cela lui convenait parfaitement. Non, il était un peu plus intrigué. Comme la porte de l’ouest… Était-ce d’une signification qu’il ne pouvait pas comprendre à cause d’un manque de référence ? Ou alors, était-ce comme une expression ? Après tout, même si Seo-Gu était bien un quartier de Busan, il se pouvait que les voisinages en changent les habitudes. Sortant de ses pensées lorsqu’il l’interpella de nouveau, une légère teinte rose piqua ses joues, alors qu’un sourire éclairait son visage.

« Vous pouvez continuer si cela vous fait plaisir, répondit-il en haussant une épaule. C’est un joli surnom. »

Étant encore assis, il ne pouvait pas voir si sa pancarte plaisait ou non. Ainsi, en entendant le commentaire, il se leva aussitôt, un “jinjja ?!” au bout des lèvres. Il se pencha sur l'établi, observant les alentours, tournant alors un regard heureux et fier vers Munseo. C’était bien la première fois qu’il faisait quelque chose d’aussi spontané, qu’il ne réfléchissait pas avant de proposer ses services, d’y réfléchir à deux fois. Et pour le moment, cela semblait être un succès. Il avait un peu aidé, un peu contribué à faire prospérer ce stand de mangues, en manque cruel de client pour la qualité du produit. Il l’observa manier les mangues avec curiosité, les mains dans le dos, ne sachant plus trop quoi faire avec. Il allait sans doute devoir bientôt partir, mais il voulait rester, pour lui tenir compagnie, ou alors pour profiter un peu plus du festival sous une autre perspective. Ainsi, il cligna des yeux, surpris, devant le fruit qu’il lui tendit. Il la prit par réflexe, se penchant de nouveau en avant, sans pour autant quitter son expression de choc léger.

« Vous n’êtes pas obligé, absolument pas obligé, se sentit-il obligé de dire en lui tendant en retour le fruit. Je ne peux pas accepter un aussi bon produit ainsi. »

Même depuis le début de l’année, il lui était arrivé des petits miracles - comme ce bouquin de saison délivré à sa porte au printemps ou encore ce concours gagné pour un stock de ramens qui lui durait encore - mais recevoir ainsi, d’une main à une autre, comme un échange de connaissance, c’était trop surprenant pour lui. On lui avait appris à gagner ses dûes, à ne pas accepter si cela n’était pas valable. Que dirait sa mère s’il lui disait qu’un adorable vendeur de bingsu lui avait donné une mangue en remerciement pour un tout petit service ? Elle qui avait toujours été stricte sur la valeur marchande des choses. Angel se sentit idiot, avec le fruit dans les mains. L’avait-il réellement mérité ? Même si le vendeur ne lui donnait pas vraiment le choix non plus, que d’accepter. Alors, avec un nouveau sourire, il se pencha un peu plus en avant.

« Merci beaucoup pour votre gentillesse ! dit-il avec sa voix la plus polie. Je vais définitivement penser à vous en la mangeant ! »

Douteux, toujours, il la rangea tout de même, ne voulant pas donner l’impression qu’il n’aimait pas l’effort non plus.  Ce serait tout aussi irrespectueux, surtout pour le travail du producteur. Gardant son sac à la main, il hésita un instant, se demandant s’il ferait mieux d’y aller ou non. Après tout, le festival allait encore durer une petite partie de la nuit. S’il rentrait maintenant, il savait qu’il allait s’en vouloir de ne pas être resté un peu plus longtemps. Alors, il laissa son sac sur l’une des caisses, évitant ainsi qu’il ne traîne par terre, se rasseyant à sa place par la même occasion.

« Cela ne vous dérange pas si je reste encore un peu ? J’aimerais vous tenir compagnie… »

Comme il fallait encore que la ville reste accessible pour le reste de la nuit, les derniers passants se perdirent autour de vingt-deux heures, tandis que les stands commençaient déjà à plier bagages. Il y avait eu une annonce en milieu de journée, déclarant que le stand gagnant était celui de brochettes fait grand-mère, celles-là même qu’Angel avait mangées et offertes à Munseo. Puis, une autre déclaration, plus surprenante, sur un stand qui aurait, apparemment, obtenu les grâces du jury par son improbabilité à entrer dans la compétition. Munseo avait obtenu un prix de consolation. Cela avait amené une vague de clients en fin de soirée, qui avait doucement mais sûrement vidé les sots. Angel l’avait même aidé en remplissant les cornets de glaces pour lui faire gagner du temps. Lorsqu’enfin, la voix de la directrice du festival avait annoncé la fermeture des lieux, il ne leur restait qu’un petit total de trois sots remplis. Angel, heureux avec sa propre mangue, la tenait dans sa main pour éviter de trop charger son pauvre tote-bag. Il observait Munseo faire son travail une dernière fois. C’était un peu trop de le quitter ainsi. Il allait lui manquer. Avant de partir, il allait lui dire au revoir et souhaiter à son magasin de continuer de vendre autant de fruits. Seulement, il ne voulait pas l’interrompre dans sa tâche qui semblait lui prendre les mains.