mère aimée, la poigne ferme et les idéaux trop hauts.
sans doute la femme la plus forte que tu connaisses ; et minho, longtemps tu n’as pas compris son comportement. blessé de la voir te punir pour mieux consoler daewon, lorsque c’est lui qui refusait de te prêter ses jouets ; incapable de voir que si elle le traitait comme son protégé, c’est parce qu’il était différent – issu de ces familles qui règnent sur le monde et négligent leurs enfants.
mais tout ça, pendant longtemps tu ne le voyais pas ; car déjà à cet âge-là, il était comme un frère pour toi.


HALMEONI

tw: suicide, mort d'un parent
ta grand-mère n’était pas là, lorsque le directeur est venu te chercher en classe ce jour-là. elle n’était pas là lorsqu’il t’a emmené dans son bureau, où tu as retrouvé ta mère et ta sœur. elle n’était pas là non plus lorsque tu as vu dans les yeux de eomma, pour la première fois de ta vie, ce que signifiait être anéanti, ou lorsqu’elle t’a expliqué que appa ne rentrerait pas du travail ce soir-là, ni aucun autre. car appa il s’est jeté par la fenêtre une heure plus tôt, sous les regards abasourdis de ses collègues de bureau.
appa il vous a abandonné sans un mot, vous laissant pour seul héritage un bagage de questions condamnées à rester sans réponses.
mais elle était là, lorsque vous avez incinéré son corps disloqué ; que tu as regardé les flammes avaler le cercueil, engoncé dans des vêtements trop sombres pour un enfant comme toi. que tu as retenu tes larmes, car il n’aurait pas voulu que tu pleures. qu’il aurait été déçu que tu pleures.
et elle était là, très tard cette nuit-là, lorsqu’elle est venue voir pourquoi tu ne dormais pas. elle t’a laissé décharger tes sanglots d'enfant contre le coton de sa chemise de nuit ; t’a serré contre elle, de toute la force que lui permettaient ses bras de vieille femme, jusqu’à ce que tu tombes de fatigue.



elle était jolie comme un cœur, avec ses longues couettes et ses robes roses à fleurs. le parfait cliché de ces fillettes trop sucrées – et vingt ans après, ce sont toujours les mêmes qui accrochent ton cœur, ces demoiselles qui exhalent la douceur, aiment les petites robes et les bijoux stupides.
elle a été ta première amoureuse – un bisou secrètement échangé dans un coin de la cour, et ces promesses d’enfant condamnées à être bafouées lorsque vous vous êtes juré que plus tard, vous vous marierez.
c’est la seule fille qui ne t’aura jamais fait le moindre tort ; sûrement la seule à qui tu ai causé du chagrin, ce jour d’hiver où tu lui as annoncé que ta famille quittait busan.
elle et haru, ce petit voisin qui habitait la même rue que toi, ce sont les seules personnes que tu as été triste de laisser derrière toi. car vous partiez pour suivre les park ; que daewon serait avec toi.
et tant qu’il était là, rien de mauvais ne pouvait arriver.


EUNAE

tu l’as aimée, de tout ton être – mais jamais ta love alarm n'a sonné. tu te disais que cela ne faisait rien, que l'application ne devait pas être aussi infaillible que tout le monde le disait. que les battements de ton cœur, assourdissants, et tes entrailles nouées chaque fois que tu la voyais dans les couloirs du lycée étaient bien suffisants ; que tu pouvais toujours l'aimer assez pour vous deux.
et ce sont ces mêmes mensonges naïfs que tu te répèteras avec toutes les autres, après elle.
pourtant, au bout de quelques mois, c’est ce même cœur qu’elle a piétiné.
heureusement, daewon était là pour te relever ; plus pragmatique que toi, toujours là pour te raisonner lorsque tes pensées commençaient à prendre un peu trop de place. à ne jamais hésiter à te plonger la tête sous l’eau quelques secondes, pour te permettre de respirer plus fort l’instant suivant.



et c’est ensemble – car vous avez tout fait ensemble –, que les deux frères sont partis faire leur service militaire. c’est là que vous rencontrerez hyunki, un peu plus jeune que vous, devenu ami mais condamné à y rester après vous.
pour daewon et toi, cette étape n’a pas tardé à toucher à sa fin. le soir-même, vous êtes allés fêter cette liberté retrouvée – nuit d’ivresse, à se perdre dans les rues de séoul.
c’est là que tu l’as aperçue. tu as d’abord vu ses bras – couverts d’encre, les tatouages serpentaient sur sa peau, vivaient fièrement. peu soucieux des regards aigres de vos aînés.
son visage s’est oublié à ta mémoire, mais ses tatouages demeurent, précis, comme si encore sous tes yeux.
et t’as ressenti une pointe au cœur, mélange de tristesse, de frustration et de fascination. car toi aussi, t’aurais aimé trouver le courage de passer sous l’aiguille, à défaut de trouver celui de t’exposer. pire, tu rêvais d’être celui qui manie cette aiguille. écrit des récits de vie dans la peau d’inconnus comme cette fille.
rêve qui t’anime depuis bien plus longtemps que tu n’oses te l’avouer, car t’as tiré un trait dessus avant même de l’avoir envisagé, à l’encre indélébile comme celle qui marque le derme. parce que tu le sais, jamais ta famille ne te pardonnerait d’avoir succombé à une activité illégale ; de faire voler en éclats les sacrifices qu’elle fait pour toi, depuis toujours, pour un caprice.
et minho, tu vis pour les rendre fiers – ta mère, ta grand-mère, et ce père que tu aurais rêvé plus connaître.
alors tant pis.


YERA

tw: crise de panique
vous avez toujours partagé une chambre – et si yera était souvent agacée d’avoir son petit frère dans les pattes, toi, sa présence te rassurait.
notamment ces nuits trop dures, où les heures défilent mais que morphée refuse de t’accueillir.
que tu t’efforces de concentrer tes sens où tu peux – cette petite fissure au plafond, le murmure des voitures qui filent dans la nuit, la respiration de ta sœur de l’autre côté de la pièce.
mais ton cerveau capricieux refuse de se concentrer sur l’un de ces éléments tangibles.
aime mieux te ramener à ton père.
ton père et ses mains puissantes, chaudes, lorsqu’il les glissait sous tes bras pour te hisser sur ses épaules.
ton père et ses mains presque bleues, sans doute glacées, deux jours plus tard.
ce jour de printemps, où l’odeur doucereuse des cerisiers en fleurs s’insinuait par la fenêtre ouverte du bureau du directeur. la nouvelle tombée comme appa, ce jour-là.
et si toi aussi ? si toi aussi un jour tu craquais et que tu sautais et que ces putains de fenêtres qui te terrifient tant savaient finalement te happer et que tu perdais ce fameux contrôle sur toi-même et alors tu mourrais et tout serait fini et ta grand-mère ta mère ta sœur seraient malheureuses et sans doute daewon aussi et sûrement que t’aurais gâché la vie de tout le monde comme ton père a gâché la tienne en se laissant aller à l’appel du vide.
litanie macabre qui se joue en boucle derrière tes yeux grand ouverts, et le souffle s’accélère, vient à manquer, ta tête te fait mal à ne plus savoir respirer et les larmes inondent tes yeux mais refusent de couler, viles capricieuses qui d’ordinaire ne se font pas tant prier, mais il se passe quoi cette nuit ?, et tes ongles courts s’impriment dans la paume de tes mains sur tes cuisses sur tes bras et la bile monte et tu te demandes quand tout ça va enfin s’arrêter.
il t’aura fallu un moment pour te souvenir de te traîner jusqu’à la salle de bain, et sans doute que tu passes un peu trop de temps sous le jet glacé de la douche, à laisser tes cheveux se détremper en espérant remettre de l’ordre dans tes idées. sans doute que tu passes un peu trop de temps à essayer de vider ce verre d’eau par ta gorge nouée, et retour au lit, et il est déjà 4:10 mais au moins tu ne trembles plus, au moins tu respires mieux, mais les traces sur tes joues sont trop chaudes pour seulement être des vestiges de la douche.


elle était belle – trop belle pour être vraie –, et sa voix douce lorsqu’elle t’a demandé, l’air délicatement perdu, où se trouvait l’amphi n°3.
elle semblait parfaite – trop pour que tu ne fasses pas ce que tu sais faire de mieux, tomber amoureux –, et elle t’a brisé le cœur, elle aussi, lorsqu’au terme de six mois de relation, le soir du réveillon du nouvel an, tu l’as trouvée avec un autre.
elle t’a avoué que c’était son ex, que cela faisait plusieurs mois qu’ils se revoyaient et qu’elle était sortie avec toi seulement pour tenter de le rendre jaloux.
de toute évidence, cela avait fonctionné.
elle ne t’avait jamais aimé, elle te l’a dit droit dans les yeux, sans flancher, et puis elle t’a quitté.
et minho, c’est seulement après tant de déceptions que ta confiance aux femmes a commencé à doucement se fissurer.


SOOKYUNG

tu t’étais promis de ne plus tomber amoureux. de prendre cette nouvelle année comme un nouveau départ, et te plier au modèle des autres garçons de ton âge, qui profitent sans attaches. qui eux ne sont pas régis par ces conneries de love alarm.
sauf que t’as rencontré sookyung. et que si pendant un temps, cet accord platement dénué de sentiments a semblé marcher, le naturel a fini par te rattraper.
bien sûr, tu t’es épris d’elle – et tu penses qu’elle l’était également, sincèrement. mais pas assez pour se montrer honnête. et lorsque t’as découvert que depuis le premier jour elle te mentait sur un peu trop de choses, t’as été heurté de réaliser que t’avais, une fois de plus, été pris pour un con. trop pour réussir à lui pardonner.
et cette fois, c’est décidé, tu tires un trait sur les histoires d’amour.
(c’est ce que tu t’efforces de te répéter, en tout cas.)



elle a un jour poussé la porte de la boutique de vinyles, peu après ton retour à busan – elle avait une assurance que tu n’as pas, et des tatouages pleins les bras.
c’est rapidement devenue une amie – une très bonne amie –, mais surtout, c’est elle qui t’a autorisé à briser les barrières que tu érigeais devant tes rêves.
elle t’a emmené chez le tatoueur pour qui elle travaillait, t’a permis de faire tes premiers pas dans cet univers qui t’a si longtemps fait rêver. c’est lui qui te fera ton premier tatouage, et tant d’autres après ; c’est lui qui acceptera de te prendre en apprentissage lorsque, tes études d’économie terminées et incapable de te résoudre à épouser la carrière que ta famille te rêvait, t’as décidé de sauter le pas.
cela impliquait de leur mentir. pendant des mois, t’as préservé l’illusion – prétendant avoir trouvé un petit poste dans une banque de la ville, prenant soin de dissimuler ton épaule tatouée sous le coton de tes t-shirts. mais un jour tes précautions ont flanché, ta mère a remarqué l’encre noire qui ornait ta peau, et t’as bien été forcé de dérouler toute la vérité.
elle a pleuré, sans surprise, a mentionné le déshonneur que tu apportais sur votre famille, et t’a traité d’ingrat de cracher ainsi sur tous leurs sacrifices. elle t’a demandé de choisir entre retrouver une vie convenable et quitter la maison, et après avoir si longtemps étouffé sous la pression, après avoir si bien connu la sensation de foncer droit dans le mur pour seulement les contenter, t’as finalement plié bagage.
pour la première fois de ta vie, tu t’es choisi toi plutôt que ta famille.


NANA

daewon parti à l’autre bout du monde, et désormais exclu de toute vie familiale, tu t’es retrouvé seul, minho. heureusement, fidèle à lui-même, ton meilleur ami t’est venu en aide. il a offert de te sous-louer son pied-à-terre à busan, et pour mieux apprivoiser cet appartement trop grand et trop luxueux pour toi seul, tu as proposé à hyunki, votre ancien compagnon de service militaire, de te rejoindre.
demeurait une chambre vide.
vous avez posté une annonce, et c’est là qu’elle s’est présentée.
nana.
vous aviez pourtant demandé un coloc masculin, car hyunki disait que cela vous éviterait bien des problèmes – mais nana était si jolie, nana semblait si gentille que tu n’as pu que plaider en sa faveur face à ton ami renfrogné.
elle était si douce – tu le sais, elle aurait été parfaitement ton genre si tu cherchais encore ce genre de relations.
mais hyunki a posé une condition claire à sa venue au sein de votre microcosme – il ne se passera rien, que ce soit entre eux ou entre vous. jamais. et minho, ça te va, car tu ne veux plus te laisser prendre au piège de ce genre de relations. alors vous passez ce pacte dont nana ignore jusqu’à l’existence.
et doucement, elle prend ses marques à vos côtés.
trouve sa place dans cette colocation bancale.
peu à peu, tu t’habitues à la trouver à la table du petit-déjeuner,
à la croiser lors de tes insomnies chroniques, les yeux rouges d’avoir trop joué,
à entendre ses cris de frustration traverser les murs de sa chambre lorsque sa partie de sims décide de planter.
peu à peu, tu prends goût à sa présence dans votre vie.
dans ta vie.
un peu trop,
suffisamment pour que tu te prennes à souhaiter que jamais hyunki ne trouve moyen de connaître tes pensées.