A STRAND OF DESTINY
(ANGWEI)

Les marches d’escaliers défilent sous ses pieds alors qu’il court dedans pour descendre de son étage. Serré contre son torse, la pochette de son travail. Il a tellement peur que quelque chose lui arrive dans son sac (une feuille cornée, une déchirure, n’importe quoi), qu’il préfère tenir ce petit bijou. Son œuvre. Sa réussite. Enfin ! Angel avait réussi à terminer l’esquisse de son projet. Malheureusement, pour terminer la pièce maitresse de son travail, il a dû y passer la nuit. Hier, l’auteur avec qui il « collabore » l’avait harceler pour avoir absolument les décors et les cadrages pour le jour même. Alors qu’elle venait tout juste de les envoyer. Son rendez-vous ayant déjà était fixé, il avait donc dessiné, et dessiné, et dessiné, jusqu’à s’évanouir sur sa table de composition. Puis, heureusement, son hamster l’avait réveillé en couinement très fort dans l’appartement pour avoir à manger. Sauf que, bien sûr, il était en retard. Alors, le voilà en rush, sur les trottoirs de Busan, son téléphone coincé à son oreille pour commander un taxi, alors qu’il court pour tenter de rattraper le temps perdu. La sonnerie résonne en boucle, pendant ce qui lui parait une éternité. De frustration, il raccrocha, rangeant à la voler son cellulaire dans son sac. Malheureusement, dans son inattention – quelques secondes, tout au plus – il percuta quelqu’un. Ses yeux ne prirent même pas le temps de s’arrêter sur le visage de l’individu. Angel se pencha immédiatement, alors que les feuilles de sa dure nuit de labeur s’envolaient sur le bitume. Sans prendre la peine de répondre, de s’excuser, ou même de tout simplement prendre le temps de le remercier, il se remit à courir, apercevant au coin de la rue un taxi dans lequel il saute. Reprenant son souffle difficilement, son corps d’artiste n’étant pas habitué à subir autant de sport en si peu de temps, il indique l’adresse au chauffeur. Pris d’une nouvelle panique, il regarde dans son porte-folio s’il a toutes ses feuilles en les comptant, la vision brouillée par sa course. Un soupire lui échappe en se rendant compte qu’il a le bon nombre. Et enfin, son corps se relâche. Il n’est qu’à deux doigts de la réussite.

Arrivé à la maison d’édition, il se détend, reprenant ses esprits un instant avant de sortir du véhicule. Une inspiration, et il rentre dans les locaux, présentant son téléphone comme carte d’identité, avec son rendez-vous. On l’accueille avec le sourire, il se rassure tout seul. La rencontre avec l’éditeur se fait, il présente tout, exposant devant lui l’entièreté de son script, de son scénario, de son panel de dessin. Il est fier, il impressionne, il le sent. Mais, alors que ses mains voyagent sur la table basse lors de la présentation, une révélation le clou sur place. Sa pièce maîtresse n’est pas là. Angel, qui avait tout misé sur cette feuille cartonnée si belle, si bien détaillée et délicate, sent sur lui le regard soudainement scrutateur de l’éditeur. Ce rendez-vous, il l’a demandé et rappelé, et confirmé, depuis un, voir deux, mois. Ses yeux se mettent à briller, son cœur se serre, alors que sa confiance en lui disparait. Il garde la tête haute, alors qu’on lui assène que « son travail n’est pas assez complet, qu’il manque quelque chose de crucial ». Tout lui échappe. Il finit devant le bâtiment, son porte-folio pendant au bout de son bras. Il sort son téléphone, appuie sur un numéro qu’il connait par cœur, et hurle dans le micro.

« DAAAEEE ! MA VIE C’EST DE LA MERDE ! »

S’en suivit, quelques minutes de discussion, où les larmes d’Angel se calment. Il hésite à jeter sa pochette dans la première poubelle qui passe, mais son meilleur ami, toujours au bout du fil, le retient. Et il finit par se retrouve seul, dans un café, à noyer sa peine dans une glace chocolat blanc, nougat, coulis de caramel et copeaux d’amandes. Elle est énorme, elle lui gèle le cerveau, alors que son visage se sèche enfin de lui-même. Il a l’air horrible. En arrivant, il était fringant. Maintenant, ce n’est qu’une loque, sans vie, sans espoir, qui pense que sa vie est foutue. Parce que pour lui, c’était le moment clé de son existence. Ses ruptures, sa boss chiante, rien n’aurait pu être plus horrible que cette sensation détestable de se dire qu’il a raté le tournant inévitable de son parcours. Son téléphone vibre, de messages, sans doute de ses mamans ou de son père biologique, qui lui demandent comment cela s’était passé. Mais il n’y pas envie de répondre, il se sent en-dessous de tout. Horrible. Fatigué. Il n’a envie que d’une chose : rentrer chez lui, prendre ses cookies dans un placard, se réfugier sous sa couette et pleurer ses morts sur sa malchance. Un bruit de notification le réveille de son coma réveillé, sa glace fondant doucement. Avec lenteur, il regarde, ouvrant ses messages sur un certain réseau social. Son cerveau prend quelques secondes à comprendre. Mais lorsque tout se connecte dans son esprit, il se redresse. Abandonnant la fin de glace sur la table, il prend ses affaires et court hors du café, de dirigeant en courant vers le lieu de rendez-vous affiché sur son téléphone. Il se perd, une fois. Et déjà, il sent ses larmes remonter.

Mais enfin, il arrive dans le parc. Ses larmes ont déjà coulé sur ses joues, ses cheveux sont en désordres, ses vêtements sont froissés. Oh, on dirait bien qu’il vient de perdre toute son âme en quelques heures. Il navigue, essayant de trouver l’homme (parce qu’il avait tilté que c’était un monsieur) qui possédait la feuille qui avait ruinée sa vie en quelques secondes. Lorsqu’enfin, Angel remarqua une silhouette assise sur un banc qui ressemblait plus ou moins à la description de l’endroit, il se précipite soudainement vers elle, se jetant contre l’homme en pleurant. Il l’enserre de ses bras autour de son cou, se presse contre lui en chialant comme un enfant, dans les bras d’un inconnu complet, qui lui a « pris » sa dernière chance de réussite. (Enfin, de ce qu’il croit.) Il s’en fou, à vrai dire, d’être pris pour un fou. Son cœur et son esprit sont détruits, son manque de fatigue lui fait dire ou penser n’importe quoi, et son corps n’a besoin que d’une présence. Parce que la solitude est sa pire ennemie. Et qu’en ce moment, il se sent plus esseulé que jamais. Après s’être calmé, il se détache de lui, le visage trempé, les membres tremblants, les joues rosies, les cheveux en pagaille, les yeux cernés. Oh, si seulement il avait compris qu’il venait de rencontrer celui qui lui fera le plus de peine et le plus de bonheur.

« Mon dessin ?! Ma planche ?! Vous l’avez ?! s’exclama-t-il enfin, avant de soudainement se remettre à pleurer. De toute façon, ça ne servira à rien ! J’ai raté mon entretient ! Je vais jamais y arriver. C’est tellement injuste, tellement, tellement injuste… »

Au fur et à mesure de ses mots, il s’était recroquevillé sur lui, jusqu’à n’être qu’une petite boule de personne, devant le banc et l’homme. Son porte-folio était à côté de lui, tout son travail, réduit à néant. Pour une esquisse parfaite. Perdue. Et emportée par un homme. Qui risque de lui briser le cœur. Comme tous les autres.

♡ busan vibe ♡

A STRAND OF DESTINY
(ANGWEI)

C’est sûr qu’après une journée aussi pourrie que la sienne, se faire engueuler par un homme qui était censé l’aider aller lui redonner le sourire. Les yeux remplis de larmes, la bouche entrouverte en l’entendant lui dire que cela ne se faisait pas de se jeter sur les gens comme ça, Angel se sent encore plus pitoyable qu’il ne l’était à la sortie de son entretien. Son corps tremble doucement, ses mains ayant du mal à s’activer alors qu’il essaye d’essuyer son visage trempé, des hoquets transperçant ses excuses timides. Il se sent si faible, si débile. Lui qui n’avait pas dormi de la nuit pour finir son travail, il se demandait encore comment il faisait pour tenir debout. Sans doute que ses nerfs avaient lâché. En tout cas, il ne se contrôlait plus. Il avait l’impression d’être un enfant et d’être en train de recevoir une remontrance de son père. Hors, de un, Angel n’a pas de père, dans le terme de papa. Et de deux, cet homme pourrait au moins avoir un peu de compassion pour lui, non ? Il venait de vivre l’un des claquages de porte les plus violents de sa vie. Il savait qu’il ne décevrait jamais sa famille. Mais il s’était déçu lui-même. Ne pas réussir, alors que l’on a mis tout son cœur dans son travail, ne pas convaincre à cause d’une pièce manquante. Cela remettait en cause toutes ses capacités. Après tout, il ne devait pas être si doué que ça.

Le petit coup sur ta tête lui fait alors relever la tête, les joues toujours baignées dans sa propre détresse. Il observe l’homme, l’écoutante, sa tristesse s’envolant doucement. Ses mains ne tremblent plus, mais il ressent comme un pic en plein cœurs. « Tout ce que tu as à faire, c'est de ne pas abandonner. » Cela va faire quatre ans qu’il n’abandonne pas, qu’il tente de s’en sortir. Il enchaine les petits boulots, il ne dort que très peu, il passe d’un copain à l’autre parce qu’à chaque fois, il y croit, et à chaque fois, on le trompe. Quatre ans qu’il peaufine son travail, toujours coincé entre les demandes diverses de la dessinatrice pour laquelle il travaille, entre ses heures à mi-temps à côté. Peut-être qu’il pourrait un peu abandonner tout de même ? Il savait que rien n’était couru d’avance, que l’art et surtout ce genre de monde était fermé et que seul la chance pouvait apporter son grain de sel. Mais Angel n’a pas de chance. Peut-être qu’il pourrait abandonner ? Pourquoi ne pas se consacrer à autre chose ? Après tout, il aime les fleurs aussi, le jardinage… Il pourrait bien se reconvertir, recommencer des études, partir à Los Angeles. Alors pourquoi s’accrocher ? « … homme passionné. » Voilà pourquoi. Il est un homme passionné. Un peu trop. Tout doucement, il hoche la tête, ravalant un sanglot en sentant la douceur du mouchoir sous ses yeux.

Soudainement, son cœur rate un battement. « Oh non ! » Angel observe enfin les traits de celui qu’il a en face de lui. Et son sang afflux vers ses pommettes. Il est beau. Incroyablement beau. Un visage serré, des joues remontées vers ses yeux, des lèvres fines soulignant un nez légèrement arrondis. Et puis, cette nouvelle tendresse qu’il utilisait pour lui parler. Sa proposition est si douce. Son organe vital s’emballe, mais il tente de se contrôler, de ne pas se renverser en arrière en position boule et de rouler loin de lui. Il a honte, soudainement, de s’être jeter dans ses bras sans l’avoir d’abord regardé. Bonjour la première impression. Ce sentiment qui monte dans son estomac, il le connait très bien. Et, ô combien il n’aimerait pas qu’elle soit réelle. Suivant son mouvement, il se relève, tenant sur ses pieds avec peu de confiance tout de même. Puis il recule légèrement en sentant la pochette lui atterrir dans les bras, jumelle de celle qu’il tenait déjà. Mais il ne sourit même pas en voyant celui de l’autre adulte. Parce que non. La vie n’est pas belle. Elle est moche, et tâchée, fourbe, méchante. Elle favorise par la chance et les divinités ne font rien pour aider.

« Mon entretien, il… Il est déjà passé, qu’il arrive à dire sans craquer. C-C’est fini… »

Ses yeux se comblent de larmes de nouveau, qu’il cache en pressant ses mains contre ses orbes. Il en a marre. Marre de n’avoir aucune chance, de devoir toujours et encore se faire dire qu’il doit travailler dur. Il ne fait que ça. Que ça, de travailler dur. Il n’est pas seul, il a plein de personnes qui l’aiment. Mais parfois, il y a des moments, où il se sent tellement esseulé, qu’il pourrait ne plus jamais se relever de sa peine. Et pourtant, il tient encore debout. Parce qu’il se perd dans Dark Vice, et qu’il sait qu’il n’est pas si seul que cela finalement.

« Vous n’y croyez même pas, dit-il enfin, essuyant ses yeux de nouveau. La vie n’est pas belle. Elle nous fait tout perdre en un claquement de doigt, juste pour nous dire qu’il faut être courageux. »

Il aimerait pourtant y croire, la question n’est pas là. Il aimerait pouvoir dire cela aussi, aux gens autour de lui. Il n’y avait qu’à voir Dae, qui s’en était bien sortie, qui était en couple maintenant, qui vivait bien. Et lui, toujours bloqué à la case départ. Il n’avait pas progressé depuis tout ce temps. Il avait même reculé. Parce qu’il ravalait ses vieux démons.

« Vous pensez que si j’y retourne et que je leur donne la dernière pièce, ça va marcher ? » qu’il demanda d’une petite voix.

Ses heures de travail ne pouvaient pas être réduit à néant comme ça. Peut-être que sa chance n’était pas totalement passée. Mais il n’y croyait que très peu. Lui-même n’était pas convaincu que cette pochette pouvait lui faire sortir la tête de l’eau. Même si elle contenait la plus belle pièce de son œuvre. Cette feuille possédait sur sa surface la première de couverture de son histoire. Comment n’avait-il pas pu la voir disparaître ? Elle était ce pourquoi il n’avait pas dormi. Peut-être qu’Angel se sabotait lui-même… Il avait tellement peur de ne pas réussir de son propre talent, qu’il faisait tout pour ne pas réussir. Une nouvelle larme coula, mais il l’essuya aussitôt, reniflant discrètement. Puis son attention se reporta sur l’homme, son cœur s’emballant instantanément. « S’il-vous-plait, songea-t-il, aidez moi encore un peu. »

♡ busan vibe ♡

A STRAND OF DESTINY
(ANGWEI)

Il était vraiment optimiste, comme s’il croyait plus en Angel qu’Angel lui-même. Ce n’était pas nouveau, beaucoup de gens avaient placé leur confiance en lui. Ses mères, son père biologique, son meilleur ami. Mais, recevoir de l’approbation d’une personne totalement extérieure à sa vie, étrangement, cela lui donnait effectivement l’impression de ne pas être aussi dénué de talent que ça. De plus lorsqu’il souligna qu’il le suivait sur les réseaux. « A-Ah ? » Il l’avait donc reconnu, lui qui se cachait sous un pseudonyme, sans jamais montrer son visage et ne postant que ses dessins. Il rougit, une teinte de gêne sur ses joues, alors qu’il essayait de garder la tête haute. Comment l’avait-il même reconnu ? Sans doute par le style de dessin. Il est vrai que grâce à ses travaux en ligne, il avait progressé et tout le monde avait pu le remarquer. Il ne postait que de petites histoires, pas vraiment bien ficelées parfois, mais apparemment, elles avaient réussi à séduire un public, dont il y avait un spectateur devant lui. Il était prêt à aller leur parler, il lui exposait ses capacités. Le cœur d’Angel résonna dans ses tympans, alors qu’il resserrait sa pochette contre son torse. « Oh non… » Il retint sa respiration un instant, bloquant son organe pour l’empêcher d’y aller trop fort. Il avait peur que l’autre homme entende.

Croire en la vie, il aimerait bien, réellement. Mais voilà ce qui lui arrivait lorsqu’il avait de la chance. La moindre parcelle de réussite et il finissait toujours pas tout gâcher. Maladroit, ou alors le destin ne l’aimait tout simplement pas. Dans tous les cas, il ne pouvait pas  dire qu’il voulait encore en découdre avec les dieux qui les surveillaient. Pourtant, ce que lui dit l’homme en face de lui le rassura un peu. Si lui pensait qu’il pourrait le faire, pourquoi doutait ? Oui, il était sans doute un peu trop whipped pour l’homme.  Surtout parce qu’il avait réussi à lui faire voir des étoiles autour de son visage et cela ne voulait rien dire de bon. Pour Angel en tout cas. Qu’un inconnu lui dise de foncer sans se préoccuper du reste, c’était presque comme une scène de scénario. La rencontre inattendue, au pire moment. Celle qui donnera toute la suite de l’histoire. Sauf que le Ih était le personnage secondaire, même de sa propre histoire. Personne ne lui avait prêté l’attention qu’il voulait. Toujours celui qui finit tromper, comme un rebond pour faire repartir l’histoire de l’autre. Et l’individu qu’il avait en face de lui était tellement beau, qu’Angel ne pouvait pas être celui qui l’accompagnerait dans sa vie. Il pouvait être une aventure à la limite. Mais jamais il ne prendra beaucoup plus de place. Un complexe ? Oui, sans aucune doute.

Et puis, sans réfléchir, il se retrouve tiré par l’homme, entraîné à sa suite pour monter dans sa voiture. En temps normal, il aurait refusé. Même s’il était un adulte, monter dans le véhicule d’un parfait inconnu n’était pas recommandé. Mais il avait des manières si délicates… Oh, Angel pouvait se faire avoir si facilement. On n’avait qu’à lui mettre un joli cœur devant les yeux et il craquait. Le chemin se fit rapidement, Angel cramponnait à la portière, prêt à bondir au cas où. C’était calme dans la voiture, mais lui était sur le point de s’évanouir. Il avait consommé un peu trop de sucre, avait vu un bel homme, il ne lui fallait pas plus pour passer l’arme à gauche. Pourtant, il se sentait en confiance. Pour dire, il ne se rendit même pas compte qu’ils étaient arrivés. Observant la bâtisse de derrière la vitre, il avala difficilement, se sentant encore plus minuscule que tout à l’heure. Sauf que la voix de l’homme lui donna un coup de booste qu’il ne se connaissait pas. Quelqu’un croyait en lui. Actuellement. Et il le lui montrait. Il croyait en lui, non pas parce qu’il le connaissait, mais bien parce qu’il aimait ce qu’il faisait. Tout n’était donc pas vain.

« Merci ! répondit-il avec le même aplomb, prenant une inspiration en serrant ses feuilles. Je reviens ! »

Sur ces mots, il s’envola, quittant la voiture pour retourner dans l’enfer qu’il avait quitté quelques instants plutôt. Se penchant vers la réceptionniste, il mentit en disant avoir un rendez-vous. Cette dernière, voyant bien qu’il y avait son nom sur la liste (sans rire) le laissa entrer. Une volée de marche et le voilà devant le bureau. Aussitôt il toqua, attendant une réponse pour faire irruption. Par surprise, le patron eut un temps de latence. Temps qui laissa la place à Angel pour lui déposer la couverture du livre devant les yeux. Sa pièce préférée, celle qu’il avait perdu et retrouvée. La perfection de sa nuit blanche. Le souvenir du visage de celui qui devait sans aucun doute l’attendre lui revint, lui donnant le courage de s’expliquer. Il fit la même démonstration que tout à l’heure. Il prouva les raisons pour laquelle il était bon. Pourquoi lui est pas un autre. Pourquoi il méritait cette place. « La tienne est encore là, et si tu fonces, tu peux réaliser tes rêves les plus fous. Si elle te fait perdre tout en un claquement de doigt, c'est pour mieux rebondir. » Est-ce qu’il rebondissait là ?

Son visage ressentit le vent un peu froid de la mer alors qu’il sortait de la maison d’édition. Ses yeux naviguèrent un instant pour trouver la voiture qui l’avait si gentiment déposé. Lorsqu’il la remarqua, il se dirigea vers elle, y entrant calmement. Pas de larmes, ni de joie ni de tristesse. Seul un sourire, un peu discret. Il savait que la question devait lui brûler les lèvres. Pourtant, il prit le temps de déposer ses claques à ses pieds, avant de se retourner vers lui. Il attrapa le visage de l’homme dans ses mains, laissant enfin son sourire immense transpercé son visage, alors que des perles coulaient de ses yeux.

« Je l’ai eu ! J’ai réussi ! »

Il se jeta alors dans ses bras, de joie cette fois, sautant par-dessus le levier de vitesse pour le serrer. Les bras autour du cou, il ria doucement. Tout son stress s’était envolé, tout avait disparu. Et dire qu’il n’avait fallu qu’une pièce, qu’une simple page pour tout faire basculer. Il ne se rendait pas non plus compte, qu’en plus d’avoir changé sa vie professionnelle, cette  couverture de livre avait bouleversé sa vie amoureuse. « Merci pour tout » qu’il répétait encore et toujours à celui qui avait fait de son rêve une réalité.

♡ busan vibe ♡

A STRAND OF DESTINY
(ANGWEI)

Sa tête tournait légèrement alors qu’il ne pouvait s’empêcher de sourire. Recevoir autant d’émotions en si peu de temps lui donner l’impression de ne pas avoir assez de place en lui pour tout contenir. S’il pouvait simplement se reposer un peu, pour se remettre de cette journée, il en remerciera tous les saints et les imposteurs par la même occasion. Mais évidemment, la réussite de ce jour n’était pas entièrement de son fait. Il y avait son sauveur, celui qui se tenait sur le siège conducteur à ce moment précis, les yeux aussi pétillant que s’il venait de voir une étoile tombée à la place d’Angel. Il devait simplement être heureux de voir que le jeune homme qu’il avait aidé et qu’il avait conduit jusqu’ici avait finalement réussi. Mais alors, le dessinateur se rendit compte qu’il ne connaissait pas son nom. Bien sûr, celui en face de lui ne devait pas non plus réellement le connaître. Son surnom de dessin était Ange, lorsqu’il n’était pas sur le Dark Vice. A ce moment-là, il devenait Devil, avec des images beaucoup moins adorables et des histoires beaucoup plus hardcores. Sur aucun de ses réseaux il n’avait mis sa tête pourtant. Mais peut-être que l’art en lui-même avait suffit à ce qu’on le reconnaisse. Tout de même, il devrait se présenter réellement face à lui. En plus de ça, il semblait plus vieux que lui. Ses manières avaient totalement disparues. La panique avait supprimé toute sa timidité. Comme quoi, tout était possible.

Du rouge teinta ses joues en l’entendant, alors qu’il hochait la tête, serrant contre lui, la pochette détentrice de son bonheur. Trouvait-il réellement son sourire radieux ? Il l’espérait, en un sens, parce qu’il voulait être mignon pour lui. Angel avait un visage pas si banal que cela, mais ses lunettes cachaient la quasi-totalité de ses traits, ne lui donnant que deux grands yeux ouverts et un air de chouette perdue. Doucement, il les remonta sur son nez d’ailleurs, ayant oublié qu’il les portait depuis tout à l’heure. L’habitude sans doute. Il les avait toujours, pour la simple et bonne raison que sans, il ne verrait absolument rien du tout. La légère tape sur sa tête le fait d’autant plus cramée de l’intérieur qu’il se rend enfin compte qu’ils doivent être vraiment éloigné en âge. Et il lui a sauté dans les bras comme s’il s’agissait de Daehyun, sans aucune pression. La honte commençait à lui tordre le ventre, mais il se retint de dire quoi que ce soit, tout repartant aussi rapidement que c’était venu alors qu’il entendait sa dernière phrase. Relevant alors les yeux vers lui, il déglutit, se demandant s’il pouvait lui proposer quelque chose ou pas. Etait-il un homme occupé ? Ohlala… Qu’avait-il fait encore ?

« Je… Je pense que oui… » prononça-t-il enfin.

Mais il n’en avait aucunement envie. Il voulait savoir qui il était, il voulait pouvoir le revoir. Malheureusement, il s’était déjà attaché, ressentant son cœur tiqué méchamment en se disant qu’il ne le reverrait sans doute jamais. Une rencontre comme celle-ci, pourtant, ressemblait bien au début d’un drama ou d’une bd. Un coup du sort, un petit problème, et un sauveur pour venir tout arrangé. Jusqu’à la prochaine fois. Angel ne bougea pas, son cerveau tournant à mille à l’heure pour essayer de construire une réplique qui pourrait faire continuer l’histoire. Il en écrivait toujours, pourquoi était-ce si difficile maintenant ? Parce qu’il ne savait pas comment son interlocuteur allait réagir. Alors qu’il connaissait parfaitement la manière dont ses personnages réagissaient. Prenant son courage à deux mains, se remettant d’aplombs de nouveau, comme lorsqu’il devait rentrer dans la maison d’édition, il inspira, avant de se retourner de nouveau vers lui.

« Je ne me suis pas présenté, dit-il rapidement, et un peu fort. Je m’appelle Ih Angel, nom d’illustrateur, Ange ! Ravi de vous rencontrer ! »

Il sourit de nouveau, n’attendant pas forcément de réponse face à sa présentation. Ses yeux brillaient encore. Il avait trop de sucre dans le sang, il avait vécu trop de choses aujourd’hui. Mais il ne pouvait s’empêcher d’en rajouter toujours plus. Il s’était attaché à son sauveur. C’était trop tard. Autant pour l’un que pour l’autre.

« Pour vous remercier, j’aimerais vous offrir quelque chose en échange ! proposa-t-il alors. Pas aujourd’hui, vous semblez pressé, mais peut-être une autre fois ? »

Tout se terminera encore dans les larmes mais, pour le moment, il n’y avait qu’une histoire de plus à démarrer.

♡ busan vibe ♡

A STRAND OF DESTINY
(ANGWEI)

Wáng Junwei. Angel le marqua dans son esprit, remarquant les consonances qui ne semblaient pas être du coin. Mais il ne dit rien. Parce qu’il n’avait rien à dire de toute façon. Mais il le retint, écrivant par l’esprit le nom de son sauveur, se demandant un instant s’il n’allait pas passer pour un fou à aller regarder s’il est sur les réseaux. Puis, il se dit que s’il connaissait son art, il devait forcément traîner sur le compte du dessinateur et donc… hé bien, c’était aussi une forme de stalke en un sens. Mais bref, là n’est pas la question. Ne se laissant pas abattre même après son rejet de lui payé quelque chose en retour, il se promit à lui-même que si l’occasion se présenter, il lui achèterait tout de même quelque chose. C’était comme s’il lui devait quelque chose en plus. Et puis, c’était aussi une bonne raison pour se montrer à lui et engager une conversation. Ses yeux se fixèrent sur la route, alors qu’il continuait de sourire, sur un nuage.

« D’accord… Mais juste pour aujourd’hui. Vous ne vous en sortirez pas aussi facilement. »

Un léger rire lui échappa. Il ressemblait presque à un cliché de personnage de bd, mais cela ne l’amusait. Toute sa vie, il n’avait été traité que comme un individu secondaire. Il était même sûr de figurer au second plan dans la vie de son meilleur ami. Pas depuis qu’il avait un petit copain, mais en général. Après tout, Angel faisait souvent le mort, disparaissant pendant des semaines entières pour réapparaitre comme une fleur. Mais pas à cause de ses copains, non, jamais à cause ça. Plutôt à cause du travail, de stresse et de l’anxiété permanente qui réduisait parfois considérablement ses nuits. Cela ne se voyait que très peu grâce à ses lunettes et à ses talents de maquilleurs, mais ses cernes le faisait très souvent ressembler à un hibou en pleine contemplation de l’univers. Une analogie qu’il aimait beaucoup, parce que la chouette était comme son animal totem. (Attention, la chouette et l’hibou, ce ne sont pas les mêmes animaux, qu’on se mette d’accord.) L’oiseau était nocturne, et à la moindre trace d’affection, il ne voulait plus quitter l’individu qui l’avait aimé. Exactement comme Angel, qui tombait amoureux pour un rien et qui se retrouvait toujours à minuit, debout devant sa fenêtre, à ne plus savoir sa place dans le monde.

Lorsque la voiture s’arrêta, il revint à lui, prêt à sortir en ayant rassemblé ses affaires. Mais la pluie vint de rajouter à l’équation et malheureusement, dessins plus eau ne faisaient jamais bon ménage. Le Ih se préparait mentalement à courir sous la pluie pour se mettre à l’abri, mais un geste de Jun le surpris. Pourquoi venait-il de sortir de la voiture ? Tournant la tête, il le suivit des yeux, avant de le voir arriver de l’autre côté de sa portière. Et « badoum » son cœur résonna en même temps qu’il l’observa ouvrir la porte, plaçant le parapluie pour faire en sorte qu’il ne se mouille pas. Comprenait-il seulement que ce simple geste avait plus de signification encore que de l’avoir aidé avec ses œuvres tout à l’heure ? Tentant de ne pas perdre la face, Angel sortit, calant ses planches sous son bras, allant prendre la hanse du parapluie de l’autre.

« M-Merci… »

Le contact entre leurs mains, le fait qu’il lui tapote l’épaule, sa voix qui se faisait entendre même malgré la pluie qui s’abattait autour d’eux. Tout, absolument tout, était fait pour qu’Angel craque. Et bien sûr, il craqua. Il reconnu ce sentiment qui se déversa en lui comme du miel, chaud et tendre, presque voluptueux. « Oh non, non, non ! » Il le regarda retourner dans sa voiture, lui fait un signe de main et repart d’où il était venu. « Non ! Non, non, non. » Mais la petite voix, celle qu’il connait très bien, de son cœur à peine remis de sa dernière rupture, lui chuchota timidement, s’excusant presque d’exister. « Je crois que tu es amoureux… »

♡ busan vibe ♡