6 octobre 2014.
Un jour comme les autres pour de nombreuses personnes. Rien de spécial ne s'est passé, rien d'incroyable, de mémorable. Juste des naissances d'enfants autour du globe, dont celui-ci, prénommé Byun Aidan Il Hoon. Un petit garçon né de deux parents coréens sur une petite ville de Malaisie du nom de Ipoh. Deux parents ayant un amour du voyage et de la Malaisie elle-même ont voulu marqué en leur fils cet amour en lui donnant comme premier prénom un dans la langue malaise : Aidan.
Quant à leur vie là-bas, elle fut calme et heureusement avec le déplacement sur Kuching, jusqu'aux deux ans de l'enfant.

15 février 2017.
Néant. Obscurité.
Son absence avait creusé un gouffre entre le père et son enfant, la peur s'installant chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde. Stress. Désespoir. Impatience à attendre un coup de fil de la police de la ville. Ils n'attendaient qu'une chose, que l'on retrouve la mère de famille, en vie, en bonne santé, afin qu'elle leur revienne pour vivre sa meilleure vie.
Silence. Éternel silence.
Puis retentit la sonnerie de téléphone pour annoncer la trouvaille de cette femme. Ils n'eurent guère le temps d'en dire plus. Juste le lieu était suffisant pour que le père, avec son petit garçon, se précipite le plus rapidement possible sur les lieux. On dit toujours qu'une personne ne se souvient pas de ses souvenirs avant ses cinq ans, mais cette image resta tatouée dans la mémoire d'Aidan. Le corps de sa mère. Devant lui. Mutilée. Tâchée de sang. Ses vêtements couvrant maladroitement les parties personnelles. Mais son visage. Ce visage qu'il voyait comme la plus grande lumière du monde. Déformé. Gonflé. Sans le moindre signe de vie. Bien qu'il ne l'ait vu que quelques secondes avant que son père lui cache le visage, il n'oubliera jamais l'état dans laquelle sa mère était. Il n'oubliera jamais ce que certaines personnes sont capables de faire pour leur pur amusement, sur une pure inconnue, une innocente.

23 mars 2018
Son père ne semblait pas tant perturbé que ça.
Il avait traversé le deuil de sa femme comme un champion, ce que son fils n'arrivait pas à suivre. Des larmes glissant sur son visage pour aucune raison, des cauchemars incessants presque tous les soirs, le réveillant dans des sueurs froides et le corps tremblant. Alors que Monsieur Byun lui avait trouvé une femme, une nouvelle femme. Une jeune malaisienne quelque peu plus jeune que lui, qui semblait ouverte à la moindre idée qu'il soulevait. Du haut des trois pommes qu'il faisait, Aidan n'appréciait pas cette dame. Il ne l'aimait pas, la trouvant bien trop envahissante, trop rapide pour avoir ce qu'elle voulait. Mais il semblait déjà trop tard pour qu'il en parle à son père.
Quelques mois passèrent. Et la voilà enceinte.
L'enfant naquit, et le mariage fut prononcé.
Il n'y avait plus rien qu'il pouvait faire.
Il n'allait pour autant pas l'accepter comme sa nouvelle mère, parce qu'elle ne le saurait jamais à ses yeux. Mais elle avait mis au monde une petite poupée aux joues gonflées, une petite princesse avec des petites jambes et des gros yeux, une petite princesse qu'Aidan se promit de protéger jusqu'à la fin de ses propres jours.

16 juillet 2021
Deux enfants étaient un nombre qu'il appréciait. Maintenant qu'il avait six ans, presque sept, qu'il n'avait pas de mal à s'occuper de la boule d'énergie qu'était sa petite sœur, il pensait que tout irait bien, ils resteraient à deux. Mais non. Un troisième enfant s'ajouta à la famille. Et bien qu'il était heureux, parce qu'il avait un petit frère avec qui jouer plus tard maintenant, Aidan ne pouvait s'empêcher de voir en eux deux une vague présence de sa mère, de son esprit qui les protégeait. Et bien que le plus grand du trio n'était pas l'enfant le plus obéissant au monde, encore moins le plus poli envers sa belle-mère, il ne laissait pas la moindre personne faire du mal à sa sœur et son petit frère.
Il ne comptait jamais les laisser être tourmenté, ou blessé, pour finir comme sa propre mère.

2 décembre 2023
Il était temps. Enfin. De quitter la Malaisie pour revenir en Corée du Sud.
Pour le plus âgé, ce petit changement de lieu, bien qu'il n'était pas très sûr, lui fit un grand bien pour réussir à ne pas repenser à son traumatisme en passant proche de la rue où elle avait été retrouvée. De plus, ayant appris la langue auprès de son père, vivre en Corée du Sud n'était pas le problème pour lui. Le problème fut assez rapidement son comportement, loin d'être un fauteur de trouble, mais ses émotions étaient sans limite. Passant de colère incontrôlable aux pleurs en moins d'une minute, il n'avait aucune idée de comment les contrôler. Et malheureusement pris pour une mauvaise période par ses parents, ceci fut intégré à son comportement, à sa personnalité réelle dès ses 9 ans. Un garçon déjà bien instable, mais respectant les limites du possible. Il n'allait jamais frapper qui que ce soit, mais il leur criait dessus si ses nerfs s'emballaient. Il ne pleurait pas devant tout le monde, mais dès qu'il était seul, les larmes coulaient toutes seules. Et pourtant, personne n'a rien fait pour l'aider. Tout ce qu'il pouvait faire était d'essayer de se contrôler seul pour donner le bon exemple à sa sœur et son frère, et non l'image du grand-frère mentalement touché.
Alors c'est ce qu'il fit.
Se contrôler.  

5 août 2028
Une explosion, ou implosion ? Il ne sut comment le dire. En voyant les petits devenir des prodiges des arts, la petite dansant et chantant depuis qu'elle pouvait tenir sur ses deux jambes, et le petit qui dessinait toujours autant sur les murs, il ne restait plus que lui. Mais il n'avait rien. Rien d'artistique en lui. Il était incapable avec sa voix craquant grâce à la puberté de chanter la moindre note juste, et son corps refusait de comprendre ce que le mot coordination voulait dire. Ce qu'il aurait aimé pourtant. Suivre sa sœur. Le dessin était beaucoup trop de boulot pour lui, trop de temps sur la même chose, ce qu'il n'arrivait pas à tenir. Alors il commença à se faire à l'idée qu'il fallait trouver en quoi il était le mieux. Ce qui le rendait différent. Ce qui montrait qu'il n'était pas juste un garçon normal à côté des deux petits.
Puis, comme une ampoule s'allumant soudainement, ou que quelqu'un venait de le frapper en plein cerveau, il comprit. Il n'était pas un artistique, mais il était fait pour autre chose.
Protéger.
Faire régner la justice pure et dure.
Protéger les plus faibles.
Et ainsi commença son voyage dans le rôle du Protecteur des plus faible. Il avait tout prévu, tout planifié. Tout ce qui lui manquait été la possibilité de contrôler à la perfection chaque émotion qui l'envahissait. Et même pour ça, il avait sa propre idée.  

27 novembre 2033
19 ans. Depuis quelques jours seulement.
Et le voilà qui avait tout annoncé à ses parents, sûr comme s'il y avait réfléchi toute sa vie, ce qui simple presque vrai.
Il avait prévu de faire son service militaire dès qu'il avait pu, alors dès la majorité, le voilà prêt à affronter le monde des grands, de la façon la plus violente possible.
Entraînement militaire, rôle à suivre à la lettre, cours et contrôle de soi, il se fichait de tout ce qui se dressait devant lui, si ceci pouvait faire de lui l'homme qu'il voulait, il était heureux de souffrir.
21 mois.
Il y passa un total de 21 mois, un an et neuf mois dans l'armée de terre. Et quand ses pieds revinrent vers Busan, il était un homme changé. Un homme bien plus fort en carrure, et mentalement également. Il avait appris malgré les cris et les conditions à se contrôler, à mettre ses émotions en mode "armée", et ne jamais plus être ainsi en public. Il était changé. Il était lui, mais peaufiné.

8 janvier 2035
Un jour il faut bien commencer à bouger son petit derrière. Et Aidan fit ça le plus vite possible, ce qui lui prit quelques mois.
Mais rapidement, il venait d'être accepté après les tests voulus pour faire parti de la police de Busan. Il ne pensait pas que ce serait aussi simple, et peu importe à qui il demandait autour de lui, il se rendait compte qu'il avait eu un léger traitement de faveur, n'ayant pas dû attendre le temps normal et fait l'école comme prévue. Il leur avait déjà prouvé assez, assez pour qu'il n'ait pas besoin de faire plus.
Ce n'était après qu'un officier de police, qui suivait des ordres, surveillant les rues afin de faire régner la paix sur les rues de Busan. Et ce qu'il en a vu des choses dans ces rues.
Il resta ainsi, dans cette position pendant plusieurs années, un salaire modeste mais bon, ce qui lui permit d'enfin quitter le nid de ses parents même s'il vivait sur la même ville.

21 avril 2038
Une vie normale.
Rien de plus.
Des amours qui ne duraient que peu de temps. Des relations de plus en plus compliquées avec sa sœur et son frère malgré qu'ils soient chacun au courant de leur ressentit et ensuite..? Rien. Enfin. Il fut promu comme gardien de la paix avant d'être placé dans la brigade de protection familiale. C'était pour lui tout ce dont il pouvait avoir besoin. Un bon salaire, et une mission qui lui était comme destinée. Puis quelques mois plus tard, on lui offrit un second boulot autre que celui qu'il avait déjà. Familier avec les nouvelles technologies, bien qu'il n'était pas le plus doué là-dedans, on lui demanda son aide pure et dure dans l'équipe de terrain de la Cyber Task Force. Cela semble un peu simplet, mais quand on propose un bonus plutôt agréable dans le salaire avec tout ce qu'il a à faire est de répondre présent en cas de descendante vers la maison d'un hacker potentiellement dangereux, il ne refuse pas.

Et cela nous mène à aujourd'hui, en 2040. Un homme sûr de lui, en presque total contrôle de lui-même.