Et quand il suffoque, que la douleur devient trop lourde à porter sur ses épaules, ses prunelles s’étendent à l’infini vers les cieux obscurcis. Les lippes s’étirent en un fin sourire, l’oxygène paraît manquer, pourtant, quand il essaie d’inspirer à fond. Reoh lève une main, désireux de caresser les astres, leur murmurer qu’ils sont les plus beaux, les moins fatigués. Toutefois, il sait que des milliers d’étoiles meurent à chaque seconde. Qu’elles sont toutes innommables car si éphémères.

Et la tienne, la plus brillante, où est-elle ?
Leah.

Dents qui viennent mordiller la lèvre inférieure lorsque le cœur a cette envie oppressante d’exploser ; de se répandre et se déverser. Sur ses cuisses, ses mains se referment en deux poings, pour éviter de pleurer alors qu’il est entouré de tous ces visages. Les lueurs du plafond s’agitent, Reoh a fini son exposé pour cette classe venue se renseigner. C’est son métier. Toutes ces étoiles-là, elles n’existent pas. Pas vraiment.
On le remercie, on lui dit qu’on reviendra une autre fois. Reoh les croit, acquiesce, les remercie aussi de l’avoir écouté. C’est important. Et puis il finit par retourner à son bureau, prendre ses affaires et, devant le planétarium, il est attendu. Son petit ami lui fait signe, s’avance vers lui, l’embrasse sur la tempe et lui dit qu’il semble épuisé.

Je suis désolé.
Tu n’es pas celui que moi j’ai toujours attendu.

Mais Reoh promet que ça va aller. La journée a seulement été un peu trop longue. Maintenant qu’ils sont tous les deux, depuis plusieurs mois, malgré tout, les battements se sont apaisés.
Reoh n’avouera pas combien il pense à lui. Selyan. Combien il lui manque et toutes ces choses interdites de songer quand on est quand même tomber sous le charme d’un autre, quand on partage une vie avec et que les mots ont réussi à guérir certains maux. Reoh n’avouera pas non plus combien il pense à elle. Leah. Combien elle lui manque, sa sœur jumelle, depuis toutes ces années où elle a été renversée. Un accident. Un maudit accident. Cette plaie demeure béante, lacérant son myocarde un peu plus chaque jour. Reoh n’avouera pas non plus, en longeant la patinoire de la ville, combien ça lui manque. Cette passion qu’il avait pour le patinage, cette blessure au genou qui l’a empêché de réaliser ce rêve.

Mais je te promets, je te promets encore, que je ferai de mon mieux.

Jusqu’à ce que ses yeux rencontrent à nouveau les siens.
Reoh l’a toujours aimé, Selyan. Il est tombé amoureux, a fait des choses dont il n’est pas fier. Il s’est rapproché de lui, acceptant une relation basée sur le sexe, sans jamais avouer ses sentiments. Jusqu’à ce que sa jalousie explose, qu’il s’offre en spectacle ; que tout finisse par s’écrouler le jour où Selyan lui a déclaré vouloir y retourner. Reoh a joué à l’égoïste. Reoh lui a demandé de rester, mais il est parti.

Tu veux sauver les autres, mais tu ne te laisses pas te faire sauver toi.
J’aurais voulu être l’homme dont tu aurais eu besoin.

Alors, accroché au bras de son petit ami, Reoh répond à son sourire tandis qu’à l’arrière des nuages s’illumine l’astre lunaire. Comme un secret bien surveillé, comme une histoire que l’on se crée ; un conte merveilleux pour effacer le sad end.