Les cours viennent de terminer. Pour une fois, tu finis tôt, de quoi te laisser le temps de rentrer chez toi pour manger un repas convenable. Celui de la cafétéria n’est jamais à ton goût, surtout les vendredis. N’étant pas venu avec ta voiture qui est actuellement au garage pour la révision annuelle, tu rentres à pied, téléphone en main, sourire aux lèvres. Tu as prévu de faire une petite surprise à Angel aujourd’hui. Lui qui travaille encore jusqu’à plus tard dans l’après-midi. Chez toi, tu prends le temps de bien t’habiller, de te parfumer avec l’eau de toilettes qu’il apprécie particulièrement. Tu regardes l’heure, et range un peu le bordel qui se trouve sur ton passage. Tu t’es un peu trop laissé aller ces derniers temps. La fin des cours est proche, et c’est toujours une tradition pour toi de te relâcher et faire moins attention. Moins de révision, plus de légèreté. Aujourd’hui, tu n’envoie pas de message à Angel. Tu veux qu’il se languisse de toi. Pour que vos retrouvailles soient plus douces et plus tendres. Bien que ça ne fait que deux jours que vous ne vous êtes pas vu. Un petit coup de peigne dans tes cheveux sombre, et te voilà reparti dehors, le vent chaud te caressant le visage et faisant virevolter tes cheveux. Tes pas te mènent à un arrêt de bus où tu n’attends qu’une vingtaine de minutes. Rien que ça… Avant de monter dans ledit bus. Tu paies ta place avec ta carte, et t’installe au fond comme à ton habitude. Tu cales tes écouteurs sans fils dans tes oreilles et lance ta playlist Spotify, des chansons latino. Ce qui te change des musiques et ost de k-drama que tu aimes énormément écouter en ce moment. Tête calée contre le siège, tu fermes les yeux, connaissant par cœur le chemin. Tu reconnais les virages, les jeux de lumière avec les rayons du soleil qui rencontrent les vitres. Un sourire marque tes lèvres, et tu t’impatientes. Tellement que tu agites ta jambe frénétiquement dans le vide. Certains passagers te remarquent et te fixe, comme si tu avais l’air d’un être venu de nulle part et surtout d’une autre planète. Mais tu t’en fiches. Tu t’es toujours fichu du regard des autres. A quoi bon s’attarder là-dessus si c’est toujours des jugements négatifs sur sa personne ? Le trajet se fait plus long qu’il n’y paraît pour toi, mais tu te sens de nouveau mieux en descendant de l’engin à quatre roues. Encore quelques minutes de marches et tu arriveras à bon port. Tu fais attention en traversant sur les différents passages cloutés, puis te stoppe devant un bâtiment. Tu retires tes écouteurs, les ranges précieusement dans tes poches, et coupe ton application de musique. Ton regard reste fixe sur la porte, qui finit par s’ouvrir sur un visage familier. Bien trop familier. Ton sourire s’agrandit. « Angie ! » lances-tu en faisant un grand signe du bras. Tu te rapproches de lui en trottinant, venant l’attirer à toi, dans tes bras. Tu le serres tendrement, avant de laisser tes mains s’échouer sur ses joues, ses cheveux. « Comment tu vas ? Surpriiise. » Tu lui offre ton plus beau sourire, avant de venir l’embrasser doucement, tes doigts effleurant sa nuque. « Pas trop fatigué de ta journée ? » Tu as tout prévu de toute manière. Tu ne comptes pas le laisser faire quoi que ce soit durant cette fin de journée. Tu aimerais lui faire plaisir, qu’il se détende et se repose un peu sur toi. « Honey. Ça te dirait de passer la soirée avec moi ? »

La chaise émit un petit couinement alors qu’il s’étirait. Les mains croisées, les bras tendus au-dessus de la tête, Angel cambra le dos, cherchant à le détendre de sa position penchée habituelle. Devant lui, son collègue semblait en pleine perte de conscience devant sa tablette graphique. Il avait coincé son stylet entre son majeur et son index et fixait avec morosité les derniers plans du scénario qu’il devait corriger. Cela semblait complexe, et Angel retint un gloussement en voyant qu’il plissait les yeux devant l’écriture catastrophique de leur cheffe. De son côté, Angel avait plutôt bien avancé sur les fonds de planches, ayant constitué plus de quatorze décors en cinq heures. Derrière ses lunettes rondes, il jeta un coup d'œil à l’horloge numérique de sa tablette. Il avait dépassé de quelques minutes ses horaires de travail. Avec un sourire, il sauvegarda encore une fois son travail - on est jamais trop prudent - avant de se lever. Soudainement, son collègue releva les yeux vers lui, comprenant que le nouveau petit jeune de l’équipe avait terminé ses planches. Angel lui fit un sourire, glissant de son côté du bureau pour voir sur quoi il travaillait avant de l’encourager avec compassion car lui était bien incapable de faire un tel exploit que de relire les bulles de conversations de l’auteurice. Puis, il alla saluer cette dernière, lui souhaitant une bonne soirée, ce à quoi elle répondit par un grognement qui signifiait que non, la soirée n’allait pas être bonne.

Dans l’entrée de la maison, il remit ses chaussures, avant de prendre la veste légère dans l'armoire, la détachant du cintre pour l’enfiler, glissant à dos sur ses épaules. La main sur la poignée de porte, il entendit qu’on appelait son nom à l’intérieur de la maison, pour voir sa boss arrivée, ayant sans doute enfin capté qu’il partait. Elle lui demanda, presque à genoux, s’il pouvait rester un peu plus longtemps demain soir, parce que ça deadline était dans cinq jours et qu’elle avait, je cite « besoin de toutes les forces disponibles ». De sa bonté de cœur ordinaire, il accepta, voyant déjà la prochaine journée comme un enfer. Elle repartit aussi rapidement qu’elle était venue, le laissant sortir tranquillement dans l’air chaud de Busan. Ses yeux s'accommodèrent à la lumière de la soirée, trop habitués à celle artificielle de son écran. Pour voir son petit-copain arrivé vers lui. Aussitôt, un sourire illumina le visage d’Angel qui se laissa attirer dans le câlin, le rejoignant en passant les bras autour de lui en retour. Toute la fatigue de sa journée s’envola en sentant ses mains sur ses joues, ses lunettes glissant légèrement sur son nez alors qu’il le regardait en souriant.

« Mieux, vu que tu es venu ! rigola-t-il, rempli de joie. Ça me fait tellement de bien de te voir, tu peux pas savoir… Aujourd’hui, c’était compliqué. Mais j’ai fait quatorze décors, héhé ! Appelle-moi monsieur productif aujourd’hui ! »

Son rire résonna de nouveau autour d’eux, alors qu’il le regardait, des étoiles vibrantes dans l'atmosphère. C’était un amour juvénile, jeune et fleurissant, et lui l’était éperdument pour Seth. Il se sentait si bien contre lui. Pour lui, à cet instant, il n’y avait qu’eux. Uniques et seuls.

« Un rendez-vous ? demanda-t-il. Avec plaisir ! Tu es incroyable… J’adore nos sorties ! »

Avec la journée qu’il venait de passer, les heures assis sur son fauteuil à dessiner jusqu’à ne plus en pouvoir, il rayonnait littéralement en se retrouvant contre Seth. C’était si doux, si sincère, et il y croyait - comme avec toutes ses relations - comme une histoire qui ne se terminera jamais. Du bout des doigts, il remonta ses lunettes, les yeux immenses derrière ses verres, avant de se redresser pour lui embrasser le nez du bout des lèvres, avant de retomber sur ses talons. Puis il lui prit la main, prêt à tout ce qu’il pouvait lui offrir pour ce soir. Les pommettes roses et le cœur en fleur.